éditorial
rédacteur en chef
Nul doute que la profession et la prothèse odontologique en particulier vont prendre un virage, en 2014, vers un avenir peu rassurant.
Depuis quelques mois, on voit se dégrader la situation des professions libérales médicales, avec en première ligne l’odontologie qui subit de plein fouet, outre les conséquences de la crise économique, celles des lois Le Roux, Fourcade et autres avenants, lois votées dans l’indifférence générale des médias mais lourdes de...
Nul doute que la profession et la prothèse odontologique en particulier vont prendre un virage, en 2014, vers un avenir peu rassurant.
Depuis quelques mois, on voit se dégrader la situation des professions libérales médicales, avec en première ligne l’odontologie qui subit de plein fouet, outre les conséquences de la crise économique, celles des lois Le Roux, Fourcade et autres avenants, lois votées dans l’indifférence générale des médias mais lourdes de conséquences.
Désormais, le détournement de clientèle par les organismes complémentaires est légal : de fait, un nombre de plus en plus important de patients sont invités, pour avoir de meilleures prestations, à choisir parmi une liste de praticiens pratiquant des tarifs « ne dépassant pas la moyenne régionale… » et, surtout, faisant partie du « réseau de soins » de ces organismes. Sinon, pour un traitement global important, le praticien « libéral » est invité par courrier à fournir des radiographies, des photographies initiales (expérience vécue récemment). Renseignements pris, ces mutuelles se sont dotées de « conseillers » (chirurgiens-dentistes) qui, sans que l’on puisse connaître les critères de leur jugement ou leurs références professionnelles pour ce faire, peuvent s’autoriser à remettre en cause votre projet prothétique !
Que penser de pareils agissements ? Pour des praticiens qui ont acquis une solide expérience en prothèse et la confiance totale de leurs patients au cours d’une longue pratique, cela ne pose pas de problème, mais quelle attitude vont pouvoir adopter les jeunes diplômés, qui se sont endettés pour installer un plateau technique de qualité, face à de telles pressions, à cette concurrence déloyale et, surtout, à des patients qui sont conduits, de la sorte, à douter de leur compétence ?
Cette année 2014 va être également marquée par la mise en pratique, humiliante, incompréhensible, du devis conventionnel qui, il faut le rappeler, est depuis janvier 2013 une obligation législative, réglementaire et conventionnelle :
– humiliante car nous allons être les seuls professionnels français qui vont devoir « justifier » le montant de la rémunération de leur travail en intégrant à leurs devis des extraits de leur déclaration de revenu ;
– incompréhensible pour le patient qui continuera à ne porter son attention que sur le montant des honoraires à régler et sur celui des prises en charge par l’assurance maladie et les complémentaires santé. Pour preuve, la nécessité de porter au verso du devis une notice explicative dont le dernier paragraphe montre qu’elle est insuffisante. En voici le principal extrait : « Ce devis vous informe des traitements proposés par votre chirurgien-dentiste. Il précise notamment le prix de vente du dispositif médical sur mesure proposé, correspondant au coût d’élaboration du dispositif médical incluant certaines charges du cabinet (A), le montant des prestations de soins assurées par le praticien lors du traitement (B1) ainsi que le montant des autres charges de structure du cabinet (B2). Les honoraires (C = A + B1 + B2) correspondent à la somme de ces trois montants. En outre, le devis précise le montant restant à votre charge avant remboursement par votre organisme complémentaire, si vous en avez un » ;
– incompréhensible pour le praticien au vu de la complexité de la mise en oeuvre : mission impossible sans expert-comptable, sans facture globale de votre laboratoire pour un acte prothétique (est-ce possible dès ce stade de prévoir les coûts pour une prothèse composite : porte-empreinte individuel, maquette (s) d’occlusion, attachements, dents prothétiques… ?) ;
– incompréhensibles les motivations de ceux qui ont engagé la profession dans une telle situation. Seul le législateur doit être satisfait car, pour satisfaire au cahier des charges créé par les politiques, les mutuelles, les représentants de « consommateurs »…, il a pris en compte tous les cas de figure : exercice en SELARL, repreneur d’un cabinet, nouvel installé, collaborateur, CFAO… Demeure le problème posé par les centres de soins mais, à n’en pas douter, la solution va apparaître prochainement. Si l’on ajoute le passage obligé à la nomenclature CCAM passablement chronophage, vous en conviendrez, l’année 2014 va se révéler comme la plus difficile que l’on ait connue depuis des décennies… avec ce virage inéluctable vers le développement des déserts médicaux et le nivellement par le bas de la qualité des soins. Comment réagir pour éviter le pire à la jeune génération de praticiens et… à nos patients ? La résignation ? Trop triste… La révolte ? Trop violent…
Alors faudra-t-il, comme chaque année, attendre le beaujolais nouveau aux effluves de fruits rouges et le goût amer dans la bouche des passionnés de prothèse odontologique pour voir bouger les lignes ?