Prothèse fixée
Michel Bartala* Katy Coly-Canderatz** Julien Brousseaud***
*MCU-PH
Département prothèses
UFR d’odontologie
Université Bordeaux Segalen
**ancienne AHU
Département de parodontologie
UFR d’odontologie
Université Bordeaux Segalen
***ancien AHU
Département de prothèses
UFR d’odontologie
Université Bordeaux Segalen
La prothèse fixée est en contact étroit avec le parodonte. Il est important d’évaluer de façon précise le type de parodonte avant de commencer un traitement prothétique. Chaque fois que cela est possible, la prothèse doit pouvoir se situer à distance du parodonte, les limites intrasulculaires étant réservées aux zones esthétiques. Dans cet article, les différents paramètres de l’intégration parodontale d’une prothèse fixée sont abordés en mettant en avant le respect du parodonte dans les différentes étapes de la prothèse fixée.
The fixed prosthesis is in close contact with the periodontium. It is important to accurately assess the type of periodontal before starting a prosthetic treatment. Whenever possible, the prosthesis must be located away from the periodontium, subgingivally finishing lines must be reserved for aesthetic area. In this article, the different parameters of the periodontal integration of a fixed prosthesis are discussed highlighting the periodontal preservation in different stages of the fixed prosthesis.
La réalisation d’une prothèse consiste en la mise en place d’un élément artificiel étranger à l’organisme qui doit tendre vers la restauration de l’ensemble des fonctions initiales de l’organe (ou des organes) remplacé (s) en respectant les tissus environnants. Les concepts en prothèse dentaire fixée ont considérablement évolué ces dernières années. L’évolution des techniques de collages et des matériaux prothétiques, notamment des céramiques, ont mis en avant des principes de gradients thérapeutiques [1] de moindre mutilation avec des matériaux aux capacités de biocompatibilité augmentées. Malgré cette évolution, il subsiste encore des situations cliniques où la nécessité de positionner des limites en situation intrasulculaire amène le praticien à approfondir sa réflexion et modifier son attitude thérapeutique pour permettre l’intégration parodontale de la restauration prothétique. Cette intégration (couronne, bridge), qui doit permettre la conservation d’un parodonte sain en regard de l’élément prothétique fixé, peut donc se définir comme la capacité d’une prothèse fixée à remplacer une ou plusieurs dents absentes dans leurs fonctions sans altérer leur environnement. Cette intégration sous-entend, notamment, un respect des tissus parodontaux et donc l’absence de réactions pathogènes immédiates ou différées en regard de cette prothèse. Ces réactions, le plus souvent de type inflammatoire, sont toujours la conséquence d’une approximation dans la réalisation ou la conception (fig. 1). Le pink esthetic score, défini initialement par Fürhauser et al. en 2005 [2] dans le cadre de la prothèse implantaire, peut s’appliquer aussi dans celui de la prothèse sur dent naturelle pour déterminer son intégration biologique. La couleur et la texture gingivale bordant les prothèses sont en effet des révélateurs de l’intégration biologique de la prothèse. La présence de phénomènes inflammatoires signe un défaut d’intégration prothétique [3]. Cette intégration prothétique sans phénomènes inflammatoires reste un véritable défi technique dans le cas de limite intrasulculaire.
C’est pourquoi la prise en compte de cette intégration est à planifier d’emblée d’un point de vue biologique et d’un point de vue esthétique dans les secteurs visibles. Cette évaluation doit intervenir en définissant, au stade préprothétique, plusieurs étapes dans la démarche thérapeutique :
– une analyse préthérapeutique évaluant la situation et les difficultés éventuelles ;
– un aménagement parodontal si nécessaire au niveau des tissus mous et/ou osseux ;
– un respect des tissus parodontaux lors des différentes étapes prothétiques, de la préparation à la mise en place de la prothèse.
Le but de cet article est de mettre en évidence ces trois critères de réussite pour guider le praticien dans l’établissement des séquences préprothétiques qu’il projette de soumettre au patient pour assurer un environnement sain aux restaurations fixées. La pérennité des conditions biologiques optimales obtenues est étroitement liée à la conception des prothèses et au choix des techniques de réalisation. C’est pourquoi il a semblé important de proposer, dans la dernière partie, une démarche cohérente pour aborder avec sécurité les différentes étapes cliniques et atteindre les objectifs définis.
Cette analyse initiale doit définir plusieurs critères qui vont avoir un retentissement sur le déroulement du traitement et sur les options thérapeutiques.
Le traitement prothétique ne peut se concevoir que sur un parodonte sain ou assaini. L’utilisation systématique d’une sonde parodontale lors de ce premier examen permet d’évaluer l’état parodontal, la présence ou non de poches (fig. 2) et l’épaisseur du parodonte, notamment dans la zone sulculaire. De façon pratique sans entrer dans les classifications de maladies parodontales, d’un point de vue prothétique il est important d’évaluer le parodonte à deux niveaux.
Il faut déterminer le biotype parodontal (fig. 3). En effet, en présence d’un parodonte « fort », les différentes manœuvres prothétiques peuvent s’effectuer avec un risque limité de conséquences parodontales, alors que dans un contexte de parodonte fin, la moindre agression ou irritation a des répercussions immédiates (inflammation, récession…). La mise en place d’une sonde parodontale dans l’espace sulculaire et sa visibilité peuvent être un élément permettant de déterminer, par une première approche, à quel biotype parodontal on a affaire [4].
L’évaluation de la distance entre la future limite prothétique et l’os alvéolaire détermine la possibilité de respect de l’espace biologique. La gencive a besoin d’environs 2 mm pour « s’attacher » sur les parois radiculaires et assurer la barrière hermétique avec le milieu intrabuccal, notion d’espace biologique défini par Gargiulo et al. en 1961 [5]. Toute proximité entre un rebord osseux et une limite prothétique et toute violation de cet espace biologique amènent une réaction inflammatoire (fig. 4) favorisant une infiltration bactérienne. Si la radiographie peut permettre de déterminer au niveau proximal cette distance entre le rebord alvéolaire et la future limite prothétique, dans les zones vestibulaires et linguales, le sondage osseux sous anesthésie locale décrit par Kois [6] reste souvent nécessaire.
L’évaluation de la quantité d’os est aussi en relation avec un autre paramètre dans l’évaluation thérapeutique préprothétique qui est le « rapport couronne clinique/racine clinique ».
Une revue de littérature médicale [7] semble vouloir montrer que ce rapport n’est qu’un paramètre dans une analyse globale de la dent en tant que support prothétique. Si classiquement, pour une coiffe unitaire, on estime que le rapport 1/1 est le minimum souhaitable, dans le cadre d’un parodonte sain ou assaini et d’une occlusion dite maîtrisée, la mobilité de la dent et son implication dans une thérapeutique globale sont notamment des paramètres pouvant justifier ou non sa conservation même parfois avec des rapports dits défavorables [8].
Cette analyse permet de définir dès le début du traitement « l’intimité » du rapport à créer entre la prothèse et le parodonte. En effet, dans des zones non visibles, la situation de la limite prothétique peut et doit se trouver à distance du parodonte et donc respecter totalement son intégrité. Cette situation supra-gingivale est la plus favorable [9] car elle limite les interventions, notamment sur les tissus mous en cas de parodonte fin (fig. 5). Les seuls paramètres complémentaires aux facteurs « visibilité, esthétique » pouvant modifier la position de la limite prothétique sont :
– un délabrement par atteinte carieuse ou par fracture des tissus dentaires nécessitant la mise en place de limites prothétiques au-delà de ces zones de délabrement ;
– un manque de hauteur nuisant à la rétention prothétique. Une hauteur minimale de 4 mm [10] est généralement requise donc, en cas de faible hauteur coronaire, un supplément de rétention peut être recherché en amenant la limite prothétique en situation intrasulculaire.
Un autre paramètre à prendre en considération est d’ordre psychologique, certains patients souhaitant même dans des zones non visibles lors des rapports sociaux, avoir des coiffes prothétiques qui émergent de la gencive. Des explications préalables par le praticien argumentant sur la réelle visibilité de la limite prothétique sont souvent nécessaires pour parvenir à convaincre ces patients de privilégier l’aspect biologique. Actuellement, on peut considérer que la très grande majorité des limites dans les secteurs postérieurs peuvent être réalisées en situation supra-gingivale ou juxta-gingivale. Ces situations, préservant le parodonte, facilitent également l’ensemble des manœuvres prothétiques (préparation, empreinte, scellement ou collage…) et le contrôle de plaque par les patients. Dans les secteurs antérieurs avec l’utilisation de joint céramique-dent pour les éléments céramo-métalliques ou de coiffes tout céramique, ou encore de facettes, il est possible de réaliser des limites juxta-gingivales. Cependant, dans le cas de sourires fortement gingivaux ou d’exigences particulières du patient, il est parfois nécessaire de positionner la limite en situation intrasulculaire. Dans ce cas, un parodonte épais ou renforcé doit être le préalable à tout acte prothétique.
Une fois cette analyse réalisée, une thérapeutique est à mettre en œuvre dans les différentes situations où au moins un paramètre est jugé « défavorable ».
D’un point de vue prothétique, lorsque le parodonte est sain, les tissus gingivaux peuvent être considérés comme défavorables pour la réalisation d’une coiffe si et seulement si la situation de la limite prothétique est intrasulculaire et que le parodonte est d’un biotype fin ou intermédiaire. Il n’est nul besoin de renforcer un parodonte pour des raisons prothétiques (des raisons autres que prothétiques peuvent justifier un renforcement en même temps que la pose de la prothèse) dès le moment où l’ensemble de la limite est à distance du parodonte. Comme précisé ci-dessus, une limite intrasulculaire n’est qu’un compromis thérapeutique pour satisfaire à des exigences esthétiques ou de rétention [11]. En effet, la présence de gencive attachée épaisse et de hauteur suffisante (classiquement 3 mm) est nécessaire uniquement dans les zones à vocation esthétique pour limiter les risques de récession face aux agressions que représentent le choix d’une limite intrasulculaire et les techniques d’accès au sulcus pour les empreintes. Pour ces types de limites, la greffe gingivale doit être envisagée chaque fois que les tissus muco-gingivaux sont insuffisants (en épaisseur ou en hauteur de gencive attachée) (fig. 6). La technique utilisée sera fonction du résultat recherché, les greffes épithélio-conjonctives étant si possible évitées dans les secteurs à vocation esthétique. Dans une revue de littérature sur l’importance de la gencive attachée, Mehta et Lim semblent apporter plus d’importance au volume de cette gencive attachée qu’à sa hauteur [12]. De ce fait, si la greffe de tissu conjonctif reste une référence, l’apport de nouveaux matériaux, par exemple le Mucograft® (Geistlich), pouvant éviter le prélèvement palatin est à suivre avec intérêt [13] en dépit de leur coût qui constitue, actuellement, un frein à leur utilisation.
Il a été montré depuis longtemps que le positionnement de la limite prothétique a une influence certaine sur la santé parodontale [14] Si ces limites se situent trop apicalement au niveau sulculaire, des lésions irréversibles se produisent, l’espace biologique de 2 mm en moyenne [5] correspondant aux dimensions histologiques de l’attache épithélio-conjonctive sur les tissus dentaires. La fonction physiologique de cette attache semble être la création d’une barrière protégeant le ligament et l’os alvéolaire sous-jacent [15]. Cet espace doit donc être respecté lors de la réalisation des différentes étapes prothétiques. D’un point de vue clinique, il est souhaitable qu’une distance minimale de 3 mm existe entre la limite prothétique et le rebord alvéolaire. La violation de cet espace peut survenir, notamment lorsque la limite prothétique ne suit pas la marge gingivale, en particulier dans les zones proximales, ou lorsque la destruction des tissus dentaires (par carie ou fracture) dépasse ou jouxte le fond du sulcus et qu’aucun aménagement préthérapeutique n’a été réalisé (fig. 7).
En clinique, l’évaluation de cet espace peut se faire de deux façons :
– par évaluation radiographique limitée aux seules zones proximales (fig. 8) ;
– par sondage après anesthésie locale, permettant une évaluation périphérique de la distance entre le rebord gingival et le rebord osseux (fig. 9).
Lorsque des situations cliniques nécessitent un déplacement apical du niveau de l’attache épithélio-conjonctive pour préserver l’espace biologique, classiquement deux thérapeutiques sont à la disposition du praticien.
Ces techniques nécessitent la réalisation d’une plastie osseuse de type ostéoectomie pour retrouver l’espace entre la limite prothétique et la crête alvéolaire (fig. 10). Lorsque l’indication de ce type de technique chirurgicale est posée, il semble nécessaire actuellement d’évaluer le rapport bénéfice/risque entre la possibilité de réaliser une technique d’extraction implantation immédiate et l’élimination de parois osseuses avec une technique chirurgicale d’allongement coronaire. Un paramètre important, qu’il convient notamment de prendre en considération pour déterminer la quantité de tissu osseux à réséquer, est l’épaisseur de la paroi dentaire résiduelle permettant la réalisation d’une zone de cerclage cervical efficace limitant les risques de fracture radiculaires [16] (fig. 8).
Cette technique est très intéressante, en particulier dans le secteur antérieur chaque fois qu’une seule dent est concernée par une nécessité d’aménagement préprothétique. En effet, elle permet de préserver l’alignement des collets gingivaux entre la dent concernée et les dents adjacentes. Afin de conserver un aspect plus esthétique pour les secteurs antérieurs maxillaires durant la phase orthodontique, il est possible d’utiliser des systèmes de traction palatine avec ancrage sur les premières molaires. Des auteurs proposent une méthode plus « rapide » avec un déplacement chirurgical de la dent en direction occlusale [17]. D’après leur expérience clinique, cette technique présenterait beaucoup d’avantages car elle serait plus rapide qu’une extrusion orthodontique conventionnelle, plus économe en tissu osseux qu’une technique d’allongement coronaire traditionnelle, avec un résultat équivalent.
Si le parodonte doit être préservé dans les réalisations prothétiques, des précautions spécifiques doivent être essentiellement mises en œuvre dans les situations de limite intrasulculaire.
Dans cette situation, lors des étapes de préparation, la mise en place d’un système permettant le respect du parodonte est nécessaire. Cette protection peut se réaliser par la pose d’un fil utilisé normalement dans les techniques d’accès au sulcus pour servir de protection et/ou par l’utilisation d’inserts ultrasonores [18] (fig. 11).
Après la préparation, la mise en place d’une coiffe provisoire est une étape essentielle pour permettre une cicatrisation intrasulculaire avec un minimum de réaction tissulaire de type récession ou inflammation. La coiffe provisoire a un rôle important dans la préservation de la santé parodontale. Elle peut déclencher une réaction inflammatoire, rendant la phase d’empreinte impossible si elle présente des défauts d’adaptation, de polissage ou d’émergence. Ainsi, il est important que :
– la prothèse provisoire montre un ajustage équivalent à celui de la coiffe d’usage ;
– le polissage de la résine soit minutieux et permette de limiter la rétention de la plaque bactérienne [19, 20]. Dans le cas de réalisation anticipée des coiffes, il est important de demander au laboratoire de prothèses de réaliser les coiffes provisoires en léger surcontour pour que la résine de rebasage soit totalement incluse dans la coiffe de laboratoire, permettant ainsi au praticien de régler directement l’émergence prothétique après polymérisation (fig. 12).
La phase critique pour le parodonte est représentée par la technique d’accès au sulcus. Dans le cas de parodonte fort ou renforcé par des greffes, toutes les techniques d’accès au sulcus par déflexion (technique utilisant un ou deux cordonnets, technique par injection de pâtes) ou par éviction tissulaire (curetage utilisant des fraises, un bistouri électrique ou un laser…) peuvent être utilisées. Notre préférence se porte vers les techniques par déflexion qui semblent plus « douces » dans les secteurs antérieurs à forte implication esthétique. Dans les cas de parodonte fin ou intermédiaire, on privilégie les techniques utilisant des pâtes injectées de type Expasyl™ (Acteon) ou ARP Cap (Astringent Retraction Paste, 3M ESPE). En effet, ces techniques génèrent une moindre pression sur les tissus marginaux, limitant les agressions tissulaires [21].
Lors d’un traitement sur un parodonte intermédiaire, l’injection de ces pâtes peut être précédée par la mise en place d’un fil triple 0 au fond du sulcus. Ainsi, la présence de ce fil laissé durant l’empreinte permet une meilleure détermination de la limite prothétique par le prothésiste de laboratoire (fig. 13). Il est toujours préférable, dans le cas de parodonte fin et quand le patient est coopérant, de renforcer ce parodonte avant toute « agression » prothétique. Il faut noter que sur des parodontes fins, il est préférable de ne pas réaliser d’empreinte produisant de fortes compressions du type wash technique.
De l’empreinte à la réalisation prothétique, toutes les étapes doivent être d’une grande rigueur pour contrôler les variations dimensionnelles potentielles des différents matériaux utilisés. En ce sens, l’utilisation grandissante des techniques d’empreinte numériques et de réalisation assistée par ordinateur peuvent laissent envisager des restaurations de plus en plus précises favorisant l’intégration parodontale.
Le profil d’émergence prothétique est souvent envisagé essentiellement dans sa composante vestibulaire. Il nous semble que si celle-ci représente un paramètre essentiel dans le secteur antérieur pour donner l’illusion du naturel, les composantes proximales de l’émergence prothétique sont des facteurs primordiaux dans le positionnement de la prothèse sans risque de compression papillaire. Les papilles doivent pouvoir venir se loger contre les surfaces prothétiques sans aucune contrainte latérale. En effet, des morphologies prothétiques proximales trop convexes peuvent entraîner des compressions à l’origine d’inflammation et de rétraction des papilles [22]. Pour pouvoir donner ces informations au laboratoire, il est souvent utile, voire impératif dans des restaurations plurales avec des limites prothétiques intrasulculaires, de réaliser une technique de double empreinte [23]. Dans cette technique, une première empreinte utilisant des moyens d’accès au sulcus est prise. Le but de cette empreinte est d’enregistrer les contours dentaires et les limites prothétiques. Le prothésiste de laboratoire peut alors détourer les modèles positifs unitaires et réaliser les chapes (fig. 14a). Pour permettre au parodonte marginal de retrouver sa position « naturelle », on attend un minimum de 2 semaines pour pouvoir intervenir à nouveau. Les chapes sont alors essayées et validées dans leur adaptation. Puis elles sont positionnées en bouche et stabilisées sur les préparations avec soit un matériau d’empreinte de basse viscosité, soit un matériau pour essayage de chape type Fit Checker® (GC). Une empreinte des chapes en place, sans technique d’accès au sulcus, est alors réalisée, donnant ainsi au prothésiste la position et la morphologie exactes de la gencive marginale. Celui-ci réalise ensuite une fausse gencive soit en silicone soit en plâtre, ce qui lui permet de disposer de toutes les informations pour la sculpture de la morphologie coronaire (fig. 14b à 14g).
Les réglages prothétiques lors de l’essayage des biscuits de céramique et de la séance de pose doivent évidemment prendre en considération l’intégration occlusale de la prothèse (fig. 14h et 14i). Les réglages cliniques contrôlent que cette prothèse n’engendre pas pour la ou les dents supports de forces excessives dans l’occlusion d’intercuspidie maximale et ne crée pas de forces latérales nocives lors des différents mouvements excentrés ainsi que lors des cycles masticatoires. Ces forces latérales excessives, notamment lors des cycles masticatoires, semblent pouvoir être à l’origine de perturbations parodontales importantes comme des fontes osseuses (notion de trauma occlusal). Actuellement, des recherches plus précises tentent de mettre en avant le réel rôle de l’occlusion dans ces pertes osseuses [24].
Le mode de jonction entre la prothèse fixée et la dent peut aussi être un élément favorisant l’inflammation gingivale. En effet, la composition du mode de jonction est un facteur essentiel dans la présence de microrugosités pouvant être à l’origine d’irritation mécanique parodontale et pouvant favoriser la rétention de plaque bactérienne. Dans une étude in vitro [25], les auteurs montrent que selon ce critère, les ciments composites sont les plus performants, avec des porosités de l’ordre de 20 nm, et les ciments polycarboxylates sont les plus poreux. Dans cette étude, les ciments sont tous spatulés manuellement ; or, on peut penser que le malaxage mécanique donne des produits plus homogènes. Il semble donc préférable d’utiliser des produits contenant une base résineuse se présentant sous forme de capsule à vibrer ou de seringue avec embout automélangeur. Il faut apporter une attention particulière à l’élimination minutieuse des excès de ciment quelle que soit sa nature car ceux-ci, notamment dans le cas de limites intrasulculaires, peuvent entraîner l’apparition de lésions parodontales importantes. En effet, une étude récente [26] réalisée sur différents ciments utilisés en implantologie (ciment temporaire, ciment oxyphosphate de zinc, ciment résineux…) conclut que, dans les conditions expérimentales in vitro utilisées, aucun d’eux ne présente des caractéristiques biologiques (cytotoxicité et adhésion bactérienne de Streptococcus sanguinis et Streptococcus epidermidis) compatibles avec leur utilisation en implantologie. On peut penser que cette observation, dans les conditions expérimentales décrites, peut aussi se rapprocher de l’effet de ces matériaux sur le parodonte de dents naturelles.
La réalisation d’une prothèse fixée doit répondre à des critères d’intégration d’un élément étranger à l’organisme.
Un terrain parodontal favorable est à établir dès le stade préprothétique. Le rapport étroit qui peut exister entre la prothèse fixée et le parodonte peut déclencher des lésions parodontales irréversibles d’origine prothétique lors des séquences d’élaboration et lors de défauts d’intégration. Chaque fois que l’esthétique n’est pas un paramètre prééminent dans la décision thérapeutique, il semble plus important d’avoir une attitude biologiquement responsable en réalisant des reconstructions prothétiques à distance du parodonte. Dans le cas contraire, de multiples précautions sont à prendre pour éviter un effet pathogène des restaurations fixées.