Odontologie Restauratrice
Marc Linez* François Descamp**
*MCU-PH
Sous-section odontologie conservatrice – endodontologie
Université Lille 2
Faculté de chirurgie dentaire
Place de Verdun
59000 Lille
**MCU-PH Sous-section prothèses
Université Lille 2
Faculté de chirurgie dentaire
Place de Verdun
59000 Lille
La perception, la prise de décision et la réalisation des reconstitutions corono-radiculaires ont beaucoup évolué ces 20 dernières années. L’amélioration des techniques de collage intra-radiculaire associée à une recherche d’économie tissulaire maximale a permis le développement de reconstitutions par matériau composite inséré en phase plastique et utilisant un tenon en fibre de verre ou de quartz (RMIPP). Toutefois, les inlay-cores conservent encore des indications bien précises, notamment lorsqu’un mur de dentine cervicale coronaire (ferrule) est insuffisant ou absent. La maîtrise des protocoles de collage permet également de coller les inlay-cores, reconstitutions rigides à module d’élasticité élevé, atténuant ainsi les contraintes du métal sur les tissus radiculaires. Un ciment modifié par adjonction de résine (CVIMAR) peut se substituer à un protocole de collage jugé aléatoire ou non contrôlé par le praticien.
Perception, decision making and implementation of coronal root reconstructions have evolved over the past 20 years. Improved techniques associated intra – bonding into a root with maximum economy of dental tissues offers the possibility to achieve a reinforced composite post and core (FRC). However, cast post and core still retain specific information, specially when the number of residual coronal walls (ferrule) are deficient. The control procedures also allows bonding of the cast post and core which are rigid reconstructions with a high modulus of elasticity, thereby reducing the metal stresses distribution in the root tissues. Sometimes, Resin-Modified Glass Ionomer Cement (RMGIC) can substitute for a bonding procedure. Clinicians must appropriately assess cases prior to committing to a bonding procedure.
Marc Linez est Maître de Conférences dans la sous-section d’odontologie conservatrice-endodontie de la faculté de chirurgie-dentaire de Lille. Comme ses collègues, il enseigne et privilégie, dans sa pratique personnelle, le collage et les techniques de dentisterie adhésive. Il est apparu particulièrement intéressant de débattre avec lui du choix des techniques de reconstitutions préprothétiques corono-radiculaires.
Marc Linez : Commençons par dire que l’inlay-core n’est pas à abandonner totalement. Il garde encore des indications bien précises mais, avec le développement des reconstitutions adhésives, ses indications doivent être reconsidérées. (fig. 1).
M. L : D’une part, le champ d’application des RCR adhésives s’est élargi avec le développement de matériaux dont le comportement biomécanique se rapproche sensiblement de celui des tissus coronaires et radiculaire de la dent dépulpée.
D’autre part, pour pouvoir envisager une RCR qui va utiliser un tenon en fibre de verre ou de quartz, il faut toujours garder à l’esprit qu’il nous faudra, dans nos préparations, avoir un respect le plus total des tissus et par conséquent une économie tissulaire maximale. En effet, plus on perd ou plus on élimine la dentine coronaire, moins on se place dans les indications d’une Restauration avec Matériau Inséré en Phase Plastique (RMIPP) fibrée.
M. L : Oui, au départ, à la fin des années 1980, les premiers composites à tenon représentés par le système Composipost(r) ont entraîné des échecs, notamment à cause du système de collage qui était inadapté à un collage radiculaire efficace. Depuis, les matériaux, tant au niveau des matériaux de reconstitution que des colles qui servent à assembler les différents matériaux entre eux ont bien évolué et nous permettent désormais d’atteindre des valeurs d’adhésion très importantes. De nombreuses études montrent maintenant que ces RCR engendrent beaucoup moins de fractures radiculaires que les inlay-cores, pour peu que les indications soient bien posées. De plus, si cette complication se manifeste, la perte de la dent n’est pas irrémédiable [1].
M. L : Tout d’abord, avoir une limite cervicale supra voire juxta gingivale dans certains cas, avec la possibilité de poser un champ opératoire étanche. C’est la première exigence à respecter puisqu’il faut réaliser un collage et que tout collage doit être réalisé dans des conditions d’étanchéité maximale.
M. L : Donc, digue obligatoire ! Dans certains cas, la pose de la digue devra être un peu « sophistiquée » pour assurer des conditions de collage optimales. On utilisera volontiers des CVIMAR sous forme Flow [1] pour combler efficacement et durablement les petits défauts d’herméticité en périphérie (fig. 2).
M. L : Sélectionner des situations où l’on a économisé le maximum de tissu coronaire et notamment les cas où cette préservation permet d’obtenir ce que les anglo-saxons appellent le « ferrule effect », ou effet virole. Il s’agit de la conservation d’un contour coronaire dentinaire cervical périphérique le plus important possible, tant en termes de hauteur que de largeur [2, 3]. Cette précaution permet d’optimiser la pérennité de ce type de reconstitution ; Il s’agit d’un véritable mur de dentine périphérique qui joue un rôle d’absorption et de diffusion des contraintes occlusales, notamment les contraintes en flexion responsables de fractures irrémédiables. On peut néanmoins avoir une virole partielle avec 2 ou 3 parois de valeur inégale car l’économie tissulaire reste prépondérante (fig. 3) [4].
M. L : Oui, et je rebondis sur la question précédente. Plus on garde de tissu coronaire, plus on gagne en résistance, notamment en flexion sur les incisives et canines ou même en compression sur les molaires. On gagne donc en solidité. Si on réalise une couronne tout céramique, c’est que l’on se trouve dans une optique d’esthétique optimale, et donc, là encore, les reconstitutions collées fibrées vont particulièrement trouver leurs indications puisqu’un inlay-core arrête la transmission de la lumière et donne un résultat esthétique certes satisfaisant, mais vraisemblablement inférieur à celui d’une reconstitution collée (fig. 4, 5, 6 et 7, 8).
M. L : Non, il n’y a pas de préférence à donner à un secteur particulier. Il faut toujours partir de la même réflexion : « que reste-t-il comme tissu au niveau coronaire et puis-je réaliser un collage dans les meilleures conditions possibles ? ». Si ces 2 questions obtiennent une réponse positive, alors il faut envisager ce type de reconstitution collée à tenon fibré (fig. 9).
M. L : Oui, on doit toujours anticiper la future préparation coronaire périphérique. Cela dit, il faut d’abord penser à conserver le maximum de tissu coronaire et faire, chaque fois que la situation le permet, la reconstitution avant la préparation périphérique. Cette stratégie permet de rester dans des conditions de collage optimales. Si l’on fait le contraire, on risque de se retrouver dans des conditions de réalisation difficiles, voire impossibles (fig. 10 et 11) [5].
M. L : Je pense qu’il y a 2 types de situations. D’abord, la situation qui ne souffre d’aucun doute : on peut tout de suite choisir la RCR. Ensuite, il y a la situation qui nécessite une réflexion, où rien n’est sûr. Cette situation est plus fréquente lorsque l’on est amené à retraiter endodontiquement des dents déjà couronnées puis à les reconstituer. Dans ce cas précis on a déjà perdu une quantité parfois non négligeable de tissus coronaires suite à la première thérapeutique prothétique. C’est là que, peut-être, l’affinité du praticien pour tel ou tel type de préparation le fera opter pour la RCR fibrée ou l’inlay-core. Rigueur dans le protocole et confiance aux techniques de collage maintenant éprouvées sont indispensables.
M. L : Tout ce qui concerne les protocoles de collage est particulièrement praticien-dépendant. Néanmoins, on peut également choisir de coller ses inlay-cores [6]. Dans ce cas précis, on est souvent confronté à une « ferrule » quasi inexistante. De manière générale, il faut impérativement favoriser le collage dès que la situation le permet. Il est communément admis que la mémoire élastique de la colle participe à l’absorption des contraintes et que le collage d’une reconstitution constitue avec la dent une nouvelle entité, plus résistante que dans le cas d’un scellement qui ne fait que réunir deux éléments sans renforcer quoi que ce soit. C’est pourquoi la RMIPP fibrée représente une réelle évolution par rapport aux inlay-cores, au même titre que le collage de ceux-ci lorsqu’ils sont envisagés [7].
M. L : Oui, mais dans une moindre mesure car le CVIMAR ne constitue qu’un scellement adhésif en raison de l’adhésion chimique naturelle du ciment verre ionomère sur la dentine. D’ailleurs, pour potentialiser les valeurs d’adhésion, un traitement de la dentine par de l’acide polyacrylique est fortement recommandé. Par conséquent le CVIMAR est un intermédiaire entre la colle et le ciment traditionnel qui ne devrait plus être utilisé.
Néanmoins, lorsque les conditions de collage paraissent aléatoires, il est préférable d’utiliser un CVIMAR beaucoup plus tolérant. En effet, en cas de contamination lors d’un collage, les conséquences s’avéreront désastreuse par la suite.
M. L : Chaque fois que je suis dans des conditions favorables, je les colle !
M. L : C’est difficile à évaluer, cela dépend du contexte clinique. Mon optique est de coller dès que c’est possible, mais pas n’importe comment.
M. L : Voilà, si j’ai un doute, je choisis un CVIMAR. D’ailleurs, je tiens à rappeler que les tenons fibrés ne doivent jamais être scellés au CVIMAR, mais doivent toujours être collés.
M. L : De tous temps on a cherché à faire des raccourcis. Les laboratoires en sont conscients et ont essayé de développer des matériaux d’assemblage qui limitent le nombre d’étapes pour éviter au maximum les risques d’erreur de manipulation. D’où, la mise au point, par exemple, des adhésifs automordançants qui peuvent donner de bons résultats mais dont les performances en terme d’adhésion – et dans des conditions équivalentes de mise en œuvre – restent inférieures à un protocole en trois étapes : mordançage-primaire d’adhésion-adhésifs [8, 9].