Implantologie
Marwan Daas* Karim Dada** Michel Postaire***
*MCU-PH
Université Paris Descartes
Département d’odontologie HUPNVS (hôpital Louis-Mourier)
Pratique privée
62, boulevard de La-Tour-Maubourg
75007 Paris
**Ancien interne des Hôpitaux de Paris
Département d’odontologie HUPNVS (hôpital Louis-Mourier)
Pratique privée
62, boulevard de La-Tour-Maubourg
75007 Paris
***Département d’odontologie HUPNVS (hôpital Louis-Mourier)
Université Paris Descartes
1, rue Maurice-Arnoux
92120 Montrouge
L’empreinte en prothèse implanto-portée de grande étendue doit répondre à un objectif essentiel : permettre la mise en place « passive » d’une armature métallique ou en zircone.
C’est une étape clé dans la chaîne d’élaboration prothétique pour assurer la pérennité des restaurations prothétiques. En effet, la qualité de l’adaptation entre les pièces prothétiques et l’implant contribue à une intégration biologique et à un comportement biomécanique favorable. Une revue de la littérature montre bien que les meilleurs résultats sont obtenus avec une empreinte à ciel ouvert et en solidarisant les transferts d’empreinte.
Impression in implant supported restorations has to meet an essential aim : to allow the passive set-up of a metallic framework or zircone. It’s a key step in the prothetic supply chain to ensure the sustainability of prothetics restorations. Indeed, the quality of the adequacy between prothetic elements and implants contribute to a biological integration and a positive mechanical behaviour. A literature review clearly demonstrates that best results are obtained using an open imprint and by joining the imprint transfers.
Les empreintes en prothèse implanto-portée de grande étendue doivent répondre à un objectif essentiel : permettre la mise en place « passive » d’une armature métallique ou en zircone [1]. Elles doivent pour cela résoudre plusieurs problèmes.
Premièrement, l’empreinte de la « surface de connexion » de l’implant ou du pilier prothétique, autrement dit de l’interface avec la superstructure prothétique, ne semble pas présenter de difficulté particulière puisqu’elle se fait par l’intermédiaire d’un « transfert », pièce usinée supposée s’assembler parfaitement avec l’implant ou le pilier prothétique (autre pièce usinée) dont elle doit permettre la réplique dans un modèle grâce à une autre pièce usinée appelée analogue. Cependant, qu’en est-il réellement de la précision d’usinage de ces pièces (transferts et analogues) et de leur adaptation lors de leur mise en place ?
Cette problématique est, semble-t-il, peu étudiée pour l’instant et, comme début de réponse, Rashidan et al. [2] ont signalé que le système de transfert utilisé a plus d’influence que la technique d’empreinte.
Deuxièmement, dans une prothèse de grande étendue, le nombre d’implants est important (au moins 4), ils sont plus ou moins éloignés les uns des autres, leur répartition dans l’espace est variable (verticalement et horizontalement) et ils peuvent présenter des orientations (angulations) différentes les uns par rapport aux autres. L’empreinte a alors pour objectif d’enregistrer le plus fidèlement possible la position et l’orientation respectives des implants (ou des piliers prothétiques) dans l’espace.
Quelle est donc l’influence du nombre d’implants, de leur système de connexion, de leur éloignement respectif et de leur parallélisme ou non sur le choix de la technique d’empreinte ?
Troisièmement, la technique utilisée par le praticien n’est pas sans conséquences quant aux matériaux utilisés, à leur mise en œuvre, à leur association et à leur stabilité dimensionnelle dans le temps, sans oublier la technique de laboratoire qui permet d’obtenir le maître modèle.
Quelle est l’influence de toutes ces variables sur la précision du résultat obtenu ?
Pour tenter de répondre à ces questions, une interrogation de la banque de données PubMed a été effectuée pour constituer une revue de la littérature.
En procédant à une simple recherche sur PubMed de 2004 à 2012 à partir du mot-clé implant impressions, 247 références ont été obtenues.
À la suite de la lecture des titres et des résumés de ces références, 49 articles ont été retenus et lus : 41 ont été sélectionnés.
De nombreuses études, pour la plupart in vitro, ont été menées pour tenter de déterminer la technique d’empreinte la plus précise sans toutefois faire l’unanimité.
Il semble que l’un des premiers critères soit le choix entre :
– une technique utilisant un porte-empreinte fermé avec des transferts repositionnés ;
– une technique utilisant un porte-empreinte ouvert avec des transferts emportés dans l’empreinte.
Ces deux techniques sont également appelées respectivement empreinte à ciel fermé ou à ciel ouvert, la seconde étant reconnue comme la plus précise. En effet, Stimmelmayr et al. [3] ont bien montré que la technique d’empreinte a une influence sur la précision et que la technique utilisant des transferts emportés est la plus précise. Cela fait suite aux travaux de Jo et al. [4] qui avaient expliqué que la technique avec transferts emportés était plus précise que celle avec transferts repositionnés et que la précision ne différait pas quelles que soient la longueur des transfert (au moins 11 mm) et leur angulation.
Dans le même temps, Mostafa et al. [5] avaient trouvé aussi que la technique avec transferts emportés était plus précise que celle avec transferts repositionnés et que silicone et polyéther procuraient une précision comparable.
Cehreli et Akça [6] avaient, à l’inverse, signalé des différences de précision plus importantes par la méthode à ciel ouvert que par la méthode à ciel fermé mais seulement si cette dernière se faisait avec des transferts clippés sans repositionnement.
Le choix du matériau à empreinte est aussi un paramètre important, même si Wöstmann et al. [7] ont précisé que le choix de la technique d’empreinte (transferts emportés versus repositionnés) avait plus d’influence sur la précision que celui du matériau d’empreinte. Pour ces auteurs, la technique avec transferts emportés doit être préférée chaque fois que possible.
Walker et al. [8] ont montré que la précision de l’empreinte n’était pas influencée par la viscosité du matériau d’empreinte mais qu’elle l’était par la technique.
Cela fait suite aux travaux de Akça et Cehreli [9] qui avaient conclu qu’il n’y avait pas de différence de précision entre une technique d’empreinte avec du silicone ou avec des polyéthers pour des implants nombreux s’il n’était pas nécessaire de repositionner les transferts dans l’empreinte, travaux poursuivis par ceux de Holst et al. [10] qui avaient trouvé que la meilleure précision dimensionnelle était obtenue avec les polyéthers et les silicones de dernière génération mais que le temps de traitement de l’empreinte comme facteur influençant cette précision ne pouvait pas être négligé.
Récemment d’ailleurs, Aguilar et al. [11] n’ont pas, eux non plus, découvert de différence vraiment significative entre ces deux matériaux.
De même et de façon plus spécifique, Wenz et Hertrampf n’ont pas identifié de différences significatives entre différentes techniques d’empreinte utilisant du silicone ou des polyéthers pour des implants à connexion interne [12].
La solidarisation des transferts entre eux est aussi, actuellement, un critère particulièrement étudié qui semble faire l’unanimité avec, cependant encore, quelques différences quant à la méthode utilisée.
Tout d’abord, Eid [13] a décrit une technique utilisant du silicone pour faire l’empreinte des dents et ensuite du plâtre pour solidariser les transferts d’implants.
Au même moment, Assuncao et al. [14] ont indiqué que la technique d’empreinte la plus précise pour des implants nombreux était celle où les transferts sont reliés par de la résine quand les matériaux sont des polyéthers et des silicones par addition par rapport aux polysulfures et aux silicones par condensation.
Vigolo et al. [15] ont précisé que la technique d’empreinte la plus précise pour des implants nombreux et à connexion interne était celle où les transferts sont reliés par de la résine par rapport à celle où les transferts ont été traités en surface et recouverts de colle, alors que le matériau d’empreinte utilisé est un polyéther.
Naconecy et al. [16] ont montré que la technique d’empreinte la plus précise pour des implants nombreux était celle où les transferts sont reliés par des « segments » d’acier et de la résine par rapport à celle sans « liaison », alors que le matériau d’empreinte utilisé est un polyéther.
Enfin, plus récemment, Lee et Cho [17] ont comparé cinq techniques d’empreinte et les ont classées par ordre de précision décroissante : d’abord celle où les transferts sont reliés avec de la résine sectionnée puis reliée à nouveau, puis celle avec du plâtre et du polyéther, celle avec du plâtre, celle où les transferts sont juste reliés par de la résine et, enfin, celle faite par du silicone spécifique à l’enregistrement de l’occlusion.
Pour Al Quran et al. [18], la meilleure empreinte serait aussi celle avec de la résine reliant les transferts, sectionnée secondairement puis reliée ensuite, même si les erreurs avec les différentes techniques étaient de moins de 100 µm et que toutes étaient valables cliniquement.
D’ailleurs, en 2008, Lee et al. [19] ont fait une revue de littérature qui confirmait que les techniques d’empreinte avec liaison entre les transferts étaient plus précises que celles sans liaison, que pour 4 implants ou plus, la meilleure technique était celle avec transferts emportés et, enfin, que les meilleurs matériaux d’empreinte étaient les polyéthers et les silicones.
Pour aller dans ce sens, on peut citer deux études cliniques :
– celle de Stimmelmayr et al. [20] prouvant que la technique d’empreinte influence la précision et que la technique avec transferts emportés avec solidarisation par de la résine donne de meilleurs résultats que la technique avec transferts repositionnés ;
– celle de Papaspyridakos et al. [21] dans laquelle les auteurs montrent que les techniques d’empreinte avec liaison des transferts entre eux génèrent des modèles plus précis que les techniques sans liaison, pour réaliser des prothèses fixées complètes monoblocs.
À ce sujet, Cerqueira et al. [22] ont montré que la résine DuraLay II® (Reliance) ne devait pas être utilisée, sauf si elle est reconnectée, et que la Pattern Resin (GC) était plus stable, alors qu’Ongül et al. [23] ont trouvé que la résine acrylique donnait des résultats supérieurs à ceux de la résine composite photopolymérisable.
Par ailleurs, Yamamoto et al. [24] ont trouvé que l’utilisation d’hydrocolloïdes seuls n’était pas une méthode précise mais qu’il n’y avait pas de différence entre les méthodes avec hydrocolloïdes et solidarisation des transferts avec de la résine, silicone sans solidarisation et silicone et solidarisation des transferts avec de la résine. En revanche, dans tous les cas, les techniques qui utilisaient des transferts reliés généraient les modèles les plus précis.
De la même façon, Ferreira et al. [25] ont comparé une empreinte au silicone à une empreinte avec des transferts reliés dans du silicone B ou des hydrocolloïdes irréversibles et n’ont pas trouvé de différence entre les deux.
Étonnamment, Hariharan et al. [26] ont trouvé que la technique d’empreinte la plus précise était celle où les transferts sont reliés par du polyéther spécifique destiné aux enregistrements de l’occlusion, puis celle où ils sont reliés par de la résine, puis celle où ils ne sont pas reliés et, enfin, celle où ils sont reliés par du silicone pour occlusion.
Dans le même ordre d’idée, Kim et al. [27] ont signalé qu’une empreinte avec les transferts non reliés par de la résine (coupée dans un premier temps puis solidarisée dans un second) était la plus précise au début mais l’était moins lors de la fabrication du modèle.
Enfin, Del’Acqua et al. [28] ont montré que la rigidité d’un porte-empreinte métallique assurait de meilleurs résultats qu’un porte-empreinte en plastique avec un matériau haute viscosité quelle que soit la technique d’empreinte choisie.
La précision de l’empreinte a aussi été étudiée en fonction de l’éloignement des implants et de leur angulation relative, ainsi que de leur mode de connexion.
De façon surprenante, Conrad et al. [29] ont prouvé que lorsque les implants présentaient des angulations différentes, les techniques d’empreinte n’avaient pas d’incidence sur la précision.
Sorrentino et al. [30] ont indiqué que l’angulation des implants pouvait induire des contraintes dans les empreintes et que le silicone donnait de bons résultats avec des implants non parallèles. Les polyéthers, en revanche, offrent des résultats constants quelle que soit l’angulation des implants.
Kwon et al. [31] ont trouvé que les empreintes avec des transferts emportés étaient d’autant plus précises que la distance entre les implants était grande.
Jang et al. [32] ont observé que les empreintes, pour des implants à connexion interne, restaient précises quand la divergence était inférieure à 15°. Le degré d’imprécision augmentait quand la divergence s’accroissait, avec un maximum pour les angles de 20°.
Mpikos et al. [33] ont observé, quant à eux, que pour les implants à connexion externe, la précision de l’empreinte n’était affectée ni par la technique d’empreinte ni par le degré d’angulation des implants. En revanche pour des implants à connexion interne, si la précision n’était pas affectée par la technique, elle l’était par l’angulation des implants.
En ce qui concerne les facteurs liés au traitement de l’empreinte au laboratoire et l’usage d’une clé de contrôle, Del’Acqua et al. [34, 35, 36] ont montré que la technique d’empreinte avec transferts emportés utilisant des transferts reliés par des tiges métalliques était la meilleure et que la technique de coulée la plus performante était celle utilisant des « tubes en latex » autour des répliques de laboratoire.
Papaspyridakos et al. [37] ont trouvé aussi que les modèles les plus précis étaient obtenus par les techniques d’empreinte en solidarisant les transferts.
Ercoli et al. [38] ont travaillé sur l’intérêt d’une clé de contrôle qui permet de valider cliniquement l’adaptation passive d’une armature métallique non segmentée pour une prothèse fixée complète monobloc.
Daas et al. [39] ont montré, dans une étude sur la fiabilité de l’enregistrement de la position des implants avec du plâtre, que la clé de validation en plâtre n’avait plus d’utilité. Cette étude sur des empreintes de grande étendue et pour des restaurations complètes a montré l’intérêt de l’utilisation du plâtre comme matériau à empreinte avec une déformation quasi nulle dans le temps et la performance des modèles issus de ces empreintes pour la fabrication des armatures en or ou en titane par CFAO.
Enfin, depuis quelque temps, le recours à une empreinte optique commence à se développer avec des résultats intéressants. En effet, Ortorp et al. [40] ont montré qu’une telle empreinte avait une précision comparable à celle d’une empreinte aux polyéthers ou au plâtre.
De même, Eliasson et Ortorp [41] ont comparé la méthode d’empreinte conventionnelle avec transferts emportés à celle utilisant des piliers encodés destinés à la lecture optique et ils n’ont pas trouvé de fortes différences de précision.
Enfin, Ono et al. [42] ainsi que Ramsey et Ritter [43] présentent une technique d’empreinte optique permettant une mesure 3D de la position des implants avec une précision comparable à celle d’une technique conventionnelle.
À la suite de ces études, il semble clair qu’actuellement, la technique d’empreinte en prothèse implanto-portée de grande étendue qui apporte le plus de précision dans la position et l’orientation respectives des implants (ou des piliers prothétiques) dans l’espace les uns par rapport aux autres est une technique :
• utilisant un porte-empreinte ouvert avec des transferts emportés dans l’empreinte ;
• mettant en œuvre un moyen de solidarisation des implants les uns par rapport aux autres :
– soit par du plâtre,
– soit par de la résine acrylique chémopolymérisable reliée par des tiges métalliques (plus simple à mettre en œuvre que celle tout en résine) ;
• utilisant un polyéther ou un silicone de dernière génération comme matériau d’empreinte ;
• coulée en utilisant la technique des « tubes en latex » ;
• validée pour certains par une clé en plâtre de contrôle.
Pour illustrer l’importance des éléments cités ci-dessus, des techniques d’empreintes sont décrites à travers des situations cliniques différentes (fig. 1 à 16).
L’empreinte en prothèse implanto-portée est une étape clé dans la chaîne d’élaboration prothétique pour assurer la pérennité des restaurations prothétiques. En effet, la qualité de l’adaptation entre les pièces prothétiques et l’implant contribue à une intégration biologique et à un comportement biomécanique favorables.
À l’avenir, les perspectives apportées par l’empreinte optique et la possibilité de se passer de l’étape du maître modèle devraient permettre d’obtenir simplement un modèle numérique à partir duquel peut être réalisée directement une armature assurément passive.