Prothèse fixée
Maxime Ducret* Stéphane Viennot**
*Chirurgien-dentiste, AHU (sous-section 58.02 : prothèses)
Faculté d’odontologie
Université Claude-Bernard Lyon 1
11, rue Guillaume-Paradin
69372 Lyon cedex 08
**Chirurgien-dentiste, MCU, PH (sous-section 58.02 : prothèses)
Faculté d’odontologie
Université Claude-Bernard Lyon 1
11, rue Guillaume-Paradin
69372 Lyon cedex 08
L’enregistrement des limites cervicales d’une préparation en prothèse fixée est une des étapes essentielles de l’acte prothétique. Pour le réaliser, le clinicien dispose d’un large éventail de techniques mais aucune n’est la solution « miracle », chacune présentant ses propres avantages et inconvénients. L’ensemble des données intervenant dans le choix de la technique a été synthétisée dans un arbre décisionnel, organisé autour de trois questions : dans quel état inflammatoire se trouve le parodonte ? Les limites sont-elles facilement accessibles ? Quel est le biotype parodontal ? Cette approche méthodologique permet de sélectionner la technique de mise en condition gingivale la plus adaptée pour proposer un compromis entre performance et respect du système d’attache.
Prepared tooth impression is a critical step for all fixed restauration. Concerning the temporary gingival retraction, prosthodontists have differents techniques, but none is the one. In this article, all the factor are synthetised in a decision tree, around three masters questions : is there any inflammation of periodontal gum ? Are limits of preparation easily accessible ? Which is the type of periodontal gum ? This methodologic approach gives rise to an easy adapted decision, which offers a compromise between efficiency and periodontal respect.
L’enregistrement des limites cervicales est une des étapes essentielles de l’acte prothétique. Elle permet au praticien d’enregistrer l’intégralité de la préparation de la dent pour en donner une copie fidèle au prothésiste de laboratoire. Cette étape nécessite à la fois de maîtriser des gestes techniques mais aussi de connaître les conséquences biologiques de chaque acte [1].
Les objectifs de l’accès aux limites cervicales sont les suivants [2, 3] :
– favoriser l’insertion du matériau à empreinte au sein du sillon gingival ;
– utiliser une technique qui laisse un sillon gingival propre et sain ;
– permettre l’enregistrement de l’intégralité des limites de la préparation et de l’émergence radiculaire non préparée.
Pour mettre en œuvre ces objectifs, le clinicien dispose d’un large éventail de techniques mais aucune n’est la solution « miracle », chacune possédant ses propres avantages et inconvénients [3, 4]. De ce fait, il est primordial d’apprécier différents facteurs clés avant toute prise de décision [5] :
– l’état inflammatoire du parodonte ;
– la situation des limites ;
– le biotype parodontal.
Ces facteurs ont été hiérarchisés et synthétisés dans un arbre décisionnel, pour faciliter le choix d’une technique de préparation gingivale adaptée (fig. 1).
Idéalement, il ne faudrait réaliser une empreinte que sur un parodonte sain [6]. Néanmoins, la réalité clinique est tout autre et il persiste souvent des zones difficiles d’accès où l’hygiène est négligée. Ces zones sont également plus difficiles à enregistrer que les autres car l’inflammation parodontale entraîne suintements et saignements plus ou moins importants [6, 7]. Si cette inflammation reste mineure et localisée, il est possible de réaliser l’empreinte car il existe différents outils hémostatiques réalisant simultanément l’accès aux limites cervicales et l’hémostase, les techniques mécanico-chimiques telles qu’Expasyl® (Actéon) (fig. 2), Traxodent® (Itena), Racegel® (Septodont) et ARP-Cap® (3M-ESPE) [3, 8]. Cependant, il est conseillé de différer la prise d’empreinte si l’état inflammatoire est important, non maîtrisé par le clinicien ou associé à un état général défavorable (diabète, diminution de l’immunité, hygiène bucco-dentaire médiocre…).
Ce report évite une séance d’enregistrement laborieuse et traumatisante qui peut conduire à la création de récessions gingivales peu maîtrisables dans le futur [8, 9]. Dans ce cas, il est conseillé de consacrer la séance initialement dévolue à l’empreinte à améliorer l’ajustage et le polissage de l’élément provisoire pour garantir une cicatrisation parodontale [6, 10]. Si l’inflammation est due à la présence d’une flore bactérienne agressive, une prise en charge parodontale sera nécessairement réalisée.
Les limites juxta-gingivales qui présentent de nombreuses contre-indications sont à situer de préférence en supra-gingival, permettant ainsi un accès aisé au matériau à empreinte sans mise en condition gingivale [9, 11]. Le matériau à empreinte enregistre alors simultanément la dent préparée et la partie la plus cervicale non préparée, qui détermine le profil d’émergence [3, 9].
Pour des limites infragingivales, la difficulté intervient au moment de l’enregistrement car la préparation cervicale et la partie radiculaire non préparée se trouvent enfouies sous la gencive, zone particulièrement difficile d’accès pour le matériau à empreinte [3, 11]. Le choix des techniques facilitant cet accès sera fait ultérieurement, après la prise en compte du biotype parodontal.
Dans certains cas cliniques, les limites se trouvent plus profondément enfouies, notamment en cas de fracture coronaire basse ou de délabrement cervical. Dans ce cas, il peut être nécessaire de resituer l’espace biologique indispensable à la bonne santé parodontale [1, 6]. En effet, toute violation de celui-ci déclenche une réaction inflammatoire qui se traduit par une résorption osseuse nécessaire à la restauration du système d’attache [1, 3, 5]. Il faudra alors réaliser une chirurgie parodontale préprothétique (élongation coronaire ou lambeau positionné apicalement).
Si les conditions sont favorables et que l’espace biologique est conservé malgré des limites profondes, des techniques d’éviction gingivale peuvent être utilisées pour favoriser l’accès du matériau à empreinte (curetage rotatif ou bistouri électrique), car les techniques de déflexion peuvent être insuffisantes dans ce cas-là.
Une situation clinique favorable correspond à un parodonte épais et peu festonné [9] où toute restauration prothétique ne semble pas compromettre la stabilité parodontale. C’est la situation la plus confortable car les techniques autorisant une déflexion importante sont alors envisageables et permettent ainsi un meilleur enregistrement. Un parodonte épais peut supporter de légères agressions car il cicatrise très bien à condition que l’hygiène soit optimale. Dans ce cas-là, on pourra utiliser des techniques comme le cordonnet (fig. 3) ou même le curetage rotatif. Il reste aussi possible d’associer différentes techniques (par exemple les techniques mécanico-chimiques et le curetage rotatif).
Une situation parodontale défavorable correspond à un parodonte fin et fragile [9]. En cas d’inflammation, il est fortement recommandé de différer la réalisation de l’acte prothétique et, pour garantir les meilleurs résultats, il est recommandé de réaliser auparavant une prise en charge parodontale (greffe conjonctive de renfort). Dans tous les cas, il convient de réaliser l’empreinte en prenant en considération l’état inflammatoire et la position des limites, orientant le clinicien vers la temporisation ou l’utilisation de techniques de déflexion très respectueuses du parodonte, comme les techniques mécanico-chimiques qui sont des solutions de choix [3]. Parallèlement, et pour éviter cette mise en condition gingivale, il reste toujours la possibilité de réaliser une empreinte par guidage avec coffrage en résine, technique d’une grande précision dans les situations les plus compliquées.
Enfin, en cas de parodonte intermédiaire, il convient de mettre en œuvre une mise en condition gingivale délicate et peu traumatisante [9]. Il est parfois judicieux de programmer une préparation parodontale préprothétique pour recréer un environnement favorable, mais la réalité clinique impose de se satisfaire de cet état parodontal dans la plupart des cas et ce compromis doit s’accompagner d’un respect tout particulier du système d’attache [1, 3, 9]. Les techniques mécanico-chimiques restent encore une fois indiquées pour leur excellent rapport performances/risques, ainsi que la technique du double cordonnet qui offre une déflexion satisfaisante tout en respectant l’espace biologique si elle est correctement réalisée [3, 8, 9].
Face à la diversité des situations parodontales, il ressort qu’il n’existe aucune solution miracle pour obtenir l’accès aux limites cervicales [1, 3]. En effet, toute solution nécessite une adaptation au contexte clinique de la part du praticien et se fonde sur une analyse de l’inflammation, du niveau des limites et du type parodontal permettant de choisir la technique la plus adaptée à la situation pour proposer un compromis entre performance et respect du système d’attache [3, 9].
Le conditionnement gingival reste un sujet d’actualité car il existe un éventail de techniques de plus en plus grand (nouvelles techniques mécanico-chimiques, fraises en céramique pour finitions cervicales, inserts diamantés ou encore silicones expansifs) [12]. Ces techniques proposeront dans l’avenir des avancées certaines sur cette problématique quotidienne rencontrée aussi lors de la prise d’empreintes optiques pour des techniques innovantes de conception et de fabrication de prothèse assistées par ordinateur.