Les cahiers de prothèse n° 160 du 01/12/2012

 

Prothèse fixée

Céline Brunot-Gohin*   Clémentine Compère**   Martine Guigand***  


*MCU-PH
Département de prothèses
Ancienne interne des Hospices civils de Lyon
**Étudiante en 6e année
***PU-PH
Département d’odontologie conservatrice-endodontie

UFR d’odontologie
Université de Reims Champagne-Ardenne
2, rue du général Köenig
51100 Reims

Pôle odontologie
Hôpital Maison Blanche,
Centre hospitalo-universitaire de Reims
48, rue Cognacq-Jay
51092 Reims cedex

Résumé

Face à une demande esthétique croissante des patients, le praticien doit pouvoir déterminer et adapter le plan de traitement en tenant compte de la valeur intrinsèque de chaque dent. Cependant, une dent ne peut pas être restaurée en dehors du contexte de l’arcade, du sourire et, par extension, du visage. La restauration esthétique doit également être en harmonie avec la personnalité physique et psychique du patient. Le résultat esthétique est satisfaisant lorsque l’alliance des techniques et des biomatériaux est envisagée en respectant les principes d’économie tissulaire dans un contexte endo-parodontal satisfaisant. En effet, lors d’une réhabilitation orale esthétique par prothèse fixée, la gestion des tissus mous demeure tout aussi importante que celle des tissus durs. Actuellement, la diversité des techniques en odontologie restauratrice et prothétique permet d’obtenir des résultats esthétiques satisfaisants en économisant les tissus dentaires et en préservant le complexe dentino-pulpaire. Mais ce vaste panel impose également au praticien une réflexion approfondie lors du diagnostic et de la proposition thérapeutique. Il est donc proposé, à travers un exemple clinique, de mettre en œuvre une démarche thérapeutique pluridisciplinaire faisant appel à une combinaison de techniques récentes. Le traitement de dyschromies sur dents vitales et non vitales ainsi que les techniques de conception et de fabrication assistée par ordinateur (CFAO) permettent dans ce cas de gérer individuellement chaque dent et de redonner un sourire harmonieux à la patiente.

Summary

Treatment of dental discolorations within the context of an aesthetic maxillary rehabilitation

The patients’ aesthetic demand compels the practitioner to adapt the best treatment plan taking into account the intrinsic value of each tooth and the advances in minimal invasive dentistry. However, a tooth can not be restored without integrating maxillary arches, smile and face shape. Thus, the aesthetic oral rehabilitation has to be in accordance with the patient’s physical and psychical personality as well. The aesthetic goal is reached when both prosthetic skills and aesthetic biomaterials are combined with respect of a minimal invasive approach and a sound periodontal environment. Indeed, the management of soft and hard tissues is an important success criterion during an aesthetic oral rehabilitation. Nowadays, the variety of techniques in restorative oral dentistry allows obtaining very aesthetic results by preserving dental tissues and by protecting the pulp-dentin complex. This therapeutic panel also imposes on the practitioner to take into account these elements to draw up a plan of optimal treatment. Throughout this clinical case, we describe the multi-field approach combining recent restorative and prosthetic techniques. Vital and non-vital bleaching will be used together with indirect CAD/CAM skills in order to give back to this patient a harmonious smile.

Key words

aesthetic, dental discoloration, bleaching, stratified composite, lithium disilicate ceramic, indirect CAD/CAM

Introduction

Une réhabilitation orale du secteur antérieur demeure délicate et difficile à appréhender pour l’omnipraticien. En particulier, la présence de dyschromies dentaires peut-être un obstacle majeur à la réussite esthétique dans le secteur antérieur.

Toutefois, la diversité actuelle des techniques en odontologie restauratrice et prothétique permet d’obtenir des résultats esthétiques très satisfaisants. Face à cet arsenal thérapeutique, un choix judicieux s’impose pour chaque situation clinique.

Le but de cet article est de développer, à travers un cas clinique complexe, les points clés d’une prise en charge thérapeutique esthétique et d’apporter des réponses détaillées. Les différents axes de ce travail ont pour objectif de confronter l’omnipraticien à la réalité clinique avant d’envisager une réhabilitation prothétique dans le secteur antérieur :

– pourquoi une prise en charge multidisciplinaire est-elle indispensable pour la réussite d’une réhabilitation esthétique antérieure ?

– quels sont les bénéfices d’un traitement de dyschromie dans le cadre d’une réhabilitation orale esthétique ?

– quelles sont les étapes-clés pour optimiser la teinte finale des restaurations prothétiques ?

Présentation du cas clinique

Une patiente, âgée de 60 ans, est venue consulter pour une doléance esthétique au maxillaire. Elle était non fumeuse et présentait une excellente hygiène bucco-dentaire. Sa demande esthétique était forte et sa motivation importante. Ces paramètres laissaient toute liberté au praticien de proposer une solution thérapeutique idéale, le but étant d’une part de préserver un maximum de tissus dentaires, et d’autre part de répondre aux attentes esthétiques de la patiente [1].

Examen clinique et analyse esthétique

À l’examen clinique, l’arcade maxillaire respectait une symétrie axiale de la position des dents, un centrage de l’axe sagittal médian et des bords libres incisivo-canins venant effleurer le vermillon de la lèvre inférieure (fig. 1). Les corridors buccaux étaient symétriques et bien proportionnés (fig. 2).

Toutefois, le bloc antéro-maxillaire présentait une dysharmonie de teinte et de forme des dents de la 14 à la 24 (fig. 3). Le bloc antéro-mandibulaire, quant à lui, ne présentait aucune anomalie esthétique, aussi bien au niveau de la forme et de la dimension que de la position des dents (fig. 3). Enfin, le rapport intermaxillaire mettait en évidence un recouvrement important des incisives mandibulaires par le groupe incisivo-canin maxillaire (fig. 4).

Le bloc incisivo-canin mandibulaire était satisfaisant pour la patiente et sa couleur correspondait à ce qu’elle souhaitait obtenir au maxillaire. La problématique majeure concernait le rapport d’occlusion dysfonctionnel lié à un recouvrement antérieur prononcé verrouillant le guide antérieur.

Un bilan radiologique a été classiquement réalisé avec la prise d’un cliché panoramique (fig. 5) complété par des radiographies rétroalvéolaires du secteur antéro-supérieur.

Synthèse des données cliniques et radiologiques

Cet examen clinique complet a permis de poser un diagnostic et de proposer une solution thérapeutique esthétique à la patiente [2]. Ces différents critères sont présentés dans le tableau I.

Un diagnostic endodontique a été posé individuellement sur chaque dent de 14 à 24 (tableau II) et un arbre décisionnel a finalement été édifié. D’un point de vue prothétique, une analyse des moulages d’études sur articulateur a été réalisée : le moulage maxillaire a été transféré sur un articulateur semi-adaptable (Quick®, Fag) grâce à un arc facial. L’examen des articulations temporo-mandibulaires ne présentant aucune symptomatologie douloureuse, c’est la position de référence occlusale d’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) qui a été retenue pour le montage du moulage mandibulaire. Un projet prothétique esthétique a ensuite été réalisé par wax-up dans le secteur antéro-supérieur, de la 14 à la 24, afin d’évaluer le futur couloir prothétique tant au niveau du volume que de la forme des dents.

Objectifs et propositions thérapeutiques

Objectifs du traitement

La dimension et la forme des dents maxillaires ne satisfaisaient pas la patiente [3]. La présence de teintes multiples accentuait considérablement le côté disgracieux du sourire [4]. L’objectif était donc d’obtenir une harmonie de teinte avec le bloc incisivo-canin mandibulaire.

Difficultés thérapeutiques et enjeu esthétique

Le concept occlusal a dû être judicieusement choisi pour rétablir un contexte occluso-articulaire non pathogène.

Une équilibration occlusale a été réalisée dans les mouvements de propulsion avant de débuter les soins. Cette étape préliminaire avait pour but, d’une part, de stopper les phénomènes d’abrasion des dents antérieures et, d’autre part, de recréer un guidage antérieur efficace mais avec une liberté fonctionnelle satisfaisante. Le guide antérieur sera validé grâce à des prothèses de transition pour éviter toute surcharge occlusale antérieure qui pourrait entraîner soit la perte et/ou la fracture des pièces prothétiques, soit la perte et/ou la fracture de tissus dentaires résiduels.

Solutions thérapeutiques envisagées

Solutions thérapeutiques différenciées

Les différentes solutions prothétiques envisageables pour cette patiente sont présentées dans le tableau III. Compte tenu de la faible valeur esthétique de la 21 et de l’insuffisance du traitement endodontique de la 22, il s’est révélé indispensable de procéder au démontage des pièces prothétiques existantes et au retraitement endodontique de ces deux dents tout en évaluant les risques multiples lors du démontage des structures prothétiques et lors de la reprise du traitement endodontique.

Dans un souci d’économie tissulaire et de préservation maximale des tissus résiduels, une facette en céramique a été envisagée sur la 12. Cependant, la teinte de base de cette dent ne permettait pas d’assurer un résultat esthétique satisfaisant. Un traitement de dyschromie sur dent non vitale a donc été proposé après reprise du traitement endodontique pour harmoniser la teinte de la dent naturelle avec celle de la future facette. Le but était de pouvoir assurer une meilleure transmission de la lumière à travers une céramique au disilicate de lithium (IPS e.max®, Ivoclar Vivadent) [5].

Solution thérapeutique acceptée

Les critères de choix pour ordonner une solution prothétique se répartissent entre trois acteurs : le patient, le praticien et le prothésiste de laboratoire. Différentes solutions ont été proposées à la patiente et l’ensemble des solutions thérapeutiques a été évoqué dans un devoir d’information (tableau III). Finalement, la solution acceptée devait répondre aux attentes de cette patiente après une discussion ouverte et authentique sur les contraintes du traitement en termes de temps et de coût, même si l’aspect financier ne doit pas déterminer ordinairement le choix prothétique.

Chronologie du traitement

Traitement sectoriel des dyschromies dentaires

Avant de commencer le traitement des dyschromies dentaires, une prise de teinte initiale a été réalisée avec un teintier du commerce (Vita-Classical®, Vitapan) pour obtenir une référence de teinte des dents naturelles antéro-maxillaires (fig. 6 et ) et antéro­mandibulaires (fig. 6). Le relevé de teinte initiale est présenté dans le tableau IV.

Des photographies se sont révélées indispensables pour suivre l’évolution de l’éclaircissement au cours des séances du traitement, les clichés devant se réaliser à la lumière du jour, sans scialytique ni flash. L’heure du rendez-vous au fauteuil est demeurée sensiblement identique à chaque prise de teinte avec une lumière du jour appropriée et en adéquation avec celle des séances précédentes [6].

Traitement des dyschromies sur dents vitales (13, 14, et 23)

Les techniques de traitement des dyschromies sur dents vitales sont nombreuses. Elles utilisent différents agents éclaircissants à des concentrations variables avec des temps et des méthodes d’application variées [7].

Dans le cas de cette patiente, la présence de colorations intrinsèques homogènes et d’intensité moyenne liées au vieillissement des tissus dentaires a permis d’envisager un traitement ambulatoire de courte durée avec un agent éclaircissant à faible concentration.

Sur les faces vestibulaires des dents à traiter, un espacement a été créé sur le moulage en plâtre par un apport de résine photopolymérisable (LC Block-Out Resin®, Ultradent) (fig. 7 et ). Une gouttière thermoformée a été réalisée sur ce moulage à l’aide d’une plaque de polyvinyle souple de 0,9 mm d’épaisseur (Soft-Tray Sheets®, Ultradent) de façon à englober toutes les dents du maxillaire.

La gouttière a été ensuite découpée pour s’ajuster parfaitement au collet des dents (fig. 8), l’adaptation cervicale de la gouttière devant être systématiquement vérifiée en bouche avant le début du traitement (fig. 8). Lors de cette séance, le praticien a donné des consignes à la patiente pour la mise en place de la gouttière et son entretien, le chargement du gel d’éclaircissement et son stockage. Une fiche de recommandations et une seringue de peroxyde de carbamide à 10 % (Opalescence® PF 10 %, Ultradent) lui ont également été remises. La patiente a été invitée à déposer le gel dans les réservoirs avant d’insérer chaque soir sa gouttière en bouche. Un port de la gouttière a été prescrit toutes les nuits jusqu’au prochain rendez-vous au cabinet dentaire.

L’évolution de ce traitement peut se résumer ainsi :

– J0 : pose de la gouttière et conseils pour le port nocturne à domicile ;

– contrôle à J+5 : gain de teinte important sur 13 et 14 (C2) et moins visible sur 23 (B3). La patiente a dû poursuivre le traitement sur la 23 uniquement et l’arrêter au niveau de 13 et 14 ;

– contrôle à J+9, gain de teinte sur 23 (B2). Une différence était encore notable avec la teinte des dents 13 et 14. Le traitement de la dyschromie a été poursuivi sur 23 ;

– contrôle à J+16 : une harmonisation de teinte a été trouvée entre 13, 14 et 23. L’éclaircissement a été finalisé sur ces 3 dents pendant les 7 derniers jours. La teinte obtenue après le traitement était B1 (teintier Vita-Classical®, A1-D4®-Vita).

Afin d’harmoniser et d’homogénéiser la teinte initiale des dents inférieures (C2) avec la teinte finale des dents supérieures (B1), un traitement de dyschromie a été subsidiairement réalisé par le même procédé à la mandibule (fig. 9).

Traitement de la dyschromie sur dent non vitale (12)

L’agent éclaircissant le plus communément utilisé dans ces traitements est le perborate de sodium mélangé à de l’eau distillée [8].

L’éclaircissement de cette dent dépulpée a été réalisé parallèlement à l’éclaircissement des dents vitales. Ces deux traitements sont demeurés totalement indépendants bien que réalisés simultanément chez cette patiente.

La reprise du traitement endodontique de la 12 a été préalablement réalisée sous champ opératoire pour éliminer le foyer infectieux péri-apical (fig. 10). Après contrôle radiologique au bout de 1 mois par cliché rétroalvéolaire (fig. 10) et absence de toute symptomatologie clinique, le traitement de la dyschromie a été envisagé [9].

Après installation du champ opératoire, une cavité interne a été préparée pour accueillir le produit d’éclaircissement (fig. 10). Pour obtenir un éclaircissement complet de la couronne, le fond de cette cavité doit se situer de préférence entre 1 et 2 mm en dessous de la jonction amélo-cémentaire. La gutta-percha intracanalaire a été d’abord éliminée sur environ 3 mm par rapport à la ligne de collet anatomique puis une protection de l’obturation canalaire a été réalisée avec une couche de verre ionomère d’environ 2 mm (Fuji II®, GC) Cette cavité a ensuite été nettoyée à l’aide d’hypochlorite de sodium à 2,5 % puis d’alcool pour favoriser la pénétration de l’agent éclaircissant.

Le mélange de perborate de sodium et d’eau distillée avec un rapport de 2/1 (g/ml) a été ensuite réalisé extemporanément puis appliqué plusieurs fois (3 ou 4) sur les parois de la cavité à l’aide d’une boulette de coton ; un coton imprégné a été laissé dans la cavité et recouvert d’un ciment d’obturation temporaire de longue durée (IRM®, Dentsply). Le premier contrôle a été réalisé au bout de 7 jours (fig. 11). Cette opération a été renouvelée autant de fois que nécessaire jusqu’à l’obtention de la teinte souhaitée. En l’occurrence, une teinte A2 a été obtenue après 5 séances de traitement au fauteuil (soit, quantitativement, 5 semaines successives de traitement).

Reconstitutions corono-radiculaires

Actuellement, les céramiques pressées offrent des résultats esthétiques très satisfaisants et s’affranchissent du problème des armatures métalliques [10].

À ce titre, il est important que la diffraction de la lumière puisse se faire sans obstacle au niveau de la couche sous-jacente [11]. C’est pourquoi des reconstitutions corono-radiculaires (RCR) métalliques céramisées ont constitué la meilleure indication pour cette patiente (fig. 12), avec comme avantages d’assurer une base esthétique pour la fixation des couronnes et d’éviter un collage du tenon radiculaire pouvant compliquer toute réintervention endodontique.

A contrario, l’inconvénient majeur de ces RCR céramisées est l’impossibilité de les retoucher en bouche après scellement au risque de mettre à nu le métal sous-jacent. Cela implique d’emblée une préparation périphérique correcte pour situer la partie coronaire des RCR dans le couloir prothétique esthétique (fig. 13 et ) [12].

Aménagement parodontal

Dans ce type de restauration étendue, une prothèse de transition de première génération est indispensable pour réaliser les traitements pré-prothétiques (traitements endodontiques et traitements des dyschromies) (fig. 14). Une adaptation optimale des prothèses de transition favorise la mise en condition tissulaire parodontale et prépare le parodonte à un alignement chirurgical des collets. Sans ce type de traitement, le résultat esthétique de la prothèse peut être considérablement compromis, notamment en présence d’un sourire gingival (fig. 14).

Cette étape a été réalisée en une séance, au bistouri manuel, en prenant tous les repères esthétiques dento-faciaux nécessaires (sondage parodontal, collet de la canine maxillaire, lèvre supérieure au repos et lors du sourire non forcé). Le collet de la 11 a été pris comme repère principal. La cicatrisation parodontale a été obtenue après une période de 6 semaines, temps de temporisation minimal pour ce type d’intervention. Il est conseillé de ne pas toucher au parodonte durant cette période mais un rebasage des prothèses de transition peut cependant être envisagé (Coe-Pack™, GC) en fonction de la situation clinique et de l’avancement de la cicatrisation des tissus mous (fig. 15).

Réhabilitation orale esthétique

Composite et stratification esthétique

Indépendamment de la couleur qui fait appel à des notions de teinte, de saturation et de luminosité, une dent naturelle présente des propriétés de translucidité, de fluorescence et d’opalescence qui doivent être rétablies lors de la restauration [13].

La mise au point de techniques de stratification plus ou moins complexes permet de mieux gérer ces critères optiques [14]. L’utilisation de masses dentine avec différents degrés de saturation, de masses émail, d’opalescents et de colorants intensifs autorise un meilleur mimétisme des reconstructions [15].

Pour cette patiente, une technique de stratification simplifiée a été réalisée pour la restauration de la 23. En effet, cette dent ne présentant pas de caractérisations marquées ni de phénomènes d’opalescence, la reconstitution a fait appel uniquement à des masses dentine et émail. Le système de stratification Miris® de Coltène/Whaledent a été utilisé pour cette restauration directe.

Les critères volumiques et anatomiques de l’ancienne restauration étant satisfaisants, un guide en silicone a été confectionné pour faciliter le protocole de stratification (fig. 16) [16]. Après avoir choisi les références des masses dentine et émail, l’ancien composite a été déposé sous champ opératoire. La cavité a été rectifiée par la réalisation d’un biseau long en vestibulaire et d’un biseau concave en palatin. Les différentes étapes de mordançage et de mise en place du système adhésif ont été effectuées. La masse émail choisie a été placée en très faible épaisseur dans le guide en silicone repositionné ensuite en bouche. Une photopolymérisation de cette couche émail a été réalisée avant d’enlever la clé en silicone. La masse dentine a été positionnée sur ce mur d’émail palatin puis façonnée de manière à reproduire l’anatomie et le volume souhaités. Enfin, un espace de très faible épaisseur a été aménagé pour placer une masse émail d’épaisseur décroissante en direction cervico-occlusale.

Les dents adjacentes et contro-latérales présentant un aspect très poli exempt de macrogéographie et microgéographie, le polissage a été réalisé à l’aide de fraises diamantées bague rouge et de disques abrasifs de granulométrie décroissante (Komet).

Dans le même esprit, une technique de stratification simplifiée a également été réalisée consécutivement sur la 14.

Restaurations périphériques tout-céramique

Les couronnes tout-céramique ont été élaborées avec une chape IPS e.max® Press (Ivoclar Vivadent). À ce jour, les céramiques au disilicate de lithium sont reconnues pour leurs propriétés esthétiques, biologiques et physico-mécaniques très satisfaisantes [17]. La teinte de ces chapes a été choisie en accord avec celle des inlay-cores céramisés sur 21 et 22 et des dents naturelles sur 11 et 12 (fig. 17). L’avantage des céramiques au disilicate de lithium est, d’une part, d’avoir une opacité suffisante pour atténuer la teinte des couches sous-jacentes et, d’autre part, d’avoir une translucidité suffisante pour laisser la lumière se diffracter au cœur du biomatériau. La partie cosmétique a ensuite été réalisée au laboratoire en accord avec les références de teinte prises en clinique (fig. 18).

Les pièces prothétiques ont été fixées à l’aide d’une colle duale de basse viscosité (teinte de base bleach et du catalyseur transparent Variolink® II d’Ivoclar Vivadent) pour la facette sur 22 et au ciment verre ionomère modifié (Fuji PLUS™, GC) pour les couronnes sur 11, 21 et 22. Le résultat prothétique final traduit la prise en charge esthétique globale (fig. 19 et 20) [18].

Conclusion

L’évolution des biomatériaux et la révolution des pratiques dentaires à vocation esthétique imposent au praticien une réflexion approfondie sur le choix du plan de traitement.

La conservation tissulaire reste à ce jour une des priorités majeures en odontologie restauratrice et prothétique, d’une part pour préserver les tissus durs naturels et, d’autre part, pour maintenir la vitalité du complexe dentino-pulpaire tout au long de la vie.

L’éclaircissement des dents supports et la céramique au disilicate de lithium constituent une alliance thérapeutique idéale pour répondre aux exigences esthétiques des patients.

La réussite prothétique ne peut être obtenue qu’avec une prise en charge multidisciplinaire [19]. Une intime collaboration entre le patient, le(s) praticien(s) et le prothésiste de laboratoire demeure fondamentale pour créer une interaction efficace des compétences tout au long du traitement.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier le Dr M.-P. Hippolyte (MCU-PH, Département de parodontologie) pour la chirurgie des tissus mous.

Ils remercient également le laboratoire RDB Ceram (Reims) pour leur collaboration et la qualité de leur travail prothétique.

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