Prothèse amovible complète (ou totale)
Georgy Demurashvili* Victorien Vuong** Clarisse Huchon*** Keyvan Davarpanah**** Matthieu Dalibard***** Sibylle Vital******
*Assistant associé,
université Paris Descartes
HUPNVS AP-HP Charles-Foix
7, avenue de la République
94200 Ivry-sur-Seine
**Assistant hospitalo-universitaire,
université Paris Descartes
HUPNVS APHP Bretonneau
23, rue Joseph-de-Maistre
75018 Paris
***Assistant hospitalo-universitaire,
université Paris Descartes
HUPNVS APHP Louis-Mourier
178, rue des Renouillers
92701 Colombes cedex
****Ancien interne des
Hôpitaux de Paris, attaché au Département de
prothèse, université Paris Descartes
HUPNVS APHP Bretonneau
23, rue Joseph-de-Maistre
75018 Paris
*****Étudiant en T1, Faculté de
chirurgie dentaire, université Paris Descartes
HUPNVS APHP Louis-Mourier
178, rue des Renouillers
92701 Colombes cedex
******MCU-PH, université Paris Descartes
HUPNVS APHP Louis-Mourier
178, rue des Renouillers
92701 Colombes cedex
Chez l’enfant, l’absence de nombreuses dents pose plus qu’un problème esthétique, social et fonctionnel : il constitue un problème d’intégration biologique lié à la croissance et à l’éruption des dents. Le traitement prothétique pédiatrique chez l’enfant reste un défi car il nécessite une coopération et une relation de confiance très étroites avec le praticien. À travers ce cas clinique, les différentes étapes cliniques d’élaboration de prothèses pédiatriques subtotales et leur suivi sont décrits temps par temps.
During childhood, the absence of numerous teeth causes more than an aesthetic, social and functional problem: it constitutes a problem of biological integration connected to the growth and the eruption of teeth. Pediatric prosthetic treatment remains a challenge because it requires cooperation and a close trust of the child with the practitioner. Through this clinical case, the various clinical stages of elaboration of pediatric subtotal prostheses and their follow-up will be described step by step.
Le traitement des édentements chez les enfants présente, en plus des aspects classiques (fonctionnels, esthétiques et psychologiques), des difficultés d’ordre affectif et biologique (croissance) [1].
L’édentement total ou subtotal peut être constaté chez des enfants de différents âges. Cela peut être lié à l’un des facteurs suivants :
– une anodontie totale ou partielle liée à une maladie génétique (dysplasie ectodermique héréditaire) [2-5] ;
– des extractions multiples liées aux polycaries [6, 7] ;
– un traumatisme, situation qui ne sera pas abordée dans ce travail [6, 7].
Dans cet article, le protocole d’un traitement de l’édentement total et subtotal du jeune enfant sera présenté à partir d’un exemple clinique.
Émilie, jeune fille âgée de 5 ans, a été amenée par ses parents en consultation pour la prise en charge de polycaries de la petite enfance.
Après observation clinique et radiographique, les extractions de 16 dents sur 20 ont été réalisées sous anesthésie générale.
Après cicatrisation (6 semaines), la patiente a été adressée en consultation pour une prise en charge prothétique. Elle s’est avérée très coopérante et une relation de confiance s’est rapidement instaurée avec l’équipe thérapeutique.
La décision de réaliser deux prothèses amovibles a été prise : prothèse totale maxillaire recouvrant 55 et 65 et prothèse subtotale à la mandibule (fig. 1).
Les empreintes primaires ont été réalisées avec un alginate de classe A, type 2 avec un porte-empreinte de série rim-lock de petite taille. Pour rendre le matériau d’empreinte primaire plus dense, le rapport eau/poudre a été diminué [8-10]. Cela permet, d’une part, d’enregistrer la totalité des volets linguaux et du fond du vestibule et, d’autre part, d’accélérer le temps de prise pour le confort de la patiente (fig. 2).
Sur les moulages issus de ces empreintes, deux porte-empreintes individuels en résine chémopolymérisable ont été réalisés, ajustés au niveau ostéo-muqueux et espacés avec de la cire au niveau des dents. L’empreinte secondaire a été réalisée à l’aide de polyéther, matériau qui possède une propriété thixotropique : capacité du matériau à diminuer sa viscosité sous la pression. Cela permet la visualisation des surextensions et des surépaisseurs, et, en même temps, la réalisation du joint périphérique. Ces surextensions ont ensuite été corrigées à la fraise. Cette famille de matériau s’utilise dans un ordre de viscosité décroissante [11] (fig. 3).
Le but final consistait à enregistrer la totalité des surfaces d’appui et le jeu de la musculature périphérique sans surextension ni surépaisseur au maxillaire (fig. 4 à ) et à la mandibule (fig. 5) [1, 8, 9, 10].
Sur les moulages issus de l’empreinte secondaire, deux bases d’occlusion en matériau rigide ont été réalisées avec des crochets pour assurer une meilleure rétention (fig. 6).
Le rapport mandibulo-maxillaire (RMM) a été enregistré de façon classique, le point interincisif a été marqué (fig. 7).
La teinte des dents a été choisie. Il est à noter que le choix pour les dents temporaires est très restreint puisqu’il n’existe qu’une seule forme de dents et seulement deux teintes « blanc » ou « blanc jaune » disponibles (réf. Bambino Tooth teinte 59 ou 61).
Il faut souligner l’importance d’utiliser des matériaux rigides thermoplastiques pour un meilleur contrôle de la fiabilité du rapport mandibulo-maxillaire. Les bases d’occlusion en cire sont à proscrire en raison de leur déformation [10].
Les moulages avec l’ensemble des informations ont été transmis au laboratoire.
Le montage esthétique et fonctionnel sur cire a été réalisé (fig. 8 à ).
L’étape clinique suivante d’essayage en bouche a permis de valider l’esthétique et les rapports d’occlusion. À l’issue de ce contrôle, la polymérisation des prothèses a pu être mise en œuvre (fig. 9).
Enfin, le jour de la pose des prothèses, l’occlusion a été vérifiée pour obtenir des contacts équilibrés sur les dents cuspidées (fig. 10).
La patiente a été revue au bout de 2 jours pour des réglages. Puis une surveillance a été mise en place 1 semaine après et toutes les 4 semaines pour contrôler l’éruption des dents [12] (fig. 11).
La prise en charge des enfants polycarieux ne peut se limiter à l’élimination des foyers infectieux, il est essentiel de restaurer les fonctions et l’esthétique des dents absentes. Dans les cas extrêmes où de très nombreuses extractions sont nécessaires, le recours à la prothèse adjointe subtotale semble être la solution de choix. Une des spécificités chez l’enfant est la constante évolution de la dentition. Ainsi, la première molaire permanente fait classiquement son éruption vers 6 ans et la denture adulte jeune se constitue avec l’arrivée de la deuxième molaire vers 12 ans (tableau I) [13].
Chez cette patiente, la prothèse a été réalisée à l’âge de 5 ans. Au bout de 6 semaines, 46 a commencé son éruption sur l’arcade. À cet endroit, la prothèse a dû soigneusement être évidée pour ne pas gêner l’éruption [14]. Toutefois, la justification de la prothèse reste d’actualité jusqu’à l’apparition des dents antérieures et, avec elle, la croissance transversale du maxillaire.
Au moment de l’éruption des dents permanentes, les visites doivent avoir lieu tous les mois, puis tous les 4 à 6 mois. La prothèse sera utilisée jusqu’à la perte de ses qualités fonctionnelles et esthétiques selon l’éruption dentaire et la croissance des maxillaires.
La réalisation de la prothèse transitoire chez le jeune enfant est nécessaire pour lui permettre de retrouver une fonction masticatoire et de restaurer l’esthétique pour une bonne intégration psychologique et sociale. Ces objectifs ne peuvent pas être atteints sans un parfait contact psychologique entre l’enfant et le praticien. La prothèse réalisée doit être surveillée systématiquement et réadaptée progressivement au fur et à mesure des éruptions dentaires et de la croissance.
Remerciements : Pr Michel Postaire, Romain Jacq, Laboratoire de prothèses Kleiner.