Prothèse maxillo-faciale
Pierre Le Bars* Ayepa Alain Kouadio** Gaston Niagha***
*MCU, PH Département de prothèse
UFR d’odontologie
Université de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
44042 Nantes cedex 1
**DCD étudiant en 3e cycle Département de prothèse
UFR d’odontologie
Université de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
44042 Nantes cedex 1
***DCD étudiant en 3e cycle Département de prothèse
UFR d’odontologie
Université de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
44042 Nantes cedex 1
La prise en charge des pertes de substances des maxillaires a pour objectif d’optimiser les fonctions rudimentaires de la parole et de la déglutition. Connaître et modifier les procédures routinières en odontologie sont nécessaires, le praticien réalise une prothèse qui doit combler les pertes tissulaires. Ces prothèses peuvent être source de critiques en termes de la qualité de vie qu’elles procurent. Chronologiquement, plusieurs étapes doivent être respectées :
– l’empreinte primaire enregistre la totalité du maxillaire ;
– l’empreinte finale nécessite un porte-empreinte individuel avec un marginage préliminaire périphérique moulant les brides de la perte de substance ;
– l’enregistrement de l’occlusion recherche la stabilité entre le maxillaire et la mandibule. La perte de la dimension verticale et les altérations des mouvements mandibulaires constituent souvent des difficultés supplémentaires ;
– l’utilisation de base rigide et d’adhésif aussi bien au maxillaire qu’à la mandibule fiabilise l’enregistrement de l’occlusion ;
– l’étanchéité prothétique entre la cavité buccale et les cavités nasales doit être testée ;
– les implants supportant les appareils chez les édentés en prothèse maxillo-faciale ne constituent pas une panacée, mais il faut cependant encourager ce procédé ;
– le choix de dents non anatomiques et les surfaces polies améliorent la stabilité.
La complémentarité de ces paramètres conditionne le résultat final, mais le patient doit être informé dès le début du traitement des limites fonctionnelles et esthétiques de sa future prothèse.
Maxillofacial prosthodontics and loss of matter : indissolubly linked
Taking charge of loss matter maxillary is grounded in optimizing the rudimentary functions of speech and swallowing. Thus, it is necessary for the practician to comprehend and modify the routine dental procedures by creating prostheses to fill the wounds of the missing tissues. These prostheses can be criticized in their requirement to improve the general well-being of individual whose function will be a lifelong position. Chronologically, many steps must be adapted :
– the preliminary impression captures the total maxillary cavity ;
– the final impression used custom tray as necessarily with preliminary border molding, being the process by which the shape border of the tray is meant to conform accurately to the customs of the loss matter ;
– the interocclusal records research in priority the stabilizing of occlusion ; the loss of vertical opening and altered mandibular movements represent often a major difficulty ;
– using processed bases and denture adhesive in both instances, the maxillary and mandibular prostheses, will aid in achieving accurate records ;
– testing the prosthetic “seal” between the oral cavity and the nasal one is necessary ;
– implants supported prostheses for the edentulous maxillofacial patient may not be a panacea but the use of implants should be encouraged ;
– choice of teeth with no anatomical surface can be the advantage of stabilizing the prostheses ;
– the shape of the polished surfaces of a denture influences the quality of stability.
The complementarity of these 7 parameters improves the final results once the patient is educated to understand the possible limitations before the prostheses process is started.
La prothèse maxillo-faciale tire ses fondements des principes de la prothèse amovible traditionnelle. Elle est de ce fait l’expression de toutes les facettes d’une discipline thérapeutique en perpétuelle évolution [1]. Elle a pour vocation la restauration du système stomatognatique mais, surtout, elle doit remédier aux pertes des structures faciales [2, 3]. Celles-ci proviennent le plus souvent des contre-indications, des séquelles ou des échecs de la chirurgie plastique. Ces pertes peuvent concerner l’ensemble des tissus, le revêtement cutané, les muscles, le squelette…, toute la cavité buccale [4]. Des complications sont possibles en présence de tissu irradié [5] ainsi que le risque d’une récidive face à une pathologie carcinologique [6].
Les défauts congénitaux relèvent aujourd’hui essentiellement de traitements chirurgicaux. En effet, le déroulement de la croissance laissant assez de temps pour faciliter les adaptations fonctionnelles et esthétiques nécessaires [7], la contribution du chirurgien-dentiste en prothèse maxillo-faciale devient occasionnelle [8].
Les petites pertes de substance acquises entraînant une communication bucco-nasale et/ou bucco-sinusienne peuvent être d’origine traumatique (balistique) [9] et/ou accidentelle [10], infectieuse (ostéites, kystes) [11] ou chirurgicale (extraction). Le traitement est le plus souvent chirurgical.
En revanche, les grandes pertes de substance acquises sont la conséquence d’accidents de la voie publique ou de tentatives d’autolyse, mais aussi et surtout, elles constituent les séquelles des thérapeutiques chirurgicales antitumorales [12, 13]. Les tumeurs malignes des voies aéro-digestives supérieures (VADS) représentent de 5 à 7 % de la totalité des cancers [14, 15]. Ce sont, le plus souvent, des carcinomes épidermoïdes [16] au niveau des gencives et de la voûte palatine. Le but du traitement est de stériliser la lésion primitive ainsi que ses extensions ganglionnaires, notamment lymphatiques. De ce fait, l’exérèse en fonction du volume des tumeurs malignes au niveau de la face et du crâne entraîne des mutilations plus ou moins importantes. Celles-ci sont réalisées le plus souvent macroscopiquement, au large, dans la crainte d’une récidive et en priorité avec le souci de la survie du patient. Les réinterventions sont, pour des raisons évidentes, souvent contre-indiquées. Les suites au niveau de la cavité buccale recouvrent un éventail très large de lésions. De ce fait, la coopération avant, pendant et après l’intervention chirurgicale entre le chirurgien et le prothésiste demeure la clé de la réussite d’une restauration tant du point de vue prothétique que psychologique [17]. En ce qui concerne le suivi du malade, la crainte d’une éventuelle récidive d’une pathologie carcinologique justifie le rôle de surveillance du chirurgien-dentiste. C’est pour cela que la prothèse maxillo-faciale et la chirurgie oncologique constituent un couple indissociable. Actuellement, seule la prothèse amovible est capable de s’adapter aux diverses situations cliniques. Cette approche thérapeutique demeure actuellement incontournable.
Les tumeurs malignes de la cavité orale, du larynx et du pharynx font parties des cancers des voies aéro-digestives supérieures. Elles sont particulièrement fréquentes en France où leur incidence a été évaluée en 2000 à 19 600 nouveaux cas (16 800 hommes et 2 800 femmes) [16].
Dans un but thérapeutique, plusieurs classifications ont été proposées [18, 19, 20, 21]. Verticalement, elles concernent l’infrastructure, la mésostructure et la suprastructure de l’architecture de la face et, horizontalement, toute ou une partie de la voûte palatine. Ces dernières demeurent indispensables dans le cadre de la prise en charge de ces malades. En effet, d’un point de vue fonctionnel, la recherche de l’étanchéité de la cavité buccale et la stabilisation de la prothèse constituent les objectifs essentiels à atteindre. En fonction du volume de la perte de substance et de la présence de dents, une gradation des difficultés est possible.
La prise en charge de ces défauts acquis des maxillaires doit tenir compte des pathologies spécifiques générales et locales à l’origine de l’anomalie mais aussi des conséquences immédiates et tardives. Citons les difficultés d’élocution [22], de la mastication en cas d’absence de dents [23], d’alimentation (nécessitant l’utilisation d’une sonde gastrique), les altérations esthétiques et psychologiques. L’exérèse des tumeurs du maxillaire entraîne des pertes de substance qui s’accompagnent d’une gêne fonctionnelle importante. Celle-ci peut être la conséquence de brides cicatricielles, d’interférences fibreuses et de perte de surfaces d’appui en fonction de l’étendue de l’exérèse tumorale [24].
Systématiquement, l’établissement d’un diagnostic à partir d’un interrogatoire et de données médicales et chirurgicales débouche sur un plan de traitement et un pronostic. Il faut cependant émettre des réserves quand il s’agit de prédire un résultat à cause des nombreux paramètres pouvant affecter le traitement. En effet, le caractère imprévisible d’une récidive pathologique ou des conséquences des thérapies adjuvantes (radiothérapie, chimiothérapie) peut compromettre la mise en œuvre de la restauration prothétique. Les informations objectives délivrées au patient et à son entourage, concernant notamment les modifications des différentes praxies de la cavité buccale, doivent déboucher sur un consentement éclairé. Dans ces conditions, on ne peut plus viser un résultat idéal car celui-ci est le plus souvent incertain. On raisonne plus en termes d’objectif raisonnable, voire modeste, compte tenu des conditions générales et locales. Ainsi, le devenir et la satisfaction que peut procurer une prothèse correctement réalisée par le praticien et qui répond aux besoins fonctionnels et esthétiques du patient demeurent aléatoires.
L’exérèse des tumeurs malignes du maxillaire et/ou des structures associées représente, en fonction du volume, un éventail étendu de cas cliniques allant d’une petite communication (fig. 1) entre les cavités buccale et nasale jusqu’à la maxillectomie bilatérale totale (fig. 2). Les objectifs immédiats de cette chirurgie ablative pour les membres de l’équipe médicale pluridisciplinaire sont avant tout vitaux puis, secondairement, la prothèse obturatrice doit rétablir l’étanchéité de la cavité buccale pour améliorer les différentes fonctions défaillantes. Sur ce point et à ce stade, la contribution du patient est indispensable. La prothèse doit évidemment préserver l’environnement tissulaire tout en soutenant les tissus mous de la face pour lutter contre les rétractions fibreuses et rétablir une physionomie acceptable. Lors d’une prise en charge habituelle, le traitement par des prothèses obturatrices amovibles stabilisées demeure le moyen le plus simple et le plus rapide à mettre en œuvre pour rétablir l’étanchéité de la cavité buccale vis-à-vis des cavités sinusienne et/ou nasale. En fonction de la présence ou de l’absence des dents, les cas de figure sont innombrables, d’une part à cause de la multitude des possibilités d’édentement et, d’autre part, selon l’importance de l’exérèse tissulaire (situation, volume, relation, connexion…).
La stabilisation d’une prothèse obturatrice en présence de dents dépend de la taille de la perte de substance mais aussi de l’importance et de la disposition du secteur denté. Les valeurs extrinsèques et intrinsèques des organes dentaires, leur nombre et leur morphologie pour obtenir l’effet de réciprocité souhaité dans la conception d’un crochet conditionnent l’efficacité et la longévité de la restauration prothétique. La complémentarité entre la rétention et la stabilisation au niveau des dents restantes doit être recherchée systématiquement, et ce d’autant plus que les zones favorables sont limitées et devront quelquefois être créées, notamment par des coronoplasties.
Toutes ces considérations montrent que pour assurer les meilleures conditions de restauration et de confort, l’appareillage d’une grande perte de substance (plus du quart de la surface palatine) nécessite le plus souvent le passage par trois étapes prothétiques successives : l’obturateur immédiat ; l’obturateur secondaire ; l’obturateur d’usage [25, 26, 27].
La situation idéale est celle permettant la prise d’une empreinte avant l’intervention ablative (fig. 3) et, après concertation avec le chirurgien, on peut ainsi prévoir le volume de la perte de substance et surtout savoir quelles sont les dents et les structures anatomiques pouvant être conservées [28]. L’obturateur immédiat peut ainsi être confectionné avant la chirurgie puis adapté directement en bouche avant le réveil du patient (fig. 4, et ). Il permet d’assurer l’hémostase et facilite les soins endo-cavitaires. Pour cela, il doit être facile à déposer, à modifier et dans la mesure du possible, du fait de son caractère éphémère, peu onéreux (fig. 4d). Une autre méthode consiste en l’adaptation d’un matériau plastique malléable (résine molle de rebasage chémopolymérisable) au moment de l’intervention sans étape de laboratoire préalable à partir d’une gamme d’obturateurs standardisés (fig. 5) [29]. L’étanchéité entre les cavités buccale et nasale conditionne l’efficacité de l’obturateur immédiat. L’absence de reflux liquidien permet de se passer d’une intubation naso-gastrique. Cela est immédiatement ressenti comme une libération par le malade. Sa phonation et, surtout, son moral s’améliorent en constatant que la mutilation chirurgicale ne constitue pas un handicap majeur insurmontable.
Cet obturateur est réalisé dans les 15 jours suivant l’intervention chirurgicale (fig. 6). Il est rebasé régulièrement pour accompagner la cicatrisation tissulaire. Il peut ainsi s’adapter aux modifications des dimensions de la communication tout en maintenant l’étanchéité entre les cavités nasale et buccale. Toute compression sur les tissus fragilisés est néfaste. C’est pourquoi on évitera de monter des dents en relation avec des tissus en cours de cicatrisation.
Une prothèse obturatrice d’usage peut être réalisée après un temps suffisant allant de quelques semaines à plusieurs mois (fig. 7, et ). En accord avec le chirurgien et le radiothérapeute, de nombreux éléments conditionnent cette réalisation : la non-récidive de la maladie puis l’état d’avancement de la cicatrisation tissulaire du défaut qui doit être le plus complet possible.
Les inconvénients de ce type de réalisation prothétique viennent des difficultés pour assurer la stabilité et surtout la rétention de la prothèse obturatrice, notamment en l’absence d’appui au niveau du défaut.
Une démarche rationnelle pour résoudre ces difficultés favorise l’acceptation et l’intégration de ces prothèses par les patients affectés par une maladie incurable et/ou par une mutilation handicapante.
La recherche de l’équilibre en prothèse maxillo-faciale est conditionnée par les modifications anatomiques consécutives à la perte de substance, mais aussi par la recherche de la stabilité lors du rétablissement des différentes praxies (mastication, déglutition phonation…) qui incombent à la cavité buccale. Dans ce registre fonctionnel, l’esthétique représente un aspect incontournable avec des répercussions psychiques indéniables.
En prothèse amovible, la triade de Housset caractérise trois paramètres totalement interdépendants : la sustentation, la stabilisation et la rétention.
En présence d’une perte de substance maxillaire conséquente, la rétention étant difficile à obtenir, nous développerons ici plus particulièrement la sustentation puis la stabilisation.
La sustentation est recherchée dans un premier temps lors de l’enregistrement précis des formes du couloir prothétique et de l’état des surfaces d’appui (fig. 8, , et ). Le contact intime avec les muqueuses contribue au phénomène physique adhésion-cohésion, le plus souvent avec de la résine. En l’absence de repères anatomiques (crêtes, vestibule), le modelage consiste non seulement à préciser le contour de la perte de substance (fig. 9, , , et 20) mais aussi à enregistrer les limites fonctionnelles optimales des bases de la prothèse.
Tout enfoncement de la prothèse est à proscrire (remise en condition tissulaire). Toutefois, le tassement des tissus toujours possible nécessite une surveillance stricte. Pour cela, le second temps essentiel est l’enregistrement de l’occlusion (fig. 10, et ) et une équilibration rigoureuse qui doit procurer au patient le confort mais surtout l’équilibre en propulsion et en latéralité. Le schéma occlusal généralement équilibré satisfait le plus souvent à ces exigences (fig. 10, et ).
La recherche d’une surface d’appui exploitable demeure impérative. Le sommet des crêtes constitue la meilleure zone anatomique utilisable. Le maxillaire en présence d’une grande perte de substance (plus du quart de la surface palatine) constitue une situation particulièrement défavorable (fig. 2). Il en va de même pour une mandibule présentant une interruption (fig. 11) et/ou un greffon muqueux dépressible.
La stabilisation est sans aucun doute l’objectif prioritaire à atteindre en prothèse maxillo-faciale. En effet, les forces obliques pouvant mobiliser la prothèse dans les plans horizontaux ou entraînant des rotations sont particulièrement nocives. Elles résultent le plus souvent de brides cicatricielles, de l’absence de couloir prothétique exploitable et de l’action des muscles linguaux, jugaux, labiaux ou masticateurs.
Classiquement, la stabilisation dépend du rétablissement des points de contact efficaces avec les dents restantes, du recouvrement des tubérosités maxillaires, des trigones rétromolaires, véritables butées distales, et de l’enveloppement des versants vestibulaires et linguaux des crêtes par les fausses gencives. La résultante des forces de mastication doit se situer à l’intérieur de la surface de sustentation pour éviter tout mouvement de bascule de la prothèse et, par conséquent, le soulèvement du côté opposé. Le montage des dents artificielles en l’absence des repères anatomiques conventionnels (ligne faîtière des crêtes, trigones, tubérosités) doit s’adapter aux conditions anatomiques engendrées par la perte de substance.
Les bords de la prothèse doivent contourner les insertions musculaires déstabilisatrices [30].
À la périphérie de la résection tumorale, des arêtes osseuses recouvertes d’une fibromuqueuse plus fine que celle du palais constituent des zones fragiles qui doivent être protégées. L’intrados est à décharger à ce niveau ; ainsi, lors de l’insertion ou de l’enfoncement de la prothèse, le frottement avec la fibromuqueuse sera moindre (fig. 12).
Chez un patient partiellement édenté, une équilibration de la denture naturelle est nécessaire, particulièrement en présence de déplacements dentaires pouvant perturber l’occlusion. Après un transfert sur articulateur et une analyse occlusale, les dents prothétiques doivent s’intégrer au concept choisi, en orientant les pans et les versants cuspidiens. On évite ainsi les interférences déstabilisatrices lors des occlusions excentrées. Il en va de même pour une prothèse unimaxillaire face à une arcade dentée (fig. 12, , et ).
La plaque base constitue l’élément stabilisateur essentiel. Elle occupe le volume laissé par la perte de substance. La mobilisation de la musculature périphérique façonne l’extrados de la future prothèse. Le patient effectue lui-même les mouvements nécessaires à la mobilisation de la mandibule et de la langue dans les limites possibles compte tenu de son handicap. Par les reliefs de son extrados, la plaque base reproduit la morphologie de la voûte palatine. Les fausses gencives s’adaptent aux forces labiales et jugales de la musculature. La langue influence de la même façon le modelé des volets linguaux. L’obtention d’une rétention efficace demeurant souvent hypothétique, la stabilité constitue un objectif raisonnable mais essentiel en prothèse maxillo-faciale.
La prothèse amovible partielle comportant un obturateur est de préférence constituée d’une armature métallique (fig. 13). Celle-ci doit être de faible épaisseur pour minimiser l’encombrement, rigide et résistante pour améliorer la stabilité. Elle comporte si possible une barre cingulo-coronaire et des appuis occlusaux. Elle doit restaurer les contacts proximaux car ils assurent, par friction, une part importante de la stabilisation-rétention. Le dessin de cette armature est influencé par l’effet de porte-à-faux produit par l’obturateur (fig. 8). L’importance de la perte de substance, surtout en l’absence de point d’appui postérieur, conduit à rechercher en priorité la stabilité fonctionnelle de selles étendues, tout en assurant la contention active des dents restantes, d’autant plus sollicitées que leur nombre est restreint et leur contact avec leurs collatérales naturelles perdu.
Stabilisation et implantologie en prothèse maxillo-faciale
L’utilisation d’implants ostéo-intégrés en titane procure à la prothèse une meilleure stabilité et permet de se passer des adhésifs. Il y a cependant un risque avec la mise en place d’implants dans un os irradié. Des auteurs ont montré que le phénomène d’ostéo-intégration pouvait se produire au sein d’un os irradié [31]. Cependant, les recherches actuelles tentent d’établir la dose d’irradiation et la durée nécessaire optimales pour obtenir une ostéo-intégration suffisante, afin de fiabiliser le protocole.
En territoire irradié, l’implantologie peut être utilisée moyennant des précautions et en respectant certaines contre-indications strictes [32, 33]. Les échecs sont plus fréquents chez les fumeurs, chez les patients ayant perdu leurs dents à la suite d’une maladie parodontale, chez les malades immunodéprimés ou ceux prenant des bisphosphonates oraux que chez les autres [34]. Avec une dose d’irradiation en dessous de 50 Gy, la mandibule est localement un site plus favorable pour la pose d’implants que le maxillaire [35] (fig. 11).
Les implants vissés présentent un taux d’échecs supérieur en territoire postérieur que dans les zones antérieures [36]. Un protocole précis encadrant l’ostéo-intégration, constitué d’une oxygénothérapie hyperbare, d’une antibiothérapie et d’une calcithérapie du territoire irradié, améliore la vascularisation et augmente les chances de succès [37, 38, 39].
L’implantologie demeure le recours idéal pour stabiliser une prothèse amovible pour tous les patients présentant un défaut majeur d’origine accidentelle, résultant d’une tentative d’autolyse ou d’une exérèse carcinologique sans irradiation.
Le modelage piézographique des extrados permet de définir l’espace dans lequel on doit inscrire la prothèse pour lui assurer une stabilité idéale. En l’absence de repères anatomiques, on détermine cliniquement un volume présentant un profil équilibré entre les forces antagonistes modifiées par l’anatomie et la physiologie de chaque individu et qui n’a donc rien à voir avec l’espace dentaire initial. En prothèse maxillo-faciale, cette technique peut concerner aussi bien la mandibule que le maxillaire (fig. 2 et fig. 14). Mais il est souvent illusoire de vouloir soutenir les tissus (joues, lèvres, langue) pour les remettre dans la position préchirurgicale. L’altération des traits du visage faisant suite à la perte de substance (fig. 14) et aux changements irréversibles engendrés est souvent accentuée par une prothèse stéréotypée dont la réalisation est confiée au laboratoire. Celle-ci ne peut s’adapter aux déplacements des organes buccaux, aux pressions fonctionnelles disparates ni à la dépressibilité des tissus greffés, fragilisés. C’est aux stades des empreintes (recherche de la sustentation) et de l’enregistrement des rapports mandibulo-maxillaires (recherche de l’équilibre statique et dynamique) que cette technique permet d’individualiser le traitement prothétique. Chronologiquement, l’obturateur transitoire est modelé pour s’adapter à la nouvelle physiologie de la musculature buccale (fig. 14), puis l’enregistrement piézographique de l’espace disponible est effectué, enfin l’essayage du montage valide la forme obtenue (fig. 14 et ) de la prothèse réalisée.
En post-prothétique, une recherche esthétique peut aussi être effectuée en appliquant sur l’extrados des fausses gencives de la cire collante (fig. 15, , et ).
Cette démarche constitue une aide psychologique lors du suivi de la prothèse ou pour faciliter son intégration lors d’une limitation d’ouverture, d’une dissymétrie faciale modifiant la jonction commissurale (fig. 16 et fig. 17, , et ), ou encore en présence d’un rapport intermaxillaire difficile à établir en ce qui concerne le plan d’occlusion et la dimension verticale (fig. 18, , et ).
Le patient denté ne présente aucune difficulté du point de vue de l’occlusion en présence d’une petite perte de substance (fig. 1). Dans ce cas, un obturateur est confectionné en prenant appui sur les dents existantes sans altérer les rapports occlusaux (fig. 19). Si le guidage antérieur est fonctionnel, là aussi le schéma occlusal ne présente pas de problème (fig. 20) et devra s’intégrer dans la cinématique mandibulaire existante. En présence d’une grande perte de substance (fig. 2) comme une bimaxillectomie, les surfaces d’appui sont quasi inexistantes, le comportement neuromusculaire et la stabilité articulaire sont réduits, ce qui justifie l’utilisation de dents plates de type Sears. En effet, le montage de Sears permet une meilleure stabilisation en évitant les contacts déflecteurs [40, 41, 42].
Parmi les thérapeutiques odontologiques, la prothèse maxillo-faciale est certainement l’une des plus complexes car elle concerne des patients touchés au plus profond d’eux-mêmes. Les objectifs de la prothèse maxillo-faciale, bien que modestes par rapport aux restaurations dentaires conventionnelles, n’en demeurent pas moins identiques. La diversité des situations tant du point de vue général que local oblige le thérapeute à la prudence et ensuite à échafauder un scénario à court terme, ayant pour objectif immédiat le confort du patient, puis la recherche d’un bien-être à plus long terme. Toute prise de risque en oncologie est toujours faite au détriment du patient et avec des conséquences néfastes souvent irréversibles. La stabilisation prothétique passe par l’équilibre mais surtout l’acceptation d’un corps étranger au sein des surfaces d’appui ostéo-muqueux et/ou dentaire. Tous les procédés favorisant la stabilisation sont à mettre en œuvre, au moment des empreintes (piézographie), de l’enregistrement des rapports intermaxillaires ou de la conception de la prothèse (coronoplasties, couronnes fraisées, attachements, utilisation d’implants). Parallèlement et préventivement, une planification chronologique est mise en œuvre. Elle permet, la sauvegarde du traitement. Elle demeure un gage de confiance pour le patient et facilite le suivi par le praticien.