Les cahiers de prothèse n° 159 du 01/09/2012

 

éditorial

Jean Schittly  

rédacteur en chef

C’est la rentrée ! Une de plus, et cette rentrée-là s’effectue dans un climat plutôt morose. On ne sait pas trop pourquoi, certainement une accumulation de nouvelles désagréables et en particulier pour notre profession.

Certes, il y a la réception des avis d’imposition, mais cela n’est pas une nouveauté, c’est toujours comme cela pour beaucoup de Français en cette période de retour de vacances, comme pour nous faire mieux replonger dans les réalités...


C’est la rentrée ! Une de plus, et cette rentrée-là s’effectue dans un climat plutôt morose. On ne sait pas trop pourquoi, certainement une accumulation de nouvelles désagréables et en particulier pour notre profession.

Certes, il y a la réception des avis d’imposition, mais cela n’est pas une nouveauté, c’est toujours comme cela pour beaucoup de Français en cette période de retour de vacances, comme pour nous faire mieux replonger dans les réalités quotidiennes…

On peut s’attarder un peu sur cette rentrée mais tout en restant disponible pour le travail au fauteuil qui, en ce moment, mérite un peu d’organisation en attendant le retour de l’équipe au complet. Comme le praticien prend moins de jours de congés que ses salariés, forcément il y a une période d’adaptation…

Dans ces périodes de départ ou de retour de vacances, quelques patients pensent à la météo ou aux plages de sable fin et oublient qu’ils avaient pris rendez-vous. C’est rageant car on aurait pu prendre cette urgence placée en fin de journée…, mais cela permet toutefois d’ouvrir le courrier accumulé, de consulter les quelques mails intéressants au milieu des 350 reçus en notre absence.

Et c’est dans ces moments-là aussi que la morosité nous reprend : outre les nouvelles des impôts, de l’URSSAF, etc., arrivent les informations émanant de nos syndicats pour annoncer les « substantielles » améliorations qui vont intéresser notre exercice libéral. C’est, paraît-il, un « avenant à l’actuelle convention ». On clique et hop !, le Journal officiel est à l’écran, mais il y des dizaines de pages, impossible de tout lire d’une seule traite, alors on va chercher les mots qui interpellent.

Consultation : son prix va augmenter ! Non, pas tout de suite : au printemps 2013. Combien ? 23 €. Il semble bien que c’est ce que demandent les médecins depuis plusieurs années. Alors, si peu que nos amis voient leur lettre clé « C » augmenter aussi, nous allons continuer à subir une sorte de discrimination. Cela vous paraît normal qu’un examen de 30 minutes chez le médecin (prise de tension, auscultation…, diagnostic, ordonnance) soit plus valorisé que celui du chirurgien-dentiste, avec son plateau technique acquis et renouvelé à grands frais pour évaluer l’état dento-parodontal, les ATM… et établir des diagnostics précisés ou confirmés par des radios gratuites ?

Il faudra écrire notre lettre clé spécifique « c » minuscule, pour ne pas confondre…

Devis de prothèse : cela fait longtemps qu’on en parle, cela se précise, obligation de faire figurer le prix des pièces prothétiques délivrées par le laboratoire de prothèses.

Des devis types sont paraît-il en préparation, c’est une bonne chose car cela devrait nous éviter de faire des devis et des factures de garagistes lorsque les traitements prothétiques seront un peu complexes et composites.

Outre le fait que cela va encore alourdir nos tâches administratives, cela va nous faire réfléchir et poser quelques questions.

À quoi cela va-t-il servir ? Est-ce pour culpabiliser les praticiens face à leurs patients qui sont depuis des décennies influencés par les associations de « consommateurs » et par les médias qui ne manquent pas une occasion de s’offusquer de cette pratique consistant « à faire la culbute » sur les tarifs des prothésistes pour demander des honoraires exorbitants ?

Régulièrement, les journalistes qui sont pourtant intelligents et très professionnels, ne cessent de colporter ces informations nous assimilant à des vendeurs de chaussures. Comment faire, quels moyens utiliser pour expliquer les réalités économiques de notre pratique professionnelle ?

Peut-être que ces nouvelles informations fournies aux patients avec les devis détaillés finiront par faire admettre que les prix des prothèses facturées par les laboratoires interviennent très peu sur les honoraires demandés. Cela donnera peut-être l’occasion d’expliquer que c’est le coût horaire du cabinet, les fournitures diverses et le savoir-faire du praticien qui sont les facteurs essentiels justifiant les honoraires.

Quitte à fournir aux patients ce type d’information, il faudrait au moins que cela s’étende à l’ensemble du monde de la santé. Vous trouvez normal qu’un patient qui vient de séjourner à l’hôpital pour y subir une intervention chirurgicale ne reçoive pour seule facture que celle de l’accès à la télévision dans sa chambre ? Les Français, considérant comme normale la couverture de leurs frais médicaux, n’ont aucune notion de ce qu’ils coûtent à la collectivité…

Revalorisation des actes : c’est pratiquement inutile de s’étendre sur ce sujet qui conduit depuis des décennies à la résignation. Nous devons être une des rares professions qui ne voit pas sa base de rémunération suivre au moins le cours de l’inflation. Comme le retard s’accumule depuis plusieurs décennies, le problème est devenu insoluble. Une pratique de soins de qualité exclusivement constituée d’actes figurant à la nomenclature conduit à la faillite… Cela explique les nouvelles orientations de notre profession face à cette paupérisation progressive des professions de santé : les jeunes diplômés sont attirés par les activités salariées et les candidats à la retraite ne trouvent plus de repreneurs pour leur cabinet.

On va s’arrêter là au risque de sinistrose. Si vous êtes de fidèles lecteurs des Cahiers de prothèse, c’est que vous attendez encore beaucoup de votre profession et que vous avez compris que la formation continue et les travaux de qualité sont les meilleurs moyens de bien vivre votre pratique.

La profession libérale de chirurgien-dentiste est dans le creux de la vague mais il reste toujours du potentiel pour s’initier à la pratique du surf et retrouver les sommets… sans plonger.