PROTHÈSE FIXÉE
Meriem Amine* Kaoutar Laslami** Fatimzahra Amzyl*** Anas Bennani**** Khadija Amine***** Aida Bigou******
*Professeur assistant, Service de prothèse conjointe
Faculté de médecine dentaire de Casablanca
Centre de consultations et de traitements dentaires
CHU Ibn-Rochd,
Casablanca, Maroc
**Professeur assistant, Service d’odontologie conservatriceFaculté de médecine dentaire de Casablanca
Centre de consultations et de traitements dentaires
CHU Ibn-Rochd,
Casablanca, Maroc
***Résidente, Service de prothèse conjointeFaculté de médecine dentaire de Casablanca
Centre de consultations et de traitements dentaires
CHU Ibn-Rochd,
Casablanca, Maroc
****Professeur de l’enseignement supérieur, Service de prothèse conjointeFaculté de médecine dentaire de Casablanca
Centre de consultations et de traitements dentaires
CHU Ibn-Rochd,
Casablanca, Maroc
*****Professeur agrégé, Service de parodontologie
******Professeur de l’enseignement supérieur, Chef de service de prothèse conjointeFaculté de médecine dentaire de Casablanca
Centre de consultations et de traitements dentaires
CHU Ibn-Rochd,
Casablanca, Maroc
La gestion d’un cas complexe représente un défi pour le praticien car les paramètres à gérer sont nombreux. Une analyse globale et précise de la situation clinique s’impose : entretien clinique, examen exobuccal et endobuccal complété par des examens complémentaires, bilan esthétique ainsi que simulation du projet thérapeutique sur modèles d’étude montés en articulateur (modèles de diagnostic). L’objectif est de trouver le meilleur compromis en termes de conception, de réalisation et de pérennité d’un cas clinique complexe.
À travers la stratégie de prise en charge d’un cas clinique complexe, en vue de la restauration complète des arcades maxillaire et mandibulaire, cet article présente l’intérêt d’un abord pluridisciplinaire endodontique, parodontal et prothétique, la chronologie des thérapeutiques préprothétiques et perprothétiques, l’ensemble des difficultés rencontrées et l’approche de leur gestion.
Managing a complex case in fixed prosthesis : from clinical analysis to prosthetic restoration
Managing a complex case is a challenge for the practitioner due to several parameters. Comprehensive and accurate analysis of the clinical situation is needed : clinical interview, intra and extra-oral examination supplemented by additional tests, an aesthetic balance and simulation of therapeutic project on casts using an articulator. The objective is to find the best compromise in terms of design and sustainability of a complex clinical cases.
Through the strategy of management of a complex clinical case, to the full rehabilitation of maxillary and mandibular arches, this article presents the importance of multidisciplinary treatment : endodontic, periodontal and prosthetic ; step by step of pre and per prosthetic treatment ; all difficulties and their management approach.
La perturbation des fonctions occlusales et de l’esthétique liée aux délabrements dentaires, est souvent à l’origine de problèmes d’ordre physique et de troubles psychiques.
Toute possibilité de traiter ces délabrements à l’aide d’une prothèse fixée représente, pour le patient, un rétablissement inestimable de sa qualité de vie.
La restauration prothétique complète fixée revêt souvent un caractère complexe compte tenu des différents paramètres à gérer. Une démarche rationnelle, comportant un examen clinique minutieux, des examens complémentaires et une analyse occlusale sur articulateur, permet au praticien d’établir un diagnostic précis, de déterminer les objectifs du traitement et d’élaborer un plan de traitement chronologiquement détaillé.
Une bonne gestion d’un cas complexe fait souvent appel à une simulation du projet prothétique sur articulateur qui constitue une aide précieuse pour le praticien car elle lui permet de préfigurer le résultat du traitement prothétique, de communiquer la décision thérapeutique au patient et de la valider en clinique par des prothèses de transition.
La réalisation des prothèses d’usage passe par des montages alternés facilitant les étapes prothétiques.
Cet article a pour objectif de présenter une stratégie de prise en charge d’un cas nécessitant une restauration prothétique complète.
Une patiente, âgée de 23 ans, est venue consulter pour une remise en état de sa cavité buccale par une restauration globale esthétique et fonctionnelle.
L’entretien avec la patiente a révélé un bon état général.
Sur le plan dentaire, la patiente a précisé que toutes ses dents se sont cariées depuis son jeune âge.
Un interrogatoire poussé a révélé la composante familiale du défaut de minéralisation dont souffrait également, mais de façon plus légère, sa jeune sœur (fig. 1).
L’examen a mis en évidence une face symétrique, un étage inférieur moins haut que les étages supérieur et moyen, un profil plat et un angle naso-génien droit.
L’examen du sourire a révélé un sourire large et disgracieux (fig. 2).
La patiente présentait une mauvaise hygiène bucco-dentaire liée à un brossage irrégulier et une inflammation gingivale généralisée.
L’examen dentaire a montré des délabrements dentaires importants, une fonction occlusale perturbée avec un espace prothétique insuffisant (fig. 3).
L’examen parodontal a révélé une insuffisance de gencive attachée au niveau des secteurs latéraux mandibulaires.
L’examen du cliché panoramique a montré des délabrements importants, l’impossibilité de conserver les 16, 24, 26, 36 et 46.
Les autres dents pouvaient être restaurées (fig. 4).
L’examen clinique ayant révélé une perte de la dimension verticale d’occlusion (DVO) et un espace prothétique réduit, une analyse céphalométrique a été réalisée pour déterminer la DVO thérapeutique (fig. 5).
Cette analyse a suggéré une augmentation de la DVO de 2 mm au niveau molaire.
Selon la règle trigonométrique, une augmentation d’environ 5 à 6 mm est préconisée au niveau de la tige incisive de l’articulateur (fig. 5).
Cette dimension verticale suggérée sera validée esthétiquement et fonctionnellement en bouche par un jeu de prothèses provisoires [1].
À partir des examens cliniques et des examens complémentaires, les critères de reconstruction ont été déterminés, à savoir la position occlusale de référence (la relation centrée) et la dimension verticale d’occlusion.
Un montage prospectif préfigurant le projet prothétique souhaitable a été réalisé en cire (fig. 6). Il a permis :
– de présenter le plan de traitement au patient de façon didactique pour avoir son consentement éclairé ;
– de visualiser les nouveaux rapports dentaires ;
– d’anticiper les difficultés susceptibles d’être rencontrées au cours des étapes successives de la gestion du cas ;
– de communiquer avec les confrères associés à la réalisation du traitement global ;
– de réaliser des prothèses intermédiaires transitoires de qualité servant à valider la proposition prothétique.
Il s’agit d’un moyen de communication idéal pour la triade patient-praticien-prothésiste [2, 3].
La démarche intellectuelle de prise en charge est résumée dans l’encadré 1.
Le plan de traitement s’est déroulé comme suit.
– Enseignement à l’hygiène bucco-dentaire.
– Détartrage et prescription médicamenteuse pour traiter l’inflammation gingivale.
– Extractions des dents jugées irrécupérables : 16, 24, 26, 36 et 46.
– Traitement endodontique sur : 17, 15, 14, 13, 12, 11, 21, 22, 23, 25, 27, 47, 45, 44, 43, 42, 41, 31, 32, 33, 34, et 35 (fig. 7).
• Phase transitoire
Réalisation des prothèses de transition à l’aide du montage prospectif et selon des étapes bien codifiées.
À l’aide des moulages de diagnostic, des clés en silicone ont été réalisées pour permettre la confection des prothèses de transition par isomoulage indirect (fig. 8).
La mise en place des éléments provisoires en bouche a été guidée par des gouttières thermoformées confectionnées sur des moulages en plâtre, répliques des moulages de diagnostic (fig. 9).
La réalisation de ces prothèses de transition a débuté au niveau des couples des premières prémolaires et deuxièmes molaires pour fixer la DVO thérapeutique (fig. 10 et et fig. 11).
Cette augmentation de la DVO a permis de réaliser les couronnes provisoires du secteur antérieur en commençant par le secteur mandibulaire (fig. 12 et ).
Après reconstruction du guidage antérieur, les prothèses de transition ont été réalisées par secteur au niveau postérieur (fig. 13) [4, 5, 6].
L’occlusion a été contrôlée en statique (courbes occlusales), en dynamique (contacts occlusaux répartis) et en cinématique (diduction et propulsion) : absence d’interférences du côté non travaillant avec une fonction de groupe postérieure [7].
Une phase de temporisation et de réévaluation est primordiale, pendant laquelle les traitements spécialisés de chirurgie parodontale ainsi que les reconstitutions sous-jacentes aux prothèses sont réalisés (fig. 14 à ).
Une fois le projet prothétique validé en bouche à l’aide des prothèses de transition sur le plan esthétique et fonctionnel, l’étape prothétique proprement dite a pu être entamée, et ce après réévaluation des thérapeutiques préprothétiques [1].
• Phase définitive : réalisation des prothèses d’usage
La phase définitive a consisté, tout d’abord, en la restauration du guide antérieur, avant de passer à celle des secteurs latéraux [8, 9, 10].
Pour faciliter le travail du prothésiste de laboratoire, nous avons, dans un premier temps, monté les moulages en plâtre issus de l’empreinte des éléments provisoires, puis enregistré le guide antérieur préalablement validé en bouche grâce à une table incisive individualisée façonnée par déplacement de la tige incisive lubrifiée sur de la résine Duralay® en propulsion et en diduction droite et gauche (fig. 15) [11].
Un montage alterné du moulage de travail mandibulaire par rapport au moulage des éléments provisoires maxillaires préalablement transféré permet la confection des prothèses antéro-mandibulaires ( fig. 16 et 17).
Une fois le secteur antéro-mandibulaire restauré et scellé, le moulage de travail maxillaire a été transféré par rapport à un nouveau moulage mandibulaire (fig. 18).
Les prothèses d’usage antéro-maxillaires ont été réalisées, puis essayées en bouche et validées sur le plan esthétique et fonctionnel : leurs faces palatines reproduisant celles des éléments provisoires, un minimum de retouches a été nécessaire (fig. 19) [11, 12].
Après restauration du guidage antérieur, les secteurs latéraux ont pu être réalisés, en commençant par les secteurs latéraux mandibulaires (fig. 20) puis maxillaires (fig. 21).
Nous avons été confrontés, lors de l’essayage des restaurations du secteur maxillaire droit, à un rapport occlusal dent/dent secondaire à l’addition des erreurs de la reconstruction globale au niveau du dernier bridge.
Le problème a été résolu par une meilleure gestion du diamètre mésio-distal des reconstructions (fig. 22 à ).
Grâce à une approche pluridisciplinaire concertée et réfléchie, à une méthodologie appropriée, certes un peu longue mais efficace, le traitement d’un cas clinique peu fréquent a pu être mené à bien.
La patiente a retrouvé son sourire, pour notre grande satisfaction (fig. 23).
Remerciements : nous tenons à remercier le docteur H. Aghoutan, orthodontiste, qui nous a aidés à réaliser l’analyse céphalométrique.
Nous remercions également A. Sounani, prothésiste de laboratoire, pour la réalisation des travaux de prothèse.
1. Évaluation globale et minutieuse du cas clinique :
– examen clinique exobuccal et endobuccal ;
– examens complémentaires :
• radiographies et moulages,
• téléradiographie de profil pour déterminer la DVO.
2. Bilans de l’examen clinique.
3. Montage prospectif :
– projet thérapeutique ;
– moulages montés en articulateur en relation centrée avec la nouvelle DVO.
4. Transposition du projet thérapeutique sur prothèses provisoires.
5. Phase de temporisation : après validation en bouche du projet thérapeutique.
6. Traitements spécialisés : traitement parodontal.
7. Reconstitutions sous-jacentes à la prothèse conjointe.
8. Réévaluation générale.
9. Séquences prothétiques avec réalisation des restaurations :
– antéro-inférieures ;
– antéro-supérieures ;
– postéro-inférieures ;
– postéro-supérieures.
10. Maintenance.