Les cahiers de prothèse n° 158 du 01/06/2012

 

Prothèse fixée

Pauline Dartevelle*   Olivier Étienne**   Béatrice Walter***  


*Attachée hospitalier
CHU de Strasbourg
1, place de l’Hôpital
67000 Strasbourg
**MCU-PH
CHU de Strasbourg
1, place de l’Hôpital
67000 Strasbourg
***PU-PH
CHU de Strasbourg
1, place de l’Hôpital
67000 Strasbourg

Résumé

En prothèse fixée, la préparation des dents destinées à recevoir une restauration périphérique repose sur le respect de principes fondamentaux mécaniques, biologiques et esthétiques. Parmi ceux-ci, les paramètres assurant la rétention et la stabilisation de l’élément prothétique sont indispensables pour assurer la pérennité de la restauration. L’un de ces paramètres est l’angle de convergence occlusale des parois de la préparation, qui peut aujourd’hui être mesuré avec précision sur l’image d’un moignon agrandie sur un écran grâce aux moyens apportés par la CFAO. Cette possibilité de mesurer des angles de convergence a motivé la réalisation d’une étude dans l’unité fonctionnelle de prothèses de la faculté d’odontologie de Strasbourg. Au total, un ensemble de 177 préparations a été évalué, tous secteurs confondus, à partir de moulages de travail cliniques et précliniques numérisés. Les résultats obtenus mettent en évidence des valeurs de convergence généralement supérieures aux valeurs théoriques enseignées (6°). De plus, ces valeurs augmentent, en moyenne et respectivement, entre les secteurs prémolaires, incisivo-canins et molaires. Cette étude apporte une dimension supplémentaire aux moyens d’évaluation habituels de préparation des piliers dentaires et permet de rendre compte de l’application de l’enseignement des principes de convergence, tant en préclinique qu’en clinique.

Summary

Convergence angle of the axial walls of full crown preparations

In fixed prosthodontics, the preparation of a tooth to be restored by a crown is based on several basic principles : mechanical, biological and esthetic. Among those, the parameters that ensure the retention and the stabilization of the restoration are necessary to maintain the durability of the restoration. One of these parameters is the convergence angle of the preparation. Nowadays, thanks to the possibilities brought by the CAD-CAM scanning, this angle can be precisely measured on the enlarged image of a preparation. This possibility justified the achievement of a study in the Department of Prosthodontics of the Dental Faculty of Strasbourg. In total, a set of 177 preparations was evaluated, all sectors taken into account. All measurements were based on clinical and preclinical scanned plaster casts. The results showed most values superior to the theoretical values (6°). Moreover, the average values increase from the premolar to the incisor-canina and to the molar sectors. As a conclusion, this study brings an additional dimension to the usual evaluation of tooth preparation, and allows us to be aware of the preclinical and clinical application of the taper principles.

Key words

tooth preparation, taper, education, fixed prosthodontics

La préparation de la dent destinée à recevoir une restauration prothétique périphérique a toujours été et reste un acte essentiel qui contribue au succès de la restauration. Elle doit être conduite avec adresse et rigueur, dans le respect de principes fondamentaux mécaniques, biologiques et esthétiques. Parmi ceux-ci, les paramètres assurant la rétention et la stabilisation de l’élément prothétique sont indispensables pour assurer la pérennité de la restauration [1]. L’un de ces paramètres est l’angle de convergence occlusale des parois de la préparation, qui traduit la « conicité » clinique observée. Le praticien doit connaître et garder à l’esprit l’image de la préparation conventionnelle, fondée sur une réduction de la dent et sur la création d’un anneau de rétention. Pour les constructions céramo-métalliques, cet anneau a été évalué comme optimum pour un angle de convergence de 6° [12-3].

Cliniquement, des valeurs globales de dépouille allant jusqu’à 16° sont considérées comme acceptables (fig. 1 et b). Elles permettent une rétention suffisante de l’élément prothétique scellé [1, 2, 4, 5].

Cependant, ces exigences purement mécaniques ont beaucoup évolué au cours des dernières années, en particulier depuis l’avènement des principes de collage appliqués aux armatures en céramique [6, 7]. Ainsi, l’assemblage par collage d’une armature en vitrocéramique (feldspathique, leucite ou disilicate de lithium) correctement ­préparée à un support amélaire mordancé permet de s’affranchir de ces principes exclusivement mécaniques. L’angle de convergence recommandé est alors augmenté à 12° [8].

En revanche, les constructions de type céramo-métallique, métallique ou même de type céramique dense doivent toujours respecter les critères de convergence des préparations sous peine d’augmenter le risque de descellement de l’artifice (fig. 2).

L’angle de convergence occlusale optimal répond à des exigences diverses qui reposent sur la hauteur et le diamètre de la préparation, mais aussi sur l’espacement interne entre la restauration prothétique et la dent, et enfin sur le matériau d’assemblage (ciment ou colle). Ces deux derniers points constituent, là encore, des critères ayant beaucoup évolué ces dernières années [9, 10].

Ainsi, les procédés de mise en forme par fonderie d’alliage sont aujourd’hui complétés par des procédés de pressée de céramique ou d’usinage par conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) [11]. L’espacement interne qui résulte de ces modes de fabrication est variable et peut être contrôlé partiellement ou totalement. De façon générale, l’espacement interne est croissant entre les techniques coulées, pressées et usinées. Dans ce dernier cas, l’espace interne rapporté dans les études varie de 80 à 120 µm [12].

Concernant les matériaux d’assemblage, la viscosité de ceux-ci doit être mise en relation avec l’angle de convergence de la préparation : plus le matériau est fluide, plus la convergence peut être réduite et inversement. Cette viscosité est contrôlable pour les ciments les plus anciens (polycarboxylates, oxyphosphates), en modifiant le rapport poudre/liquide. Ce n’est plus le cas pour les ciments modernes (ciments verre ionomère modifiés ou non par adjonction de résine) et encore moins pour les colles. Par conséquent, le ­praticien doit adapter son geste dès l’étape de la préparation, en tenant compte du matériau d’assemblage final.

Ces notions cliniques doivent être appréhendées au mieux par le praticien avéré mais aussi par l’étudiant en cours de formation. Afin d’estimer objectivement l’angle de convergence, l’outil informatique que constitue le scanner tridimensionnel est d’une grande utilité. Les possibilités apportées actuellement par les logiciels de CFAO ont ainsi motivé la réalisation d’une étude portant sur l’évaluation de la convergence des préparations périphériques réalisées au sein de l’Unité fonctionnelle de prothèses de la faculté d’odontologie de Strasbourg dans le cadre de restaurations à armature zircone.

Étude des angles de convergence

Matériel et méthode

L’étude comportait deux panels de préparations (tableau I) : le premier était composé de 30 préparations unitaires réalisées par des étudiants en formation préclinique. Ces préparations ont été sélectionnées comme étant les 10 meilleurs modèles évalués visuellement lors de l’examen de travaux pratiques de prothèse fixée de fin de 3e année (D1).

Les préparations des étudiants ont toutes été réalisées en conditions « cliniques », sur tête fantôme avec joues synthétiques.

Le second panel comportait un échantillon de 147 préparations réalisées en clinique, par les étudiants du cycle court, du cycle long et les enseignants de l’Unité fonctionnelle de prothèses. Le critère de sélection de ces préparations était une impression visuelle globale satisfaisante. Les préparations mesurées étaient indifféremment réalisées sur piliers de dents pulpées ou reconstitués.

Ainsi, au total, un ensemble de 177 préparations, tous secteurs confondus, a été évalué.

Chaque préparation a été numérisée à partir de moulages de travail, à l’aide du système Procera® Forte de Nobel Biocare (fig. 3 et b). La numérisation s’est effectuée par contact de la tête sphérique de scannage sur toute la surface de la préparation, après positionnement précis de la préparation dans son étau amovible et de la tige de scannage par rapport à la préparation.

Elle faisait apparaître sur l’écran une image magnifiée, en trois dimensions et d’agrandissement variable, de la préparation dans sa globalité (fig. 4).

Pour réaliser de façon répétitive les mesures, une image de chaque face axiale de chaque préparation a été enregistrée. Ces images constituaient la base de données de l’étude, permettant la réalisation des mesures du degré de convergence occlusale globale des 177 préparations dans le sens vestibulo-palatin/lingual et mésio-distal. Les mesures ont été effectuées à l’aide d’un logiciel informatique d’acquisition et de traitement d’images (Mesurim Pro v.08). Les deux segments délimitant l’angle de convergence à mesurer ont été tracés sur l’image et la valeur de l’angle s’est affichée automatiquement (fig. 5, b, c et d).

Afin de caractériser plus efficacement les valeurs, quatre groupes correspondant à quatre fourchettes d’angles ont été définis :

– groupe 1, angle < 2° ;

– groupe 2, 2° ≤ angle ≤ 6° ;

– groupe 3, 6° < angle ≤ 16° ;

– groupe 4, 16° < angle.

Résultats

Préparations réalisées en préclinique

Les 30 préparations évaluées visuellement par les deux examinateurs comme étant les plus conformes à l’objectif théorique demandé (6°) présentaient, en moyenne, des valeurs conformes dans le secteur prémolaire mais doublées dans le secteur molaire (tableau II).

La répartition des angles mesurés en quatre groupes a permis de mettre en évidence les difficultés techniques rencontrées par les étudiants en phase préclinique (fig. 6). Ainsi, les zones accessibles à la vue directe respectaient assez fidèlement les objectifs demandés (convergence proximale en secteur prémolaire).

En revanche, dans le secteur molaire, la tendance à l’augmentation de la convergence était plus marquée, ­particulièrement dans le sens proximal qui ne s’offre plus à l’examen visuel direct.

Préparations réalisées en clinique

Les valeurs moyennes observées dans le panel clinique ont mis en évidence des tendances nettes et d’autres plus discutables (tableau III et fig. 7).

Ainsi, dans les secteurs incisivo-canin et prémolaire, les préparations avaient toujours un angle plus convergent à la mandibule qu’au maxillaire. Il en était de même lorsque l’on comparait la dépouille vestibulo-palatine/linguale à la dépouille proximale : la seconde était moins marquée que la première.

Dans le secteur molaire, les valeurs moyennes mesurées étaient toutes supérieures aux recommandations cliniques habituelles.

Enfin, l’analyse de la répartition des mesures selon les quatre groupes définis a mis en évidence une augmentation des valeurs de convergence occlusale, en moyenne et respectivement, entre les secteurs prémolaires, incisivo-canins et molaires.

Les meilleurs résultats ont été obtenus dans les secteurs prémolaires, bénéficiant du meilleur accès visuel et manuel, à la fois dans le sens vestibulo-palatin et dans le sens mésio-distal.

Dans les secteurs antérieurs, les difficultés de visualisation de l’axe des faces palatines/linguales des incisives induisaient une convergence globalement marquée selon cet axe.

De nombreux éléments permettent d’expliquer l’obtention de valeurs de convergence plus élevées dans les secteurs molaires :

– les difficultés de visualisation des axes de convergence dans le sens mésio-distal mais également dans le sens vestibulo-palatin/lingual ;

– la limitation de l’ouverture buccale, qui empêche souvent un maintien de l’axe de l’instrument strictement dans l’axe de la dent et impose une inclinaison de celui-ci dans les zones les plus postérieures ;

– la présence de la langue à la mandibule.

Discussion

Les résultats de cette étude permettent de rendre compte de l’application de l’enseignement des principes de préparation tant en phase préclinique que clinique. Ils mettent en évidence l’obtention de valeurs de convergence occlusale globale généralement supérieures aux valeurs théoriques enseignées (6°).

Cette dépouille marquée des préparations analysées est comparable aux valeurs rapportées par diverses études similaires [3, 13141516-17] (tableau IV).

Les meilleurs résultats ont globalement été obtenus pour les préparations réalisées en phase préclinique. Les difficultés d’accès des instruments et les difficultés de visualisation de la convergence sont minimisées sur les têtes fantômes. De plus, les obstacles anatomiques y sont réduits (absence de langue, ouverture buccale plus importante, joues extensibles…) et les préparations sont réalisées sur des modèles avec des dents intactes sur des arcades régulières.

Il est évident que le contexte clinique engendre des difficultés supplémentaires, inhérentes au patient, à l’interruption régulière du geste mais également au respect des angles théoriques de convergence lors de la réalisation des reconstitutions corono-radiculaires par le technicien de laboratoire. La prise en compte du facteur humain est plus importante qu’en préclinique où seule compte l’aptitude du praticien-étudiant.

De bonnes positions de travail et de bons points d’appui, de même que l’exécution du geste en vue directe dans le respect de la distance de travail recommandée (à 30 cm de la préparation) sont autant d’éléments essentiels visant à limiter les risques d’erreur dans la réalisation des gestes. De même, l’utilisation d’une instrumentation adaptée (contre-angles munis d’une petite tête et de fraises à tige courte) permettrait d’améliorer l’accès dans les secteurs postérieurs.

Les limites de cette étude résident dans l’utilisation d’un palpeur physique pour la numérisation des modèles. Ce type de palpeur ne permet pas un enregistrement optimal de la zone de transition entre le congé cervical et les faces axiales de la préparation. Néanmoins, ce choix de matériel n’influence vraisemblablement pas les valeurs présentées.

Conclusion

Cette méthode apporte une dimension supplémentaire aux moyens d’évaluation habituels, à savoir des données d’objectivité pour l’appréciation des formes et des capacités de rétention des préparations périphériques en prothèse fixée.

Elle pourrait ainsi constituer un outil pédagogique efficace, permettant aux étudiants d’auto-évaluer de façon objective leurs préparations et pouvant apporter aux enseignants un moyen de correction objectif des préparations réalisées par les étudiants en préclinique.

bibliographie

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