Pluridisciplinaire
Hervé Barthélémy* Emmanuel d’Incau** Olivier Étienne***
*AHU Strasbourg, Département des Prothèses
1, rue de la Division Leclerc
67000 Strasbourg
**Ancien AHU
Sous-section de Prothèses UFR d’Odontologie
16-20, cours de la Marne
33082 Bordeaux Cedex –
***MCU-PH Strasbourg,
Département des Prothèses
1, rue de la Division Leclerc
67000 Strasbourg
La photographie constitue une aide essentielle dans le recueil de données, le diagnostic, le relevé de couleur, le suivi thérapeutique et la transmission d’informations à des correspondants. Le choix d’un équipement et son usage n’en demeurent pas moins délicats pour le novice. Par ailleurs, les limites du matériel photographique, inhérentes à ses caractéristiques optiques et électroniques, associées à une prise en main et un réglage inadéquats, ont pour effet une altération de la qualité des clichés, empêchant leur correcte interprétation. Cet article se propose de faire le point sur la sélection du matériel adéquat et sur les techniques de réalisation de clichés de qualité. Un second volet portera dans un numéro à venir sur le post-traitement en vue de publications ou de présentations audiovisuelles.
Dental Digital photography : Settings and Shooting (part I)
Digital photography is an essential aid in the collection of data, diagnosis, survey of color, therapeutic follow-up and in the transmission of information to correspondents. The choice of adequate equipment and its use are not so easy for the novice. Moreover, limited photographic equipment, regarding its optical and electronic characteristics, associated with inadequate settings, has the disastrous effect of producing altered images, preventing their correct interpretation. This article proposes to provide an update on the selection of suitable material and on the settings to achieve high quality pictures. A second chapter will follow on the post-processing for publications or lectures.
La photographie est un outil dont l’intérêt au cabinet dentaire ne fait que s’accroître tant les traitements adoptent une orientation esthétique ou s’inscrivent dans un contexte médico-légal strict. En raison d’une évolution exponentielle sur les plans industriel et technique, le numérique a été à la source d’une véritable révolution au cours des deux dernières décennies, facilitant désormais son accès au plus grand nombre. Gagnant en précision et en confort, la photographie numérique a mis un terme à son ancêtre argentique dans le domaine médical et dentaire.
Cet outil ne constitue en aucun cas un moyen infaillible de reproduire les informations captées par l’œil et interprétées par le cerveau humain. L’image doit refléter de la façon la plus proche la réalité ; cette technologie permet de s’en approcher. En outre, elle offre des possibilités non exhaustives de post-traitements informatiques, qui ont pour finalité une meilleure lecture de l’image, la mise en évidence de détails ou la correction des défauts liés à la prise de vue.
Cette série de deux articles a pour but de donner le cadre général actualisé ainsi que les particularités technologiques du domaine de la photographie odontologique, afin d’aider l’omnipraticien dans sa démarche clinique et dans sa communication avec le laboratoire. Ainsi, après une présentation exhaustive des matériels concernés, le premier article donne tous les conseils nécessaires en termes de réglages et de prises de vue afin d’optimiser ses résultats. Dans le second article, les mises en valeur, transformations, recadrages et autres techniques de post-traitements seront explicités.
L’outil numérique constitue une aide non négligeable à la réflexion clinique préalable, depuis l’analyse des rapports de la cavité buccale avec le visage jusqu’à l’observation détaillée d’une ou de plusieurs dents sur l’arcade. Ainsi, le praticien doit être à même de gérer techniquement la photographie, du portrait à la dent unitaire.
Le choix du matériel est essentiel. Il s’agit d’employer un boîtier, une optique et une source de lumière adaptés au mode de prise de vue en photographie dentaire.
Le boîtier constitue l’élément de base. Il se décline selon quatre grandes familles que sont les compacts, les compacts à objectifs interchangeables, les bridges et les reflex.
Ces derniers sont les plus intéressants. Associés à une optique et à un flash adaptés, ils sont les seuls à permettre une représentation du sujet en plan rapproché avec un contrôle sur l’éclairage, sur la précision des détails et sur la déformation de l’image. Ils diffèrent entre eux avant tout par les caractéristiques de leur capteur, à savoir sa taille, sa densité en pixels et sa sensibilité. Contrairement aux idées reçues, le nombre de mégapixels n’est pas un facteur déterminant sur la qualité de l’image car, d’une génération à l’autre, les processeurs gagnent en efficacité sur le traitement du bruit (grains de couleurs différentes dans une zone de couleur normalement homogène). C’est pourquoi les capteurs les plus récents permettent des sensibilités lumineuses (ISO) plus hautes avec un bruit similaire. Aussi, il est préférable de s’équiper d’un boîtier reflex récent en gage de qualité.
La macrophotographie dentaire nécessite, d’une part, le réglage manuel des variables de prise de vue que sont la vitesse d’obturation, l’ouverture du diaphragme et la sensibilité ISO, et, d’autre part, la mise en œuvre d’une optique appropriée et d’un flash externe programmable (fig. 1 et ). Tous les boîtiers reflex offrent de telles possibilités.
Les compacts et les bridges, à optique intégrée, ne sont pas adaptés à la macrophotographie dentaire (fig. 2, , et ). Leurs limites résident dans leurs propriétés optiques, dans la taille limitée du capteur, ainsi que dans l’impossibilité matérielle de monter un flash externe adapté à la macrophotographie. Seuls certains diffuseurs additionnels peuvent se fixer sur de tels appareils. Ils filtrent la lumière émise par le flash intégré, voire celle d’un flash externe de type Cobra. Cependant, leur usage doit être écarté, en raison de leur influence aléatoire sur la fidélité de la restitution des couleurs, ainsi que sur la répartition et la puissance de la lumière. Les détails de la couleur, de l’opalescence et de l’état de surface sont effacés, d’autant que ce type d’appareil photographique ne permet aucune prise de vue rapprochée sans distorsion géométrique (fig. 3), ou aucune prise de vue éloignée sans perte de résolution, de netteté et de profondeur de champ (fig. 3). Le recadrage sur logiciel de traitement graphique est en outre inévitable.
Actuellement, une nouvelle gamme d’appareils numériques se développe. Il s’agit des compacts à objectifs interchangeables, dits Micro 4/3 (fig. 2, et ), à mi-chemin entre compacts et reflex, et bien différents des bridges. Simples d’utilisation et de poids réduits, ils offrent une réactivité et une qualité d’image proches de celle du reflex. La vitesse de développement de tels boîtiers, l’apparition de nouveaux objectifs et accessoires et la séduction du grand public leur promet un bel avenir. Toutefois, la large diversité de ces systèmes ainsi que leur prix encore élevé sont des raisons pour lesquelles ils ne seront pas abordés dans cet article, les exigences du reflex étant transposables à ces appareils de dernière génération. Seules certaines configurations (boîtier muni d’un viseur, d’un téléobjectif et d’un flash) peuvent prétendre côtoyer la gamme reflex en macrophotographie dentaire.
Son choix est associé à celui du boîtier. En effet, dans le but d’obtenir la distance focale adaptée à la macrophotographie dentaire, il est nécessaire de combiner celle de l’optique au coefficient de conversion propre au boîtier, dépendant des dimensions de son capteur (exemple : 1 pour un 24 × 36 mm ; 1.3 en APS-H ; 1.5 en APS-C chez Nikon(r) ; 1.6 en APS-C chez Canon(r)). La plupart des boîtiers destinés au grand public sont munis d’un capteur APS-C.
Dans le cadre de la photographie dentaire, tout comme pour la réalisation de portraits, il est nécessaire d’obtenir une image géométriquement proche de la réalité, avec une perspective naturelle et des déformations minimes. Le choix de la distance focale de l’optique est défini par cette exigence. Il s’agit de la distance séparant le capteur du point de convergence des rayons lumineux. Une grande valeur tend à rendre parallèles les rayons lumineux incidents.
Dans le cadre d’une prise de vue rapprochée, la zone photographiée peut se restreindre à quatre à six dents, soit environ 3 à 4 cm sur la longueur. Aussi le choix d’une optique macro est nécessaire car elle permet la projection de l’image sur le capteur selon un rapport compris entre 1 : 2 et 1 : 1. À noter qu’un rapport de reproduction plus petit impose un éloignement du sujet et a pour inconvénient d’élargir le cadrage et de sortir de l’environnement buccal. Le choix de l’optique doit ainsi se porter sur un modèle affichant ces valeurs.
Bon nombre d’optiques zooms portent la mention « macro », sans pour autant comprendre cette plage de rapports de reproduction. Ils sont à proscrire au profit d’optiques à focale fixe. Ces derniers affichent une valeur unique de distance focale. Empiriquement, la valeur idéale se situe entre 100 et 180 mm en équivalence 24 × 36, c’est-à-dire une fois le coefficient de conversion appliqué à la valeur nominale de l’optique. À titre d’exemple, une optique 100 mm sur un boîtier APS-C (exemple : Canon(r) EOS 60D) ou une optique 180 mm sur un boîtier 24 × 36 mm (exemple : Canon(r) 5D Mark II) représentent de bonnes configurations (fig. 4 et ), que ce soit en photographie dentaire ou en portrait (fig. 5 et et 6).
Les optiques à focales supérieures imposent, pour des clichés endo-buccaux, un éloignement excessif du sujet par rapport à l’incidence de la lumière apportée par le(s) flash(s) (fig. 6) et ils créent un effet d’aplatissement de l’image dans les zones les plus postérieures. Ils ne rencontrent que peu d’intérêt en portrait.
Les optiques à focales inférieures, pour un même cadrage, induisent une déformation de telle sorte que le sujet apparaît disproportionné lorsqu’il se trouve proche. De plus, les bords sont effacés. L’interprétation en est de ce fait altérée (fig. 6 et fig. 7, et ).
Outre ces notions, la focale fixe comprend des qualités optiques supérieures. Elle autorise, de par sa construction, une représentation accrue des détails fins (ou piqué).
Enfin, l’ouverture du diaphragme est un autre paramètre à considérer. La profondeur de champ correspond à un intervalle de distance dans lequel doit se situer le sujet pour que l’on en obtienne une image nette. Son étendue est conditionnée par la distance au sujet, ainsi que par l’ouverture du diaphragme lors du déclenchement. Par principe, plus le sujet est proche, plus la profondeur de champ se réduit ; il en est de même lorsque l’ouverture du diaphragme augmente. Cela se traduit par une zone de netteté restreinte : les détails se situant en avant ou en arrière de la zone de mise au point deviennent sensiblement flous. Pour cette raison, afin d’obtenir une image nette sur l’ensemble de la zone photographiée, le diaphragme doit autoriser une fermeture importante, ce qui se traduit par une valeur notée f/x, où x est compris entre 25 et 40. Une telle fermeture, empêchant toute influence de la lumière ambiante ou du scialytique, requiert un puissant apport de lumière.
Le flash est un dispositif produisant une lumière intense pendant une durée très brève. Il en existe de différents types, plus ou moins adaptés à la photographie dentaire. Parmi ceux-ci, seuls les flashs macros doubles sont envisageables (fig. 8, et ). Ils sont capables d’émettre une lumière à répartition homogène, nécessaire à l’enregistrement des données colorimétriques des dents (fig. 9). De plus, ils émettent une lumière « dure » – non diffuse – propice à la mise en évidence des reliefs et des états de surface (fig. 9).
Le flash intégré au boîtier ou les flashs déportés ne permettent pas d’obtenir une image éclairée de façon homogène, la lumière ne provenant que d’un seul côté. De plus, des zones d’ombre peuvent apparaître selon l’encombrement de l’optique. Il existe des systèmes additionnels permettant de diffuser la lumière tout autour de l’objectif ; cependant, la perte en puissance est telle qu’elle rend impossible la prise de vue à une fermeture du diaphragme imposée par la macrophotographie, sans augmenter considérablement la sensibilité ISO ni dégrader la qualité de l’image.
En outre, l’exposition doit être constante, quelle que soit la distance au sujet. Le flash doit donc adapter son intensité, ce qui est rendu possible par les informations transmises du boîtier au flash par l’intermédiaire du système E-TTL (ou I-TTL ou S-TTL selon les marques). Un pré-éclair quasi imperceptible permet une mesure de l’exposition. La lumière réfléchie est mesurée par le capteur d’exposition en mode de mesure évaluative multizone (différent du capteur d’image). Les mesures de la luminosité ambiante (ici nulle) et du pré-flash sont comparées ; la puissance idéale du flash principal est calculée et mise en mémoire. Le miroir se lève, le flash principal s’allume, le capteur d’image est exposé, puis le miroir redescend. Un flash E-TTL est ainsi nécessaire pour obtenir une image correctement exposée.
Le dentiste est souvent conduit à réaliser des clichés sortant du milieu buccal, tels que des portraits ou des photographies de pièces prothétiques. Les systèmes d’illumination évoqués précédemment sont supplantés par d’autres tels que des flashs externes, qui produisent une lumière d’une intensité supérieure à la lumière ambiante. Nous retiendrons principalement les projecteurs ou flashs de studio, surmontés de boîtes à lumière ou de parapluies, seuls capables d’une diffusion douce et homogène destinée à révéler les détails et à réduire les ombres. Ces systèmes interdisent le plus souvent tout automatisme TTL ; ils sont réglés manuellement. Leur acquisition peut se révéler d’un prix abordable. Se procurer deux flashs Cobra à réglage manuel (prix raisonnable pour les modèles sans marque), un jeu d’émetteur-récepteur sans fil, deux trépieds, rotules et parapluies peut être la solution. Il s’agit d’une gamme complète, légère, polyvalente et évolutive (fig. 10).
La liste des accessoires utiles à la prise de vue comprend des écarteurs buccaux, des contrasteurs noirs, des miroirs (étroit pour les vues des secteurs latéraux, large pour les vues occlusales des arcades complètes) et un teintier selon les cas de figure (fig. 11 et ).
Les écarteurs sont soit simples et individuels, soit appariés et bilatéraux. Les premiers sont à préférer pour une prise de vue avec assistance car ils offrent plus de liberté quant à la traction des lèvres. Le contrasteur est un fond noir et mat destiné à être placé entre les dents et les tissus mous de l’arrière-plan. Il sert à révéler la translucidité des dents ou à masquer le nez du patient sur les vues occlusales du secteur incisivo-canin maxillaire. Les miroirs doivent être propres et sans rayures. Ils peuvent s’employer avec manche de préhension.
Les prises de vue les plus utiles sont le portrait, les vues endo-buccales, ainsi que les photographies d’objets tels que des moulages, des empreintes ou des éléments prothétiques.
Le portrait est un art que le chirurgien-dentiste ne fait qu’emprunter au photographe [1]. Outre sa composante imaginative et créative, le portrait relève d’un cahier des charges spécifique quant au matériel et à la technique employée. La photographie de portrait ne se réalise pas au fauteuil dentaire. Le patient est invité à s’installer debout à une distance minimale de 20 cm de l’arrière-plan. Son visage est droit, les trois étages faciaux sont équilibrés et les yeux sont ouverts et regardent la lentille frontale de l’optique dans un portrait de face, ou l’horizon pour un profil. Le praticien se place à la même hauteur que le visage du patient. Le local doit présenter des dimensions suffisantes ainsi qu’un mur ou un fond large et de couleur homogène, de préférence gris neutre ou blanc. Le recul du praticien est nécessaire pour assurer un cadrage large du buste du patient, en laissant apparaître l’ensemble du visage, la chevelure, le cou voire le haut des épaules (fig. 12 et ). Un cadrage plus étroit est acceptable, à condition de ne pas tronquer les oreilles, le menton ou la racine des cheveux (fig. 12). L’image est préférentiellement prise dans le sens de la hauteur, le boîtier est incliné à 90° sur la gauche ou la droite. Cette orientation respecte l’intégration dans l’image des rapports entre la hauteur et la largeur du visage et limite l’apparition de l’arrière-plan.
L’objectif employé situe sa focale entre 50 et 100 mm. Une optique macro de 100 mm peut aisément trouver son indication, de même qu’elle constitue un élément de choix en photographie d’art ou de reportage (mariage, nature, sport, etc.). La même configuration boîtier-optique s’emploie donc le plus souvent lors de la réalisation de portraits ou en macrophotographie dentaire.
Il n’en est pas moins vrai que le choix d’un éclairage approprié et du réglage du boîtier trouve dans le portrait toute sa complexité. Le sujet doit être éclairé de façon homogène par une source lumineuse intense. Celle-ci doit permettre de régler un temps d’exposition court (1/100 s) afin d’éviter les flous de bouger, une sensibilité ISO faible (ISO 100 à 200) afin d’éviter le bruit électronique, ainsi qu’une ouverture moyenne du diaphragme (f/5,6 à f/13, ces valeurs offrant une netteté optimale ou « piqué »). Une ouverture plus grande (f/2,8) engendre une profondeur de champ insuffisante ; une ouverture plus étroite (f/25) aplatit l’image. Le visage doit être net, les zones plus postérieures telles les oreilles ou les cheveux peuvent être hors champ (fig. 13 et ).
La balance des blancs conditionne le rendu exact des couleurs [2, 3]. Elle consiste à régler l’appareil de sorte à adapter la colorimétrie au type d’éclairage employé afin d’éviter une dominante colorée, soit bleue, soit rouge. Il s’agit d’un étalonnage du blanc pour compenser la température de la source de lumière. La balance des blancs peut être laissée en mode automatique, adaptée sur le boîtier selon la source de lumière (flash, tungstène, nuageux, etc., mais avec un résultat aléatoire) ou encore calibrée manuellement. Cette dernière solution peut s’effectuer de deux seules manières fiables. La première consiste à photographier une charte de gris neutre 18 %, ou à défaut un mouchoir blanc. Puis le boîtier doit être commuté sur la fonction « balance des blancs personnalisée » cette photo étant à prendre en référence, de sorte que la correction ait lieu dès l’enregistrement des photographies suivantes. Ce réglage se fait une seule fois pour un éclairage donné, tant que l’image persiste sur la carte mémoire de l’appareil. La seconde a pour principe de régler la balance des blancs a posteriori, sur logiciel. Dans ce cas, le boîtier est réglé sur une balance automatique. Une référence colorimétrique (un gris neutre, tel que l’arrière-plan) apparaît sur l’image et sert, lors du post-traitement, à définir la balance des blancs [4].
La lumière naturelle offre des résultats satisfaisants, cependant peu reproductibles, car variant en intensité et en chaleur (tendance jaune ou bleue) selon l’heure, la météo, l’orientation, les couleurs environnantes. Par ailleurs, son intensité impose le plus souvent une modification du réglage de référence, et ainsi une montée en ISO, en ouverture ou en temps d’exposition. L’image se révèle le cas échéant moins nette ou plus bruitée (fig. 14 et ).
Un flash externe de type Cobra ou le flash intégré à la plupart des boîtiers procurent une lumière intense mais très directe. De nombreux reflets et zones surexposées apparaissent, de même que des ombres, tout particulièrement sur les bords du visage et à l’arrière-plan (fig. 15 et ). Le flash peut cependant être équipé d’un diffuseur, qui procure une lumière moins dure et mieux répartie. Il en existe de différentes marques et de différentes formes. Un modèle particulièrement intéressant consiste en un embout en matière plastique blanche translucide muni de clapets. Cet outil crée une diffusion des rayons incidents sur l’ensemble des murs du local et contribue à réduire les zones d’ombres sur le sujet (fig. 16 et ). Dans tous les cas et dans le but d’obtenir une exposition correcte, il est recommandé de régler le boîtier en position manuelle avec les valeurs vues précédemment, et de commuter le flash sur la fonction automatique (TTL). L’éclairage ambiant ne doit pas prédominer, sous peine de parasiter l’image. Un moyen de l’évaluer consiste à effectuer un cliché flash éteint : l’image doit apparaître la plus proche du noir.
L’usage du flash macro monté sur l’optique à laquelle il s’adapte offre généralement des résultats satisfaisants lorsque les réglages sont ceux recommandés précédemment. Le sujet est éclairé de façon homogène ; peu d’ombres sont observées, à l’exception d’une forte projection sur l’arrière-plan, variable selon sa proximité (fig. 17 et ). Cependant, l’incidence directe de la lumière peut contribuer à créer des reflets sur le front, le nez, les joues ou les dents, et l’homogénéité de la lumière tend à effacer courbes et volumes. Ceci est encore plus marqué si le praticien applique les réglages voués à la photographie endo-buccale en fermant davantage le diaphragme, engendrant un champ trop profond.
Lorsqu’une qualité supérieure est recherchée, le choix d’un éclairage peut s’orienter vers un jeu de flashs satellites. Ils sont surmontés de parapluies ou autres diffuseurs, de préférence translucides et de couleur blanche. Dans nos exemples, nous avons toutefois fait le choix d’un jeu comprenant un parapluie blanc et un parapluie de revêtement intérieur doré pour contraster les images au niveau de leur température de couleur, l’effet esthétique étant sublimé. Le boîtier est réglé en premier lieu, puis la puissance des flashs est adaptée jusqu’à obtenir une exposition correcte. Aucune influence de la lumière ambiante ne doit parasiter l’image (fig. 18). Une attention particulière est portée à la disposition des flashs. Ils se placent de part et d’autre du sujet et légèrement en avant. Une erreur de position conduit à des défauts d’exposition des zones latérales et de la partie médiane du visage (fig. 19, et ).
L’emploi de tels systèmes d’éclairage offre une grande souplesse et de nombreuses possibilités d’expression pour le patient et le praticien dans le cadre d’un bilan esthétique ou au terme d’une réhabilitation prothétique. Tandis que la quête d’images reproductibles, normalisées, aux couleurs et à l’exposition proches du naturel, est de rigueur dans un cadre médico-légal, de suivi ou de communication avec le laboratoire, une certaine fantaisie et une expression graphique peuvent être recherchées pour révéler la nature plus enjouée du patient.
Tout comme le portrait, la photographie du sourire impose quelques contraintes quant au réglage et à l’illumination. Le cadre se restreint ; pour autant, le boîtier est réglé de façon quasi similaire et surmonté d’une optique macro. La sensibilité ISO est définie entre 100 et 200, le temps d’exposition à 1/100 s, et l’ouverture est légèrement plus faible de f/9 à f/18 afin d’augmenter la profondeur de champ. Cette dernière valeur est à adapter au cas par cas, suivant que l’on souhaite donner ou non du relief à l’image.
La prise de vue s’effectue de préférence au fauteuil, dans le but de stabiliser la tête du patient et de faciliter la mise au point. Cette dernière s’effectue toujours sur les dents visibles, en principe les incisives centrales.
De face, le cadre laisse apparaître les lèvres d’une commissure à l’autre ; celles-ci tracent une droite horizontale, le point inter-incisif est au centre de l’image. Un éclairage latéral avec flashs externes et diffuseurs ou avec flash macro double orientable (Canon(r) Macro Twin Lite MT-24 EX) offre de loin le plus beau rendu. Les reliefs et états de surface sont mis en évidence de façon discrète, sans surexposition. L’éclairage, associé à une ouverture de diaphragme moyenne, crée du volume (fig. 20 et ). En revanche, l’emploi d’un flash macro standard a tendance à aplatir l’image et ses couleurs (fig. 21). Le cadrage, dépendant de la distance au sujet, est relativement libre et peut se restreindre aux seules incisives maxillaires avec leur environnement labial (fig. 22).
Le profil offre une dimension plus dynamique et volumineuse au sourire, l’appréciation esthétique est renforcée. La lumière est soit directe avec le flash macro, soit déportée face au sujet. Un éclairage doux et homogène est préférable, tel que celui apporté par la lumière du jour ou par un flash de studio parapluie (fig. 23). Le cadre est cette fois encore variable. Plus le sujet est proche, plus petite est la profondeur de champ, le réglage du diaphragme doit avoir lieu en conséquence pour restreindre les zones floues (fig. 24 et ).
Les clichés réalisés en bouche imposent l’emploi d’écarteurs et, selon les cas, de miroirs. Le cadre se resserre ainsi que la distance de mise au point. La profondeur de champ doit être étendue et couvrir l’ensemble des structures buccales à enregistrer. Elle s’étend de f/25 à f/32.
• La photographie des arcades complètes
La photographie des arcades de face fait intervenir une paire d’écarteurs qui dilatent l’orifice buccal. Pour ces raisons, un travail à quatre mains est nécessaire, que ce soit avec l’assistance du patient ou d’une tierce personne. Les écarteurs sont tractés dans des sens opposés et propulsés de sorte à distendre le vestibule. Le patient étant installé assis dans le fauteuil dentaire, le tronc penché de 20 à 40 ° en arrière, le praticien se positionne face à ses arcades (fig. 25). La salive est aspirée dans le vestibule buccal et les bulles sont dispersées à l’aide de l’air comprimé (fig. 26). La largeur du champ, horizontale, doit déborder de part et d’autre des molaires ; son centre coïncide avec le point inter-incisif. Un tel cadrage offre une vue globale des deux arcades en intercuspidie ou en bout-à-bout en minimisant l’apparition des écarteurs (fig. 27). Le rapport de reproduction (taille du sujet sur le capteur / taille réelle) est compris entre 1 : 3 et 1 : 2. Les clichés laissant apparaître les écarteurs sont à éviter (fig. 28). Le choix de l’ensemble boîtier-optique et d’un cadrage correct et suffisamment étroit contribue à la qualité du cliché. La source lumineuse doit être proche. Pour cette raison, toute source extérieure comme la lumière du jour, celle de la pièce ou celle engendrée par des flashs externes est incompatible avec une illumination homogène des structures à photographier (fig. 29). Le choix se porte impérativement sur un flash macro double (fig. 8, et ). L’intensité des éclairs est généralement modifiable, une prédominance d’un côté sur l’autre contribue à créer du relief (fig. 30 à d).
La photographie des arcades de profil fait systématiquement intervenir un miroir étroit du côté à enregistrer, un écarteur simple du côté opposé et de l’air comprimé pour éviter la formation de buée (fig. 31). Le miroir est préalablement passé sous l’eau chaude et séché pour limiter la condensation. L’écarteur doit laisser suffisamment de souplesse aux lèvres pour que celles-ci soient tractées du côté à photographier. Le miroir est appliqué jusqu’à la branche montante mandibulaire, puis écarté des dernières molaires. Un tel cliché offre une visibilité de la deuxième molaire, ce que ne permet pas l’emploi de deux écarteurs seuls (fig. 32 et ). À noter que, dans ce cas de figure, de même qu’en zone postérieure, l’usage d’un flash double à faible écartement est recommandé (fig. 8 et ). Les flashs latéraux du Canon(r) MT-24 EX, trop écartés, sont facilement cachés par la joue, créant une ombre [5].
La photographie des arcades en vue occlusale se réalise avec deux écarteurs et un miroir large qui est totalement introduit en bouche. L’assistance d’une tierce personne est recommandée dans le but de maintenir à deux doigts le miroir et de le ventiler (fig. 33). Le patient est allongé et abaissé ; le praticien se place au-dessus en arrière pour l’arcade maxillaire (fig. 34 et 34) ou à hauteur de son tronc pour l’arcade mandibulaire (fig. 35 et 35).
• La photographie de secteurs isolés
Le cadrage se resserre ; le rapport de reproduction est compris entre 1 : 2 et 1 : 1.
L’emploi d’écarteurs est de rigueur. Un miroir est utilisé pour les zones non accessibles de façon directe, à savoir les faces occlusales, linguales ou vestibulaires des dents postérieures, et les faces linguales des dents antérieures (fig. 36 et ). Le secteur incisivo-canin, la langue et la face interne des joues ne nécessitent pas de miroir.
Les dents du secteur antérieur peuvent être photographiées individuellement en faisant abstraction de l’environnement buccal. Cette technique fait intervenir un contrasteur, écran noir et mat placé en arrière des dents, bouche ouverte (fig. 37 et 37). Il sert à révéler la translucidité des tissus dentaires et est indiqué dans le relevé de couleur [4].
La prise de vue d’objets, de moulages ou d’éléments de prothèse se conçoit de manière variable selon la nature du sujet, ses dimensions, sa couleur, son état de surface et le rendu souhaité.
L’ouverture est restreinte et doit diminuer proportionnellement à la taille du sujet et donc à sa proximité (de f/11 à f/32). L’usage d’un fond coloré ou neutre est recommandé (papier Canson mat coloré ou de couleur neutre). Pour éviter l’apparition d’ombres, la lumière incidente doit être diffuse et homogène. Pour un objet volumineux tel un moulage de travail, le meilleur résultat est obtenu avec un flash externe de type studio (fig. 38 et ). Un flash monté sur le boîtier ou un flash déporté produisant une lumière directe engendrent une zone d’ombre (fig. 39 et ). Le flash macro crée, quant à lui, une image plate et une ombre circulaire périphérique (fig. 40 et ).
Pour un sujet aux dimensions réduites, le flash macro retrouve son indication. L’objet peut être placé toujours sur un support mat (fig. 41) ou, à l’inverse, sur une surface réfléchissante (fig. 41 et ).
La photographie est aujourd’hui un outil incontournable dans la bonne réalisation d’un plan de traitement prothétique. Elle constitue avant tout un moyen de communication exceptionnel avec le laboratoire de prothèse, tant pour la transmission des informations chromatiques que pour celle des rapports aux tissus environnants. Ainsi, le visage, le sourire, les rapports des étages de la face et leurs axes peuvent enfin être appréhendés par le prothésiste. Devant la multitude de matériel et la complexité de sa manipulation, cet article, reprenant les bases théoriques et pratiques, est un préalable indispensable afin d’utiliser avec succès ce nouveau « compagnon » de travail. Il apporte les informations nécessaires à tout utilisateur et constitue une ouverture vers d’autres ouvrages plus pointus encore [6] [7].
Enfin, cette première approche concernant le matériel et les prises de vue doit être complétée par l’assimilation des techniques dites de « post-processing » permettant de corriger les erreurs minimes, courantes, qui fera l’objet de la seconde partie de cet article (E. d’Incau et al.).
Remerciements
Tous nos remerciements à M. Florian Dal Gobbo, photographe professionnel, dont les nombreux conseils sont ici retranscrits (Florian.dal-Gobbo@ Photographe-de-Studio.com).