Prothèse fixée
*MCU-PH – Prothèses 4, rue des bleuets 57070 Metz
**MCU-PH Prothèses 1, rue de la division Leclerc 67000 Strasbourg
La conception et la réalisation d’un bridge tout-céramique répondent à des principes généraux aux armatures plurales et des principes spécifiques liés aux matériaux d’armature en céramique. Ces deux notions sont indissociables car elles conditionnent les étapes cliniques successives depuis les préparations jusqu’à l’insertion prothétique. Le choix d’une armature céramique doit aussi être fait en fonction des critères cliniques et celle-ci doit faire l’objet d’une attention particulière au laboratoire de prothèse. Cet article se propose de faire le point sur les règles de conception communes à toute construction plurale dans un premier temps, avant d’aborder spécifiquement la problématique et les solutions concernant les armatures plurales en céramique.
All-ceramic fixed partial dentures : clinical aspects
All-ceramic fixed partial dentures must be built following classical rules as well as specific rules required by the specific core materials properties. These two concepts are strongly linked and influence all the clinical steps from preparations to cementation. Choice of all-ceramic material as core material should be done depending on each clinical case and special treatment must be delivered at the laboratory. The aim of this article is to point out the common rules for achieving a fixed partial denture, in general and for all-ceramic ones in particular.
Poser l’indication d’un bridge en prothèse fixée, c’est accepter la réalisation d’une pièce mécanique remplaçant une ou plusieurs dents absentes en prenant ancrage sur des dents préparées ou des implants. Après mise en service, cette pièce unique reçoit l’ensemble des contraintes mécaniques générées par les forces occlusales qui s’appliquent au travers de toute la structure prothétique, mais qui sont également transmises aux dents supports à des niveaux d’intensité et dans des directions complètement différentes de celles imposées aux éléments pris individuellement. Ces dents supports sont alors amenées à subir des efforts supplémentaires puisque les forces occlusales transmises par les moyens d’ancrage via les intermédiaires sont modifiées par le jeu des bras de levier et en fonction de la capacité intrinsèque du bridge à les dissiper, ou à les transmettre. L’intensité et la direction des forces initiales, la longueur de la travée, la résistance mécanique du bridge et les valeurs des dents supports sont autant de paramètres à considérer pour évaluer la pertinence du traitement envisagé. Les forces occlusales et l’étendue des espaces édentés déterminent ainsi le niveau des contraintes générées qu’il convient d’opposer aux capacités de résistance des dents supports et de la pièce prothétique, sources d’échecs potentiels.
La perte de substance dentaire, l’épaisseur des parois subsistantes et l’estimation des traitements successifs subis (fraisages, alésages, dépose d’anciens éléments de restauration) ayant potentiellement altéré les tissus dentaires par échauffement ou contraintes mécaniques sont autant d’indices d’affaiblissement des valeurs intrinsèques des dents supports. Leurs valeurs extrinsèques dépendent de la situation et de la fonction de ces dents dans leur environnement parodontal. Pour Shillingburg [1], outre l’absence de toute lésion inflammatoire du péri-apex, trois facteurs sont à considérer lors de l’examen des racines et de leurs tissus de soutien : les rapports corono-radiculaires, la surface radiculaire efficace et la forme des racines.
De la surface radiculaire efficace (recouverte par le ligament parodontal) des dents supports dépend la résistance aux contraintes transmises jusqu’à l’interface avec le parodonte. Johnston et al. [2] se réfèrent à la « loi d’Ante » pour proposer une base de raisonnement considérant que la surface radiculaire globale des points d’appui doit être au moins égale à celle présumée des dents à remplacer. L’étude de Jepsen [3], qui a noté les dents maxillaires et mandibulaires en fonction de leur surface radiculaire relative (fig. 1 et 2), constitue une base de données pour cette démarche qui doit impérativement être pondérée en fonction des conditions locales comme celles tenant compte de la configuration radiculaire. Ainsi une dent qui présenterait des racines plus nombreuses, plus longues ou plus courbées que la moyenne constituerait un meilleur pilier.
Par ailleurs, lorsque la réalisation d’un bridge tout-céramique est envisagée, la dent support doit permettre la réalisation d’une préparation qui respecte les exigences de ce matériau. Au niveau de la limite cervicale, il faut pouvoir réaliser au minimum un congé quart de rond large sur toute sa périphérie [4, 5] et une réduction axiale d’au moins 1,2 mm [6] pour assurer la résistance des matériaux de restauration. Seules les dents suffisamment massives et dans des conditions occlusales favorables autorisent ce type de préparation, qui ne doit présenter en outre aucun angle vif [7]. Concernant la forme de la limite cervicale, l’épaulement droit à angle interne arrondi assurerait la meilleure dispersion des forces et la meilleure résistance pour l’élément prothétique périphérique [8]. Toutefois, l’épaulement à angle interne arrondi peut être également responsable d’éventuelles difficultés d’adaptation pour les restaurations multiples ou étendues, et notamment en présence de différences de niveaux ou d’orientations accentuées entre les limites de préparation vestibulaires, linguales et proximales ainsi que d’une préparation à l’autre. Une limite en forme de congé large quart de rond permet alors de mieux compenser ces différences et garantit un meilleur ajustage cervical simultané sur l’ensemble des préparations.
Un bridge intégré esthétiquement se compose d’une infrastructure rigide (fig. 3) recouverte de céramique à visée esthétique biomimétique. Le rôle de l’infrastructure est d’assurer la résistance mécanique de l’ensemble et de soutenir la céramique cosmétique, fragile par nature. C’est bien évidemment au niveau de la travée que l’infrastructure subit le plus de contraintes, et toute la conception de la prothèse doit être capable de leur résister pour éviter sa rupture. L’évolution des céramiques dentaires permet désormais à certaines d’entre elles d’être raisonnablement envisagées comme matériau d’infrastructure de bridge. Pour cela, la compréhension de la biomécanique des bridges et des propriétés des matériaux est essentielle.
Un bridge est un système prothétique passif qui repose sur des structures biologiques en perpétuel remaniement et qui subit simultanément ou alternativement des forces variables en intensité et/ou en direction, et cela de façon discontinue.
Les travées de bridge ne sont jamais uniquement tendues, comprimées, cisaillées, tordues ou fléchies, mais les charges extérieures leur infligent plusieurs sollicitations en même temps. Ainsi, lorsqu’une force occlusale s’applique au centre d’une travée de bridge, celle-ci subit une flexion plane qui induit simultanément des contraintes de traction et de compression qui s’opposent à un allongement du matériau (par traction) du côté gingival du bridge, et à un raccourcissement (par compression) du matériau situé du côté opposé (occlusal). La déformation résultante est une inflexion de la poutre qui prend la forme d’un arc. Or les céramiques résistent beaucoup mieux aux forces de compression qu’aux forces d’étirement ou de cisaillement. Cela explique le fait que la fracture des infrastructures en céramique s’initie toujours sur la surface gingivale de la connexion [9] et se propage en direction occlusale jusqu’à rupture de la pièce [10]. Par ailleurs, la contrainte étant une force évaluée par unité de section, elle est d’autant plus importante que la section est faible. Or la travée du bridge présente une section variable dont les plus petites valeurs concernent les zones de jonction entre les éléments. On en déduit donc que c’est au niveau gingival des connexions que le bridge subit les contraintes les plus délétères sous l’effet des forces de tensions générées par la flexion de la travée [11, 12]. La conception de l’infrastructure a donc pour objectif de s’opposer à la flexion de la travée, de diminuer les contraintes au niveau des embrasures gingivales et de renforcer les connexions.
La flexion des travées de bridge est proportionnelle au cube de sa longueur et inversement proportionnelle au cube de sa hauteur (règle des poutres). La dimension vestibulo-linguale n’agit, quant à elle, sur la flexion que selon un rapport directement proportionnel (fig. 4). Ainsi, à paramètres identiques, une travée de deux intermédiaires fléchit huit fois plus que si elle n’en comportait qu’un seul. Pour maintenir la même déformation, il faudrait alors doubler la hauteur des connexions mais celles-ci se trouvent limitées par l’espace entre le sommet de la papille et l’embrasure occlusale. Cette caractéristique réduit considérablement la longueur maximale des travées envisageable avec les infrastructures en céramique les plus résistantes. La plupart des fabricants limitent ainsi la portée des travées des armatures en zircone à 30 mm, soit deux intermédiaires au maximum [13].
Globalement, la surface de connexion des bridges tout-céramique doit être supérieure d’au moins 20 % à celle des bridges céramo-métalliques compte tenu de leur comportement fragile et de leur moindre ténacité.
Afin de mieux s’opposer à la flexion, les connexions doivent être plus hautes que larges, mais la forme de contour de celles-ci revêt aussi son importance. À section égale, une barre de section ronde fléchit beaucoup plus facilement que si la section adopte la forme du « T ». En effet, la section verticale du T s’oppose aux contraintes de flexion tandis que sa section horizontale s’oppose au phénomène de torsion [14]. Pour intégrer ce design dans la conception d’une infrastructure de bridge, il est nécessaire d’en adoucir tous les angles, ce qui fait recommander la réalisation d’une connexion la plus proche possible d’une forme de cœur dans les secteurs postérieurs (fig. 5). La forme des dents antérieures laissant moins de place dans le sens vestibulo-lingual, une forme proche du losange avec des angles arrondis et des côtés concaves est alors à envisager (fig. 5). Ainsi, ces formes permettent à la fois de mieux s’opposer à la flexion et de diminuer les concentrations de contraintes. Ce dernier aspect requiert une attention toute particulière au niveau de l’embrasure gingivale.
Les embrasures gingivales s’établissent aux dépens de la connexion pour permettre l’émancipation et la santé parodontale des papilles, tandis que les embrasures occlusales participent à l’effet de séparation des dents, aux fonctions occlusales et masticatoires. Or, lorsque la force occlusale s’applique sur la travée, celle-ci subit une flexion plane impliquant une force de compression au niveau de l’embrasure occlusale et une force de tension au niveau de l’embrasure gingivale. Cette force de tension se concentre ainsi au niveau de ce rétrécissement pour générer un effet d’entaille dont l’intensité est directement dépendante du rayon de courbure de cette embrasure, car plus la forme de cette entaille devient aiguë et profonde et plus le niveau de contrainte s’élève rapidement [15]. Plus le rayon de courbure de l’embrasure gingivale est grand et plus l’infrastructure est résistante (fig. 6).
En plus d’assurer la résistance mécanique de l’ensemble de la prothèse, le second rôle de l’infrastructure est d’assurer le soutien et la résistance de la céramique cosmétique. En effet, quel que soit le matériau employé pour l’infrastructure, la céramique à vocation esthétique qui la recouvre est toujours une céramique de base feldspathique qui comporte une phase vitreuse conséquente. Pour minimiser les ruptures, l’infrastructure doit soutenir une épaisseur homogène de vitrocéramique qui la recouvre et être capable d’établir avec celle-ci la meilleure liaison possible (voir ci-après). Le soutien de la céramique dépend directement du design de l’extrados tandis que la qualité de l’interface dépend principalement de la nature du matériau d’infrastructure [16].
Les forces qui lient la céramique d’apport à son infrastructure sont multiples et répondent à des mécanismes d’origines physique, mécanique et chimique. Les deux premiers concernent l’état de surface de l’infrastructure et sa mouillabilité. Ainsi, des rugosités microscopiques augmentent l’interface et créent des zones de microclavetages qui seront d’autant mieux exploitées par la céramique d’apport que sa capacité à s’étaler est favorisée par une bonne mouillabilité de la surface de l’armature. Ce phénomène est grandement renforcé par la mise en accord des coefficients de dilatation thermique (CDT) de l’infrastructure et de la céramique à vocation esthétique. Ainsi, le CDT de celle-ci doit être légèrement inférieur à celui de l’infrastructure pour que, une fois la liaison établie, la vitrocéramique cosmétique soit soumise à des forces de compression résiduelles qui augmentent sa résistance. Cette différence de CDT serait également génératrice de forces compressives qui plaqueraient la céramique cosmétique sur l’infrastructure après refroidissement. Toutefois, un écart trop important entre les deux CDT conduit inévitablement à une décohésion des deux matériaux lors du refroidissement. C’est cet accord des CDT entre la céramique et son infrastructure qui explique que les céramiques destinées aux alliages métalliques (CDT autour de 14.10–6/°C) ne sont pas compatibles avec la zircone (CDT autour de 10.10–6/°C).
Les mécanismes chimiques sont particulièrement décrits dans la liaison entre la céramique et les infrastructures métalliques. Lors de la cuisson de la céramique, il y a formation et migration d’oxydes à la surface des alliages. Ces oxydes diffusent alors dans la céramique avec laquelle ils sont capables d’établir des liaisons chimiques fortes [17].
Paradoxalement, bien qu’étant aussi une céramique, la zircone ne contient pas dans sa composition d’éléments capables d’établir ce type de liaison avec la céramique d’apport. Cette liaison repose essentiellement sur des forces d’attraction électrostatiques entre les molécules des deux matériaux, sur des accroches micromécaniques liées à la rugosité de l’infrastructure [18] impliquant des phénomènes de mouillabilité et sur les accords de CDT. De plus, le caractère très réfractaire de la zircone (50 fois plus que le métal) lui confère une mauvaise mouillabilité à chaud et impose des protocoles de cuisson des céramiques d’apport particuliers. Concernant les infrastructures en vitrocéramique renforcée, la liaison avec la vitrocéramique cosmétique est nettement meilleure puisqu’elle s’établit par fusion des phases vitreuses à l’interface entre les deux matériaux.
Si les règles classiques s’appliquent aux bridges à armature céramique, certaines plus spécifiques doivent y être ajoutées. Ainsi, le choix du matériau d’armature dépend de ses qualités mécaniques et optiques mais aussi du contexte clinique [19, 20]. Ce choix influence directement la morphologie de l’armature donnée par le laboratoire et le mode d’assemblage final.
De nombreuses études in vitro, mécaniques [21-24] et numériques [21, 25], ont défini les champs d’application des différentes céramiques pour un usage en prothèse plurale. Si le secteur incisivo-canin permet d’envisager l’utilisation de vitrocéramiques renforcées (fig. 7, b et c) ou de céramiques alumineuses, le secteur postérieur doit privilégier le recours exclusif à la zircone, seule capable de résister mécaniquement aux charges occlusales importantes (tableau I).
Les charges occlusales dans le secteur incisivo-canin sont généralement deux fois moins importantes que dans le secteur postérieur. Il est par conséquent possible de réaliser des constructions avec des matériaux de résistance moins importante, en limitant strictement leurs indications à des constructions de 3 éléments dont un intermédiaire.
Toutefois, la règle de résistance des poutres expliquée dans la première partie de cet article s’applique ici avec une conséquence clinique évidente : la hauteur disponible doit être suffisante pour respecter les valeurs de section des connecteurs recommandées (fig. 8). Celle-ci doit être évaluée en clinique puis au laboratoire sur les moulages de travail.
Les charges occlusales dans le secteur prémolaire-molaire sont beaucoup plus élevées [26] et nécessitent un matériau ayant une résistance intrinsèque minimale. De plus, le contexte clinique doit être pris en compte, en particulier l’âge, le sexe, le nombre de dents restantes et les contraintes occlusales. Lorsque ces critères sont favorables, il est possible de réaliser des armatures plurales en céramique. Dans la grande majorité des cas, la zircone s’avère être le choix le plus judicieux parmi les matériaux tout-céramique, sous réserve toutefois de respecter les recommandations de dimensions des connecteurs (fig. 9, b et c). Si tel n’est pas le cas, la résistance de l’armature peut être insuffisante et celle-ci peut se fracturer (fig. 10, b et c).
En revanche, dans des conditions occlusales défavorables, l’armature en céramique doit être contre-indiquée au profit des restaurations plus classiques à armature métallique [27].
La zircone présente une faiblesse avérée dans sa liaison à la céramique qui la recouvre. Cette liaison céramique stratifiée/zircone est plus faible que la liaison céramique cosmétique/vitrocéramique renforcée [28] et que la liaison céramo-métallique [29, 30]. Elle doit être considérée avec attention au laboratoire, sous peine de favoriser les phénomènes d’éclats superficiels et/ou de délaminations [31].
Si certaines règles peuvent être recommandées au laboratoire, comme la création d’un soutien mécanique de la céramique par un design judicieux [32-34], d’autres sont toujours sujettes à discussions scientifiques :
– le meilleur traitement de surface avant stratification : aucun traitement [35], le sablage de l’armature à l’alumine [36] ou l’application d’une couche primaire à la surface zircone avant la stratification ;
– l’intérêt ou non d’un refroidissement lent après cuisson de la céramique stratifiée [37, 38] ;
– l’influence des pigments de coloration lors de l’utilisation de zircone teintée [39] ;
– l’influence d’une céramique de stratification à coefficient de dilatation thermique légèrement inférieur à celui de la zircone pour maintenir la compression de la première.
Le design de l’armature plurale s’affirme comme le critère le mieux démontré dans la littérature. Pour cela, le laboratoire doit le concevoir sur ordinateur, avant l’usinage. L’armature en zircone peut être préparée selon plusieurs techniques : le « coping », le double scannage ou la réduction homothétique (fig. 11 à 13). Ces options ont une importance cruciale sur la résistance finale de la restauration et, par là-même, sur sa pérennité [31, 32, 34].
Ce terme correspond à une armature élaborée en homothétie par rapport à la forme du pilier préparé, par ajout d’une épaisseur donnée de matériau céramique. Ce design fut le premier concept développé lors de la mise sur le marché des systèmes de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). S’il peut encore convenir à des infrastructures métalliques, il n’est absolument pas adapté à la zircone car il ne fournit aucun soutien mécanique à la céramique cosmétique (fig. 11, b et c).
Cette technique demande la réalisation d’une armature en cire sur le moulage de travail, préfigurant l’armature souhaitée. Le moulage seul est numérisé dans un premier temps, puis à nouveau numérisé après réalisation des armatures en cire. Ces deux numérisations sont associées par le logiciel qui en déduit alors la forme de l’armature (fig. 12). L’avantage principal de cette option est de conserver la manipulation manuelle et tridimensionnelle par le prothésiste, plus facile à appréhender que la solution totalement virtuelle suivante. De plus, c’est la seule technique adaptée à des morphologies complexes comme celles demandées en prothèse composite [40].
C’est une option totalement virtuelle, offerte par certains logiciels, qui est basée sur la forme finale de la restauration. Celle-ci est obtenue le plus souvent par le recours à des banques de formes, qui sont adaptées informatiquement au cas clinique. Lorsque cette morphologie finale est validée par le prothésiste, le logiciel retire une épaisseur convenue (en moyenne 1 mm) sur toute la surface périphérique. Cette épaisseur correspond au volume dédié à la céramique de stratification (fig. 13).
De nombreuses études cliniques ont permis de valider l’option tout-céramique en prothèse unitaire. En revanche, les armatures plurales en céramique ont fait l’objet de moins d’études cliniques (tableau II). De plus, l’évolution des matériaux et de leur mise en œuvre étant quasi continue ces dernières années, il est encore tôt pour en dégager une conduite à tenir.
Si le taux de succès des restaurations plurales en tout-céramique peut apparaître correct, bien qu’inférieur aux constructions céramo-métalliques, il faut toutefois le relativiser par familles de céramiques. De toute évidence, les vitrocéramiques et les céramiques alumineuses infiltrées doivent être réservées à des indications très favorables [51].
En revanche, la zircone présente de très bons taux de succès, avec un recul clinique encore limité malheureusement. Cependant, le taux de succès avancé ne prend pas toujours en considération les détériorations que peut présenter la céramique cosmétique sans nécessiter pour autant la réfection de la restauration. Ainsi, les éclats superficiels ou « chipping » sont très souvent rapportés dans les études cliniques, même à moyen terme [47]. De plus, la déficience de l’assemblage du bridge aux piliers dentaires semble être une autre source importante d’échecs (caries, descellements) qui n’entrent pas dans le calcul du taux de succès. À titre d’exemple, l’étude de Sailer et al. [48] rapporte une grande différence entre le taux de succès et le taux de survie, qui peut être attribuée en grande partie au choix des matériaux d’assemblage reconnus depuis comme inadaptés.
Dans son rapport sur les « prothèses dentaires à infrastructure céramique » publié en 2007 [52], la Haute Autorité de santé (HAS) avait conclu : « Les premiers résultats des études concernant la zircone sont prometteurs (…) ; toutefois, le taux d’éclatements de la céramique sur zircone reste plus élevé que celui des céramo-métalliques ; des études à plus long terme sont nécessaires (…). ». Quatre ans plus tard, les données cliniques restent incertaines, en particulier parce qu’elles ne reflètent pas encore les changements opérés ces dernières années dans le traitement du matériau au laboratoire. L’intégration de nouvelles morphologies d’armatures, de nouveaux modes de cuisson de la céramique à vocation esthétique ou de nouveaux traitements de surface ne se répercute pas encore dans les résultats des études cliniques.
La zircone reste donc un matériau prometteur en prothèse plurale car il est le seul à offrir des caractéristiques de résistance à la flexion et de ténacité suffisantes pour répondre aux règles habituelles et spécifiques [53]. La problématique de sa liaison à la céramique cosmétique, source potentielle de « chipping » ou de délamination, fait l’objet de nombreuses propositions, comme les options de collage ou de pressée [54], qui doivent encore être cliniquement validées dans le temps. Enfin, son assemblage à la dent constitue aussi un critère clinique capital dans la pérennité du résultat.
Remerciements
Nous tenons à remercier les laboratoires D. Watzki et LDS pour leur aimable coopération à ce travail.