Les cahiers de prothèse n° 155 du 01/09/2011

 

Odontologie Restauratrice

René Serfaty*   Maryline Minoux**   Charles Toledano***  


*Maître de conférences des
universités

**Praticien hospitalier
Département d’odontologie conservatrice-endodontie

***Responsable du DU d’esthétique du sourire
****Pratique privée
Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg
1, place de l’hôpital
67000 Strasbourg
rene.serfaty@free.fr
*****Maître de conférences des
universités

******Praticien hospitalier
Département d’odontologie conservatrice-endodontie

Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg
1, place de l’hôpital
67000 Strasbourg
*******Ancien assistant hospitalo-universitaire
********Coresponsable du DU d’esthétique du sourire
Département d’odontologie conservatrice-endodontie

Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg
*********Pratique privée
17, rue de Verdun
67000 Strasbourg

Résumé

Deux types de matériaux esthétiques sont actuellement utilisés pour la réalisation de facettes et/ou d’inlays-onlays : les céramiques et les composites. Les progrès obtenus par les systèmes adhésifs et par les composites hybrides hautement chargés en microparticules ont permis d’obtenir une amélioration de leurs propriétés physico-chimiques, mécaniques et esthétiques. Les avantages de la technique indirecte par rapport à la technique directe sont l’obtention de résultats esthétiques supérieurs avec une stabilité dimensionnelle et chromatique dans le temps ainsi que des résultats mécaniques plus performants. Le but de cet article est de montrer les avantages mais aussi les limites du matériau composite par rapport à la céramique, en les illustrant par des cas cliniques de facettes et d’inlays.

Summary

Veneers and inlays-onlays made of composites

Two types of aesthetic materials can be used for veneers and inlays-onlays : the ceramics and the composites. The scientific progress obtained in adhesive dentistry as well as the developments of ’microhybrid’ resin-based composites have considerably improved their physical properties, allowing an extension of their clinical applications to indirect techniques. These techniques are more appropriated than direct ones in complex cases, in which it is difficult to recreate tooth shape and color. Their advantages consist in better mechanical, optical and aesthetic results. The aim of this article is to describe the advantages, but also the limits of the composites used in indirect techniques. A step-by-step description of operative procedures underlying the establishment of resin-based composite veneers and inlays-onlays will be presented to illustrate these concepts.

Key words

composite, veneer, inlay-onlay

Introduction

Introduits il y a 40 ans, les composites et les systèmes permettant leur adhésion aux tissus dentaires ont révolutionné le domaine de l’odontologie. Ils représentent actuellement les matériaux de choix pour restaurer de façon esthétique, avec une économie tissulaire maximale, les pertes de substances dentaires des secteurs antérieur et postérieur.

Initialement utilisés comme matériaux de restauration dentaire directe, l’amélioration des propriétés esthétiques et mécaniques des composites a également rendu possible, au cours de ces dernières années, leur utilisation comme matériaux de restauration indirecte, permettant ainsi la réalisation de facettes et d’inlays-onlays. Ils constituent une alternative aux matériaux céramiques, avec des avantages et des inconvénients.

Seuls seront abordés au sein de cet article les composites utilisés en technique indirecte, réalisés au laboratoire. Plus précisément, après avoir décrit les propriétés de ces composites, cet article a pour objectif de présenter deux cas cliniques, portant respectivement sur la réalisation de facettes et d’inlays-onlays en composite, avec une description étape par étape des protocoles opératoires.

Le choix de la technique indirecte

Le choix entre une technique directe ou indirecte est guidé par la situation clinique initiale, les techniques indirectes étant préférées aux techniques directes en présence de cas complexes pour lesquels il est difficile de recréer une forme dentaire et/ou une esthétique satisfaisante.

Ainsi, dans le secteur antérieur, la réalisation de facettes est indiquée lorsque plusieurs dents sont à restaurer, ces dernières présentant des malpositions légères, des dyschromies et/ou des anomalies de volume, de forme et/ou de structure de l’émail (dues notamment à une fluorose ou à une amélogénèse imparfaite modérées à sévères) [1]. Les techniques directes sont réservées aux cas simples et lorsque le nombre de dents impliquées est restreint. Dans ces cas cependant, une technique de stratification utilisant des masses émail et dentine s’impose pour obtenir un résultat esthétique satisfaisant.

Dans le secteur postérieur, les inlays-onlays trouvent leur indication dans les cavités de volume important pour pallier un certain nombre de difficultés inhérentes à l’utilisation des composites en technique directe [2, 3, 4], telles que :

– la difficulté d’obtenir des contacts proximaux corrects ;

– la difficulté de reconstituer correctement la forme et les contours de la dent ;

– la rétraction à la polymérisation, qui reste difficile à gérer dans les cavités ayant un facteur de configuration (facteur C) élevé et qui est responsable de contraintes importantes au niveau des joints collés, surtout si les limites cervicales de la préparation se situent dans la dentine ou le cément. Il en résulte une adhésion incomplète, entraînant d’une part des sensibilités postopératoires et d’autre part le développement de lésions carieuses secondaires.

Du fait de leur réalisation au laboratoire, les inlays-onlays permettent d’éviter les effets secondaires liés à la rétraction de polymérisation des composites utilisés en méthode directe. En présence de pertes dentaires importantes, ils permettent également une bonne reconstitution de la morphologie de la dent, ainsi que des contacts proximaux corrects [5].

Deux types de matériaux à vocation esthétique sont actuellement utilisés pour la réalisation de facettes et/ou d’inlays-onlays : les céramiques et les composites.

Bien que les céramiques soient le matériau le plus utilisé, grâce aux progrès importants améliorant les propriétés physiques des composites de laboratoire, le choix de leur utilisation est à considérer lorsque des facettes et/ou des inlays-onlays sont à réaliser.

Propriétés des composites utilisés en technique indirecte

Propriétés mécaniques

Les propriétés mécaniques et physico-chimiques des composites dépendent essentiellement de la taille, de la forme et surtout du volume des charges inorganiques qu’ils contiennent. Ainsi, les composites microhybrides dont les charges inorganiques varient en composition et en taille (de 0,04 à 1 µm de diamètre) sont ceux qui sont les plus utilisés en technique directe et indirecte car ils présentent un pourcentage de charges élevé, entraînant une amélioration de leurs propriétés mécaniques et une diminution de leur rétraction à la polymérisation [5].

Bien que de composition quasi similaire, les composites de laboratoire présentent cependant des propriétés mécaniques (résistance à l’abrasion et à la flexion, module d’élasticité, microdureté) nettement supérieures à celles des composites utilisés en technique directe. Ces améliorations, particulièrement intéressantes dans les secteurs postérieurs, résultent essentiellement de modifications concernant les techniques de polymérisation mises en œuvre [5].

Il a en effet été montré que l’application simultanée d’une source de chaleur et d’une photopolymérisation, sur des composites préalablement polymérisés, permet d’augmenter leur résistance à l’abrasion occlusale de 35 %. Cette augmentation résulte du fait que par rapport à une photopolymérisation simple, l’addition d’un traitement associant chaleur et lumière de haute intensité induit un taux de polymérisation supplémentaire, permettant d’augmenter les propriétés mécaniques des composites ainsi traités [4, 5].

Un taux de polymérisation majoré des composites, et donc une amélioration de leurs propriétés mécaniques, est également obtenu lorsqu’ils sont polymérisés en absence d’oxygène. Une méthode efficace pour y parvenir consiste à remplacer l’air ambiant (contenant de l’oxygène) par un gaz inerte comme le nitrogène. L’intérêt d’éliminer l’oxygène ne réside pas dans le fait qu’il inhibe la polymérisation des composites au niveau de leur surface, mais au sein des microporosités qu’ils contiennent. En effet, bien qu’en proportions variables, tous les composites commercialisés contiennent des microporosités ou inclusions d’air, allant de quelques micromètres à plus de 100 µm. La présence de ces inclusions d’air au sein des composites diminue leur résistance à l’abrasion à cause d’une altération de leur taux de polymérisation (la résine située autour des « bulles d’air » restant essentiellement sous forme monomérique) [4, 5].

Par ailleurs, la présence de ces inclusions d’air affecte également les propriétés esthétiques des composites, ces derniers prenant un aspect opaque du fait de la diffraction de la lumière qui est induite par ces inclusions d’air. Leur élimination, sous pression de nitrogène, permet d’obtenir des composites plus translucides, similaires en apparence à l’émail naturel [4, 5].

L’ensemble des traitements présentés ci-dessus ainsi que, dans certains cas, l’adjonction de fibres ont permis d’augmenter les propriétés mécaniques des composites réalisés au laboratoire par rapport à ceux qui sont utilisés en technique directe. Si on compare ces propriétés mécaniques à celles des céramiques, il apparaît toutefois que la résistance à l’abrasion des composites reste inférieure [6]. Ce point, développé ci-dessous, peut cependant, en fonction des situations cliniques, se révéler être un avantage. Un autre avantage des composites réalisés au laboratoire concerne leur résistance à la fracture, qui est plus importante que celle des céramiques. En effet, due à sa haute rigidité, la céramique présente une plus faible résistance à la flexion et à la traction, avec en conséquence une susceptibilité plus importante aux fractures [7].

Propriétés esthétiques

Les composites présentent actuellement d’excellentes propriétés esthétiques, ce qui leur permet de reproduire les caractéristiques des tissus dentaires et notamment la translucidité de l’émail. Par rapport aux céramiques cependant, dont la stabilité de teinte dans le temps est excellente, celle des composites est plus incertaine [4].

Longévité

En termes de longévité, il convient de traiter séparément les facettes et les inlays-onlays.

• Les facettes

La littérature montre que le matériau le plus utilisé pour la réalisation des facettes est la céramique, avec un succès clinique à long terme qui est très bon. En effet, il semble que le taux d’échec soit inférieur à 5 % à 5 ans, et inférieur à 10 % à 10 ans [8]. La réalisation de facettes en composite est plus récente, il n’existe par conséquent pas de suivi clinique semblable à celui qui a été réalisé pour les matériaux céramiques. Actuellement, seuls des cas cliniques isolés ont été décrits, avec un succès clinique immédiat très satisfaisant [1].

• Les inlays-onlays

Contrairement aux facettes, le succès clinique à long et moyen terme des inlays-onlays en composite a été évalué au travers de plusieurs études cliniques. Une synthèse de celles-ci a été réalisée par Manhart et al. (2004) au sein d’une méta-analyse, qui a décrit un taux moyen d’échecs annuels de 2,9 % pour les inlays en composite, contre 1,9 % pour les restaurations en céramique [9].

L’intérêt des méta-analyses pour réaliser une synthèse qualitative ou quantitative d’un ensemble d’études portant sur un sujet donné n’est plus à discuter. La méta-analyse de Manhart et al. a cependant été critiquée récemment au sein du journal Evidence-Based Dental Practice par G.R. Goldstein, qui a souligné les biais méthodologiques dont elle fait l’objet, rendant ainsi ses conclusions inadéquates [10].

En résumé, on peut donc dire que le taux de longévité des inlays-onlays en composites comparés 1) aux inlays-onlays en céramique et 2) aux composite placés en méthode directe, n’est actuellement pas clairement établi. On peut cependant souligner que les principales raisons d’échec des inlays-onlays en composites sont les sensibilités postopératoires, les caries secondaires, les nécroses pulpaires, les dégradations de l’adaptation marginale et les fractures [9].

Avantages des composites par rapport aux céramiques

Abrasion moindre des dents antagonistes

Comme mentionné précédemment, les composites ont une résistance à l’abrasion qui est inférieure à celle des céramiques. Bien que ce soit un inconvénient en termes d’usure, cette caractéristique a pour avantage d’entraîner une abrasion moindre de l’émail des dents antagonistes [1, 5].

Moindre transfert des forces masticatoires

Les composites ayant un module d’élasticité inférieur à celui des céramiques, ils ont l’avantage de mieux absorber les forces masticatoires, qui seront par conséquent transmises avec moins d’intensité sur les structures radiculaires et alvéolaires sous-jacentes. Ce point représente un avantage certain quand des restaurations indirectes sont réalisées sur des dents traitées endodontiquement ou ayant un support parodontal réduit [4].

Par ailleurs, les composites, de par leurs propriétés viscoélastiques, transmettent moins de contraintes sur le joint de collage et dans la pièce prothétique elle-même.

Polissage

La finition et le polissage des restaurations en composite sont plus aisés que pour les restaurations en céramique [11].

Coût

Les techniques de laboratoire mises en œuvre pour réaliser des facettes et/ou des inlays-onlays en composite sont généralement plus simples qu’avec la céramique, d’où un coût global plus faible [4, 11].

Possibilité de réparation

Un des avantages majeurs des restaurations indirectes en composite, par rapport aux céramiques, est la possibilité de les réparer en bouche [12], dans les cas par exemple de caries secondaires, d’infiltrations marginales, de fractures ou d’autres complications. Le protocole opératoire consiste à dépolir le composite, à réaliser un microsablage, à appliquer l’adhésif et ensuite le composite photopoly­mérisable. Un polissage est ensuite réalisé. La réparation des facettes en céramique est également possible, mais elle est plus complexe et plus délicate.

Cas clinique n° 1 : facettes

Présentation

La patiente, âgée de17 ans, a été adressée à la fin de son traitement orthodontique.

Elle présentait une amélogénèse imparfaite relativement sévère, de type hypomature (fig. 1).

Par ailleurs, les incisives latérales maxillaires étaient naines (et conoïde pour 22) et on pouvait observer une agénésie de 41, avec persistance de la dent lactéale.

Au niveau gingival, une récession importante était présente au niveau de 21 (fig. 2).

Décision thérapeutique

En raison de l’âge de la patiente et des différentes anomalies dentaires présentées, les propositions ci-dessous ont été faites :

– la réalisation d’une greffe de tissu conjonctif enfoui pour réaligner les collets ;

– le collage de facettes en composite de prémolaires à prémolaires, au maxillaire et à la mandibule.

Pour des raisons esthétiques, la réalisation de facettes a été préférée à la mise en place de composites en méthode directe. Il s’agit en effet d’un cas clinique complexe, associant anomalies de forme, de volume et de teinte pour lequel il aurait été difficile, en méthode directe, de recréer une esthétique satisfaisante. Les facettes, dans ce cas, étaient indiquées pour fermer les diastèmes, recréer des formes harmonieuses, ainsi que donner un état de surface plus naturel et une couleur uniforme. Le choix du matériau composite par rapport à la céramique s’est fait en raison de sa souplesse d’utilisation, permettant ainsi de valider et de modifier ultérieurement un projet esthétique réalisé chez une patiente jeune, dont la croissance n’est pas terminée.

Contrairement aux facettes, la greffe de tissu conjonctif enfoui a été temporairement refusée par la patiente ; le sourire ne découvrant cependant pas les collets, l’incidence esthétique est de moindre importance, permettant le report de cette intervention.

Réalisation du projet esthétique à l’aide de masques

Après dépose de l’appareil d’orthodontie au maxillaire (fig. 3), un projet esthétique a été réalisé en appliquant du composite directement sur les dents, sans aucun adhésif [14, 15] (fig. 4).

Ce projet esthétique a été réalisé pour que la courbe reliant les bords incisifs des dents maxillaires suive la courbure de la lèvre inférieure. Les incisives latérales naines ont par ailleurs été élargies et les versants des canines adoucis [16, 17].

Après validation du projet esthétique, trois empreintes de ce masque ont été prises :

– une empreinte pour la réalisation des éléments provisoires ;

– deux empreintes pour la réalisation des clés verticales et horizontales [18] (fig. 5).

Préparations dentaires

Lors des préparations dentaires, il est préférable de travailler sur un cadran et de conserver l’autre comme référence.

Les préparations dentaires réalisées pour recevoir des facettes en composite sont très conservatrices. Le respect de leur épaisseur est possible grâce au projet esthétique et aux deux clés en silicone qui en sont issues. Plus précisément, des stries horizontales d’une profondeur de 0,3 à 0,6 mm ont été réalisées dans le masque [19] (fig. 6), reliées ensuite entre elles, tout en contrôlant régulièrement l’épaisseur de la préparation à l’aide des deux clés en silicone (fig. 7), ces dernières étant découpées dent après dent, au fur et à mesure des préparations (fig. 7).

Au niveau du tiers incisif, pour obtenir une translucidité intéressante, une réduction de 1,5 mm d’épaisseur a été réalisée, sans retour palatin [14].

Au niveau cervical, les limites restent juxta ou supragingivales. Pour repère, un fil de suture protecteur a été mis en place dans le sillon gingival. La limite cervicale de 21 a été alignée sur celle de 11 en prévision d’une future greffe de conjonctif enfoui (fig. 8).

Empreintes et facettes provisoires

L’empreinte a été réalisée en silicone par addition en double mélange.

Des facettes provisoires ont été réalisées à l’aide de résine bis-acryl injectée dans l’empreinte issue du projet esthétique (fig. 9). Leur collage a été réalisé avec un ciment provisoire translucide (Temp Bond Clear, Kerr).

Les mêmes protocoles ont été reproduits à la mandibule.

Une couronne en composite au niveau de 81 a été réalisée dans l’attente de la pose d’un implant à un âge plus avancé (fig. 10).

Les facettes en composite ont été réalisées au laboratoire de prothèses avec l’Adoro(r) (Ivoclar-Vivadent).

Collage et finitions

Le collage des facettes en composite a été réalisé selon le même protocole que celui des inlays en composite, c’est-à-dire à l’aide de composites de collage et d’adhésifs de la famille des MR3 ou des MR2 (voir cas clinique n° 2).

Les finitions au niveau du joint composite-dent sont plus aisées qu’au niveau d’un joint céramique-dent. Après passage de pointes siliconées de granulométries décroissantes, des pâtes diamantées ont été utilisées pour le brillantage [20] (fig. 11).

La figure 12 montre le résultat esthétique final.

Cas clinique n° 2 : inlays

Présentation

La patiente, âgée de 45 ans, a été reçue en consultation dans le cadre d’un contrôle bucco-dentaire.

Les examens clinique et radiologique ont révélé :

– la présence d’une lésion carieuse en mésial (M) de 37 ;

– la présence d’un composite occluso-distal (OD) infiltré sur 34 (à noter également son degré d’usure) ;

– la présence de restaurations en amalgame, mésio-occluso-distales (MOD) sur 35 et 36, et occlusale (O) sur 37. Ces restaurations étaient en place depuis 17 ans.

Les dents 34, 35, 36 et 37 étaient vitales et asymptomatiques (fig. 13).

Décision thérapeutique

La présence d’une lésion carieuse sur 37 et d’un composite infiltré sur 34 a conduit à la dépose des obturations en place et à leur remplacement. Pour des raisons esthétiques, la patiente souhaitait également remplacer les restaurations en amalgame sur 35 et 36.

En raison du volume des cavités et de la nécessité de restaurer plusieurs points de contact sur un même cadran, le recours à une technique indirecte a été préféré. Compte tenu de la fragilité des parois résiduelles, le choix thérapeutique s’est orienté vers la réalisation d’inlays en composite collés qui, grâce à leur caractère plastique, transmettent moins de contraintes aux tissus dentaires sur lesquels ils sont collés.

Préparations dentaires

La dépose des obturations a été dans un premier temps réalisée a minima, sans chercher à mettre les cavités de dépouille (fig. 14).

Après un nettoyage cavitaire minutieux, les préparations ont été recouvertes de ciment verre ionomère modifié par addition de résine (CVIMAR) (Fuji II LC(r) GC) (fig. 14), l’objectif étant de combler les contre-dépouilles internes (et de relever si nécessaire les marches cervicales en supragingival pour assurer un collage optimal dans cette zone). Cet apport de CVIMAR assure également une protection dentinaire permettant de réduire le risque de survenue de sensibilités pendant la phase de temporisation.

Les cavités ont ensuite été mises de dépouilles à l’aide de fraises diamantées cylindro-coniques à angle interne arrondi (fig. 14). Une forte granulométrie (grains verts) a été utilisée dans un premier temps, suivie d’une granulométrie plus fine (grains rouges).

Les figures 14 et 15 montrent les préparations polies et arrondies ainsi que les transitions douces entre les isthmes et les boxes. Il est par ailleurs important de noter que les préparations pour inlays en composite autorisent une épaisseur minimale de 1,5 mm contre 2 mm pour les inlays en céramique [7].

Empreintes

Une hybridation dentinaire immédiate (acide orthophosphorique et adhésif) a été réalisée avant la prise d’empreinte (fig. 15), pour obturer les tubuli dentinaires, diminuer les sensibilités postopératoires et optimiser l’adhésion des inlays qui seront mis en place ultérieurement [21].

L’empreinte a été réalisée au silicone par addition en double mélange (fig. 16).

Temporisation

La temporisation représente souvent une étape délicate pour assurer une protection dentinaire efficace et stable pendant la période de fabrication des inlays (fig. 16).

La mise en place d’un eugénate peut être envisagée en interséance, uniquement si la cavité est microsablée après son retrait et si le collage est réalisé avec une étape de mordançage. Il a été montré que la libération d’eugénol est 2 à 3 fois plus élevée le premier jour qu’au cours des 6 jours suivants. Ainsi, si un délai minimal de 7 jours est respecté entre le moment de la ­préparation coronaire et le collage de la restauration indirecte, il n’existe pas de contre-indication formelle à utiliser des ciments temporaires à base d’eugénol [22]. Leur tenue est très satisfaisante et leur dépose se fera à l’aide d’ultrasons sous anesthésie. Ils permettront également une sédation dentinaire intéressante.

Les ciments temporaires, type Cavit(r), plus simples à mettre en place et à retirer, assèchent la dentine. Ainsi, leur utilisation ne peut s’envisager que si la dentine a été protégée totalement par du CVIMAR ou par une hybridation dentinaire immédiate. Ces ciments présentent cependant l’inconvénient de s’effriter rapidement.

Les résines souples d’obturation provisoire peuvent également être envisagées, à condition, soit d’être scellées avec du polycarboxylate de zinc [23], soit de ne pas être laissées en place plus d’une semaine en raison de leur manque d’étanchéité [24].

Essayage

Les inlays en composite ont été réalisés avec l’Adoro(r) (Ivoclar-Vivadent).

Après contrôle de leur morphologie occlusale et des contacts proximaux sur le moulage de travail (fig. 16), ils ont été essayés en bouche pour valider leur adaptation marginale ainsi que les points de contact, ceci avant de mettre en place le champ opératoire (fig. 17). À ce stade, il s’est révélé difficile de contrôler avec précision le résultat esthétique final car l’espace dévolu à la colle n’était pas comblé.

L’occlusion ne doit pas être testée à ce stade, le composite étant, comme la céramique, un matériau fragile nécessitant un renforcement mécanique par collage.

Isolation et nettoyage des cavités

Après avoir validé l’adaptation des inlays, la digue a été installée sur le cadran. Un microsablage utilisant une poudre d’oxyde d’alumine de 50 µm a été ensuite réalisé pour permettre :

– l’obtention de surfaces propres et rugueuses ;

– l’élimination des colorations résultant de microfuites ;

– la réouverture de la lumière des tubuli dentinaires si la dentine n’a pas été hybridée ou le nettoyage d’une cavité préalablement hybridée ;

– l’amélioration de l’ancrage mécanique.

C’est une méthode douce pour la pulpe en raison de la faible élévation thermique qu’elle entraîne [25] (fig. 17).

Collage

Une adhésion optimale des restaurations indirectes en composite est obtenue avec l’utilisation d’une colle composite sans potentiel adhésif, couplée à un système adhésif avec mordançage et rinçage en 3 étapes (MR3) (Optibond FL-Kerr) [26].

Préparation des surfaces dentaires

1– Le mordançage a été effectué à l’aide d’acide orthophosphorique à 37 % (fig. 17) pendant 15 secondes minimum sur l’émail et 15 secondes maximum sur la dentine. Il a ensuite été rincé abondamment et les tissus dentaires séchés modérément.

2– Le primer, frotté sur la dentine pendant 20 secondes, a été séché avec une soufflette (fig. 17). La résine adhésive a ensuite soigneusement été appliquée et étalée en couche fine avant d’être photopolymérisée. Par rapport à une photopolymérisation réalisée simultanément avec la colle composite, la photopolymérisation préalable de l’adhésif augmente significativement les valeurs d’adhérence à la dentine [27, 28, 29].

Préparation de l’intrados des inlays

Parallèlement aux surfaces dentaires, l’intrados des inlays a été préparé. Leur composition en composite autorise un simple microsablage (sans mordançage à l’acide fluorhydrique, ce qui est nécessaire pour les céramiques vitreuses). Après leur nettoyage, un silane est déposé à leur surface et laissé en place pendant 1 minute avant d’être séché (un séchage à l’air chaud est privilégié). Le protocole se termine par l’application de la résine adhésive qui ne sera pas photopolymérisée pour ne pas créer une surépaisseur empêchant l’insertion complète de la pièce prothétique (fig. 18, b, c).

Collage

L’inlay composite préparé a été enduit de la colle composite duale de viscosité moyenne (NX3(r)–Kerr) (fig. 18). L’insertion de l’inlay s’est faite sous pression ferme et constante pour éliminer au mieux les excès de colle. Chaque inlay a été collé individuellement afin d’assurer une élimination minutieuse des excès de colle et un contrôle précis des points de contact (fig. 19).

Une photopolymérisation flash de 3 secondes a permis d’éliminer aisément les excès de colle à l’aide d’une curette ou d’un bistouri à lame courbe. La photopolymérisation a ensuite été effectuée, de préférence sous une couche de glycérine pendant 60 secondes sur chaque face (fig. 19).

La figure 20 montre les 4 inlays composites avant retrait du champ opératoire.

Les réglages occlusaux (fig. 20) ont été réalisés après dépose du champ opératoire.

Le polissage a été effectué ensuite de manière conventionnelle, avec des polissoirs à composites et des pâtes diamantées [20].

La figure 21 montre la vue clinique finale des 4 inlays collés.

Conclusion

Les céramiques ont longtemps été considérées comme le matériau de choix pour la réalisation des restaurations indirectes esthétiques. Cependant, l’amélioration des propriétés mécaniques et esthétiques des composites réalisés au laboratoire rend très difficile le choix entre composite et céramique lorsque des facettes et/ou des inlays-onlays sont indiqués. Ces deux types de matériaux ayant leurs avantages et leurs inconvénients, des études cliniques rigoureuses sont désormais nécessaires pour orienter le choix du praticien en fonction des situations cliniques qu’il rencontre au quotidien.

Remerciements

Les travaux prothétiques illustrant cet article sont des réalisations du laboratoire de prothèses dentaires J. Rouah, 67000 Strasbourg.

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