Esthétique
Stéphanie Ortet* André-Jean Faucher** Jean-Christophe Paris***
*DrCD, AHU – DU odontologie restauratrice et esthétique – Postgraduate NYU
Exercice libéral 12, cours Sextius 13100 Aix-en-Provence
**DrCD MCU
Exercice libéral 12, cours Sextius 13100 Aix-en-Provence
***DrCD, département odontologie conservatrice – Aix-Marseille – DU odontologie restauratrice et esthétique – Postgraduate NYU
Exercice libéral 12, cours Sextius 13100 Aix-en-Provence
Trop souvent négligée, l’étape de temporisation est un moment-clé dans la réussite d’un traitement esthétique. Outre les avantages qu’elles apportent en termes de protections biologique et fonctionnelle, les pièces prothétiques temporaires permettent également de rassurer le patient socialement, en lui garantissant une vie « normale » sans avoir à craindre le regard de l’autre, diminuant ainsi le choc psychologique d’un possible changement d’apparence. À la différence des chirurgiens plasticiens, nos décisions thérapeutiques peuvent être évaluées, et corrigées si nécessaire, durant cette phase du traitement. Pour cela, des maquettes, structurées à partir d’un schéma esthétique, permettent au patient de valider son futur sourire et au prothésiste de se concentrer sur la stratification de la céramique, évitant de douter de l’architecture d’un sourire déjà accepté.
Laminate veneers : how to preserve the aesthetic during the interim period
Too often overlooked, temporization is a key moment in the success of an aesthetic treatment. In addition to the advantages for functional and biological protection, the temporary veneers can also reassure the patient socially, by guaranteeing a “normal” life in society without fear of facing the others, reducing the psychological shock of a possible change in appearance. Unlike plastic surgeons, our treatment decisions may be previewed and corrected by transposing them into temporary veneers first. These models and temporary veneers, designed from an aesthetic analysis, allow the patient to confirm his future smile and the technician to concentrate on the stratification of ceramics, avoiding doubt on the architecture of a smile already validated.
Durant ces dernières années, la demande en matière d’esthétique corporelle n’a cessé de croître. Avec des patients aux exigences de plus en plus pressantes, le domaine de la dentisterie n’échappe pas à cette préoccupation générale. Aujourd’hui, les facettes en céramique collées permettent de répondre favorablement aux attentes des patients, tant en termes de conservation tissulaire que de bénéfices esthétiques acquis [1]. Ces restaurations ont donc vu leurs indications s’étendre, notamment pour améliorer l’état de surface des dents participant au sourire. Grâce aux progrès des adhésifs amélo-dentinaires [2, 3], des modifications de forme ou de volume, voire de position, sont devenues des propositions routinières dans les traitements esthétiques [4].
Pour des raisons biologiques, fonctionnelles et esthétiques évidentes, la réalisation de facettes temporaires est nécessaire. Celles-ci ont également un rôle capital dans la préfiguration des restaurations définitives, en permettant au praticien et au patient de valider le projet thérapeutique [5].
Quel que soit le type de préparation envisagé, la réalisation de facettes temporaires reste, pour tout praticien, une étape délicate et pourtant déterminante. C’est pourquoi cette phase de temporisation doit être exécutée avec soin. Au travers des cas cliniques ci-après, l’objectif de cet article est de mettre en valeur une philosophie thérapeutique moderne et d’appréhender tout particulièrement l’intérêt de facettes temporaires dans la réussite du traitement esthétique.
Les méthodes de temporisation proposées à ce jour sont variées, avec des temps de réalisation et des résultats esthétiques différents [6].
Les difficultés généralement rencontrées par le praticien sont liées aux nécessités de rapidité d’exécution, de tenue en bouche et de rendu esthétique. Parmi les techniques proposées, deux d’entre elles semblent répondre à ce cahier des charges, l’une simple et rapide, l’autre plus élaborée mais plus esthétique.
Issu des techniques conventionnelles de prothèse fixée, l’isomoulage [6] reste une des méthodes les plus simples et les plus courantes de réalisation des facettes temporaires. Avec l’évolution des matériaux temporaires, notamment ceux à base de résine composite bis-acryl, cette méthode retrouve ses lettres de noblesse et rend aux cliniciens de nombreux services lorsque les indications en sont bien posées.
Pour toutes les réhabilitations complexes du sourire, il est impératif de réfléchir en amont aux problèmes esthétiques du patient et donc d’élaborer une étude de cas structurée [7, 8, 9] (fig. 1). Les facettes provisoires sont réalisées directement en bouche, à partir d’un wax-up corrigé de la situation initiale [10, 11, 12] (fig. 2).
Pour un maximum de conservation tissulaire, l’utilisation de clés issues du modèle corrigé favorise des préparations « contrôlées », en homothétie avec le volume de la restauration finale [13, 14] (fig. 3). Les nouveaux matériaux à usage temporaire permettent actuellement d’obtenir des facettes transitoires de bonne qualité, lumineuses, avec un état de surface correct [16] (fig. 4). Ces résines ont également gagné en biocompatibilté et permettent au clinicien de réduire considérablement les temps de finition [17].
Cependant, leur aspect monochromatique peut ne pas convenir aux patients exigeants [7] et leur déformation facile limite le plus souvent leurs indications aux restaurations transitoires unitaires.
Les méthodes indirectes impliquant un laboratoire permettent la confection de facettes transitoires depuis l’empreinte des préparations. Celles-ci sont plus précises et de meilleure qualité, mais cette démarche convient uniquement aux praticiens qui ont un laboratoire sur place.
Cette situation professionnelle étant plutôt rare, notre souhait est de standardiser une méthode de réalisation fiable et reproductible afin d’obtenir des éléments temporaires aux caractéristiques esthétiques et fonctionnelles optimales. La méthode proposée requiert l’utilisation combinée d’un matériau de rebasage (résine photo-polymérisable) et d’une clé occlusale de repositionnement destinée à maintenir en place les maquettes du projet esthétique indirect [18].
Le masque diagnostique est avant tout informatif, afin que le patient mais aussi le clinicien appréhendent le résultat final [19, 20]. En effet, la longueur des dents, la localisation des bords libres, le plan frontal esthétique, la ligne du sourire, les proportions des dents entre elles et les inclinaisons de leur axe sont matérialisés et peuvent être définis concrètement. Grâce à ces masques, le praticien peut proposer des formes, susciter un choix. C’est également une aide réelle pour confirmer l’intégration des futures restaurations dans la globalité du visage et pour déterminer si la ligne du sourire vient s’inscrire en harmonie avec la courbure de la lèvre inférieure. Enfin, le masque est un outil de discussion avec le patient et aussi de communication avec le laboratoire, évitant ainsi les erreurs de compréhension (tab. I).
L’usage des masques favorise une prévisualisation du sourire final [5] : il objective, avec le patient et le prothésiste, l’effet anticipé de la future restauration, et ceci avant tout geste clinique irréversible (fig. 5).
Pour obtenir une facette temporaire élaborée, la méthode préconisée est très simple. Elle s’appuie sur l’addition des trois éléments (fig. 6) suivants :
– une clé de positionnement ;
– un masque en résine acrylique, élaboré au laboratoire sur le moulage initial, préfigurant le résultat final souhaité ;
– un matériau de rebasage, lui aussi en résine acrylique.
L’objectif de cette démarche est de conserver les critères de reconstruction préétablis lors du projet esthétique, et d’y associer les avantages d’une élaboration par méthode indirecte.
Le protocole est illustré par le traitement d’un cas clinique (fig. 7, 8, 9).
Cette méthode présente de nombreux atouts :
– une facilité de réalisation : technique non « opérateur dépendant » ;
– une rapidité de mise en œuvre ;
– une précision de l’adaptation marginale ;
– des facettes temporaires personnalisées et élaborées ;
– une stabilité des éléments transitoires maintenus solidarisés, notamment dans les cas de réhabilitations plurales.
Ses limitations sont peu nombreuses, elles doivent cependant être citées :
– le coût de laboratoire, mais qui s’avère relatif grâce à la double utilité des masques ;
– dans certains cas de malpositions vestibulaires ou d’égressions importantes, il est nécessaire de traiter préalablement par coronoplasties et/ou par orthodontie le sourire initial ;
– lorsque les dents sont bien positionnées mais n’ont pas perdu de volume amélaire vestibulaire, une projection antérieure des éléments temporaires (de 0,2 à 0,3 mm) peut être observée. Cette légère surépaisseur est largement compensée par le rendu esthétique de ces restaurations. De plus, 90 % des situations cliniques font référence à des pertes de substance, où la technique proposée est particulièrement applicable.
La phase de scellement provisoire est également une étape cruciale car cet assemblage doit permettre d’assurer à la fois la protection biologique des dents sous-jacentes, mais aussi la désinsertion aisée des éléments transitoires lors des phases d’essayage [17, 23].
Pour faire le bon choix, le praticien doit s’interroger sur les points-clés suivants :
– quel est le type de ma préparation ? S’agit-il d’une préparation pelliculaire, avec ou sans recouvrement ?
– la forme de ma préparation favorise-t-elle une certaine rétention mécanique ?
– quelle est la profondeur de la préparation ? De celle-ci découle évidemment la nécessité ou non d’une protection par hybridation (lorsque la dentine est mise à nu).
– enfin, s’agit-il d’un cas de facette unitaire ou de restaurations multiples ?
Selon les réponses à ces questions, la conduite à tenir est résumée dans le tableau ci-après (tab. II).
Les préparations exclusivement amélaires ne nécessitent pas forcément une protection biologique autre que les facettes décrites ci-avant. En revanche, les préparations plus mutilantes, avec mises à nu de nombreuses plages dentinaires, ne doivent pas rester sans protection. Il est impératif de sceller les tubuli ouverts par une hybridation immédiate, en appliquant une fine couche d’adhésif après avoir mordancé et rincé. Évidemment, cette hybridation doit se faire après la confection des facettes temporaires, sous peine de coller ces dernières à la couche hybridée. Dans ce cas, les éléments transitoires seront scellés avec un ciment de scellement sans eugénol ou à base d’oxyphosphate de zinc. Le jour du collage final, un sablage des préparations est impératif car la couche hybride a été polluée par le ciment provisoire.
Les progrès considérables des matériaux et de leurs agents de collage autorisent aujourd’hui l’émergence de méthodologies de plus en plus performantes. Celles-ci permettent d’envisager des thérapeutiques de réhabilitation du sourire favorables à l’économie tissulaire [24] et aboutissant à des résultats esthétiques de qualité, alliant un biomimétisme proche des tissus naturels, pour la plus grande satisfaction des patients [25]. Cette évolution a élargi, au sein de notre palette thérapeutique, le champ des indications des facettes collées qui sont désormais des restaurations fiables [26].
Les facettes temporaires représentent une séquence essentielle du traitement. En effet, en proposant un modèle du projet thérapeutique, cette étape de temporisation constitue la clé de voûte d’une réhabilitation réussie. Elle nous amène à concevoir une esthétique en accord avec le patient, qui se sent sécurisé, de l’étape du projet esthétique jusqu’au collage final. Ce choix visualisé et testé in vivo influence directement l’appréciation du patient. Aussi, il est aisé de comprendre pourquoi une attention particulière doit être accordée à l’élaboration des facettes transitoires. Cependant, ces dernières doivent être de confection aisée et rapide, accessible au praticien soucieux du confort de ses patients. Afin d’en faciliter leur élaboration, deux méthodes ont été mises en avant au travers de cet article.
Ces techniques de réhabilitations provisoires, indissociables des facettes proprement dites, permettent au praticien d’acquérir également une sûreté du geste et d’obtenir un résultat fiable et prévisible.