Les cahiers de prothèse n° 154 du 01/06/2011

 

Prothèse maxillo-faciale

Yomin Cécile Amichia Alloh*   Laurent Le Guéhennec**   Pierre Le Bars***   Bernard Giumelli****  


*Maître assistant
Département de prothèses, Faculté de chirurgie dentaire d’Abidjan, 22 BP 612 Abidjan 22. Côte-d’Ivoire
**Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier, Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale, pôle odontologie du CHU Hôtel-Dieu de Nantes
Département de prothèses, Faculté de chirurgie dentaire de Nantes, 1 place Alexis Ricordeau, 44042 Nantes Cedex 1
***Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier, Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale, pôle odontologie du CHU Hôtel-Dieu de Nantes
Département de prothèses, Faculté de chirurgie dentaire de Nantes, 1 place Alexis Ricordeau, 44042 Nantes Cedex 1
****Professeur des universités
Praticien hospitalier, Service d’odontologie restauratrice et chirurgicale, pôle odontologie du CHU Hôtel-Dieu de Nantes

Résumé

Les pertes de substances peuvent avoir une double origine, congénitale ou acquise. Différentes causes (traumatiques, balistiques ou accidents de la voie publique, chirurgicales et infectieuses) caractérisent les défauts acquis mais la cause tumorale demeure la plus fréquente avec des pertes de substance (PS) de petite, moyenne ou grande étendue. Le pronostic du traitement prothétique est influencé par le site et le volume de la perte de substance. La réhabilitation prothétique maxillo-faciale vise à rétablir l’étanchéité de la cavité buccale et à permettre de compenser les troubles fonctionnels et esthétiques. L’appareillage, principalement dans les grandes PDS, s’effectue en 3 étapes : l’obturateur immédiat, l’obturateur secondaire ou transitoire et l’obturateur d’usage. Les prothèses obturatrices sont plus ou moins volumineuses et donc difficiles à insérer, surtout chez le patient présentant une ouverture buccale réduite. L’insertion en deux parties distinctes de l’obturateur puis de la prothèse permet de surmonter cette difficulté. Différents moyens de liaison entre l’obturateur et la base ont été développés pour les prothèses d’usage volumineuses. L’objectif de cet article est de passer en revue les moyens de liaison entre un obturateur et sa base, puis d’orienter le choix entre les différentes solutions.

Summary

Connections between obturator’s base/prothesis base in maxillofacial prosthesis

Losses of substances have two origins : congenital and acquired. Acquired defects can be due to different causes (traumatic, ballistic or car accident, surgical and infectious). Tumoral origin remains the most frequent cause, with small, medium or large loss of substance. Prognosis for prosthetic treatment is influenced by site and volume of substance lost. Maxillo-facial prosthetic rehabilitation aim at restoring the integrity of oral cavity. It also allows to compensate the functional and esthetic disorders. Prosthetic treatment mainly in large loss of substances cases is performed in 3 steps : “immediate obturator”, secondary or “interim” obturator and the definitive obturator. Obturating prosthesis are more or less voluminous and easy to insert, specially for patient with restrictive oral opening. Prosthesis insertion in two distinct parts allows to overcome this issue. Different means of links between obturator and prosthesis have been developed in important definitive prosthesis. The aim of this article is to present the different links used for binding the obturator to the prosthesis and finally, to guide choices among these different links.

Key words

loss of maxillary substance, palatal obturator, maxillo-facial prosthesis, means of connection, definitive prosthesis

Généralités

L’exérèse chirurgicale des tumeurs du maxillaire entraîne le plus souvent des pertes de substance plus ou moins importantes, et cette intervention peut aussi être associée dans les cas de tumeurs malignes à une radiothérapie ou à une chimiothérapie. Les conséquences de ces thérapies se manifestent par des altérations morphologiques, des mucites, des fragilités tissulaires, parfois des asialies. Le risque majeur reste l’ostéite post-radique [1]. En fonction du type de lésion et de sa localisation, les traitements induisent différents troubles fonctionnels et esthétiques. L’alimentation devient difficile du fait d’un reflux bucco-nasal et/ou d’une réduction de la mobilité linguale. La phonation est perturbée car la voix est très fortement nasonnée du fait des fuites d’air et de la modification des caisses de résonance. L’ouverture buccale est aussi généralement limitée et déviée. Enfin, la disparition du tissu osseux sous-jacent aux téguments, ainsi que les avulsions de certaines dents voire de toutes les dents, peuvent entraîner un affaissement du revêtement cutané. L’objectif du traitement demeure l’amélioration de l’état du malade sans créer de dommages supplémentaires par rapport à ceux induits par les thérapeutiques invasives que sont la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie [2].

La réhabilitation prothétique maxillo-faciale vise à rétablir l’étanchéité de la cavité buccale et à permettre ainsi au patient de compenser les troubles fonctionnels et esthétiques. En fonction de la taille et de la localisation de la perte de substance, les prothèses obturatrices sont plus ou moins volumineuses et difficiles à insérer d’autant que l’ouverture buccale est réduite. L’insertion en deux parties distinctes de l’obturateur puis de la prothèse permet de surmonter cette difficulté. Différents moyens de liaison entre l’obturateur et la base ont été développés pour les prothèses d’usage volumineuses. L’objectif de cet article est de passer en revue les moyens de liaison entre un obturateur et sa base, puis d’orienter le choix entre les différentes solutions possibles.

La prothèse obturatrice a pour rôle de combler, par un appareillage approprié, la perte de substance. Elle doit être non traumatisante et permettre de réaliser des contrôles cliniques afin de détecter précocement une éventuelle récidive d’une pathologie tumorale. La réalisation prothétique diffère selon qu’il s’agit d’une perte de substance de petite, moyenne ou grande étendue [3, 4].

Les grandes pertes de substance (PS)

Ces PS occupent plus du quart de la surface du palais et des procès alvéolaires. Elles forment des brèches qui peuvent s’étendre jusqu’à la totalité de la voûte palatine, mais qui intéressent aussi les sinus maxillaires, les fosses nasales, le plancher de l’orbite ou même la cavité orbitaire avec parfois une perforation de la peau. La prothèse consiste soit en une simple plaque obturatrice, soit en une prothèse plus complexe à étages susceptible de remplacer éventuellement la PS cutanée [3]. La triade de Housset (sustentation, stabilisation, rétention) est difficilement applicable dans ces conditions. De plus, le patient souvent presque ou totalement édenté présente une anatomie défavorable avec l’absence de vestibule et/ou d’une surface d’appui exploitable.

L’appareillage de ces grandes PS s’effectue en 3 étapes :

– l’obturateur immédiat mis en place au cours de l’intervention assure une bonne protection et une étanchéité, et favorise les suites opératoires immédiates. En restaurant la phonation, il joue un rôle psychologique important. Il est porté durant deux à trois semaines et accompagne la cicatrisation [5, 6] ;

– l’obturateur secondaire ou transitoire est construit entre le 10e et le 20e jour après l’intervention. Il assure la mastication et l’obturation jusqu’à la stabilisation complète des tissus. La prothèse est en continuité avec la partie obturatrice [6, 7, 8] ;

– l’obturateur d’usage doit assurer le confort du malade et rétablir une morphologie satisfaisante. Il est réalisé lorsque les tissus présentent un aspect sain. Il se compose de deux parties : la plaque palatine qui est soit en résine soit en métal coulé, et l’obturateur proprement dit qui est soit en résine dure soit en matériau souple. Deux procédés de réalisation sont à retenir : la plaque rétentive est construite en premier et l’obturateur lui est adjoint secondairement, ou l’obturateur est préparé et terminé dans un premier temps, puis la plaque est réalisée à partir d’une empreinte prise, obturateur en place [3, 7, 9, 10].

La mise en place de prothèses monobloc ou avec un obturateur amovible répond aux critères de qualité de la prothèse conventionnelle. Le choix de l’une ou de l’autre des solutions est lié au volume de la perte de substance, à l’état des tissus d’appui, à l’importance de la limitation de l’ouverture buccale et aux possibilités de rétention prothétique [1]. Pour une ouverture buccale suffisante, une petite ou moyenne perte de substance, le choix est orienté vers une prothèse monobloc (prothèse dentaire solidaire d’un obturateur rigide). Les obturateurs rigides sont utilisés chez les patients dentés, porteurs d’une perte de substance bien limitée, ou encore comme élément de soutien d’une prothèse à étages dans les mutilations complexes.

Pour une ouverture buccale réduite, un volume important de perte de substance, on préférera une prothèse avec un obturateur amovible et souple en silicone. L’obturateur et la prothèse sont alors mis en place l’un après l’autre. Ces indications ne sont pas impératives, elles varient en fonction des cas particuliers [1, 3].

Le choix d’un obturateur indépendant de la base prothétique nécessite la plupart du temps un système de liaison entre celui-ci et l’appareil dentaire. Plusieurs systèmes de liaison sont possibles entre une balle obturatrice et la plaque palatine (en résine ou métallique). Il peut s’agir d’un système d’emboîtement mécanique, d’un système magnétique ou d’attachements sphériques.

Cahier des charges des moyens de liaison

La présence d’une cavité de résection présentant une communication bucco-sinusienne, la réduction de la surface palatine et l’absence partielle de vestibule sont sources de problèmes de rétention, de sustentation et de stabilisation pour la prothèse. Un obturateur souple peut exploiter les contre-dépouilles de la perte de substance. L’étanchéité de la cavité buccale, les fonctions de phonation et mastication sont alors améliorées. Les moyens de liaison utilisés pour assurer la rétention ou la cohésion mécanique entre cet obturateur et la prothèse dentaire favorisent ainsi la rétention et la stabilisation de la prothèse dentaire. Ils offrent la possibilité au patient d’insérer la prothèse en 2 temps, ce qui permet de remédier au problème d’insertion difficile due à un trismus ou une limitation de l’ouverture buccale, ou à une prothèse volumineuse qu’il est impossible d’insérer en un temps car trop haute et importante. Ils se présentent sous forme :

– d’adhésifs appliqués sous la prothèse ;

– de structures géométriques en résine situées dans l’intrados de la prothèse ou dans l’obturateur ; ils constituent ainsi la partie mâle de la liaison qui vient s’emboîter dans sa partie femelle reproduite dans l’obturateur creux ou dans l’intrados (fig. 1 à 1). La forme donnée est choisie en relation avec le prothésiste en tenant compte des possibilités et des desiderata du patient (dextérité à insérer ou enlever la prothèse).

Dans le même ordre d’idée, des systèmes de billes peuvent être utilisés :

– attachements magnétiques ;

– attachements sphériques de type bouton-pression ou conjoncteurs utilisés pour la prothèse amovible classique.

L’obturateur souple

Le choix d’un obturateur souple offre l’avantage de pouvoir exploiter les contre-dépouilles, permettant ainsi d’augmenter la rétention de la prothèse et d’assurer sa stabilisation.

L’obturateur, réalisé dans un premier temps, assure lui-même sa propre stabilisation et sa rétention en franchissant les bords de la perte de substance. Il doit être souple pour ne pas blesser, et amovible pour être éventuellement remplacé. Les obturateurs souples répartissent la pression sur l’ensemble de la muqueuse lorsque les points d’appui résistants font défaut et, en franchissant les contre-dépouilles, ils exercent un effet de rétention très utile lorsque le malade est totalement édenté et privé de moyens de sustentation de la prothèse [3, 11].

L’obturateur peut être :

– en Molloplasta-B® (Detax Dental, Ettlingen, Allemagne) : c’est un matériau de rebasage à base de silicone restant souple, après polymérisation à chaud. Il est livré prêt à l’emploi (aucun mélange n’est à faire avant son utilisation et il présente une bonne adhésion avec la résine). Plus ferme mais moins poreux que la silicone, son inconvénient majeur reste un coût important ;

– en silicone : il existe une grande variété de ce produit sous forme de tubes, de pots ou de cartouches pour pistolet. Comme pour les silicones à empreintes il existe deux groupes :

- les silicones par addition : Multisil Epithetick® transparent (Bredent GmbH, Senden, Allemagne) et Drop Ortho® silicone fluide (Esprit Composite, Paris) qui existent en cartouche ;

- DropStil® FA557 (Prevent Transformation, Borge de Peage, France) fluide et extra-souple qui se présente en pot ; ceux par condensation : Élastomère Médical MDX4-4210® (Dow Corning, Seneffe, Belgique) en pot.

Le choix de la silicone dépend de la qualité des structures en présence. Plus les tissus sont fragilisés et plus la silicone utilisée doit être souple pour éviter une irritation. Le Drop Ortho® réticule très rapidement à l’air libre en 20 minutes environ. Le DropStil® est une silicone extra-souple, alors que le MDX4-4210® est plus résistant avec une dureté plus importante. Celui-ci est très utilisé pour la confection des épithèses du fait de sa souplesse et de sa consistance permettant un moulage facile [12, 13]. La manipulation est plus aisée avec les silicones en cartouches et par addition. Ces silicones sont à la fois chémo et thermopolymérisables. Pour accélérer la réticulation et permettre de mouler facilement le matériau par pression, un agent thixotropique est ajouté. L’avantage est appréciable lors de la réalisation de balles dans les cas de pertes de substance présentant une contre-dépouille importante où l’injection doit se faire par pression.

Les systèmes de liaison

Les adhésifs

Nature du matériau

Les produits actuels sont essentiellement composés de polymères de sodium. À ces polymères, les fabricants ajoutent des agents antimicrobiens, des corps gras, des colorants, des aromatisants et des conservateurs.

Les adhésifs sont commercialisés sous différentes formes galéniques : pâtes, poudres, crèmes ou liquides, bandelettes ou languettes (pâtes : super Poly-grip®, Fittydent®, Corega® crème ou liquide et Polident®). Les pâtes et les poudres sont les plus utilisées.

Mise en œuvre

Ce sont des produits prêts à l’emploi. L’application se fait par le patient en suivant les recommandations du fabriquant. Ces adhésifs temporaires sont inévitablement éliminés par la salive au cours de la déglutition. Dans le cas présent, ils peuvent être utilisés comme moyen de rétention entre obturateur et plaque palatine.

Avantages et inconvénients

L’adhésif doit permettre une meilleure utilisation de la prothèse et procurer de ce fait un meilleur confort aux patients. Les adhésifs sont particulièrement indiqués pour répondre aux doléances psychologiques (anxiété), professionnelles (prise de parole en public), fonctionnelles (conditions anatomiques défavorables). Ils apportent une solution dans des situations particulières en prothèse maxillo-faciale après maxillectomie importante. Ces adhésifs doivent avoir pour qualité d’assurer une bonne adhérence de la prothèse, d’être d’utilisation facile tant pour le collage que le décollement de la prothèse, de ne pas irriter les téguments et de n’entraîner ni allergie ni macération des tissus sur lesquels ils sont appliqués, de ne pas altérer le matériau de la prothèse et d’être si possible incolores.

Ces qualités ne sont pas toujours réunies. Souvent irritants (surtout après radiothérapie), ils rendent l’hygiène difficile et perdent leur efficacité au contact de l’humidité atmosphérique, de la transpiration ou des sécrétions de sébum de l’épiderme. Moyen complémentaire de stabilité, l’utilisation des adhésifs implique la contrainte du collage quotidien, le risque de chute inopinée par manque d’adhérence, le nettoyage journalier fastidieux [8, 14, 15, 16, 17].

Les systèmes d’emboîtement mécanique

Ces systèmes d’emboîtement consistent en une liaison en forme de croisillon, de rectangle ou de champignon entre la balle obturatrice et la plaque palatine (fig. 1 et 2). Plusieurs formes peuvent être choisies en fonction de la force de rétention recherchée. Deux systèmes sont utilisés : ceux façonnés en résine et les systèmes à billes.

Les systèmes d’attachement façonnés en résine

Nature du matériau

L’emboîtement mécanique, en résine thermopolymérisable, Futuracryl 2000® – Schutz Dental Group (Rosbach, Allemagne), Paladon 65® et Meliodent® – Heraeus Kulzer (Courtaboeuf, France), Stellon QC-20® – Dentsply Degudent (Montigny-le-Bretonneux, France), Probase® chez Ivoclar Vivadent (Saint Jorioz, France)), est réalisé dans le prolongement de l’intrados de la prothèse ou sur la partie inférieure de l’obturateur en regard de l’intrados de l’appareil.

Mise en œuvre

La structure géométrique femelle devant recevoir la partie mâle de l’intrados de la prothèse est préparée au moment de la réalisation de l’obturateur. La correspondance mâle de l’intrados de la prothèse se fait après la coulée de l’empreinte secondaire et dans le même temps que la réalisation de la prothèse dentaire. L’obturateur est creux pour permettre l’emboîtement de la structure géométrique de l’intrados de la prothèse dentaire.

Avantages

Ils présentent l’avantage d’une mise en œuvre facile et d’un faible coût de revient. La rétention obtenue est très appréciable et est fonction de la forme géométrique du système.

Inconvénients

Ce système demande une certaine habileté du patient pour enclencher la partie mâle de la prothèse dentaire dans la partie femelle correspondante de l’obturateur. Se pose alors le problème des frottements, ou une irritation possible des tissus fragilisés par la chirurgie et/ou les traitements complémentaires tels la radiothérapie et la chimiothérapie.

Le positionnement n’étant pas toujours facile, il est important d’imposer un guidage qui respecte l’axe d’insertion. Ces systèmes demandent également une certaine hauteur, souvent source de problème en cas d’ouverture buccale limitée.

Les systèmes à billes

Un autre système mécanique de type bouton-pression est le système à billes. Ce système nécessite des obturateurs pleins.

Nature du matériau

Ces billes ou empilements de billes sont disponibles sous plusieurs formes dans le commerce (fig. 3). Elles permettent de reproduire la partie femelle dans l’obturateur et la correspondance mâle dans l’intrados de la prothèse. Elles sont en matière plastique. Plus la perte de substance est importante, plus le nombre de billes est important.

Mise en œuvre

Dans un premier temps, la cire est modelée sur le moulage de la perte de substance en vue de la réalisation d’un obturateur plein. Puis, un plateau de cire vient recouvrir la partie supérieure de la perte de substance avec une collerette de 3 ou 4 mm à la périphérie. Les billes sont introduites pour une partie dans la cire. Le modèle en plâtre est isolé à l’aide de vaseline après la réalisation des guides de repositionnement et une contrepartie en plâtre est réalisée. Après prise, la cire est éliminée par ébouillantage dans de l’eau. La contrepartie récupérée est solidaire des billes. La cire résiduelle est éliminée. De nouveau, un vernis permet d’isoler les modèles.

Après la coulée de la silicone fluide dans la perte de substance, la contrepartie munie des billes est appliquée fortement sur le modèle et l’ensemble est mis dans un bac d’eau pour la polymérisation. L’obturateur ainsi réalisé comporte l’empreinte de la bille qui constitue la partie femelle. La partie mâle est confectionnée au moment de la réalisation de la prothèse dentaire.

Avantages et inconvénients

La mise en œuvre de ce système est facile, son coût est bas. La manipulation de la prothèse est aisée pour le patient. Le principal inconvénient réside là encore dans la nécessité d’une ouverture buccale suffisante.

Les attachements magnétiques

Les aimants peuvent aussi servir de système de liaison entre la prothèse obturatrice et la plaque palatine. Ils sont particulièrement indiqués lorsque l’obturateur et la plaque n’ont pas le même axe d’insertion [18]. Les forces magnétiques utilisables en odontologie se situent dans une fourchette de 400 à 1 000 g. Les aimants conventionnels de type ferrite ont été abandonnés de ce fait car une force de 5 à 10 g suffit à les séparer de leur support. Les aimants actuels peuvent rivaliser avec les attachements mécaniques en termes de rétention. Le principe consiste à opposer des infrastructures coulées en acier inoxydable ferromagnétique à des aimants scellés dans l’intrados des prothèses [19, 20, 21].

Nature du matériau

Ce sont des terres rares mises au point par Becker et Hoffer. Ces attachements sont à base de cobalt (Co) et de samarium (Sm) pour la première génération, puis à base de fer (Fe) et de néodyme (Nd) pour la seconde. L’addition d’un troisième élément, le bore (B), augmente la stabilisation de la structure cristalline et le rend plus puissant par unité de volume.

Les alliages ferromagnétiques peuvent aussi être en alliages précieux. Le comportement ferromagnétique est moins prononcé pour ces derniers et impose en général une épaisseur de matière plus importante [19].

Deux grandes classes d’attachements magnétiques sont décrites : à champ ouvert et à champ fermé. Le champ magnétique des attachements à champ ouvert se propage au-delà de l’attachement même. Celui des attachements à champ fermé reste limité à ce dernier. L’innocuité du champ magnétique sur les tissus vivants est discutée, même si les inventeurs des attachements à champ ouvert affirment qu’il n’y a aucun danger [19]. Plusieurs types d’attachements magnétiques sont actuellement disponibles, notamment le Dyna à champ ouvert (Sodimed, Avignon, France), le Redeim (Redeim-Tecalliage, Paris), Magna-Cap (Prothesis Magnet, Prothesis Lip Magnet, Prothesis Long Lip Magnet) et le Multi-Purpose Magnet à champ fermé (Tecnovent par AVI, Saint-Genis-Laval, France). L’aimant à « champ ouvert » assure la rétention magnétique avec la prothèse dentaire en fonction, même s’il existe un petit espace entre la coiffe et l’aimant. L’aimant à « champ fermé » perd la rétention magnétique dès que le contact avec la coiffe est interrompu [19, 22].

Mise en œuvre

La mise en place se fait après la réalisation de l’obturateur. Des éléments ferromagnétiques contenus dans un plateau de résine lui sont adjoints en surépaisseur. Dans un second temps, la prothèse dentaire est réalisée. L’obturateur et la prothèse terminés seront portés pendant un moment par le patient, le temps de l’adaptation sur les surfaces d’appui prothétiques. La mise en place des aimants dans l’intrados de la prothèse en regard des éléments ferromagnétiques se fait ultérieurement. Il est important de contrôler l’occlusion, aussi bien sur l’articulateur qu’en bouche au moment de l’insertion. Un rebasage peut être possible lors de la mise en place des aimants pour compenser l’affaissement de la prothèse sur sa base. L’obturateur est plein ou creux (fig. 4 et 5).

Avantages

L’amélioration de la rétention de la plaque est obtenue grâce à la force attractive des aimants. La force de rétention d’un aimant est fonction de la manière dont sont disposés ses divers constituants ainsi que de son volume [23].

S’il arrive que la prothèse se détache, elle se remet en place automatiquement. Le parallélisme entre les appuis n’est pas non plus indispensable. L’aimant ne détermine pas d’axe d’insertion, d’où une insertion facile. L’aimant demande très peu de hauteur, ce qui est un atout en cas de limitation de l’ouverture buccale. En cas d’usure, il peut être changé rapidement.

Le nombre minimum requis est de deux aimants. Mais en fonction de l’importance de la perte de substance et de la rétention recherchée, on peut en augmenter le nombre.

Cependant, les forces développées peuvent être importantes avec une forte sollicitation de l’obturateur, source de frottements, d’irritation de la muqueuse et de déchirement de l’obturateur. Chez les sujets au passé carcinologique et soumis aux traitements complémentaires de radio et/ou chimiothérapie avec des tissus fragilisés, il est important d’équilibrer le tout pour que le patient retire sa prothèse sans déchirer ou mutiler la muqueuse.

Inconvénients

Le coût est élevé et la mise en œuvre est complexe. Il est souvent difficile d’évaluer les forces développées par ces aimants. À la longue, les enveloppes qui enrobent les pièces magnétiques s’usent et l’aimant s’oxyde.

Les attachements sphériques

En règle générale, on se sert des attachements de la prothèse amovible classique comme moyens de liaison. Les attachements ou conjoncteurs de type bouton-pression peuvent être indiqués et utilisés pour répondre à la complexité de certains cas cliniques (tissus fragilisés, importantes pertes de substance, problème d’axe d’insertion, patients fragiles, âgés…). Ces conjoncteurs sont à friction (ils permettent des micromouvements) ou à rétention (fixes, nécessitant un support rigide pour éviter l’enfoncement).

Nature du matériau

La partie femelle peut être en titane ou en Elitor® (alliage précieux) et la partie mâle en Valor® (alliage précieux inoxydable exempt de palladium et de cuivre). Le choix se fait en fonction des conditions anatomiques. Pour une vaste perte de substance sans surface d’appui osseuse, le système à friction est recommandé. Dans le cas de cavité avec support rigide, on utilise les systèmes à rétention. Il existe plusieurs types parmi lesquels : Dalbo®– ancrage à friction ou à rétention – ; Ceka® ; Micro Clip® à rétention ; Mini-Gerber Plus® à friction et à rétention. L’O Ring®, système économique, peut remplacer avantageusement d’autres attachements plus coûteux.

Mise en œuvre

La mise en place se fait comme pour les aimants. Néanmoins, un appareil à paralléliser est nécessaire pour positionner la partie mâle. Avec ces systèmes, un guidage est à prévoir afin de permettre au patient de retrouver le bon positionnement de la prothèse. La collerette élastique de la partie femelle est changeable pour compenser l’usure. Avec les attachements sphériques, l’obturateur peut être plein où creux. Il comporte un plateau en résine permettant l’incrustation des attachements.

Avantages et inconvénients

Les attachements offrent des solutions efficaces simples et peu contraignantes pour le patient. Il faut cependant des systèmes faciles d’utilisation pour le patient. Les malades fragilisés sur le plan moral et/ou physique rebutent souvent à fournir des efforts supplémentaires pour insérer leur prothèse. Les systèmes de type bouton-pression donnent satisfaction mais le problème majeur demeure le coût important de ces attachements de précision.

Critères de choix des moyens de liaison

Les critères de choix sont résumés dans le tableau I. Quatre types de moyens de liaison sont répertoriés :

– les systèmes d’emboîtement mécanique en résine (en forme de champignon, de croisillon, de rectangle…), ou à billes permettant de reproduire différentes formes d’emboîtement ;

– les attachements de précision de type bouton-pression ;

– les attachements magnétiques ;

– les adhésifs.

Ces moyens de liaison permettent d’assurer la cohésion entre l’obturateur et la prothèse dentaire. Différents critères guident leur choix : le coût, la difficulté et le temps de réalisation (ce sont des facteurs aléatoires dans le choix), la durabilité liée au matériau, l’axe d’insertion, la rétention, la stabilisation, les contre-indications et inconvénients.

Dans la majorité des cas, tous les systèmes de liaison peuvent être utilisés chez des patients avec une dextérité suffisante pour insérer ou désinsérer la prothèse et/ou l’obturateur, avec une bonne ouverture buccale. L’habileté du patient peut amener le praticien à privilégier un type donné. Les attachements sphériques ou conjoncteurs et certains attachements magnétiques sont de coût plus élevé. En fonction des objectifs recherchés, tant au niveau de l’amélioration de la rétention que de la stabilité, le choix s’oriente vers les systèmes d’emboîtement, les attachements sphériques ou magnétiques. Il est important de considérer l’état des tissus fragilisés par les traitements complémentaires que sont la radiothérapie et/ou la chimiothérapie. En effet, dans la recherche de l’axe d’insertion de la prothèse, le patient induit des mouvements causes de frottements, d’irritations, de saignements et de douleurs. Dans ces cas, les attachements magnétiques semblent mieux indiqués. Ces systèmes magnétiques, ne demandant pas de hauteur minimale et n’imposant pas d’axe d’insertion, sont presque toujours utilisables.

Les systèmes d’emboîtement mécanique, ou à billes, seront utilisés s’il existe un problème économique ; ils nécessitent une hauteur suffisante et imposent un axe d’insertion souvent difficile à gérer pour un patient âgé, ou présentant une habilité réduite. Ils sont indiqués pour des patients avec une bonne ouverture buccale.

Les adhésifs peuvent être aussi utiles. Ils sont d’usage temporaire pour assurer la rétention de la prothèse, sauf pour certaines conditions neuro-musculo-articulaires ou d’adaptation limitée où ils sont permanents.

Conclusion

La confection de prothèses obturatrices n’est pas toujours aisée. Bien souvent, il persiste une instabilité et un manque de rétention malgré l’exploitation de contre-dépouilles de la cavité d’exérèse par l’obturateur et/ou l’utilisation de dents persistantes par l’intermédiaire de crochets ou malgré l’apport des adhésifs, d’autant plus que les patients ayant subi une maxillectomie sont souvent totalement ou quasi totalement édentés.

La prothèse maxillo-faciale implanto-portée se révèle aussi une excellente alternative aux moyens de fixation conventionnels des prothèses obturatrices. La pose d’implants, lorsqu’elle est possible, permet l’obtention de bons résultats au niveau de la stabilité, de l’ancrage rigide et de la réhabilitation fonctionnelle et sociale. Les implants associés aux barres de connexion ou aux attachements magnétiques contribuent de plus en plus à la stabilité de la prothèse obturatrice, particulièrement dans les maxillectomies bilatérales. Les moyens de liaison mécaniques et magnétiques constituent un apport indéniable en prothèse maxillo-faciale. Ils facilitent la réalisation de prothèses à étages dont l’indication subsiste en présence d’une ouverture buccale limitée. Les attachements de précision permettent de relier la prothèse obturatrice aux dents restantes et de limiter, voire supprimer, les micromouvements à l’origine des fuites liquidiennes et aériennes observés avec les crochets. Le choix des moyens de liaison est effectué en fonction de l’objectif recherché mais surtout en fonction du cas clinique (la qualité des tissus, les différents traitements tels la chimio/radiothérapie, l’état général du patient, les possibilités financières du patient) et de la dextérité du patient à insérer ou positionner sa prothèse. Choisir des attachements simples d’utilisation est essentiel. La collaboration entre le praticien et le prothésiste est nécessaire afin de choisir la solution adaptée à la perte de substance et aux difficultés propres à chaque patient.

Remerciements : Monsieur Jean-François De Germay, prothésiste, laboratoire de prothèses du pôle odontologie du CHU Hôtel-Dieu de Nantes ; Monsieur Robert Tarrieu, prothésiste, laboratoire AADDI (Dourdan) ; Monsieur Éric Toulouse, épithésiste et prothésiste, laboratoire de prothèses du service d’odontologie du CHU de Toulouse Rangueil.

bibliographie

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