Les cahiers de prothèse n° 153 du 01/03/2011

 

Implantologie

P. Monsénégo*   S. Slama**  


*Docteur d’État en odontologie MCU-PH, Service d’Odontologie Garancière-Rotschild, Membre de l’académie Nationale de Chirurgie Dentaire, Expert près la cour d’appel de Paris
3, résidence Jules-Verne
92110 Palaiseau
**Docteur en Chirurgie Dentaire de l’Université Paris VII-Diderot
5, rue Daru
75008 Paris

Résumé

Cet article présente dans une première partie une revue de littérature médicale sur les avantages et inconvénients de la solidarisation d’implants contigus par leur superstructure prothétique. Les études biomécaniques et cliniques sont assez contradictoires quant aux taux de succès comparés des implants solidarisés par rapport aux implants supportant des reconstructions unitaires et ne permettent pas actuellement de dégager un consensus. Les indications de la solidarisation des implants sont analysées et exposées dans la seconde partie de cet article.

Summary

Splinting adjacent implants by their prosthetic superstructure

This article presents in a first part a review of literature about the advantages and disadvantages of splinting adjacent implants by their prosthetic superstructure. The biomechanical and clinical studies are rather contradictory as for the compared success rates of the splinted implants versus the implants supporting of unitary crowns, and at the present time do not allow to reach a consensus. The indications of splinting implants are analyzed and exposed in the second part of this article.

Key words

implants prosthodontics, splinting, dental implants, fixed partial denture, biomechanical, technical and biological complications, occlusion

Première partie : revue de la littérature

P. Monsénégo et S. Slama

La solidarisation des dents naturelles est une option thérapeutique essentiellement fondée sur une impression et une expérience clinique plus que sur le résultat d’études scientifiques.

Diverses situations cliniques peuvent conduire à évaluer l’indication de solidariser les dents naturelles :

– après un traumatisme accidentel ;

– dans les cas de restauration de secteurs édentés par bridge conventionnel ;

– pour améliorer la fonction et le confort de mastication ;

– durant une phase de chirurgie parodontale ;

– en présence de dents mobiles et/ou à support parodontal très réduit ;

– en contention après un traitement orthodontique ;

– en complément d’un aménagement occlusal.

Avec l’essor de l’implantologie, la question de la solidarisation s’est donc tout naturellement posée, dans la mesure où chaque dent absente peut être restaurée par un implant. Sur quels critères l’indication de solidariser les couronnes contiguës sur implant repose-t-elle ? Peut-on transposer les protocoles cliniques habituellement utilisés en prothèse conventionnelle ?

Cet article comporte une synthèse des études bibliographiques aboutissant à une réflexion conduite sur les avantages et les inconvénients, les indications et contre-indications de la solidarisation en implantologie, suivies de la description de 7 situations cliniques types relevant de la solidarisation.

Données biomécaniques dans la littérature scientifique

Études de la solidarisation supra-implantaire par la méthode des éléments finis

Wang et al. [1] ont étudié l’influence du matériau prothétique supra-implantaire ainsi que l’effet de la solidarisation sur 2 implants posés dans un os de faible densité en faisant varier trois paramètres : le matériau prothétique (or, porcelaine, résine), la direction des contraintes appliquées (verticales et horizontales) et la solidarisation ou non des éléments prothétiques.

Les résultats ont montré qu’il n’y a pas de différence significative au niveau des contraintes sur l’os entre les différents matériaux pour les couronnes unitaires. En revanche, sous une charge verticale unique de 1 N, la solidarisation augmente les contraintes de von Mises de 24 à 27 % en fonction du matériau utilisé. Cependant, sous une charge horizontale unique de 1 N, la solidarisation diminue les contraintes de von Mises de 36 à 44 % en fonction du matériau utilisé, ce qui réduirait les contraintes osseuses péri-implantaires.

D’après l’étude en éléments finis de Bergkvist et al. [2] en 2008, la solidarisation permettrait de réduire les contraintes sur les implants et l’os péri-implantaire.

En effet, en solidarisant, on enregistre jusqu’à 7,23 fois moins de contraintes au niveau de l’os péri-implantaire (os de type I) par rapport aux restaurations unitaires. Cette diminution est plus importante dans un os de densité plus faible (jusqu’à 8,79 fois moins pour un os de type II) (fig. 1).

Martinez et al. [3] ont étudié les effets de la solidarisation et de la répartition des forces occlusales sur l’intensité des contraintes enregistrées au niveau de 2 couronnes sur implants (piliers, implants et os péri-implantaire) (fig. 2). Pour cela, 3 modèles ont été réalisés :

– les 2 implants ne sont pas solidarisés et chacune des couronnes est chargée ;

– les 2 implants sont solidarisés et chacune des couronnes est chargée ;

– les 2 couronnes sont solidarisées et 1 seule d’entre elles est chargée.

En appliquant une contrainte sur l’ensemble de la prothèse (modèles a et b), la solidarisation des implants ne semble pas modifier l’intensité des contraintes subies par les piliers, les implants et l’os. Cependant, lorsque la force exercée est concentrée sur l’une des couronnes (modèle c), le pilier, l’implant et l’os qui supportent la couronne chargée sont significativement plus sollicités et la répartition des contraintes n’est pas homogène.

Huang et al. [4] ont étudié le cas de figure du remplacement de la première molaire et de la deuxième prémolaire par des implants. Trois supports implantaires ont été utilisés pour remplacer la première molaire (1 implant standard, 1 implant de grand diamètre et 2 implants standard) et un seul pour remplacer la seconde prémolaire (1 implant standard), toutes modélisations combinées avec 2 couronnes solidarisées ou non. Au total, 6 modèles ont été construits. Lorsque 2 implants standards au niveau de la prémolaire et de la molaire sont évalués, leur solidarisation ne semble pas modifier les contraintes enregistrées. En revanche, les résultats montrent que la solidarisation diminue les contraintes de plus de 25 % lorsque la première molaire est remplacée par 2 implants standards ou par un implant de grand diamètre.

Kregzde et al. [5] ont déterminé, à l’aide de l’analyse tridimensionnelle par éléments finis, l’arrangement optimum d’implants et le schéma de solidarisation prothétique optimum pour un édentement postérieur libre de 4 dents. Dix options prothétiques ont été étudiées pour restaurer un édentement postérieur libre mandibulaire de 4 dents (2 prémolaires et 2 molaires), en suivant plusieurs critères :

– nombre d’implants (1, 2, 3 ou 4) ;

– position des implants ;

– schéma de solidarisation des couronnes implantaires ;

– connexion ou non à une dent naturelle (canine) ;

– présence d’un cantilever mésial.

D’après les valeurs obtenues, on a enregistré pour l’option 10 (à savoir 2 implants unitaires dans le secteur molaire et 2 solidarisés au niveau des prémolaires) les plus faibles contraintes au niveau implantaire. Au contraire, pour l’option 1 (à savoir 2 implants dans le secteur molaire avec un cantilever mésial), on a enregistré les contraintes les plus importantes.

Guichet et al. [6] ont proposé, dans une étude faisant appel à des modèles photo-élastiques, d’évaluer l’effet de la solidarisation des dents et la qualité des points de contact sur l’intensité et la répartition des contraintes enregistrées au niveau de l’os péri-implantaire (fig. 3). Les restaurations non solidarisées ont de nombreux contacts interdentaires qui nécessitent un ajustage très précis et fastidieux avant le scellement. Les résultats de cette étude montrent que plus les points de contact des restaurations unitaires sont forts, plus les contraintes enregistrées au niveau de l’os sont élevées. De plus, ces auteurs montreraient que le recours à des restaurations solidarisées supportées par des implants semble distribuer de façon plus homogène les contraintes sur les implants et l’os péri-implantaire.

Naveau et al. [7] ont également étudié par la méthode des éléments finis les effets de la solidarisation implantaire. Cette étude préliminaire a montré la distribution des contraintes et des déplacements de piles en titane reliées entre elles et enchâssées dans une structure osseuse. Les variables comparées étaient :

– le nombre de piles solidarisées ;

– la forme de l’embase osseuse ;

– les forces exercées (horizontales/verticales, sur chaque pile/uniquement sur la première pile).

Dans cette étude, 4 configurations ont été étudiées pour déterminer les effets de la solidarisation d’implants contigus :

– piles alignées soumises à des forces verticales multiples (AVM). La première expérimentation a consisté à solidariser progressivement 5 piles alignées soumises chacune à une force axiale de 100 N. La solidarisation augmente les contraintes enregistrées au niveau des piles situées aux extrémités et la mobilité de l’ensemble des piles lorsque chacune d’elle est soumise à une force axiale de 100 N ;

– piles alignées soumises à une force verticale unique (AVU). Les piles ont été successivement solidarisées à la pile 1 qui était la seule à recevoir une force axiale de 100 N. Les contraintes et le déplacement de référence sont les mêmes que dans l’expérimentation précédente. Dans cette expérimentation, même si une seule pile est soumise à une force axiale de 100 N, la solidarisation conduit à une augmentation importante des contraintes enregistrées au niveau de la pile chargée, et provoque le déplacement des piles annexes ;

– piles alignées soumises à une force horizontale multiples (AHM). La troisième expérimentation a consisté à aligner progressivement 5 piles solidarisées soumises chacune à une force horizontale de 100 N. Lors de forces horizontales sur des piles solidarisées, les intensités des contraintes et des déplacements sont beaucoup plus importantes que celles des piles soumises à des forces axiales. Cependant les précédentes observations (première expérimentation) ne sont pas modifiées ;

– piles alignées soumises à une force horizontale unique (AHU). La solidarisation induit une importante diminution des contraintes et des déplacements lorsqu’une seule force de 100 N est exercée horizontalement sur une seule pile. La solidarisation semble donc bénéfique lorsque des forces obliques sont exercées (les dents les plus sollicitées par les forces obliques étant les dents antérieures).

Études sur le maintien du niveau osseux

De nombreuses études ont eu pour but de quantifier la perte osseuse marginale péri-implantaire, que les implants soient solidarisés ou non.

Concernant le maintien du niveau osseux autour des implants porteurs de prothèse unitaire, Norton [8] a rapporté une moyenne de 0,65 mm de perte osseuse marginale en 7,5 ans (0,56  mm au maxillaire et 0,7 mm à la mandibule). Seuls 25 % des implants maxillaires et 36 % des implants mandibulaires sont responsables d’une lyse osseuse supérieure ou égale à 1 mm. De même, l’étude d’Henry et al. [9] a rapporté une moyenne inférieure à 1 mm de perte d’os marginal à 5 ans.

Naert et al. [10] ont estimé que la perte osseuse normale autour des implants Brånemark supportant des prothèses plurales est stable. En effet, elle ne dépasse jamais 2,2 mm même après 15 ans de mise en charge, en tenant compte de la perte initiale de 0,8 mm observée les 6 premiers mois de mise en fonction.

Jemt et Lekholm [11] ont révélé, chez le lapin, une perte moyenne de 0,8 mm autour d’implants maxillaires et de 0,6 mm autour des implants mandibulaires, supportant des prothèses partielles fixées, au bout de 5 ans.

Blanes et al. [12] et Naert et al. [13] ont proposé d’évaluer l’influence de différentes modalités de traitement prothétique sur la perte osseuse péri-implantaire. Ces deux études ont révélé que l’utilisation de couronnes unitaires sur implants pour restaurer un espace édenté ne s’accompagne pas de perte osseuse marginale significativement plus importante qu’autour des implants reliés par la suprastructure.

À la lecture de ces études, il ne semblerait pas y avoir de différence significative au niveau de la perte osseuse péri-implantaire, que les implants soient solidarisés ou non. En fait, la comparaison est difficile car les implants unitaires ne sont pas dans les mêmes situations biomécaniques que les implants reliés. Le maintien du niveau osseux pour un implant entouré de 2 dents est différent de celui d’un implant entouré d’autres implants.

Études sur les complications techniques

Pjetursson et al. [14] ont proposé une revue de littérature scientifique concernant les complications techniques des restaurations partielles fixes sur implants à 5 ans (pas de distinction entre les restaurations unitaires ou solidarisées). Les complications les plus fréquentes étaient la fracture de l’élément cosmétique (13,2 %), les complications ayant un rapport avec la connexion (7,3 %, dont 5,8 % de dévissage et 1,5 % de fracture de la vis), la fracture de l’armature métallique (1 %) et celle de l’implant (0,4 %).

Jung et al. [15] ont eux aussi proposé une revue de littérature scientifique sur les complications techniques à 5 ans, sur des prothèses implantaires unitaires. Les complications les plus fréquentes étaient le dévissage (12,7 %), la perte de rétention pour les prothèses scellées (5,5 %), la fracture du matériau cosmétique (4,5 %), la fracture de l’armature métallique (3 %) et, rarement, la fracture des composants implantaires (0,35 % de vis fracturées, 0,14 % des implants fracturés).

D’après Rangert [16], le recul clinique actuel laisse à penser que la solidarisation des implants permet d’assurer une excellente pérennité aux prothèses sur implant. Cette assertion est une opinion d’auteur et non la conclusion d’une étude.

L’étude prospective de Bragger et al. [17] sur 10 ans s’est fixé comme objectif de comparer les incidences des complications techniques dans une cohorte de patients partiellement édentés avec des reconstructions fixées sur implants unitaires ou solidarisés. Les taux d’implants perdus pour des raisons biologiques (péri-implantites) et techniques (descellements, dévissages, fractures d’implant, d’armature, de céramique) dans le groupe implants unitaires étaient respectivement de 7,2 et 2,9 %, contre 1,4 et 1 % dans le groupe implants solidarisés. Le taux de reconstructions perdues pour des raisons biologiques et techniques dans le groupe implants unitaires était de 10,1 %, contre 6,1 % dans le groupe implants solidarisés. Les reconstructions encore en place malgré des complications techniques étaient plus nombreuses dans le groupe implants solidarisés (31 %) que dans le groupe implants unitaires (5,8 %)

Données biologiques et épidémiologiques dans la littérature médicale

L’étude prospective sur 10 ans de Bragger et al. [17] avait pour objectif de comparer les incidences des complications biologiques (sondage des poches ≥ 5 mm, avec saignement et/ou suppuration au sondage) dans une cohorte de patients partiellement édentés avec des reconstructions fixées sur implants unitaires ou solidarisés. Le nombre de patients exposés aux complications biologiques des implants était supérieur pour les porteurs de couronnes unitaires (6,7 %, contre 3,5 % pour les restaurations multiples solidarisées).

Lindh et al. [18], dans une méta-analyse, ont rapproché 19 études publiées entre 1986 et 1996. Les données provenaient d’un total de 2 686 implants : 570 implants étaient restaurés par des couronnes unitaires et 2 116 par des restaurations multiples. Le suivi variait de 1 à 8 ans. Au bout de 1 an, le taux de survie implantaire était au minimum de 85,7 % pour les restaurations multiples et de 97,2 % pour restaurations unitaires. Après 6 à 7 ans, le taux de survie implantaire pour les restaurations multiples était de 93,6 %, contre 96,5 % pour les couronnes unitaires.

D’après Naert et al. [13], le taux de succès des implants unitaires est 1,09 fois plus élevé que celui des implants restaurés par des couronnes solidarisées.

Malo et al. [19] ont étudié le taux de survie des implants positionnés dans les secteurs incisivo-canins maxillaires et mandibulaires mis en charge le jour même par des prothèses provisoires. Au bout de 6 mois, les patients ont reçu leurs prothèses permanentes. Dans cette étude prospective, 116 implants ont été posés, 63 ont été restaurés par des couronnes unitaires et 53 par des couronnes solidarisées. En 1 an, ces auteurs ont obtenu plus d’échecs sur les dents antérieures avec des restaurations unitaires (6,3 %) qu’avec des restaurations solidarisées (1,9 %).

Enfin, Becker et al. [20] ainsi que Blanes et al. [12] ont montré que le taux de survie des implants unitaires n’est pas significativement différent de celui des implants solidarisés.

Avantages de la solidarisation

Avantages pour la rétention et la stabilisation prothétique

La solidarisation des implants a un effet antirotationnel et diminue le risque de dévissage [21] et de descellement.

D’après Davarpanah et Szmukler-Moncler [22], la solidarisation permet de neutraliser les mouvements de rotation.

• Cas d’une couronne unitaire

L’implant et sa couronne unitaire sont soumis à tous les types de mouvements possibles autour des axes : axial, mésio-distal et vestibulo-lingual.

• Cas de 2 implants solidarisés

Les mouvements de rotation axiale et autour de l’axe mésio-distal sont neutralisés.

Les mouvements autour de l’axe vestibulo-lingual persistent et peuvent être à l’origine de micromouvements latéraux.

• Cas de 3 implants solidarisés

Lorsque les implants sont posés en ligne, les mouvements autour de l’axe vestibulo-lingual subsistent.

En revanche, lorsqu’ils sont légèrement décalés (concept du tripode), les mouvements autour de l’axe vestibulo-lingual sont neutralisés.

• Cas de plusieurs implants solidarisés au niveau d’une arcade en courbe

Dans ce cas, les mouvements de rotation autour de tous les axes sont neutralisés.

Réglage des contacts proximaux

En denture naturelle, les contacts interdentaires doivent être ajustés de telle sorte qu’une matrice métallique, de 8 µm d’épaisseur, puisse glisser sans se déchirer. L’absence de ligament parodontal autour des implants nécessite un ajustage encore plus précis des contacts proximaux.

Les restaurations non solidarisées ont de nombreux contacts interdentaires qui nécessitent des ajustements importants, dépendants de l’application déployée par le laboratoire et par le praticien avant le scellement. L’utilisation de couronnes implantaires solidarisées permet en revanche au praticien un essayage et un scellement plus rapides avec moins de risques de mauvais positionnement et, donc, de contraintes sur les structures environnantes [6].

Diminution du nombre d’implants

Idéalement, le nombre d’implants conseillé doit correspondre au nombre d’unités radiculaires à remplacer. Selon Palacci [23], un nombre d’implants inférieur constitue un facteur de risque mécanique. Cependant, avant de déterminer le nombre optimal d’implants, différents facteurs doivent être pris en compte et des compromis doivent être trouvés en fonction du résultat souhaité. S’il était possible de positionner moins d’implants que de racines ou de dents absentes, il conviendrait d’adopter cette solution dans l’optique du meilleur rapport coût/efficacité/sécurité pour le patient.

L’observation clinique permet de révéler différents facteurs intervenant dans la détermination du nombre d’implants :

– l’occlusion. C’est le montage directeur et l’analyse prévisionnelle sur articulateur qui apportent les informations nécessaires. La prothèse (wax-up) détermine la position des futurs implants et la morphologie occlusale des prothèses à réaliser ;

– la présence de défauts osseux ou d’obstacles anatomiques ;

– l’esthétique ;

– l’analyse des facteurs de risque biomécaniques et occlusaux ;

– les moyens financiers du patient.

La limitation du nombre d’implants utilisés par rapport au nombre de couronnes nécessaires permet de réduire le coût du traitement.

Possibilité de réintervention

Il est intéressant de prévoir une possibilité de dépose pour simplifier le plan de traitement en prévision de complications à long terme. Le remplacement d’une unité reliée à plusieurs unités implantaires, en prothèse scellée, à la suite de l’échec d’un seul implant peut être une opération complexe et onéreuse si elle entraîne une réfection totale Au contraire, les restaurations avec des implants unitaires contigus offrent la possibilité de ne pas compromettre l’ensemble de la prothèse.

En prothèse vissée, la réintervention est possible et simple en prothèse unitaire ou en prothèse solidarisée.

Cependant, Laufer et Gross [24] ont suggéré que la solidarisation pouvait permettre de conserver la prothèse si un pilier implantaire est perdu et que plusieurs implants contigus supportent cette prothèse. Ce cas de figure suppose de réaliser un bridge classique sur implants ou en extension.

Enfin, la dépose d’une prothèse plurale est paradoxalement souvent plus aisée que celle d’un élément unitaire, même si sa rétention est plus importante. En effet, il est possible d’utiliser un dépose-couronne en passant un fil métallique au niveau des embrasures.

Adaptation du nombre d’implants en fonction des espaces édentés

• Espace mésio-distal

Pour un édentement encastré, l’espace disponible est souvent insuffisant ou, au contraire, trop important par rapport à la dimension des unités prothétiques à remplacer. La meilleure solution peut être de diminuer le nombre d’implants et de réaliser des éléments intermédiaires s’adaptant à la distance mésio-distale du site édenté.

Avantages esthétiques

D’après Roig [25], solidariser les couronnes implantaires ne permettrait pas d’obtenir un résultat esthétique optimum en raison de l’effet peu naturel des surfaces de liaison (effet « bloc de dents »). Par ailleurs, la solidarisation peut provoquer une sensation d’encombrement liée à la section importante des connexions entre les couronnes prothétiques et à la proprioception du patient [26].

Pour Norton [8], l’utilisation de plusieurs implants contigus supportant des couronnes unitaires multiples permet d’optimiser le résultat esthétique dans le secteur antérieur en facilitant l’obtention d’un résultat naturel avec des prothèses indépendantes.

Certaines exigences esthétiques conduisent souvent à ne pas remplacer les dents absentes par un nombre équivalent d’implants : l’utilisation de pontiques dans les secteurs esthétiques permet à la fois de corriger les distances interimplantaires et de recréer l’illusion des papilles par compression de la gencive [27]. Cela est à mettre en rapport avec la difficulté de recréer des papilles entre 2 implants contigus.

De plus, la résorption du maxillaire édenté étant centripète, la longueur du segment d’arcade disponible est diminuée. Remplacer chaque dent par un implant en respectant une distance entre les cols de 2 mm est souvent impossible. De même à la mandibule, il est quasi impossible de remplacer plusieurs incisives mandibulaires par le même nombre d’implants

Inconvénients de la solidarisation

Adaptation de l’armature

Une des difficultés lors de l’élaboration d’une prothèse sur plusieurs implants est d’obtenir une armature totalement passive, c’est-à-dire qui ne transmette aucune contrainte aux implants et à l’os péri-implantaire, en l’absence de sollicitation occlusale.

Cette difficulté est accentuée lorsque les implants supportent des couronnes solidarisées [8, 12, 26]. Avant le vissage ou le scellement, aucun mouvement de bascule de l’infrastructure ne doit être détecté. Un défaut d’ajustage entre le pilier et l’implant dans un bridge peut occasionner un bras de levier défavorable pour un ensemble adjacent prothèse-implant qui risque de se fracturer. Lors de l’essayage de l’armature, il convient de réaliser des radiographies de contrôle pour s’assurer de l’adaptation correcte de l’armature et éviter ainsi une complication mécanique ou biologique.

Skalak [28] ainsi que Wyatt et Zarb [29] ont montré que le manque de passivité ou un défaut d’adaptation de l’infrastructure lors de la mise en place de prothèses vissées entraîne des contraintes permanentes au niveau des implants qui peuvent à long terme être responsables de leur fracture ou compromettre leur ostéo-intégration. La non-adaptation passive des armatures semble augmenter le risque de complications tant biologiques (perte d’os marginal après mise en charge, microfractures ou ischémies de l’os parodontal) que mécaniques (fractures de vis, dévissage ou fracture du matériau cosmétique) responsables d’une durée de vie réduite des implants [30].

Cependant, d’après Boix et Tavernier [30], bien que la solidarisation des éléments prothétiques puisse éventuellement créer des contraintes sur les implants, celles-ci n’auraient pas d’inconvénients si l’ajustage et la passivité de la prothèse ont été vérifiés cliniquement et radiologiquement. En effet, il existerait un degré de tolérance biologique qui permettrait à l’os de s’adapter aux sollicitations mécaniques auxquelles il est soumis.

Jemt et Lekholm [11] ont réalisé une étude in vivo chez le lapin pour mesurer la perte osseuse péri-implantaire à la suite de la mise en place de prothèses mal adaptées. Quatre lapins ont été utilisés avec 3 implants chacun dans la partie proximale d’un tibia. Après une période de guérison de 8 semaines, une armature en titane a été connectée avec une mauvaise adaptation de l’implant central. Les mesures et les comparaisons de l’os péri-implantaire avant et après fixation de l’armature ont mis en évidence un processus de déformation complexe et irrégulier. La tête de l’implant central semblait subir un déplacement correspondant à environ 50 à 200 µm. Une déformation osseuse d’environ 0,5 mm était essentiellement localisée entre les implants où des compressions étaient observées.

Cette concentration de déformation osseuse à la suite d’une mauvaise adaptation peut être un des facteurs favorisant la perte osseuse marginale observée après l’insertion de la prothèse sur implants.

Goossens et Herbst [31] ont évalué le degré d’ajustement des suprastructures en comparant deux matériaux (titane et or). Malgré une adaptation clinique et radiologique parfaite, un espace moyen variant entre 11,9 µm (titane) et 17,8 µm (or) persistait entre l’infrastructure et le faux moignon connecté à l’implant après un vissage à 10 N/cm. Une adaptation parfaite est donc difficile à obtenir.

À l’aide de la méthode des éléments finis, Kunavisarut et al. [32] ont proposé d’étudier les effets d’une mauvaise adaptation d’une prothèse vissée sur la distribution des contraintes au niveau des composants implantaires et de l’os environnant. Une imprécision de 110 µm au niveau de l’infrastructure entraîne une augmentation des contraintes de 8 à 64 % à la fois au niveau des composants prothétiques et de l’os péri-implantaire.

Cependant, Karl et al. [33] ont rapporté que le niveau de précision de fabrication d’un bridge de 5 éléments avec 3 piliers permettrait une passivité acceptable cliniquement et ne provoquerait pas de dommage osseux important. Le niveau de stress engendré ne constituerait donc pas un risque.

Facilité de maintenance

L’absence de plaque favorise le maintien d’une muqueuse péri-implantaire saine (diminution de la probabilité d’inflammation et d’infection) et réduit les risques de cratérisation osseuse et de péri-implantite [34].

De nombreux auteurs ont avancé comme argument en faveur de la non-solidarisation de couronnes implantaires contiguës la possibilité d’utiliser le fil dentaire, ce qui faciliterait le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire [8, 35, 36].

D’après Solnit et Schneider [26] et Blanes et al. [12], les restaurations individuelles permettent ainsi un meilleur accès pour maintenir une hygiène optimale, des profils d’émergence et un contour axial des dents adéquats.

A contrario, solidariser n’autorise pas le passage du fil dentaire mais peut permettre le passage de brossettes interdentaires lorsque les embrasures sont correctement réalisées.

Indications de la solidarisation

Bridges en extension

Dans certains cas cliniques, un obstacle anatomique (foramen mentonnier, sinus…) peut conduire à l’indication d’une greffe osseuse ou d’un comblement, non souhaités par le patient ou contre-indiqués techniquement et/ou médicalement. Dans ces situations, il est possible d’envisager un bridge en extension sur implants, à condition de tenir compte du facteur de risque inhérent à ce type de reconstruction : la présence d’autres facteurs de risque peut amener à renoncer à ce type de solution (bruxisme, absence de guide antérieur, axes implantaires ou rapports couronne clinique/racine implantaire défavorables…) (voir cas clinique ci-après). Dans tous les cas, une extension mésiale est préférable à une extension distale, et l’extension doit être réduite au strict nécessaire.

Édentements multiples antérieurs

Grossmann [35] préconise de solidariser les implants disposés en arc de cercle.

D’après l’étude préliminaire par la méthode des éléments finis de Naveau et al. [7], lorsque l’embase osseuse forme un arc, comme c’est le cas pour la portion antérieure des arcades dentaires, les contraintes sur l’ensemble des implants diminuent quand les implants sont solidarisés. Il semblerait donc mécaniquement judicieux d’avoir recours à la solidarisation dans les secteurs antérieurs, en plus des arguments esthétiques déjà signalés.

En denture naturelle, les interférences occlusales sont détectées grâce à la présence des récepteurs desmodontaux, qui sont à l’origine d’une réaction de défense de l’organisme. L’absence de ces récepteurs au niveau implantaire nécessite un ajustage encore plus précis de l’occlusion en statique et en dynamique (propulsion et latéralité) au niveau du bloc incisivo-canin : c’est un argument pour solidariser les couronnes implantaires contiguës dans le secteur antérieur, surtout en présence de parafonctions et d’occlusion perturbée par des dysmorphoses ou malpositions dentaires.

Édentements de grande étendue

D’après Grossmann [35], en présence d’un édentement de grande étendue, il est indiqué de solidariser les implants adjacents. En effet, lorsque le nombre d’implants augmente pour restaurer les dents absentes, la solidarisation joue un rôle crucial pour la distribution des forces entre les implants.

Le traitement des patients totalement édentés à l’aide d’implants représentait l’indication majeure de l’implantologie. La solution thérapeutique proposée par l’école suédoise dès les années 1980 [37], qui consistait à placer de 4 à 6 implants afin de soutenir un bridge sur pilotis, est restée un véritable modèle. Ce bridge présente généralement une fausse gencive masquant les émergences implantaires ainsi que des extensions distales.

Lors d’un édentement complet maxillaire et mandibulaire, Grossmann [35] recommande l’utilisation d’implants solidarisés dans une superstructure rigide pour réduire et mieux répartir le stress sur les implants et l’os péri-implantaire.

La réalisation de couronnes implantaires unitaires multiples est difficilement envisageable. En effet, il faudrait, d’une part, un nombre d’implants très important (14 par arcade) et, d’autre part, un volume osseux satisfaisant sur l’ensemble de l’arcade (en dehors des cas où il est possible d’avoir recours à des greffes osseuses pré-implantaires qui permettent de mettre en place des implants en position idéale et, ainsi, d’avoir des constructions unitaires).

Dans les sites de faible densité osseuse

Solnit et Schneider [26] ont montré, dans une étude multicentrique, que les pourcentages de succès étaient plus élevés pour les os des types I, II et III que pour les os de type IV. En effet, lorsque la qualité de l’os diminue, les échecs implantaires sont plus fréquents. Cela est d’autant plus vrai que les implants ne sont pas solidarisés par l’intermédiaire de la prothèse.

Davarpanah et al. [38] suggèrent que le plan de traitement et les différentes séquences de l’acte chirurgical doivent être adaptés à la qualité osseuse du site implantaire. Notamment, le traitement peut être modifié en présence d’une qualité osseuse insuffisante en pratiquant une solidarisation des implants initialement non prévue.

D’après l’étude par éléments finis de Bergkvist et al. [2], la solidarisation permettrait de réduire les contraintes sur les implants et l’os péri-implantaire. Cette réduction est plus marquée lorsque la densité osseuse est faible.

Wang et al. [1] suggèrent, dans une étude par éléments finis, que la solidarisation des couronnes permet de diminuer les contraintes sur l’os péri-implantaire en présence de forces horizontales, uniquement pour les os de faible densité. De plus, l’utilisation de matériaux de restauration rigides (or et porcelaine) entraînerait moins de contraintes sur l’os que la résine.

Dans les contextes biomécaniques à risque

Idéalement, l’axe implantaire doit se rapprocher de l’axe prothétique dentaire préexistant, selon lequel les forces occlusales sont exercées [39].

Fréquemment, le volume osseux résiduel ne permet pas de placer un implant selon l’axe optimal. Un axe légèrement angulé sera corrigé lors de la réalisation prothétique.

Une angulation implantaire peut être corrigée à l’aide de piliers angulés. Il peut être préférable de solidariser les implants présentant une telle angulation pour réduire les contraintes mécaniques exercées à la fois sur la prothèse, les implants et l’os péri-implantaire [22, 35].

Cependant, lorsque 2 implants contigus sont divergents du fait de contraintes anatomiques et que, malgré la modification de l’axe par des piliers angulés, la divergence persiste, il peut être nécessaire de réaliser 2 couronnes unitaires

Dans les contextes occlusaux à risque

Le patient bruxomane, parafonctionnel, avec des antécédents de fracture doit être considéré comme étant à risque important. L’intensité des forces développées pendant la mastication peut avoir également des répercussions importantes sur la pérennité des composants implantaires et prothétiques. Ce risque est amplifié si les forces occlusales ne sont pas distribuées dans l’axe de l’implant, ce qui peut conduire, à terme, à des fractures ou à des complications implantaires.

Ces parafonctions devront donc être prises en considération lors du traitement implantaire. La solidarisation par la prothèse ainsi que la réalisation d’une gouttière peuvent permettre de protéger les implants des contraintes occlusales excessives.

Solnit et Schneider [26] suggèrent que les patients présentant un bruxisme sévère ne sont pas de bons candidats pour des restaurations unitaires multiples. Dans ce cas, la solidarisation peut s’avérer nécessaire.

D’après Grossmann [35], l’occlusion en statique et en dynamique est un facteur clé à considérer lorsque l’on évalue la nécessité de solidariser.

Dans le cas d’un guidage antérieur abrupt, avec un recouvrement incisif (vertical) supérieur à la normale, ou dans le cas de parafonctions ou d’occlusion perturbée, la solidarisation serait indiquée.

Cependant, tant qu’un schéma occlusal correct (protection canine pure et guide antérieur fonctionnel, occlusion stable) est présent et que les forces exercées sur les restaurations implantaires peuvent être contrôlées, les restaurations unitaires multiples peuvent être indiquées.

Rétention prothétique faible

D’après Grossmann [35], il est nécessaire d’évaluer la rétention des futures restaurations prothétiques supra-implantaires pour poser l’indication de solidarisation. Les facteurs les plus importants sont à la fois la hauteur de la couronne clinique et celle des piliers prothétiques. Du fait d’un espace interocclusal réduit, les piliers peuvent être de hauteur limitée et, de ce fait, développer une rétention médiocre ; des descellements à répétition peuvent alors être observés. Il est alors conseillé de s’orienter vers de la prothèse transvissée ou de solidariser les couronnes implantaires.

Harmonisation des anatomies occlusales en fonction de la localisation des émergences implantaires

Lorsque plusieurs implants sont adjacents, et que des contraintes anatomiques interdisent de positionner un implant au milieu de la face occlusale correspondante, il est possible de concevoir des bridges partiels sur implants contigus solidarisés, avec des intermédiaires constitués de demi-dents : l’avantage essentiel est alors de réaliser des faces occlusales classiques sans porte-à-faux.

Mise en charge immédiate

La mise en charge des implants est l’étape de mise en place d’une prothèse implantaire temporaire avec rétablissement de l’occlusion et, par conséquent, la transmission des forces occlusale à l’implant le jour même de la pose des implants. C’est le cas pour 4 à 6 implants symphysaires mis en charge immédiatement par une prothèse provisoire faisant office de fixateur externe.

On préconise plutôt, dans les autres cas, une mise en restauration provisoire immédiate avec moins de contacts occlusaux pour solliciter l’implant le moins possible (l’implant sera tout de même sollicité lors de la mastication, ainsi qu’avec les forces exercées par les lèvres et la langue).

La mise en charge immédiate est envisageable seulement s’il est possible de maintenir une stabilité primaire suffisante des implants leur permettant de s’ostéo-intégrer.

En effet, l’ostéo-intégration pourrait être perturbée par l’existence des micromouvements auxquels sont soumis les implants pendant la cicatrisation. Le recours à la solidarisation des restaurations prothétiques servirait d’attelle de contention.

Selon Brunski [40], un micromouvement supérieur à 100 µm conduirait à une interposition fibreuse. Davarpanah et al. [38] situent le seuil critique à 200 µm. Pour Jaffins et Berman [41], un micromouvement de 28 µm n’a aucune influence sur l’ostéo-intégration et, au-delà de 150 µm, on observera une apposition fibreuse.

Matsuzaka et al. [42] ont proposé une étude sur le chien pour évaluer l’influence de la solidarisation sur l’interface os/implant. Pour cela, des implants, unitaires du côté gauche et solidarisés du côté droit, ont été positionnés sur des mandibules de chiens édentés 4 mois auparavant et mis en charge immédiatement. Les animaux ont été sacrifiés à 4, 8 et 12 semaines et des coupes histologiques ont été réalisées pour quantifier le degré d’apposition osseuse à l’interface os/implant. Histologiquement, le rapport d’os remodelé à l’interface os/implant était plus important dans le groupe ou les prothèses étaient solidarisées à la quatrième semaine. Selon le protocole, chez le chien, la solidarisation implantaire serait bénéfique lors de mise en charge immédiate.

Cehreli et al. [43] ont comparé, dans une étude ex vivo, les contraintes sur le tissu osseux autour de dents naturelles et autour d’implants mis en charges immédiatement et supportant des prothèses fixes solidarisées ou unitaires. Six jauges de tension linéaire ont été fixées sur l’os marginal vestibulaire de 2 dents antéro-supérieures de 2 cadavres humains congelés. Les incisives et les canines ont été testées puis, après extraction, remplacées par des implants de 4,1 et 4,8 mm de diamètre. La valeur du couple d’insertion de chaque implant ainsi qu’une analyse par fréquence de résonance a permis une estimation de la stabilité primaire des implants. Les mesures de tension ont été effectuées avec des restaurations implantaires unitaires et avec des implants solidarisés unilatéralement ou bilatéralement. Les microcontraintes mesurées dans tous les groupes se sont révélées comparables. Cependant, bien qu’un modèle prothétique ne semble pas avoir d’avantages évidents sur un autre, relier les implants est considéré par ces auteurs comme une mesure de sécurité pour les implants mis en charge immédiatement lorsque cela est possible. Leur recommandation est justifiée en présence d’une stabilité primaire insuffisante de l’implant.

Rocci et al. [44] étudient l’influence de la solidarisation lors du protocole de mise en charge immédiate dans le secteur postérieur. Dans le cadre de leur étude, 121 implants ont été posés sur 44 patients. Ces auteurs ont constaté une différence significative entre les taux de succès, à 3 ans, des implants mis en charge précocement qu’ils aient été unitaires (81 %) ou solidarisés (94 %).

Malo et al. [19] ont évalué le taux de survie d’implants placés dans le secteur antérieur (incisives, canines, prémolaires) au maxillaire et à la mandibule. Les implants chargés le jour même par des couronnes provisoires ont été suivis pendant 1 an (au bout de 6 mois, les patients ont reçu leurs prothèses permanentes). Cent seize implants ont été posés sur 76 patients :

– 74 au maxillaire et 42 à la mandibule ;

– 63 implants ont été restaurés par des prothèses unitaires et 53 par des couronnes solidarisées.

Cinq implants ont été perdus à 1 an (3 au maxillaire et 2 à la mandibule), 4 implants ont été restaurés avec des restaurations unitaires et 1 avec des couronnes solidarisées. On a noté plus d’échecs pour les implants unitaires (6,3 %) que pour les implants multiples solidarisés (1,9 %).

Les résultats de ces différentes études indiquent que la solidarisation est souhaitable lorsque les implants sont mis en charge immédiatement.

Deuxième partie : application cliniques

P. Monsénégo

Principales situations cliniques pour lesquelles une solidarisation peut être indiquée

La synthèse des études bibliographiques et de la réflexion conduite ci-dessus concernant les avantages et les inconvénients, les indications et les contre-indications de la solidarisation en implantologie permet d’illustrer 7 situations cliniques types relevant de la solidarisation :

– les bridges en extension (fig. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 à 13) ;

– les édentements multiples antérieurs (fig. 14, 15 à 16) ;

– les édentements de grande étendue (fig. 17 et 18) ;

– les contextes biomécaniques à risque (fig. 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 à 27) ;

– les contextes occlusaux à risque (fig. 28) ;

– la rétention prothétique faible (fig. 29 et 30) ;

– l’harmonisation des anatomies occlusales en fonction de la localisation des émergences implantaires (fig. 31 et 32).

Conclusion

La revue de la littérature médicale ne permet pas, actuellement, de dégager un consensus sur les avantages et inconvénients de la solidarisation des implants contigus par leur superstructure prothétique.

Les études cliniques sont peu nombreuses et assez contradictoires quant à la comparaison des taux de succès des implants solidarisés par rapport aux implants supportant des reconstructions unitaires.

Les études faisant appel à la méthode des éléments finis sont plus nombreuses mais se heurtent au grand nombre de paramètres à inclure : nombre de piliers, situation rectiligne ou décalée des piliers, intensité et localisation des points d’application des forces. Les conclusions de ces études sont donc délicates à transposer en clinique.

Dans ces conditions, la démarche thérapeutique du praticien se fera en fonction de l’évaluation des facteurs de risque liés à la situation clinique, des souhaits exprimés par le patient et du contexte esthétique. C’est pourquoi l’expérience clinique, qui permet plus de précision dans le diagnostic, plus de finesse dans la réalisation et, de fait, un meilleur pronostic, demeure un élément fondamental dans la décision du praticien.

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