Implantologie
P. Caillon* D. Buthiau** D. Deffrennes***
*Docteur en chirurgie dentaire, docteur d’université Paris V, ancien chef de clinique AP-HP, ancien assistant universitaire Paris V
41, rue de Liège
75008 Paris
**Docteur en médecine, ancien chef de clinique AP-HP, directeur d’enseignement d’imagerie médicale de l’Académie de Paris
Institut de radiologie de Paris
31, avenue Hoche
75008 Paris
***Docteur en médecine, chirurgien plasticien et maxillo-facial à Paris, praticien hospitalier
2, rue de Saint-Petersbourg
75008 Paris
Materialise Dental® propose actuellement divers types de guides stéréolithographiques associant plus de 8 000 implants et piliers différents. De nouveaux protocoles et matériels ancillaires, dédiés à chaque système, révolutionnent l’ergonomie chirurgicale et favorisent la mise en charge immédiate des prothèses. Ainsi, le guide SAFE™ est compatible avec 9 systèmes implantaires (Anthogyr, AstraTech, Biomet 3I, Camlog, Friadent, Nobel Biocare compatible, Strauman, Tekka et Zimmer) dont les implants de Nobel Biocare® qui dispose du protocole NobelGuide™. En 2006, l’implant Brånemark System® MKIII Groovy devenait déjà compatible grâce au guide VIP (Various Implant Platform), désormais appelé le guide SAFE™ compatible Nobel. Cet article met en avant la nécessité, pour l’implantologiste, de maîtriser le traitement d’images du logiciel SimPlant® pour optimiser le résultat de la chirurgie guidée. Le traitement global d’un édentement unitaire (incisive centrale maxillaire) est détaillé avec l’utilisation d’une planification chirurgicale informatique précise au service d’un projet prothétique. L’analyse du résultat clinique obtenu permet de mieux appréhender l’instrumentation ancillaire spécifique du NobelGuide™.
Guided implantology : prosthetic anticipation and surgical planning
Materialise Dental® offers various types of stereolithographic guides associating over 8,000 different implants and pillars. New (ancillaire) protocols and materials, dedicated to each system, do change radically the surgical ergonomy and make the immediate prothesis coverage easier. Thus, the SAFE™ guide is compatible with 9 implant systems (Anthogyr, AstraTech, Biomet3I, Camlog, Friadent, Nobel Biocare compatible, Strauman, Tekka and Zimmer) among which Nobel Biocare implants, which include the Nobel Guide Protocol. In 2006 already, the Branemark System® MKIII Groovy became compatible thanks to the VIP (Various Implant Platform) guide, now called SAFE™ Nobel compatible guide. This article enhances the need, for an implatologist, to master fully the Simplant photo software in order to improve the result of guided surgery. Global unitary edentulous jaw treatement (central jaw incisor) is detailed in this article, especially the « how-to » use a precise computing surgical planning in a prothetic project. The analysis of the clinical results allows a better understanding of specific Nobel Care (ancillaire) instrumentation.
L’informatique propose au praticien trois techniques de chirurgie assistée grâce au traitement d’images issues du scanner CT (computed tomography) ou de l’examen cone beam (CT/CB). La première, technique dynamique, utilise le repérage optique en 3D [1-3], la deuxième est une technique de guidage statique par une gouttière de forage [4] et la troisième est une technique de guidage statique par plusieurs gouttières stéréolithographiques [5]. Les gouttières préfabriquées acceptent trois supports a priori stables (os, muqueuse ou/et dents) et correspondent à chaque diamètre de forage. La séquence de forage, qui reste guidée, s’affranchit de l’anatomie osseuse. En revanche, l’insertion de l’implant, qui s’effectue encore à main levée, reste toujours tributaire de l’anatomie osseuse interne [5]. Cette dernière méthode impose au praticien une planification chirurgicale conforme au projet prothétique puisque les gouttières empêchent toute modification ultérieure. Le logiciel de traitement d’images exige de grandes qualités pour que l’analyse préopératoire permette une simulation exhaustive. Les reproches adressés à la stéréolithographie concernent le coût de production des gouttières et leur encombrement [6].
L’analyse comparative entre des guidages optiques (Artma®, RoboDent) et la stéréolithographie (SurgiGuide®) ne montre pas de différence significative ex vivo [5]. Au final, quel que soit le protocole de préparation de l’alvéole implantaire (plus ou moins guidée), l’insertion à main levée de l’implant explique ces déviations équivalentes. La déviation axiale avec le SurgiGuide®, in vivo, entre l’implant planifié et la direction obtenue est en moyenne de 9,44 ± 4,23° [7]. La recommandation clinique nécessite d’employer un seul guide stabilisé par vis d’ostéosynthèse (de type SAFE™) pour faciliter l’insertion guidée de l’implant. Le bénéfice obtenu en associant sur le même guide la pénétration guidée du foret puis l’insertion guidée de l’implant n’est logiquement plus à démontrer [8]. Puisque le guide SAFE™ n’était pas encore compatible avec la gamme d’implants de Nobel Biocare que nous utilisions, il a été intéressant d’associer le NobelGuide® avec le SimPlant® afin de conserver la qualité du traitement d’images qui permet d’optimiser le traitement. En 2008, une étude clinique prospective avait comparé trois guides chirurgicaux (SAFE™, VIP, VIPL) pour évaluer l’efficacité du guidage implantaire en rapport avec la planification préopératoire [9]. Au bilan, l’anticipation prothétique se vérifie dans 82 % des cas et l’insertion guidée reste efficace à 91,4 % tandis que l’insertion à main levée n’offre que 55,5 % de satisfaction.
La situation clinique présentée ici décrit l’utilisation du logiciel SimPlant® et l’adaptation du guide SAFE™ pour la mise en place d’un implant Brånemark NobelBiocare®. Le protocole clinique est détaillé et l’imprécision relative du résultat obtenu par l’insertion guidée d’un implant antérieur préparée par deux forages guidés successifs est analysée.
Un patient, âgé de 23 ans, a consulté en décembre 2002 pour une fracture de son incisive centrale droite au niveau du bord libre et englobant l’angle mésial. Cette fracture de la dent 11 était la conséquence d’une chute de planche à roulettes survenue 7 ans auparavant. De plus, on pouvait déplorer une dyschromie liée à la perte de vitalité pulpaire ; un composite obturait la face linguale. La radiographie rétroalvéolaire montrait une obturation canalaire incomplète compliquée d’une lésion apicale (fig. 1).
L’examen (clinique et radiologique) révélait plusieurs points essentiels :
– une occlusion antérieure avec un faible recouvrement du bord libre incisif, quasiment en bout à bout ;
– la présence d’une gingivite tartrique ;
– l’absence des dents de sagesse ;
– de nombreuses caries occlusales ;
– des rhisalyses principalement localisées dans les secteurs antérieurs ;
– un traitement endodontique pathogène sur la 11 avec une lésion apicale ;
– le bilan positif de la vitalité pulpaire des dents adjacentes et antagonistes à la dent traumatisée.
La thérapeutique initiale a consisté à rétablir d’abord la santé parodontale, puis à traiter les caries multiples avant de se focaliser sur la reprise du traitement endodontique de la dent 11. En mars 2003, une obturation transitoire à l’hydroxyde de calcium durant 3 mois a préparé à l’obturation radiculaire permanente conventionnelle (fig. 2). La dent 11 restera toujours asymptomatique.
Un blanchiment interne ambulatoire (perborate de potassium) a anticipé la réparation harmonieuse de la fracture par un composite collé. Le patient a réclamé une couronne céramo-céramique 2 ans après, en avril 2005. Le contrôle radiographique a montré une aggravation notoire de la lésion endodontique bien que la dent 11 ait été asymptomatique : sans mobilité pathologique ni communication endoparodontale (fig. 3). La conservation de cette racine aurait imposé une chirurgie complexe tributaire de l’analyse 3D préopératoire, facilitée par le scanner CT mais au résultat incertain. L’autre option thérapeutique consistait à « savoir extraire pour implanter » en anticipant la prothèse et en planifiant la chirurgie grâce au logiciel SimPlant®.
Le logiciel SimPlant Planner® requiert l’importation indirecte par le technicien d’images de l’examen préopératoire au format Dicom. Le praticien demande la segmentation anatomique divisée en trois étapes :
– la colorisation du crâne sec pour l’isoler des dents antérieures ;
– la gestion de masques pour prévoir l’extraction stratégique des dents au pronostic réservé (11 et 12) ;
– la colorisation des dents adjacentes (13 et 21) pour connaître les obstacles radiculaires (fig. 4 et 5).
Enfin, l’opérateur trace lui-même l’obstacle neurovasculaire du canal naso-palatin pour améliorer la simulation implantaire.
L’exercice revient à inclure l’implant qui s’intègre le mieux aux obstacles anatomiques déjà mentionnés. La manipulation, en 2D et en 3D aboutit à situer l’implant dans l’axe compatible avec une couronne transvissée, ce qui garantit le résultat esthétique et une conception prothétique simplifiée. Si le site de la 11 demeure la préoccupation principale, celui de la 12 peut également, à terme, devenir une nécessité clinique : il faut donc réussir à positionner 2 implants dans un espace étroit (fig. 6 et b).
L’étiologie de la lésion apicale décide de l’extraction de la 11 mais la dent 12 est conservée. Le traitement endodontique prévient la nécrose pulpaire de la 12 que ne manquerait pas de provoquer le curetage chirurgical de la lésion. Si l’anticipation prothétique fournit l’axe idéal, la planification chirurgicale doit intégrer la perte de substance étendue du site 11 [10].
Faut-il projeter le comblement préalable ? Oui car la perte de substance est évaluée à 0,73 cm3 après l’ablation virtuelle de la 11.
Peut-on envisager une extraction/ implantation immédiate ? Non car l’implant Brånemark® RP, long de 18 mm, n’offre qu’un ancrage osseux réduit à 1,7 mm qui empêche la stabilisation primaire dans la corticale des fosses nasales (fig. 7 et 8).
En mai 2005, l’extraction est effectuée sans lambeau muco-périosté par une seule incision intrasulculaire pour préserver la corticale marginale. Le curetage alvéolaire soigneux, jusqu’à l’apex de la 12, a suivi l’architecture complexe visualisée en 3D. L’intégrité des parois muqueuses, vestibulaire et palatine, a évité de placer des membranes résorbables. Un bouchon crestal de concentré plaquettaire riche en fibrine (PRF, platelet rich fibrin) a obturé le comblement mixte par Bio-Oss® PRF (Bio-Oss spongiosa en granules de 1-2 mm dans un flacon de 0,5 g, soit un volume de 1,6 cm3). Une prothèse amovible immédiate a remplacé la dent manquante. Cette prothèse transitoire a évité une attelle collée en dépit d’un schéma occlusal favorable. La plaque base métallique offrait un certain confort et garantissait la protection du site implantaire. La selle ajourée a permis de contrôler la cicatrisation sans compression pour le comblement (fig. 9).
L’intrados de la dent en résine retouchée se positionnait en deçà des collets harmonieusement alignés sauf pour la 21. Le patient souhaitait conserver l’aspect naturel initial plutôt que créer une nouvelle symétrie en référence à cette unique récession parodontale de la 21 (sans doute en relation avec la rhisalyse). Pour cela, il faudra réussir à maintenir le relief de la crête au niveau du collet de la 13. Cette prothèse amovible permettra aussi de contrôler la cicatrisation autour du pilier de cicatrisation implantaire (fig. 10).
Ainsi, l’insertion différée de l’implant unitaire a dû attendre un délai cicatriciel de 6 mois [11]. En décembre 2005, le bilan clinique et radiographique a évoqué la bonne intégration du substitut osseux (iconographie non disponible) que le scanner CT pré-implantaire confirmera plus aisément.
Le patient n’a porté aucun guide d’imagerie radio-opaque pendant l’examen pré-implantaire qui s’effectue toujours la bouche calée en ouverture. La seconde conversion a suivi un protocole analogue à celui précédemment décrit. La fusion optique (Optical Scan) permet d’importer dorénavant le moulage maxillaire en plâtre dans le scanner CT. L’opérateur place lui-même la dent 11 virtuelle sur l’arcade dentaire dans la 3D (fig. 11, 12 et 13). Ce nouveau protocole remplace le montage directeur du laboratoire pour l’édentement partiel court et/ou encastré.
L’arcade dentaire ne portant aucune obturation métallique, ipso facto le scanner CT ne comportait aucun artefact : le contrôle de la cicatrisation n’en est devenu que plus précis. L’extraction simplifiée, sans lambeau, a permis la conservation de l’os marginal sans compromettre le comblement total de la perte de substance avec une architecture positive. Les deux parois muqueuses ont permis de bien contenir le matériau Bio-Oss® devant assurer la stabilité primaire de l’implant. Compte tenu de la guérison favorable du site 11, l’opérateur doit pouvoir repositionner l’implant unitaire à l’identique selon l’étude initiale (fig. 14, 15 et 16). La proposition thérapeutique « savoir extraire pour implanter » apparaît bénéfique au point de ne plus concerner la 12, cliniquement quiescente. La couronne de cette dent dépulpée ne présente pas de dyschromie, ce qui la dispense de soins supplémentaires d’autant que la racine a retrouvé un environnement apical a priori physiologique.
Il existait bien une concordance du nouvel implant 11 avec la position préopératoire : l’anticipation prothétique retrouvant l’axe vertical d’une couronne avec l’ancrage direct sur l’implant. Mais pour garantir l’analyse exhaustive en 3D, la situation de l’implant 11 devait s’intégrer dans les deux autres directions : le sens latéral et le sens horizontal. Il a donc fallu tenir compte du sens latéral pour la dent adjacente. En effet, bien que la conservation de la 12 ait semblé acquise, il a fallu aussi prévoir à terme sa perte compte tenu de la rhisalyse d’origine iatrogène. La position de l’implant 11 devait donc ménager l’espace suffisant à un éventuel implant sur le site de la 12 (idem pour la 21 ?). De plus, il a fallu tenir compte du sens horizontal pour les dents voisines. La fusion optique permettait de respecter l’alignement des collets. Le moulage en plâtre exposait la ligne du contour muqueux selon le collet clinique de chaque dent, dans tous les plans d’images en 2D. La position crestale de l’implant 11 s’harmonisait sans difficulté : l’enfouissement du col implantaire se mesurant dans la coupe centrée (jamais sur la coupe oblique et rarement sur les vues panoramiques), parfois dans la 3D selon la présence d’artefacts (fig. 17, 18, 19 et 20).
Comment gérer la séquence de forage ? Signalons que la sensation tactile, subjective, s’estompe dans le guide stéréolithographique : les forets chirurgicaux successifs restent guidés par chaque clé de forage dédiée à leurs diamètres respectifs. L’analyse par tomodensitométrie (TDM) du SimPlant® affiche la densité osseuse préopératoire en unités Hounsfield (UH) – l’examen cone beam, ou tomographie volumique par faisceau conique, ne peut qualifier la densité osseuse qui n’est pas liée à la valeur Hounsfield absolue mais à une densité relative dans les images. Ces valeurs précises, objectives, devraient pallier la perte d’information peropératoire. L’implant 11 a traversé le volumineux comblement de Bio-Oss® qui se différenciait facilement de l’os naturel par son aspect compact. Pour s’en convaincre, il a suffi d’afficher le diagramme de densité de l’implant 11 :
– densité interne = 1 193,79 ± 235,16 UH ;
– densité externe = 1 121,11 ± 212,14 UH.
Ces valeurs élevées signalaient le succès chirurgical du comblement, traduit par la condensation homogène de fines particules denses (densités externe/interne : écart moyen similaire et petit écart type). La ligne de profil (consistant en la visualisation de l’intensité de gris le long d’une ligne définie par l’utilisateur), utilisée en radiologie, a aidé à comprendre la modification des valeurs moyennes de la densité. Trois lignes de profil tracées sur l’implant, deux pariétales et une médullaire, ont détaillé la répartition de la densité selon l’anatomie traversée (fig. 21 et 22). Ce nouveau graphique a permis de privilégier le choix de l’implant Brånemark System MKIII Groovy™ RP 3.75/18 mm, de planifier la séquence de forage selon la « qualité osseuse moyenne » et d’estimer le couple d’insertion à 40 Ncm.
Depuis 1990, Materialise Medical® applique la stéréolithographie à l’implantologie dentaire : le SurgiGuide® sera le précurseur de la chirurgie guidée. En 2003, la plateforme SimPlant® a permis, grâce au concept Immediate Smile, la mise en charge immédiate d’implants standard de diamètre 3,75 mm [12]. En 2005, Nobel Biocare™ a permis aussi de préparer une réalisation prothétique instantanée grâce à l’Immediate Fonction™ de ses implants avec le NobelGuide™. Toutefois, le guide SAFE™ demeurait incompatible avec le NobelGuide™. Pourtant, la simulation préopératoire du logiciel SimPlant® pouvait s’adapter à la chirurgie guidée de Nobel Biocare™ pour conserver les avantages de la réalisation prothétique du système Brånemark®. En 2006, nous avons donc proposé d’adapter le système SAFE™ à l’instrumentation ancillaire du NobelGuide™ [13]. Le guide VIP (Various Implant Plateform®), produit en série limitée jusqu’en juin 2007 par Materialise Dental®, est devenu actuellement le guide SAFE™ compatible Nobel.
Le logiciel SimPlant® crée un aperçu du guide, calculé sur le moulage en plâtre déjà importé dans la 3D grâce à la fusion optique (fig. 23, 24, 25 et 26). L’édentement unitaire, avec ses nombreux obstacles anatomiques, ne permet pas de placer des clavettes ou des vis de fixation dans le guide malgré les recommandations des protocoles. L’opérateur doit impérativement maintenir le guide en forte pression sur l’appui dentaire durant les forages et pendant l’insertion de l’implant. Néanmoins, le manuel du NobelGuide™ instruit le praticien sur l’un des quatre critères retenus pour toute indication : « L’ouverture de la bouche a la capacité de s’adapter à l’instrumentation chirurgicale. » Exigeante réalité clinique, puisque l’opérateur doit nécessairement disposer de 57 mm de débattement (somme des hauteurs du guide chirurgical, calibré à + 10 mm, de la tête du contre-angle W & H, de 14,5 mm, du foret NobelGuide 7/18, de 31,5 mm, à laquelle il faut ajouter 1 mm d’espace libre pour insérer le foret dans le guide) ! L’essai intrabuccal du guide vérifie sa stabilité sur les appuis dentaires et contrôle l’accès au site antérieur de l’instrumentation ancillaire selon l’encombrement quantifié.
La ligne muco-gingivale débordant nettement le guide, un lambeau d’épaisseur partielle repositionné n’est pas indiqué [9]. Le guide est calé sur les appuis dentaires. Le marquage à la sonde parodontale du puits implantaire indique le tracé d’incision sur la crête dans le sens mésio-distal. Cette simple incision, décalée en palatin, rejoint les faces proximales des deux dents bordant l’édentement unitaire. Le lambeau muco-périosté, récliné en vestibulaire, est maintenu par le rebord externe du guide. Ce protocole préserve les papilles car le trépan muqueux et la fraise conique d’évasement détruisent les tissus mous, ce qui nuit au résultat esthétique. Calées dans le puits du guide, la première clé de forage guide le premier foret, de 2 mm de diamètre, puis la seconde clé de forage guide le second foret, de 3 mm de diamètre (vitesse à 1 500 tr/min), avant l’insertion guidée de l’implant avec un couple réglé à 40 Ncm. L’irrigation manuelle du puits implantaire double l’irrigation automatique dispensée à la tête du contre-angle pour pallier la longueur maximale des forets chirurgicaux. Le porte-implant pénètre en friction dans le guide pour obtenir l’insertion complète, en butée dans le puits implantaire. Deux points de suture maintiennent le lambeau muco-périosté contre le pilier de cicatrisation affleurant la crête muqueuse. La durée effective de l’intervention ne dépasse pas 10 minutes. Le patient reçoit 1 g de paracétamol. L’antibiothérapie et l’antiseptique local sont maintenus 1 semaine sans antalgique complémentaire.
En février 2006, la mise en fonction différée en un temps chirurgical nous a amenés à replacer immédiatement la même prothèse amovible partielle. La résine de l’intrados a été corrigée par soustraction pour éviter la compression des tissus mous et le dévissage du pilier de cicatrisation. Le bilan radiographique à 3 mois a confirmé l’ostéo-intégration obtenue cliniquement. L’empreinte de la position de l’implant a alerté le laboratoire de prothèses sur l’existence d’un axe trop disto-vestibulé (fig. 27, 28, 29 et 30), une couronne transvissée ne permettant plus l’émergence cingulaire mais une émergence au niveau du bord libre. Un pilier en zircone Procera® a corrigé ce défaut (fig. 31, 32 et 33). En juin 2006, une couronne céramo-métallique scellée a produit le résultat esthétique attendu qui se maintient dans le temps (fig. 34 et 35).
Ce nouveau protocole, qui combinait le logiciel SimPlant® et le système SAFE™ compatible Nobel, a mis en évidence l’échec relatif de l’anticipation prothétique malgré une planification chirurgicale rigoureuse. Trois points essentiels sont susceptibles d’avoir altéré le résultat généralement fiable de la chirurgie assistée par ordinateur. Le paradoxe est que cette analyse se devait d’expliciter cette déviation axiale, d’environ 6°, surtout décrite dans la chirurgie à main levée [15]. Ces trois points, analysés successivement, concernent la conversion et fusion optique, la TDM et séquence de forage et, enfin, le SAFE™ compatible Nobel et guidage d’insertion.
La première cause de la déviation axiale serait-elle l’absence d’un guide d’imagerie radio-opaque ?
Pour un édentement réduit, encastré ou postérieur, les dents virtuelles du logiciel réduisent le coût du traitement car elles remplacent le montage directeur et simplifient la conversion. L’opérateur ne manipule pas toujours aisément la dent virtuelle car il manque, sur le crâne sec, le collet clinique des dents voisines et les tissus mous de la zone édentée, cela sous réserve de traiter une arcade qui comporte peu de matériaux générateurs d’artefacts. À l’inverse, le guide d’imagerie radio-opaque devient indispensable pour une arcade qui contient surtout des prothèses fixes. Déposer un bridge implantaire transvissé préexistant avant le scanner CT est justifié pour améliorer la qualité des images obtenues.
Pourtant, la situation clinique parfaite décrite ci-dessus rassemble tous les éléments favorables avec un édentement unitaire encastré large au sein d’une arcade exempte d’artefact. Ainsi la dent virtuelle 11 présente une morphologie cohérente par la fusion optique qui visualise l’arcade dentaire avec le contour muqueux. De plus l’aperçu du guide chirurgical dans la 3D, sur le moulage en plâtre importé par fusion optique, garantit à l’opérateur de conclure la simulation implantaire de manière rationnelle.
Non, l’absence du guide d’imagerie radio-opaque n’a pas causé la déviation axiale.
La deuxième cause de la déviation axiale serait-elle la séquence de forage ?
L’analyse préopératoire de la TDM du site 11 annonce une hyperdensité osseuse, équivalente à une greffe d’os cortical. Certes, le matériau Bio-Oss® possède une granulométrie spécifique qui change la TDM et accentue la densité osseuse habituelle en plafonnant les unités Hounsfield [9]. Ainsi, ces valeurs élevées associeraient plutôt ce site à la « qualité osseuse forte » pour laquelle une séquence de forage complète jusqu’au taraudage est recommandée, au risque de perdre la stabilisation primaire. Malgré tout, ces valeurs aberrantes assimilent pourtant ce site à la « qualité osseuse moyenne » par défaut. La séquence de forage pour l’implant Brånemark System MKIII Groovy™ RP 3.75 applique donc le protocole standard avec 2 forets hélicoïdaux. A posteriori, cette adaptation, fondée sur l’expérience clinique, n’affecte pas le résultat chirurgical et favorise la stabilisation primaire.
Non, la séquence de forage n’a pas causé la déviation axiale.
La troisième cause de la déviation axiale serait-elle le guidage d’insertion ?
La situation clinique parfaite offre un édentement antérieur sans difficulté d’accès. Mais la friction du porte-implant avertit de l’insertion désaxée [16]. En effet, aucune vis ni clavette n’assurent la rétention du guide chirurgical. Ainsi, la déviation axiale serait provoquée par 2 forages devenus imprécis par la mobilisation éventuelle du guide, en appui dentaire, insuffisamment maintenu. Mais pour guider l’implant, le NobelGuide™ impose encore un débattement de 54 mm (déjà pour forer le site, l’opérateur doit disposer de 57 mm). Il faut assembler la tête du contre angle W & H (14,5 mm) avec le mandrin (12,5 mm) qui accroche le porte-implant (9 mm) vissé sur l’implant (18 mm). Pour guider l’implant, l’opérateur doit constamment surveiller le centrage durant l’insertion [17], soit une longueur de 27 mm (implant + porte-implant). Pour guider l’implant, l’opérateur doit atteindre 22 mm pour que l’implant de 3,75 mm de diamètre ne « flotte » plus lors de son passage au travers de la gaine de forage (ou puits implantaire) de diamètre plus large (5 mm). Dans ce cas clinique, la perte de guidage s’évalue à 80 %. L’instrumentation ancillaire du NobelGuide™ limite l’exactitude escomptée à l’implant de 10 mm et l’imprécision augmente proportionnellement au-delà de cette longueur. En effet, il n’existe plus, hélas, de « gabarit amovible » (sorte de clé d’insertion) [17, 18] et le porte-implant cylindro-conique (9 mm) provoque un guidage tardif sur 5 mm du cylindre (sans les 4 mm du cône). Ainsi, la déviation axiale serait provoquée par l’implant modifiant sa position avant le passage du porte-implant dans le guide.
Ces deux défauts induisent une obliquité souvent amplifiée par un implant autotaraudant (type NobelSpeedy™), d’insertion plus rapide que les autres et donc plus difficile à contrôler. L’hétérogénéité de la densité osseuse [15] et la souplesse relative du guide peuvent aussi participer à ce phénomène.
Oui, le guidage d’insertion a causé la déviation axiale.
Cette situation clinique d’édentation unitaire justifie l’intérêt de la chirurgie guidée statique qui simplifie la gestion d’un cas complexe et en montre les contraintes et les limites :
– l’anticipation prothétique et la planification chirurgicale bénéficient des différents modules et de toutes les fonctions du logiciel SimPlant®. L’interactivité des vues 2D (axiales, obliques vestibulo-linguales ou centrées, panoramiques) répond aux exigences de qualité du traitement d’images, en complément de l’affichage de la reconstruction en 3D. L’implantologiste, qui abandonne la navigation mentale [19], évolue toujours vers la prothèse guidée ;
– la compatibilité entre le guide SAFE™ et le NobelGuide™ peut transférer fidèlement la simulation implantaire vers son application clinique. La précision attendue dépend alors de l’opérateur selon la mise œuvre de l’instrumentation ancillaire. Évidemment, le NobelGuide™ assure le guidage constant des forets successifs. Hélas, le NobelGuide™ n’assure qu’un guidage tardif de l’implant long. Ce protocole perd en précision et induit une déviation axiale suffisante pour perturber le projet de la prothèse transvissée. Le pilier spécial (Guided Abutments Brånemark System®) confirmerait cette tendance pour la prothèse plurale [18].
Le guide SAFE™ compatible Nobel impose la vigilance de l’opérateur pour contrôler l’insertion guidée de l’implant long, même dans le secteur antérieur.
Remerciements
Les auteurs remercient tout particulièrement Mme Ann Opsomer, responsable de la SimPlant Academy, pour son aimable autorisation à publier dans cet article le poster présenté à la World Conference de Vienne (Autriche) en mai 2008 :
– Caillon P, Buthiau D, Deffrennes D. The Various Implant Plateform (VIP) : a surgiguide compatible with Nobel Biocare fixtures. A clinical application for tomodensitometry analysis with the profil lines. Simplant Academy World Conference. Poster. Vienne (Autriche), 2008.
Ils remercient également :
Réalisation prothétique
Laboratoire Jafy Céram
M. Alain Jaspar 3 bis, rue Léon-Jost 75017 Paris