Les cahiers de prothèse n° 152 du 01/12/2010

 

Prothèse amovible partielle

Pierre Santoni*   Michel Ruquet**   Marion Swijtaski***  


*MCU-PH
**Ancien AHU
***AHU
****UFR d’odontologie de Marseille
27, boulevard Jean-Moulin
13385 Marseille Cedex 5

Résumé

L’insertion d’une prothèse amovible nécessite un certain nombre de modifications de forme sur les dents naturelles et sur les éléments de prothèse fixée quand ceux-ci sont indiqués. Ces modifications sont représentées par l’aménagement particulier des lignes guides, la préparation de logettes d’appui, la réalisation de fraisage pour bras de calage et fils d’appui et enfin par les fraisages « principaux » en forme de puits et cannelures. Chacun de ces aménagements fait appel à des techniques de laboratoire spécifiques qui sont décrites temps par temps dans cet article.

Summary

Fitting of fixed prostheses, supports for removable prostheses : the effect on laboratory techniques

The insertion of a removable prosthesis requires some shape modifications in natural teeth and fixed prosthesis elements when indicated. These changes are represented by the particular development of clinical guidelines, the preparations withstanding occlusal loading, the milling of clamping arms and supporting wires and finally by main millings well– and rod-shaped. Each of these arrangements relies on specific laboratory techniques that are described step by step in this article.

Key words

partial denture, combined prosthesis, laboratory techniques, milling, guidelines, over-casting

La morphologie des dents naturelles ne permet pas l’insertion d’une prothèse amovible qui respecte les critères de la triade de Housset. Aussi, il est nécessaire d’y apporter un certain nombre de modifications de forme. Si des prothèses fixées sont indiquées, toute une série de modifications doit également leur être apportée. Ces modifications sont représentées par l’aménagement particulier des lignes guides, par la préparation de logettes et la réalisation de fraisage pour bras de calage et fils d’appui et enfin par les fraisages « principaux » en forme de puits et cannelures.

Chacun de ces aménagements fait appel à des techniques de laboratoire spécifiques qui constituent le thème de cet article.

Ils se classent en deux groupes :

– aménagements de semi-précision, qui englobent les logettes, les aménagements pour bras de calage, l’aménagement des lignes guides et les plans guides ;

– aménagements de précision, qui englobent essentiellement les fraisages principaux et, dans une moindre mesure, les préparations pour fils d’appui coronaire et cingulaire.

Ce classement se justifie par le choix de techniques de laboratoire différentes qui imposent à leur tour des plans de traitement différents.

Aménagements de semi-précision

Ils s’adressent aux traitements par prothèses composites « simples », c’est-à-dire ne faisant pas appel à une rétention par attachements.

Les logettes d’appui

Elles sont destinées à recevoir les taquets occlusaux des crochets pour participer à une grande partie de la sustentation. Pour éviter les fractures, ces logettes doivent avoir une forme particulière et un volume suffisant. Classiquement, on leur donne une forme de cuillère, sur leur face interne, dont l’axe est légèrement convergent vers le centre de la dent. La profondeur est au minimum de 2 mm (sur dent naturelle), mais il ne faut pas hésiter à augmenter cette profondeur jusqu’à 3 mm sur prothèse fixée. Les longueur et largeur sont approximativement de 3 mm, c’est-à-dire à peu près le 1/3 du diamètre palato-vestibulaire et le 1/3 du diamètre mésio-distal pour une prémolaire et le 1/4 pour une molaire. Au stade de la préparation corono-périphérique, il est important de ménager un espace suffisant au niveau occlusal pour permettre la réalisation de la logette sur la coiffe. À cette fin, l’utilisation de cires de différentes couleurs est intéressante. De même, en cas de réalisation d’un inlay core, il faut en aménager la face occlusale (fig. 1).

Aménagement des lignes guides

Pour la majorité des crochets, la ligne guide vestibulaire doit être à l’union des 1/3 moyen et cervical, la ligne guide linguale (ou palatine) à 1/2 hauteur de la couronne et la ligne guide proximale à l’union des 1/3 moyen et occlusal. La zone de retrait (zone dans laquelle le crochet réalise sa rétention) doit être à 1/2 hauteur du 1/3 cervical. La valeur de la zone de retrait est de l’ordre de 1/10 de mm pour les alliages chrome cobalt. Malheureusement, les jauges de rétention, conçues pour des alliages d’or, qui ont un module de Young plus faible, s’échelonnent de 2,5/10 à 7,5/10 de mm, il pourra donc être opportun de rectifier une de ces jauges.

Au laboratoire de prothèse, la position des lignes guides est travaillée au stade de la cire à l’aide d’un couteau monté sur paralléliseur. Il est très important de conserver durant toutes les étapes l’axe d’insertion de la future prothèse partielle amovible (PPA). Une méthodologie est proposée plus loin (fig. 2 et 3).

Préparations pour bras de calage

Ces préparations sont destinées à recevoir le bras inactif du crochet situé en général en position linguale ou palatine. Elles ont un triple objectif : éviter les efforts scoliodontiques induits par les manœuvres d’insertion et de désinsertion de la PPA, favoriser la stabilisation passive de la plaque base métallique (PBM) et rendre le crochet moins inconfortable par son intégration dans le volume de la coiffe. Pour être efficace, cette préparation, réalisée selon l’axe d’insertion, doit faire en hauteur 1/2 à 1/3 de la hauteur coronaire et en épaisseur entre 0,5 et 1 mm. La limite cervicale doit être à distance de la sertissure gingivale ; elle peut être en forme d’épaulement ou de chanfrein, la forme en épaulement à 90° nécessitant une grande précision de coulée. Ces préparations ne doivent jamais être réalisées sur des dents bordant des édentements en extension postérieure dans la mesure où elles induisent un point de rotation distal (fig. 4).

Ces préparations peuvent être réalisées par deux techniques : en préparant le bras de calage sur la cire à l’aide d’un paralléliseur ou par usinage, à l’aide d’une fraiseuse sur la chape métallique. Dans le cas où l’usinage est choisi, on préforme d’abord la préparation sur la maquette en cire à l’aide d’une fraise à cire. La deuxième technique est plus précise, mais nécessite une technologie plus délicate (fig. 5).

Aménagements de précision

Ils sont représentés essentiellement par les fraisages principaux et sont utilisés dans les traitements par prothèses composites « complexes », c’est-à-dire faisant appel à une rétention par attachements.

Fraisages

Ces éléments, essentiels pour la stabilisation des prothèses composites, sont des dispositifs qui neutralisent la majorité des mouvements de rotation et suppriment ainsi des contraintes nocives sur les attachements. On distingue les fraisages principaux qui ont des formes de cannelure, et les fraisages secondaires qui sont des préparations pour fil d’appui et pour bras de calage (fig. 6). Pour être efficaces, les fraisages principaux doivent avoir une forme de cylindre, éventuellement légèrement conique sur leur tiers occlusal.

Pour leur réalisation au niveau de la prothèse fixée, deux méthodes sont employées :

– réalisation par fraisage de la maquette en cire de la prothèse fixée, à l’aide d’une fraise à cire à deux ou trois lames, puis coulée de l’armature de prothèse fixée, et rectification de celle-ci à la fraiseuse. Il est essentiel de conserver toujours le même axe d’insertion ;

– réalisation des fraisages à partir de préformes de glissières calcinables type Plasta® par exemple. Puis, coulée de la maquette de l’armature fixée dans laquelle sont incluses ces préformes.

Notre expérience de la pratique de ces deux techniques nous a conduit à préférer cette première pour la précision supérieure qu’elle procure (40 µm).

Les techniques de duplication conventionnelles induisent des imprécisions. En effet, une reproduction par empreinte avec une gélatine entraîne plusieurs écueils :

– la gélatine entraîne des déformations au niveau des surfaces en rapport avec les fraisages en raison des phénomènes de tension superficielle qui se produisent entre la gélatine et l’alliage métallique de la prothèse fixée ;

– la fragilité des gélatines peut entraîner des déformations, voire des déchirures, sur les zones les plus fines et, en particulier, sur les limites des fraisages ;

– les limites des fraisages comportent des reliefs saillants qui, une fois dupliqués en revêtement réfractaire, seront extrêmement fragiles et peuvent s’éroder, voire se briser lors de la coulée du châssis.

Pour pallier ces difficultés, plusieurs méthodologies ont été proposées :

– utiliser des matériaux de duplication plus résistants tels que les polyéthers et les silicones. Ces matériaux sont en outre moins sensibles aux phénomènes de tension superficielle évoqués ci-dessus ;

– préchauffer le moulage de travail, qui supporte la prothèse fixée, à l’aide d’un rayonnement infra-rouge.

Cependant, aucun de ces palliatifs ne résout l’écueil de la fragilité du revêtement.

Pour s’affranchir du problème posé par la fragilité du revêtement, les prothésistes ont pensé couler l’alliage du châssis métallique directement sur l’armature de prothèse fixée. Cette méthodologie soulève un certain nombre de difficultés :

– la chauffe du cylindre, à laquelle s’ajoute l’élévation de température induite par l’injection de l’alliage en fusion peut entraîner une fusion, plus ou moins partielle de l’armature de prothèse fixée ;

– les intervalles de fusion des alliages de la prothèse fixée et de la prothèse amovible sont relativement proches et, lors de la coulée, il peut se produire une soudure entre les deux ;

– l’adaptation des deux pièces prothétiques est extrêmement précise, et il est difficile de désinsérer celles-ci ;

– les alliages constitutifs de la prothèse fixée et de la prothèse amovible doivent être choisis précisément. Ce qui contre-indique les alliages d’or pour la prothèse fixée.

Ces techniques restent donc relativement délicates (fig. 7), tant pour la réalisation des fraisages que pour la coulée du châssis.

Réalisation des fraisages sur la prothèse fixée

La maquette en cire de la prothèse fixée est obtenue à partir d’une clef des prothèses provisoires de prothèse fixée de deuxième génération. Celle-ci est usinée à la fraiseuse à l’aide d’une fraise à cire de deux ou trois lames à 300 tours/min (fig. 8).

Après coulée de l’armature fixée et essayage en situation clinique, une empreinte de position est réalisée. C’est à l’aide du moulage obtenu que l’on rectifie l’armature à l’aide de fraises en carbure de tungstène. Afin d’éviter de détériorer le moulage de travail, on travaille sur une clef obtenue sur paralléliseur qui permet aussi de conserver l’axe d’insertion (fig. 9, 10, 11 et 12). La forme des fraisages principaux est affinée pour obtenir un profil en oméga qui permet d’assurer la fonction de stabilisation tridimensionnelle.

Alliages utilisés

L’alliage métallique utilisé pour la prothèse fixée est le Ugirex III® (Ugin Dentaire). C’est un alliage pour céramo-métallique comprenant 62 % de nickel, 26 % de chrome, 9,4 % de molybdène et 2,4 % de silicium. Son liquidus est à 1 400 °C. Cet alliage est coulé après mise en revêtement Ugicast® (Ugin Dentaire).

L’alliage destiné à la coulée du châssis métallique est le Stellugine P® (Ugin Dentaire). Il s’agit d’un alliage chrome-coblalt comprenant 20 à 22 % de chrome. Son liquidus est à 1 350 °C. Cet alliage est coulé après mise en revêtement Ugivest® (Ugin Dentaire) en utilisant le protocole suivant :

1. palier de 30 minutes à 300 °C ;

2. palier de 30 minutes à 600 °C ;

3. palier de 45 minutes à 950 °C ;

4. refroidissement du four à 600 °C et coulée.

Le liquidus du Stellugine P® est inférieur de 50 °C à celui de Ugirex III®, ce qui est favorable aux techniques de surcoulée, en empêchant la soudure entre les deux alliages.

Réalisation du châssis

Après oxydation à 600 °C pendant 10 minutes, un dépôt de carbone est réalisé sur l’armature de prothèse fixée. Ce dépôt de carbone évite que, lors de la surcoulée, l’alliage de la prothèse amovible ne se soude à l’alliage de la prothèse fixée (fig. 13). Ce dépôt de carbone peut être obtenu par différentes méthodes :

– par crayonnage des surfaces fraisées à l’aide d’un crayon à mine grasse ;

– par passage de l’armature sur une flamme carburante, lampe à alcool ou flamme de bougie ;

– par utilisation de poudre de carbone pulvérulente.

Le dépôt doit être très fin pour ne pas provoquer de porosités dans la coulée du châssis métallique. Un bon résultat est obtenu quand l’armature prend une teinte gris foncé légèrement bleutée.

Les cires de dépouille sont mises en place (fig. 14) et un duplicata est réalisé. Celui-ci se réalise à l’aide d’un matériau silicone et doit « emporter » l’armature fixée. Le duplicata est moulé en revêtement grain fin, spatulé sous vide, et coulé au vibreur. Le moulage en revêtement est ainsi obtenu, sur lequel est positionné l’armature de prothèse fixée (fig. 15).

Avant de réaliser la maquette du châssis, le duplicata doit être traité. Il est d’abord déshydraté à 250 °C pendant 20 minutes, puis trempé dans un bain durcisseur et enfin chauffé une nouvelle fois à 250 °C pendant 5 minutes. Ce traitement a aussi pour effet de renforcer le traitement de surface de l’armature de prothèse fixée.

La maquette du châssis est montée classiquement (fig. 16).

Le positionnement de la tige de coulée est original. Nous positionnons celle-ci sur le bord postérieur de la plaque palatine afin d’assurer un écoulement continu et laminaire de l’alliage lors de la coulée. Cela a pour inconvénient d’augmenter la taille des cylindres, mais comme avantages de réduire notablement les défauts de coulée et aussi d’éviter une soudure accidentelle au niveau des fraisages. Des évents massifs sont réalisés en regard des fraisages, qui ont pour rôles d’une part de collecter les éventuelles impuretés et, d’autre part, de servir de tiges de préhension lors de la désinsertion des deux pièces prothétiques (fig. 17).

Avant la coulée du revêtement, le duplicata est « dégazé » par trempage dans de l’eau tiède, puis un revêtement grain fin est badigeonné sur la maquette, avant la mise en cylindre.

Le cylindre est chauffé à 980 °C selon la courbe de montée en température du fabricant, puis on laisse refroidir le cylindre jusqu’à 600 °C avant de réaliser la coulée de l’alliage. Après refroidissement à l’air libre, les pièces prothétiques sont nettoyées par sablage, puis trempées dans une cuve à ultrasons pour favoriser la désinsertion. En cas de difficulté, il est possible de tremper les pièces prothétiques dans une solution d’acide sulfurique, puis de s’aider des évents pour exercer une traction. Le grattage et la finition du châssis doivent se faire lorsqu’il est en place sur la prothèse fixée. En effet, pour optimiser la qualité de la coulée, la cire en regard des fraisages est laissée en légère surépaisseur et les fraisages mâles se trouvent donc en surcontour. On élimine ce surcontour par usinage en s’appuyant à la fois sur l’armature fixée et sur l’armature amovible (fig. 18 et 19).

Il faut prendre soin de protéger les parties fines du châssis ainsi que les fraisages lors du polissage électrolytique pour éviter une perte de précision (fig. 20 et 21).

Ces techniques de laboratoire demandent une excellente connaissance des matériaux de la part du prothésiste et du praticien, mais elles imposent aussi un plan de traitement spécifique adapté au traitement prothétique. Il est possible que l’essor de la CFAO permette d’obtenir des résultats similaires, mais quoi qu’il en soit, ces traitements ne peuvent être réussis que s’il existe une collaboration très étroite entre le prothésiste et le praticien.

Bibliographie

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