LES CAHIERS DE FORMATION PRATIQUE
Ancien MCU-PH des Universités de Reims et Nancy
40, rue Buirette
51100 Reims
La patiente âgée de 60 ans désirait trouver une solution durable pour remplacer sur ses 4 incisives les nombreux composites, refaits de nombreuses fois au cours des 20 dernières années. Sur dents pulpées, ces composites proximaux étaient volumineux, mais préservaient des volumes importants de tissus dentaires. La réalisation de préparations périphériques a été jugée trop mutilante, en particulier pour la 12, traitée par un seul composite...
La patiente âgée de 60 ans désirait trouver une solution durable pour remplacer sur ses 4 incisives les nombreux composites, refaits de nombreuses fois au cours des 20 dernières années. Sur dents pulpées, ces composites proximaux étaient volumineux, mais préservaient des volumes importants de tissus dentaires. La réalisation de préparations périphériques a été jugée trop mutilante, en particulier pour la 12, traitée par un seul composite mésial. Ce cas ne pouvait être traité par un simple placage de facettes de céramique. Les dents étaient en normo-position et la lèvre supérieure bien ourlée. Le collage de facettes de céramique avec réalisation de préparations partielles avec retour lingual est le traitement qui est apparu le plus adapté. Il permettra de remplacer les anciens composites, d’améliorer durablement l’esthétique, de conserver la vitalité pulpaire et enfin de corriger un léger effet de « sourire négatif » dû à l’abrasion des bords libres.
Cet article de formation pratique décrit « temps par temps » la réalisation de 4 facettes de céramique sur incisives maxillaires en remplacement de composites anciens.
La courbe des bords libres des 4 incisives (en rouge sur la fig. 1) ne s’inscrit pas dans la courbe positive de la lèvre inférieure (en vert). Le parodonte de type épais est sain et le festonnage des collets est harmonieux (fig. 2). L’occlusion est stable et les guidages assurés. La vue occlusale montre l’importance des composites existants. Les zones cariées infiltrées sont très visibles (fig. 3). La détermination de la couleur faite avant toute préparation est transmise au laboratoire, photographie du teintier à l’appui (fig. 4). Une photographie en gros plan légèrement sous-exposée permet au prothésiste d’apprécier les détails de la structure dentaire (fig. 5). Un schéma détaillé complète les photographies (fig. 6).
Pour la réalisation des préparations, 3 fraises suffisent (fig. 7). Après réduction des bords libres de 2 mm, la profondeur de la réduction axiale vestibulaire est déterminée en réalisant des stries horizontales à la fraise boule (fig. 8). Les faces vestibulaires présentent une triple inclinaison, cervicale, médiane et incisale. La fraise à congé rond qui sert à réaliser cette réduction doit être tenue en respectant ces inclinaisons (fig. 9). La préparation s’arrête quand les stries ne sont plus visibles. Le contrôle de la régularité de la réduction se fait à l’aide des clefs de silicone sectionnées verticalement (fig. 10). Ces clefs sont élaborées soit sur les dents non préparées soit sur un moulage issu d’un wax-up s’il s’avère nécessaire de modifier la morphologie ou le positionnement des dents (fig. 8). Le point de contact distal sur la 12 est respecté (fig. 11). La limite cervicale est placée en juxtagingival et son profil est donné par la fraise à congé rond 847 314 016 ou 018 (fig. 7). Les composites sont déposés (fig. 12).
L’application d’un colorant (Sable Seek, Bisico) (fig. 13) permet de mettre en évidence la présence après rinçage de zones dentinaires encore infiltrées (fig. 14). Le verre ionomère est le matériau idéal pour assurer la protection pulpaire et représente un excellent substitut dentinaire grâce à ses propriétés mécaniques (fig. 15). Les zones de contre-dépouille sont comblées de verre ionomère (Fuji IILC, GC) (fig. 16). Les excès sont éliminés (fig. 17). Les préparations sont ensuite terminées, en respectant les principes des préparations partielles : des retours linguaux avec des limites se situant à distance des points d’occlusion des dents antagonistes ; des zones de raccordement entre faces linguales et vestibulaires ; une réduction régulière de toutes les surfaces préparées ; une absence totale d’angles aigus (fig. 18).
Les limites proximales ne doivent pas être visibles en vision latérale (fig. 19). La réalisation d’un toboggan proximal, façon S. Perelmuter, permet de masquer cette limite par la dent adjacente tout en respectant le point de contact (fig. 20).
Les lignes de finition créées par les fraises à congé rond présentent un petit « bec » qu’il faut éliminer pour assurer une parfaite adaptation. Les inserts ultrasoniques, utilisés avec un spray, facilitent cette finition (fig. 21). Ces inserts permettent également de régulariser la limite cervicale sans léser les tissus parodontaux. La limite linguale est située à distance des points d’occlusion (fig. 22).
Les facettes provisoires sont indispensables. La technique utilisée pour ce cas est faite de deux matériaux. Une base élaborée en technique directe de résine chémopolymérisable (Unifast III®, GC), assurant la résistance et permettant un rebasage facile en cas de nécessité (fig. 23).
Elle est ensuite recouverte de composites translucides et transparents pour reproduire les effets de l’émail naturel (fig. 24). Les facettes provisoires sont fixées à l’aide d’un ciment carboxylate. La base résine permet de masquer l’opacité du ciment et d’éviter toute interférence dans le rendu final (fig. 25 et 26).
Variante : La technique de l’isomoulage avec un silicone transparent (Mémosil®, Bayer) et du composite peut également être utilisée (fig. 27 et 28). Dans ce cas, les facettes provisoires sont fixées à l’aide d’une goutte d’adhésif en cervical sans préparation tissulaire.
Juste avant l’empreinte, les préparations sont une dernière fois contrôlées. Le contrôle porte essentiellement sur l’absence de tout angle aigu (fig. 29) et sur la régularité de la réduction et de l’harmonie des lignes de finition (fig. 30). Dans cette situation clinique, les préparations partielles ne présentent pas de nombreuses zones de contre-dépouille ; un seul toboggan a été réalisé au niveau de la 12. La technique de l’empreinte rebasée avec porte-empreinte du commerce a été préférée à la technique en un seul temps à double viscosité (fig. 31 et 32).
La céramique renforcée au disilate de lithium élaborée par la technique de pressé, connue et maîtrisée par de nombreux laboratoires est indiquée pour ce cas. Des lingotins de moyenne opacité ont été choisis ; aucun effet de masque d’une couleur dentinaire disgracieuse ne s’est révélé nécessaire (fig. 33 et 34).
Après un essai des facettes avec un composite non photopolymérisable (colle « Try In(r) » de Ivoclar-Vivadent) (fig. 35) et une dépollution des intrados à la vapeur, une couche de silane est appliquée dans l’intrados (fig. 36).
Le collage est réalisé avec un adhésif dual M&R (mordançage et rinçage), Excite DSC (Ivoclar-Vivadent) (fig. 37), associé à une colle également dual sans pouvoir adhésif, le Variolink II® (Ivoclar-Vivadent) (fig. 38).
Les facettes sont collées une par une en commençant par les incisives centrales avec isolement du champ opératoire à l’aide d’une digue.
Les vues finales réalisées 1 mois après le collage prouvent que cette solution prothétique remplit totalement le cahier des charges défini au préalable : rétablissement de l’esthétique (fig. 39), préparation a minima et conservation de la vitalité pulpaire (fig. 40), intégration biologique avec une parfaite tolérance parodontale (fig. 41) et rétablissement d’un sourire plus harmonieux (fig. 42).
Réalisation prothétique
Maréchal Hervé
Laboratoire De Bucca Solis
Hameau le Carreau 11, rue de la Hêtraie 76970 Flamanville
Un constat : la réticence du praticien à poser l’indication
Cette technique de facette de céramique collée se développe depuis plus de 25 ans. Cependant, pour un grand nombre de praticiens, elle ne fait pas partie de leur arsenal thérapeutique. Les raisons de cette réticence pour intégrer cette solution à la pratique quotidienne apparaissent dans les commentaires recueillis de façon récurrente par l’ensemble des formateurs lors des séances de travaux pratiques que nous organisons depuis 20 ans :
– peur de travailler sur dent pulpée et de provoquer des sensibilités postopératoires désagréables ;
– choix de la céramique, refus du prothésiste d’investir dans le processus de laboratoire ;
– difficulté du collage de ces éléments, séquence jugée différente des collages directs réalisés quotidiennement…
Matériaux nécessaires :
– cordonnets Ultrapak 000 et 0 (Ultradent) ;
– matrice avec coin interdentaire (Fenderwedge Small) ;
– verre ionomère photopolymérisable (Fuji II LC, GC) ;
– résine chémopolymérisable (Unifast III, GC) ;
– composites translucides et transparents ;
– silicone haute viscosité pour réaliser les clés de contrôle de la réduction et l’empreinte ;
– silicone fluide ;
– ciment carboxylate pour fixer les provisoires ;
– digue caoutchouc fine ;
– gel d’acide orthophosphorique ;
– adhésif M&R auto– et photopolymérisable ;
Durée moyenne des séquences cliniques :
– Analyse esthétique, wax up : 1 h-1 h 30 ;
– Préparations et provisoires : 3 h ;
– Essai esthétique des facettes : 1 h-1 h 30 ;
– Collage des facettes : 3 h.