Prothèse amovible complète (ou totale)
Omar Iraqui* Nadia Merzouk** Faiza Benfdil*** Ahmed Abdedine****
*Spécialiste en prothèse adjointe
**Professeur de l’enseignement supérieur et chef de département en prothèse adjointe
***Professeur agrégé en prothèse adjointe
****Professeur de l’enseignement supérieur et chef de service de prothèse adjointe
*****Université Mohamed-V
Faculté de médecine dentaire de Rabat
6212 Instituts Madinat Al Irfane
Rabat, Maroc
La stabilité de la prothèse complète mandibulaire sur sa surface d’appui conditionne son apparence esthétique, sa fonctionnalité, son intégration psychologique ainsi que la pérennité de ses structures d’appui. Cet objectif ne peut être atteint que par le respect de la triade « équilibre tissulaire, équilibre occlusal, équilibre prothétique », elle-même tributaire de phénomènes physiques, mécaniques et physiologiques. Hormis la thérapeutique implantaire, la stabilité de la prothèse complète mandibulaire sur des crêtes fortement résorbées demeure un défi pour le clinicien. Elle impose l’assainissement des structures d’appui, le recours à des techniques d’empreintes tertiaires et l’équilibration précise de l’occlusion. Ce travail propose de détailler, à travers une analyse biomécanique des contraintes imposées à la prothèse complète mandibulaire, l’intérêt, les moyens et les limites du modelage physiologique des surfaces polies stabilisatrices dans la tenue prothétique.
In full mandibular denture, the absolute fixity of a denture on its support area is what conditions its astethics, functionality, psychological integration and the sustainability of its support structures.
This goal cannot be achieved without honouring the triad ‘tissue balance, occlusal balance, prosthetic balance’, which depends on physical, mecanical and psychological factors. All these parameters influence the dental stage of the dental accomplishment and imposes a very precise modelling of its various areas.
By highlighting every portion of the denture in its general balance, this work details the benefits, means and limits of the physiological modelling of the stabilized polished areas in the maintaining of mandibular dentures in cases of strong resorption.
L’équilibre et la stabilité de la prothèse complète mandibulaire sont une priorité pour les cliniciens prothésistes. En effet, la stabilité de la prothèse sur sa surface d’appui ostéo-fibro-muqueuse conditionne l’apparence esthétique, la valeur fonctionnelle, le confort ainsi que la pérennité des structures biologiques.
Les règles de l’équilibre prothétique qui impliquent la sustentation, la stabilisation et la rétention décrites par Housset sont toujours d’actualité. Ces paramètres interdépendants se potentialisent mutuellement pour garantir un équilibre prothétique. Ils s’expriment différemment selon les différentes faces de la prothèse concernées.
En pratique quotidienne, le clinicien se focalise sur l’enregistrement de la surface d’appui correspondant au futur intrados prothétique, et sur l’établissement d’une occlusion adéquate, reléguant au second plan les profils d’extrados de la prothèse complète. Pourtant, dans les cas de forte résorption, ces profils peuvent être plus larges que l’intrados et les surfaces occlusales réunies [1]. De ce fait, les forces à prédominance horizontale qui s’y exercent ont une grande influence sur l’équilibre général de la prothèse.
Le but de cet article est de développer le rôle de chaque face de la prothèse totale mandibulaire dans l’établissement d’un état d’équilibre ainsi que les moyens d’optimiser l’action de la dynamique musculaire périprothétique dans ce sens.
En prothèse amovible complète mandibulaire, l’équilibre précaire mais recherché de la prothèse sur sa surface d’appui implique la triade (fig. 1) : équilibre prothétique, occlusal et tissulaire [2]. L’objectif est la préservation de la santé de l’appareil manducateur. Cette santé conditionne à son tour l’équilibre immédiat de la prothèse et sa pérennité.
Les différents composants de la triade sont interdépendants et doivent faire l’objet d’une attention permanente de la part du praticien [3] sous peine de s’engager dans un cercle vicieux destructeur. Toute altération des surfaces d’appui provoque une instabilité prothétique, elle-même génératrice de troubles de l’occlusion qui entretiennent l’altération tissulaire [4]. La réussite et l’intégration de la prothèse complète mandibulaire imposent une gestion simultanée des trois composants de la triade, et impliquent l’assainissement des structures d’appui ostéofibromuqueuses et neuro-musculo-articulaires, le recours à des techniques d’empreintes secondaires et tertiaires adaptées et le respect des règles du montage, de l’équilibration et de la maintenance prothétique.
La perte non compensée des organes dentaires s’accompagne d’un envahissement de l’espace prothétique par la langue, les joues et les lèvres et d’une résorption osseuse. Les limites de l’espace neutre utilisable par la prothèse se modifient. La prothèse complète doit pourtant occuper cet espace sans aucune interférence avec les structures qui le délimitent [5]. Cette notion est primordiale lors de la réhabilitation complète amovible sur crête fortement résorbée.
L’analyse des forces et contraintes appliquées aux différentes faces de la prothèse mandibulaire prend alors toute son importance. Cette analyse est filtrée à travers la triade de l’équilibre prothétique impliquant la sustentation, la stabilisation et la rétention.
Lors de cette démarche analytique, la prothèse complète mandibulaire est divisée, à but didactique, en trois parties : intrados, surfaces occlusales et versants latéraux vestibulaires et linguaux [1]. Chacune influence différemment l’équilibre général de la prothèse.
Il intervient dans l’équilibre de la prothèse à différents niveaux.
L’intrados s’oppose à l’enfoncement de la prothèse sur sa surface d’appui. La qualité de sustentation est tributaire de la santé des structures biologiques ostéofibromuqueuses et de l’étendue de la surface de contact qui gagne à être la plus grande possible [6] sans interférence avec l’activité des structures périprothétiques.
L’exploitation des reliefs anatomiques obliques et verticaux par l’intrados prothétique empêche toute translation ou rotation de la prothèse sur sa surface d’appui [7]. Cet effet stabilisant est contrarié dans les cas de crêtes plates, fortement résorbées.
L’intimité du contact intrados prothétique/surface d’appui garantit l’interposition d’un fin film salivaire qui assure une partie de la rétention prothétique grâce à des phénomènes physiques d’adhésion, de cohésion et de pression atmosphérique [8]. La force de rétention obtenue est proportionnelle à la surface de contact et inversement proportionnelle à l’épaisseur du film salivaire [9].
Elles influencent l’équilibre prothétique lors de l’occlusion à vide et lors de la mastication. Elles se confondent pour former le plan d’occlusion et conditionnent la direction et l’intensité des contraintes transmises aux structures d’appui : des contacts occlusaux statiques et dynamiques précis et harmonieusement répartis permettent, par leurs composantes verticales, de plaquer la prothèse sur sa surface d’appui. La rétention de la prothèse est ainsi améliorée. En revanche, la mastication d’aliments collants peut engendrer un décollement de la prothèse de sa surface d’appui. Durant la fonction masticatoire, l’intensité des contraintes transmises aux structures d’appui dépend de la dimension verticale d’occlusion adoptée, de la présence de parafonctions, mais également de la largeur des tables occlusales [10].
La stabilisation est la fonction la plus influencée par le paramètre occlusal [7]. Dans ce sens, le choix des dents prothétiques et leur organisation spatiale sont des paramètres déterminants. Ainsi, l’angulation cuspidienne influence la répartition et l’orientation des contraintes occlusales [11]. Elle doit être indiquée en fonction de la précision des cycles masticatoires du patient, du degré de résorption des crêtes, de la valeur des déterminants postérieurs, mais également en fonction du type de montage privilégié [12].
L’organisation des surfaces occlusales selon des courbes de compensation influence également l’orientation de la composante des forces dans l’aire de sustentation (fig. 2). Des orientations ad lingum sont prioritaires [13]. Ces orientations conditionnent la stabilité de la prothèse en dynamique lorsqu’un aliment est interposé entre les arcades. Tout manquement à cette règle induit une bascule de la prothèse [14].
Des forces masticatoires appliquées sur le trigone rétromolaire dépressible peuvent également provoquer un soulèvement de la portion antérieure de la prothèse [12].
Enfin, l’équilibration occlusale en relation centrée et durant les déplacements mandibulaires selon le concept de l’occlusion équilibrée joue un rôle important dans l’organisation des forces lors des mouvements à vide [15] (fig. 3).
Constituées de la portion externe des bords prothétiques, des surfaces polies stabilisatrices et des surfaces dentaires ne participant pas à l’occlusion, elles sont en contact avec les lèvres, les joues et la langue (fig. 4).
Dans les cas de résorption de crête avancée, l’influence de l’intrados sur l’équilibre de la prothèse est réduite. Dans ces cas, et chaque fois que l’occlusion n’est pas mise à contribution, la rétention et la stabilité de la prothèse complète mandibulaire relèvent de son respect des limites de l’espace neutre [16]. Dans ce sens, l’analyse des relations qu’entretiennent ces faces de la prothèse avec les structures environnantes prend toute son importance.
Correspondant au retour vestibulaire du bord périphérique, elle est tributaire de la qualité du joint périphérique (formule de Gilbert) [17, 18]. Toutes surextensions ou surépaisseurs entraînent à ce niveau une instabilité prothétique par interférence avec l’activité des structures péribuccales [18]. Toutes sous-extensions provoquent une rupture de l’étanchéité du joint périphérique et altèrent la rétention de la prothèse.
Représentée par les surfaces polies stabilisatrices, elle est en rapport avec les masses musculaires labio-jugales et linguales. Leur modelé est souvent délégué au prothésiste. Dans les cas de fortes résorptions, cette détermination arbitraire doit céder la place à un modelage dynamique et physiologique, non dans le seul but d’occuper l’espace neutre, mais de s’intégrer et de s’adapter aux contours et déplacements de ses parois musculaires [16].
Ces surfaces polies stabilisatrices contribuent à améliorer la rétention prothétique par une action conjuguée de la salive et des muscles : l’augmentation de la surface de contacts de la base prothétique avec les structures environnantes, et leur intimité de contacts statique et dynamique garantissent l’interposition d’un film salivaire fin qui, par des phénomènes physiques, améliore la rétention de la prothèse [16]. La contraction des masses musculaires linguales et labio-buccinatrices tend à plaquer la prothèse sur sa surface d’appui. Pour cela, la base de la prothèse doit adopter un profil spécifique qui sert d’assise à la dynamique des structures musculaires environnantes [19].
Représentée par les faces vestibulaires et linguales des dents prothétiques [1], elle est tributaire de la qualité du montage [20]. Le positionnement des dents dans l’espace influence l’équilibre général de la prothèse : dans un plan vertical, la libre circulation du bol alimentaire impose de positionner les dents à 1 mm en dessous de la convexité du buccinateur et de la langue et à 1 mm sous la lèvre inférieure, sous peine d’induire des charges horizontales déstabilisantes [12]. Dans le plan horizontal, les dents doivent occuper l’aire de Pound [20]. Tout manquement à cette règle provoque des interférences avec la dynamique musculaire linguale ou labio-jugale du patient, et perturbe l’orientation de la composante des forces occlusales qui devient déstabilisante [20].
Dans les cas de fortes résorptions, la coïncidence de l’aire de Pound et du couloir prothétique exploitable par la prothèse est rompue et impose une matérialisation de l’espace neutre guidée par la physiologie musculaire du patient [1, 20, 21].
Un patient âgé de 63 ans, en bon état de santé générale, est venu consulter en raison de l’instabilité de sa prothèse inférieure à la mastication et lors de différentes mimiques. Il se plaignait également de douleurs localisées sur le secteur 3. L’examen exobuccal a mis en évidence une légère diminution de la DVO (fig. 5) sans aucune manifestation musculaire ou articulaire. À l’examen endobuccal, une ulcération au sommet de la crête mandibulaire a été repérée (fig. 6). La crête mandibulaire était fortement résorbée et le relief antérieur était absent (fig. 7). Elle était recouverte d’une fibromuqueuse fine et enflammée. La langue était volumineuse et en position reculée. Les joues, volumineuses, empiétaient sur l’espace prothétique utilisable.
L’examen des prothèses, de conception récente, a révélé des bases prothétiques de bonne qualité (fig. 8). Les dents étaient correctement montées par rapport au couloir prothétique et la répartition des contacts occlusaux favorable, mais perfectible. L’agencement des dents prothétiques assurait un aspect esthétique satisfaisant malgré une DVO affaissée de 2 mm.
La gestion de l’instabilité de la prothèse mandibulaire dans les cas de résorption osseuse importante pouvait faire appel à :
– un approfondissement du vestibule par mise en condition tissulaire [22] ou chirurgie ;
– des artifices de stabilisation prothétique supra-implantaires de type barres ou attachements axiaux ;
– l’exploitation des surfaces polies stabilisatrices.
Tenant compte de la situation pécuniaire du patient et de sa phobie des chirurgies, la réalisation d’une empreinte complémentaire des surfaces polies stabilisatrices est la solution qui a été retenue. Une mise en condition tissulaire utilisant la prothèse du patient jugée favorable comme prothèse transitoire a permis d’assainir les structures d’appui et d’augmenter l’espace biofonctionnel [22].
• Par une équilibration occlusale menée en bouche, les contacts occlusaux ont été corrigés selon les principes du concept de l’occlusion généralement équilibrée (fig. 9) [23] pour harmoniser les contraintes appliquées sur les surfaces d’appui [24]. L’occlusion est alors devenue un facteur stabilisant de la prothèse pour favoriser le retour des tissus supports à un état de santé satisfaisant [15].
• Une mise en condition tissulaire a été entreprise avec une résine à prise retardée, appliquée sur la prothèse. Après élimination des contre-dépouilles de l’intrados [25, 26], un vernis séparateur a été appliqué. Une résine à prise retardée (Fitt®, Kerr), préparée selon les recommandations du fabricant [27], a été appliquée sur l’intrados et les bords de la prothèse mandibulaire. Celle-ci bien centrée sur la crête, le patient a été guidé en relation centrée, puis invité à déglutir. Une légère augmentation de la DVO a ainsi été obtenue [28]. Le patient a ensuite été prié de réaliser les tests de Herbst [29]. La prothèse mandibulaire a été retirée, puis contrôlée selon le protocole adopté lors de l’essayage d’un PEI [30] (fig. 10). Les zones de compression révélées ont été corrigées par meulage et recouvertes a minima de Fitt® fluide avant de réintroduire la prothèse en bouche. Le patient a alors été prié de déglutir plusieurs fois et de serrer les dents (fig. 11). L’amélioration de la rétention, de la stabilisation et du confort du patient a provoqué le relâchement de la musculature périphérique. Le renouvellement du matériau a permis d’exploiter l’espace laissé vacant. L’augmentation de l’aire de sustentation ainsi obtenue a amélioré la répartition des contraintes occlusales et favorisé la cicatrisation des structures d’appui.
• Modelage des profils de l’extrados : la stabilité préliminaire de la base étant acquise, le modelage du profil de l’extrados prothétique a privilégié la technique phonétique [16] en association avec la déglutition [31]. L’inocclusion labiale durant la phonation a permis au matériau d’enregistrement en excès de s’échapper de la cavité buccale pour un enregistrement optimal de l’espace neutre. Celui-ci peut faire appel à des matériaux divers comprenant les cires molles à température buccale (Adhésil®, Dental Commerce), les pâtes à oxyde de zinc-eugénol, les polysulfures, les polyéthers, et les résines à prise retard [32]. La consistance du matériau sélectionné doit être adaptée à la tonicité musculaire du patient et à sa capacité à évacuer les excès de matériau, mais également à la valeur rétentive de la base lui servant de support pendant l’enregistrement [33]. Ainsi, des matériaux de consistance fluide ont été privilégiés dans les cas de forte résorption et garantissent l’enregistrement de l’activité musculaire périphérique sans déstabiliser la base de la prothèse.
Pour ce cas clinique, le choix s’est porté sur une résine à prise retardée (Fitt®, Kerr) dont la consistance peut être modulée en fonction des besoins. Les versants vestibulaires et linguaux de la prothèse mandibulaire ont été enduits, sans excès, de Fitt® en phase plastique préparée selon les recommandations du fabricant. Des tests phonétiques spécifiques ont alors été demandés au patient selon le protocole décrit ci-dessous (fig. 12) :
– la prothèse mandibulaire est centrée en occlusion avec l’arcade antagoniste et le patient est prié de déglutir à 2 ou 3 reprises afin de plaquer la prothèse sur sa surface d’appui et d’enregistrer la contraction de la base de la langue ;
– une ouverture maximale enregistre les rapports prothétiques avec l’insertion postérieure du buccinateur, les fibres antérieures du masséter et le ligament ptérygo-maxillaire ;
– la prononciation du phonème « sis », accompagnée de la rétraction des commissures vers l’arrière [21, 31], enregistre la convexité du buccinateur dans les zones prémolaires-molaires tandis que la langue imprime sa position d’étalement maximale en lingual ;
– la prononciation du phonème « sos » en une seule syllabe en projetant les lèvres vers l’avant marque la zone antérieure en regard des orbiculaires ainsi que le modiulus [21, 31] ;
– la prononciation des phonèmes « me » et « pe » permet de sculpter les remparts antérieurs vestibulaires tandis que les « te » et « de » affinent le modelé lingual antérieur [21, 31] ;
– le comptage de 1 à 15 à haute voix permet d’affiner l’enregistrement ;
– enfin, les tests de Herbst [29] sont repris évitant toute surextension ou surépaisseur au niveau des bords prothétiques.
Cet enregistrement permet de contrôler les rapports de la base et des dents prothétiques avec la dynamique musculaire périphérique. Le positionnement correct des dents prothétiques a été confirmé et les zones transparentes laissant apparaître la résine rose ont été corrigées par soustraction, puis enduites de matériau de consistance légèrement plus fluide. La prothèse a été remise en bouche, et la même dynamique musculaire répétée. Le modelé ainsi obtenu a permis d’harmoniser les rapports prothétiques avec la dynamique musculaire de la langue et de la sangle labio-jugale (fig. 13). La technique d’enregistrement phonétique a ainsi été utilisée dans un but diagnostique et thérapeutique [33].
• Au bout de 3 jours de port, l’adjonction sur l’extrados prothétique d’une fine couche de Fitt® fluide a permis à la fois de lisser la surface du matériau et d’épaissir le profil de l’extrados prothétique augmentant ainsi le volume de l’espace prothétique utilisable [22]. Le jeu de la musculature périprothétique correctement soutenu doit pouvoir s’exercer librement tout en contribuant à la stabilité prothétique. Une finition à la lame de bistouri a éliminé les excès de matériau ayant fusé sur les dents et sculpté en biseau les collets dentaires. Après la seconde séance de mise en condition, le patient a manifesté son entière satisfaction par rapport à l’équilibre prothétique obtenu. L’élargissement de l’espace prothétique utilisable étant jugé satisfaisant, l’enregistrement de l’intrados et des surfaces polies stabilisatrices a représenté une véritable empreinte secondaire ambulatoire [34].
• Une mise en moufle a transformé le modelé obtenu en résine thermopolymérisable [35] : l’empreinte a ainsi été coffrée, puis coulée. Le moulage ainsi obtenu a été fixé dans la partie du moule. Du silicone Coltoflax® (Coltène Whaledent) a enregistré les détails de l’extrados prothétique (fig. 14). Il a été emporté dans le plâtre de la contrepartie du moufle.
L’élimination préalable des contre-dépouilles de l’intrados prothétique a permis de retirer la prothèse sans risque de fracture du moulage. La base prothétique a été réduite – laissant les dents solidaires – par une fine bande de résine pour une remise en place dans leurs indentations dans la contrepartie du moufle (fig. 15). Le bourrage et la polymérisation ont suivi le protocole classique [1, 36]. Le polissage a respecté les détails obtenus lors du modelage de l’extrados. La qualité de la texture de surface a été contrôlée (fig. 16).
• La mise en place de la prothèse en bouche a été suivie des contrôles et corrections usuels. Un articulé de Tench et une équilibration précise de l’occlusion sur articulateur ont été effectués selon le concept de l’occlusion totalement équilibrée [37]. Les contacts occlusaux ainsi affinés ont transformé l’occlusion en un facteur positif de stabilisation et de rétention de la prothèse [38] (fig. 17).
La technique phonétique permet le modelage du profil de la prothèse conformément à l’activité motrice de la musculature périprothétique, optimisant ainsi la rétention et la stabilité de la prothèse mandibulaire ainsi que la répartition des contraintes transmises aux structures d’appui. Ces techniques peuvent être utilisées à but analytique pour l’évaluation des rapports statiques et dynamiques d’une prothèse existante avec les structures environnantes, ou thérapeutique en assurant l’harmonisation du profil de la prothèse avec l’activité musculaire périphérique. Lorsque les conditions anatomiques sont favorables, le modelage dynamique du profil de l’extrados prothétique peut associer l’utilisation des techniques phonétiques et de déglutition à des bases prépolymérisées [39].
Ce modelage dynamique peut également accompagner une thérapeutique de reconditionnement tissulaire visant l’augmentation de l’espace passif utile. Des prothèses transitoires anciennes de conception favorable, ou nouvellement réalisées, sont alors utilisées. Des apports successifs et modérés de matériau de reconditionnement tissulaire permettent d’épaissir l’extrados prothétique, sans interférer avec l’activité dynamique périphérique. L’extension de la surface de contact prothétique avec les tissus environnants optimise ainsi l’équilibre prothétique (cf. cas clinique).
Chez les patients séniles et/ou à potentiel d’adaptation réduit, la technique piézographique est souvent utilisée [39]. Les tests phonétiques et de déglutition permettent alors de matérialiser un espace prothétique neutre dans lequel vient s’insérer la prothèse, sans aucune tentative d’aménagement du volume de l’espace prothétique utilisable. Le montage des dents prothétiques respectant le couloir ainsi défini potentialise l’équilibre prothétique en tenant compte de la dynamique musculaire périphérique [20].