Occlusodontie
Marcel G. Le Gall* Roger Joeger** Bruno Bonnet***
*DU d’occlusion
42, rue de la Belle-Fontaine
56100 Lorient
**MCU-PH, Enseignant à la Faculté dentaire de Strasbourg
5, rue Division-Leclerc
67000 Strasbourg
***Spécialiste qualifié en orthopédie
dento-faciale, ancien assistant à la Faculté dentaire de Paris-VII
Résidence les côteaux d’Ivry
9, rue Robespierre
94200 Ivry-sur-Seine
Les contacts occlusaux observés en relation centrée sont différents de ceux obtenus lors de la déglutition qui donne la position naturelle d’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM). Dans quelle position déterminer l’OIM : dans une position conceptuelle « guidée » par le praticien ou dans une position physiologique autodéterminée par le patient ? Cet article décrit un protocole clinique rapide, fiable et répétitif permettant de vérifier et/ou de retrouver la concordance entre l’occlusion d’intercuspidie maximale et les contacts interdentaires survenant lors de la déglutition. L’utilisation d’une butée antérieure, sans action rétropulsive, associée à un positionnement optimal de la langue, permet au patient de retrouver seul, avec précisions sa position naturelle d’occlusion d’intercuspidie maximale linguo-centrée.
When and how to position the occlusion ? Centric relation or deglutition position guided by the tongue ?
Occlusal contacts observed when TMJ are in centric relation are different than those obtained during deglutition, that is the natural closure position. In which position must the central occlusion be placed : in a conceptual centric position guided by the practitioner or in a physiologic position self determined by the patient ? The goal of this article is to describe a rapid, reliable and repetitive clinical protocol to check and/or find deglutition central occlusion. A special designed jig without any retrusive effect to eliminate adaptative engrams, used together with the optimal deglutition position of the tongue allows the patient to simply and precisely determine on his own his natural tongue centric occlusion.
À partir des années 1920, les recherches menées en Californie sur la relation mandibulo-maxillaire (RMM) des patients totalement édentés ont abouti à la prise en compte, comme référence prothétique, d’une relation articulaire « centrée » [1, 2] appréciée sur les premières radiologies de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) [3]. Par la suite, cette relation centrée (RC) est devenue le concept fondateur de l’école gnathologique, initiée par Mac Collum [4] et Stallard. Cette référence est toujours utilisée pour la réalisation des prothèses amovibles complètes, où les éventuelles erreurs occlusales sont compensées par un léger déplacement des bases prothétiques posées sur des muqueuses souples. En revanche, son application aux sujets dentés, dont la position des dents est fixe, et sa mise en concordance précise avec l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) du patient ont généré de nombreux déboires cliniques, donnant lieu à des controverses qui ont débouché sur plusieurs définitions différentes de cette position. Le concept de RC s’est progressivement enrichi de concepts additionnels comme le « short centric », le « long centric », le « wide centric » et enfin le « freedom in centric », reflets d’un malaise à la fois conceptuel et clinique.
Ces controverses sont loin d’être éteintes aujourd’hui. En effet, le concept de concordance de cette position articulaire avec l’OIM n’est pas conforme aux données physiologiques de la déglutition et de la mastication, qui sont davantage fondées sur le calage-guidage dentaire obtenu en équilibre neuromusculaire que sur la recherche d’une position géométrique simplifiée de la tête condylienne dans la cavité articulaire. Les données anatomiques [5] ainsi que plusieurs études ont mis en évidence que l’OIM n’est pas confondue avec la relation centrée [6], mais se situe plus antérieurement chez 90 à 95 % des patients [7, 8], démontrant ainsi que la RC, même dans sa dernière définition de 1983 par le CNO (Collège national d’occlusodontologie) [9], ne peut pas être considérée comme une référence clinique à utiliser systématiquement chez tous les patients (fig. 1 et 2).
Par exemple, dans une étude de Melikian et al. [10], il existe entre ces 2 positions 3 mm mesurés en moyenne chez l’enfant de 6 ans avec 12 mm pour l’écart maximal enregistré.
La pratique d’une manipulation plus ou moins forcée est la méthode privilégiée de recherche de la RC chez les patients totalement édentés. Chez les sujets dentés, les échecs cliniques, liés à des occlusions thérapeutiques situées en RC trop postérieure, ont imposé l’évolution des protocoles vers la recherche d’une position plus antérieure obtenue à l’aide de manipulations moins ou non forcées (mais est-ce encore une relation centrée ?), qui restent toutefois très dépendantes de l’opérateur. Pour éliminer cette dépendance, l’utilisation d’une butée antérieure a été proposée par Lucia [11] pour situer et enregistrer cette relation articulaire en provoquant, lors de la fermeture, un recul mandibulaire par glissement des incisives médianes mandibulaires sur la pente palatine de la butée, mais sans aucune manipulation (fig. 3). Cette démarche n’a pas apporté plus de satisfactions que les manipulations, car c’est le concept de relation centrée lui-même qui pose problème. La recherche d’une occlusion en relation « myo-centrée » a été proposée comme alternative [12], sans résoudre le problème de la répétitivité des enregistrements cliniques.
En présence de dents, un concept de butée légèrement différent (fig. 4), associé à un protocole de port spécifique [13] ont permis la recherche plus fine d’une relation mandibulo-maxillaire en équilibre neuromusculaire, sans engrammes d’adaptation, et une approche plus physiologique de l’OIM. Bien que les enregistrements obtenus soient aisés et répétitifs, les données de la déglutition et du rôle de la langue ne sont pas encore prises en compte dans le protocole d’utilisation de cette butée.
En l’absence de dents, l’occlusion de déglutition peut être retrouvée et enregistrée à l’aide de bourrelets postérieurs symétriques en cire, posés sur une plaque base en appui muqueux [14]. Cette technique a été adaptée aux arcades dentées, en plaçant simultanément un coton salivaire entre chacun des deux secteurs cuspidés. Cependant, les mécanorécepteurs dentaires sont actifs lors de la fermeture et la déprogrammation du chemin de fermeture n’est pas démontrée. L’enregistrement est beaucoup plus délicat qu’avec la butée d’Abjean-Le Guern, car il existe un risque important de déviation latérale si les cotons n’ont pas exactement la même épaisseur et qu’un secteur postérieur est en léger « surcontact ».
Pour simplifier et sécuriser la recherche de l’OIM de déglutition et l’enregistrement de la relation mandibulo-maxillaire des patients dentés, un nouveau protocole d’utilisation d’une butée antérieure modifiée (fig. 5) sera exposé en détail.
La déglutition est un acte aussi essentiel que la respiration ou la circulation sanguine. Elle commence lors de la vie fœtale et correspond à l’ensemble des mouvements musculaires et articulaires qui permettent de faire passer le « bolus » (salive y compris) de la cavité buccale aux voies digestives. Elle est constituée de trois phases successives : une buccale, une pharyngienne, une œsophagienne. La phase buccale de la déglutition met en œuvre non seulement les muscles masticateurs et linguaux, mais aussi les muscles faciaux [14, 18] et les muscles sus- et sous-hyoïdiens.
Chez le nouveau-né, la déglutition s’installe dès la naissance dans le cadre de la fonction de nutrition. La langue est alors en position basse et interposée entre les arcades lors de la déglutition. Plus tard, elle montera contre le palais et le calage de déglutition s’effectuera sur les dents. Sa fréquence journalière (environ 1 000 fois par jour) et les stimulations fonctionnelles constamment répétées qu’elle provoque entre autres au niveau articulaire permettent l’installation progressive, pendant la croissance, d’une corrélation anatomique directe entre occlusion dentaire et position articulaire de déglutition.
Le rôle et la position de la langue sont essentiels à une déglutition physiologique [19-22].
Chez l’enfant, les postures linguales atypiques ou inexactes sont, de façon constante, associées à des dysmorphoses [23]. Les troubles de la position et du volume lingual, les dyskinésies ont donc une incidence directe sur la croissance des maxillaires et la position des dents, avec un risque d’insuffisance du développement transversal, postéro-antérieur, vertical…, dont les conséquences possibles peuvent être des troubles des fonctions respiratoire et occlusale (déficit de ventilation, dysharmonie dento-maxillaire avec malocclusions sagittales, transversales, béances antérieures ou latérales…).
En ODF, les écoles fonctionnelles [20, 21] et les techniques de rééducation des fonctions orales [24, 25] insistent, lors du traitement des déglutitions atypiques chez l’enfant, sur les méthodes de repositionnement lingual pour prévenir les conséquences pathologiques en réorientant la croissance.
L’exécution de la déglutition est un acte stéréotypé. Il implique le recrutement simultané ou successif de nombreux muscles qui servent aussi à d’autres fonctions [26]. Avant le début de la phase buccale, le positionnement de la langue en situation haute et antérieure permet aux muscles impliqués de se placer en condition de déglutition. Le déroulement de la déglutition à partir de ce moment peut être qualifié d’exact ou physiologique.
Une des clés de la rééducation est donc d’obtenir au repos une position haute et centrée de la langue au contact du palais et avant toute déglutition, d’apprendre au patient à mettre le dos de la langue dans sa position physiologique haute et centrée, avec la pointe en appui contre les papilles palatines, juste derrière les incisives médianes maxillaires [27, 28], dans la position qu’elle occupe normalement au début de la phase buccale de la déglutition. La pointe de la langue est particulièrement intéressante en rééducation, car elle agit sous la dépendance de la volonté [28]. La stimulation régulière de cet appui antérieur physiologique, point de départ de l’onde hémi-péristaltique linguo-palatine antéro-postérieure, permet de guider et de réorienter la croissance tout en favorisant la mise en place de l’occlusion. Dans ces conditions l’occlusion d’intercuspidie maximale et l’occlusion de déglutition obtenue chez l’adulte ne forment qu’une seule entité.
Cette occlusion physiologique existe de façon privilégiée alors même que l’enfant peut placer sa mandibule dans diverses positions (propulsion, latéralité, rétropulsion ou RC), sans cependant y rester. Seule la position de déglutition est constante et peut donc être considérée comme une position de référence. Cette donnée est individuelle et ne peut pas être « standardisée », ni généralisée et appliquée à toutes les situations cliniques à partir de valeurs moyennes.
L’objectif de cet article est d’intégrer ces données physiologiques aux techniques appliquées au patient adulte, afin de proposer un protocole cohérent, fiable et répétitif, applicable en clinique habituelle, permettant de rechercher, de trouver et de rétablir, si nécessaire, un calage fonctionnel de déglutition (OIM) en équilibre neuromusculaire.
Les muscles masticateurs élévateurs, abaisseurs et diducteurs sont directement responsables de la position et des déplacements mandibulaires (lors des mouvements volontaires, des fonctions orales et dentaires, des parafonctions, en relation ou non avec des interactions provoquées par les pathologies occlusales, articulaires, musculaires, psychiques, posturales ou autres…). Un protocole de port spécifique d’une butée antérieure, validé par la thèse de J. Y. Le Guern en 1987 [13] (mais largement inspiré par J. Abjean), permet la déprogrammation et la décontraction musculaire ainsi que la vérification des rapports d’occlusion en OIM (fig. 4, 5, 6, 7 et 8).
Ce protocole, utilisé en pratique clinique habituelle avec satisfaction depuis plus de 20 ans, a cependant montré ses limites dans au moins deux circonstances :
• lorsque le patient ferme un peu trop fortement sur la butée (non-respect du protocole difficile à éviter), provoquant un recul mécanique de la mandibule et une modification de la relation fonctionnelle des surfaces articulaires, ce qui n’est pas l’objectif recherché ;
• lorsque le patient a une grande laxité antéro-postérieure, le seul port de la butée n’est parfois pas suffisant pour replacer le patient en position de déglutition équilibrée, la position de fermeture obtenue étant souvent un peu postérieure à la position optimale, avec un léger glissement antérieur symétrique de la mandibule vers l’OIM sur les versants antirétrusion de certaines dents maxillaires, comme le versant externe (palatin) mésial de la cuspide palatine des premières prémolaires maxillaires. Dans ce contexte, ces versants de glissement antirecul ont parfois été confondus avec des interférences et supprimés (fig. 14). C’est pourquoi la forme du versant palatin de la butée a été progressivement modifié de façon à rendre plate, comme un cingulum naturel en plus accentué, la surface d’appui des incisives mandibulaires [15], évitant ainsi tout risque de rétropulsion mandibulaire (fig. 5 et 16).
Cependant, une autre donnée n’est pas prise en compte par le concept de butée proposé par J. Y. Le Guern : la position et les déplacements de la langue dans la cavité buccale qui sont également susceptibles de modifier la position de la mandibule, donc les rapports d’occlusion.
Dès le début de la phase buccale de la déglutition, le dôme lingual est en position haute, la pointe en appui contre les papilles palatines, derrière les incisives médianes maxillaires [27] (fig. 9). Cette position d’appui, immédiatement suivie des contacts interdentaires en OIM, permet à l’onde de contraction linguale (recrutant les 17 muscles intrinsèques de la langue et le mylo-hyoïdien) de déplacer le bol vers les piliers antérieurs du voile pour être dégluti [16]. À ce moment, la mandibule en occlusion sert de point d’appui aux muscles sus et sous-hyoïdiens qui peuvent alors déclencher le mouvement péristaltique de déglutition, par une remontée-abaissement de l’os hyoïde.
Pour bien comprendre l’incidence de la posture linguale sur la position de la mandibule, il est possible au lecteur d’effectuer les tests suivants (fig. 9, 10, 11 et 12) :
– premier test : si une déglutition est réalisée avec la pointe de la langue en appui contre la partie antérieure du palais, le chemin de fermeture conduit directement à l’OIM. Il s’agit d’une déglutition physiologique ou exacte. C’est pour cette raison que les contacts d’intercuspidie maximale peuvent être qualifiés de calage fonctionnel de déglutition ;
– second test : si la pointe de la langue est retournée et orientée vers l’arrière, vers le voile du palais, le test de déglutition devient difficile, car la mandibule recule, les premiers contacts sont postérieurs à la position d’occlusion maximale avec, pendant la déglutition, un glissement interdentaire postéro-antérieur vers l’OIM (fig. 13, 14 et 15) ;
– troisième test : si la langue est décalée à gauche ou à droite contre un secteur cuspidé, il y a un déport latéral de la mandibule du même côté. Lors d’un essai de déglutition, les premiers contacts sont latéraux suivis d’un glissement médial vers l’OIM ;
– quatrième test : si une dernière déglutition est réalisée avec la pointe de la langue contre la partie antérieure du palais, mais avec des contacts interdentaires en bout à bout incisif, la déglutition est possible, bien que moins facile et les dents restent stables. Ce dernier test semble montrer que, comparé à la position optimale de déglutittion, il est moins perturbant, pour la majorité des patients, d’avancer légèrement la mandibule que de trop la reculer.
Si dans un deuxième temps, la fermeture est effectuée avec la pointe de la langue centrée en position haute et antérieure, mais sans déglutition, la position d’occlusion obtenue est identique à celle du premier test. Il en est de même si la langue est déplacée latéralement à gauche, à droite, ou en arrière avant un essai de fermeture sans déglutition.
Les simples changements de position de la langue dans la cavité buccale sont donc directement responsables de déplacements de la mandibule et de changement des rapports d’occlusion, par une interaction complexe avec les muscles sus-hyoïdiens et les élévateurs. Bien qu’il ne soit pas possible d’établir une corrélation chiffrée entre l’importance du déplacement de la langue et celui de la mandibule, cette interdépendance témoigne cependant de la réalité du complexe mandibulo-lingual.
On peut en déduire que les enregistrements de la relation mandibulo-maxillaire réalisés avec une mauvaise posture linguale seront plus ou moins faussés, en fonction de l’éloignement de la langue de sa position optimale (fig. 13, 14 et 15).
B. Bonnet utilise le terme d’occlusion « linguo-centrée » pour caractériser la position mandibulaire, en phase postorthopédique d’adaptation temporo-mandibulaire et dento-dentaire simultanées, lorsque la mandibule est alors essentiellement guidée et positionnée par la posture linguale.
Le fait de placer la langue lors de la fermeture, en situation de déglutition physiologique conduit à l’OIM de déglutition sans qu’il y ait eu de déglutition. Le respect de cette position linguale apparaît donc essentiel à la recherche d’une OIM de déglutition équilibrée.
Or, les manipulations habituelles et même le port de la butée n’ont aucune incidence directe sur la posture de la langue dans la cavité buccale.
La technique de la butée, à condition de modifier sa forme, et un bon positionnement de la langue dans la cavité buccale apparaissent donc complémentaires lors de l’analyse, pour vérifier ou retrouver le chemin de fermeture conduisant aux contacts physiologiques de déglutition. L’association de ces deux approches nécessite une modification du protocole proposé par Le Guern en 1987 [13].
Ce nouveau protocole clinique, d’analyse du chemin de fermeture commence classiquement par le port de la butée. Mais il est associé, butée toujours en place, au positionnement haut et centré de la langue, avec la pointe en appui contre la partie antérieure du palais, suivi de tests de déglutition.
Ce double protocole (fig. 16, 17, 18 et19) permet aux muscles linguaux et oro-pharyngés de se placer en situation de déglutition tout en déprogrammant et décontractant les muscles masticateurs, avec des surfaces articulaires en relation fonctionnelle. Dans ces conditions autodéterminées, répétitives et sans aucune manipulation du patient, la concordance du calage occlusal en OIM avec une déglutition physiologique peut être vérifiée et rétablie si nécessaire.
L’occlusion d’intercuspidie maximale et la mastication sont étroitement imbriquées. L’apex de tous les cycles de mastication passe par l’OIM. Si l’OIM est déplacée, l’enveloppe de mastication organisée autour d’elle est également déplacée.
En conséquence, ce n’est que lorsque le rétablissement de l’OIM en équilibre fonctionnel est obtenu de façon stable et répétitive, que des exercices de simulation de la mastication réelle sont réalisés. Cette étape permet alors de tester les contacts et guidages dentaires d’entrée et de sortie de cycle et de déterminer le jeu fonctionnel interdentaire, nécessaire et suffisant à chaque patient pour décrire l’enveloppe limite de ses cycles de mastication de façon harmonieuse et efficace d’OIM. Ces données sont individuelles. L’excès ou l’insuffisance, même légère, des guidages qui sont propres à chaque patient (et qui ne peuvent donc pas être standardisés) sont tous deux susceptibles de perturber l’équilibre fonctionnel et de provoquer des dysfonctionnements dento-articulaires.
La mémoire du trajet de fermeture est liée à la proprioception parodontale. La fermeture se recale, s’entretient, se reprogramme lors des contacts dentaires de déglutition en occlusion d’intercuspidie maximale et lors de la mastication.
Lors de l’analyse occlusale au fauteuil, pour tester l’OIM, le patient doit être placé dans une posture compatible avec la déglutition d’aliments. Debout, assis, ou légèrement incliné en arrière, avec un port naturel de la tête, sans rotation latérale, en évitant une position allongée sur le dos (décubitus dorsal) où la déglutition est plus difficile (la déglutition nocturne de salive pratiquée dans cette position est souvent réalisée sans contacts dentaires). Néanmoins, si le patient est placé en position semi-allongée, il est impératif que la tête ne soit pas basculée en arrière, mais maintenue dans l’axe du corps, avec la langue en appui palatin antérieur.
Le port préalable, 1 à 5 minutes et sans pression interdentaire, d’une butée antérieure avec un seul contact antagoniste médian (fig. 20, 21, 22 et 23) permet la décontraction musculaire et la déprogrammation de la mémoire de fermeture précédente, en supprimant tous les autres contacts d’OIM (fig. 16 et 17). Pendant ce laps de temps, le positionnement de la pointe de la langue en appui ferme contre la région palatine rétro-incisive médiane (fig. 24 et 25), associé à quelques exercices de déglutition, permet de mettre la mandibule et les muscles de la langue et l’oropharynx, en situation de déglutition (fig. 18).
Lorsque la décontraction musculaire est obtenue, la pointe de la langue est maintenue en appui contre le palais antérieur et la butée est délicatement retirée, bouche entrouverte. Le patient doit alors élever doucement la mandibule, sans pression musculaire, jusqu’au premier contact et indiquer sa position à l’aide d’un doigt. L’opération renouvelée une seconde fois doit confirmer la première indication. L’éventuel « surcontact » peut alors être objectivé, par le même protocole, en interposant simultanément entre les deux secteurs latéraux des bandes de papier marqueur très fin (20 µm).
Si les contacts sont multiples, simultanés et harmonieux, la position de déglutition est en équilibre neuromusculaire et la réinitialisation de la mémoire de fermeture s’effectue dans cette position d’occlusion.
Si le contact est unique, c’est l’analyse occlusale des dents voisines qui déterminera s’il y a « surcontact » déflecteur ou sous-contact des dents voisines sur le chemin de fermeture. Après chaque test de fermeture, la butée doit être immédiatement remise en place en contact antagoniste mandibulaire, avec la langue au contact du palais, pour éviter au patient de reprogrammer sa mémoire de fermeture antérieure.
Lorsque la ou les corrections sont effectuées (soustraction ou/et addition), le chemin de fermeture de déglutition doit être associé à des contacts en OIM équilibrés (fig. 26, 27, 28, 29 et 30).
Si à ce stade, la pointe de la langue est retournée vers la partie postérieure du palais, la mandibule recule et, lors de la fermeture, il doit y avoir un glissement symétrique vers l’OIM. Il ne s’agit pas d’interférences, mais de versants antirecul qui délimitent l’enveloppe postérieure des cycles tout en protégeant des articulations. Si le glissement n’est pas symétrique, la correction ne doit pas être effectuée immédiatement, car ces versants de glissement sont la limite postérieure transversale des guidages d’entrée de cycle des dents postérieures. Ce n’est que lorsque ces entrées de cycle auront été vérifiées et réglées pendant la mastication qu’un nouveau test de rétrusion dans le plan sagittal évaluera si les entrées de mastication des deux côtés sont en équilibre symétrique et qu’une éventuelle correction d’un versant de glissement vers l’OIM pourra être effectuée.
Lorsque l’occlusion de déglutition est équilibrée, l’utilisation de la butée n’est plus nécessaire, mais le placement de la langue en position antérieure, haute et centrée reste la règle lors d’éventuels tests ultérieurs de fermeture.
L’effet de décontraction de la butée sur les muscles élévateurs diminue après environ 20 minutes. Ces deux protocoles complémentaires (butée + langue) contribuent à situer la mandibule sur le chemin de fermeture de déglutition et d’accéder à une occlusion linguo-centrée (fig. 19, 24 et 25). Dans ce contexte, le point d’appui des incisives centrales mandibulaires, sur le versant palatin de la butée, doit absolument s’effectuer sur une surface plane pour éviter toute rétropulsion mandibulaire sous la pression des forces de déglutition.
En présence de contractures musculaires importantes, si les enregistrements ne sont pas réitérables, il pourra être nécessaire de faire porter préalablement une orthèse de décontraction au patient.
Le diagnostic et le traitement d’un cas complexe peuvent nécessiter un montage et une analyse occlusale initiale sur articulateur. L’enregistrement de la relation intermaxillaire sera alors réalisé sur le chemin de fermeture de déglutition, butée en place et langue au palais, à l’aide d’une cire d’enregistrement (type Moyco®) bien ramollie, sans pression musculaire entre les dents postérieures. Cet enregistrement permettra une simulation préalable et un séquençage de l’équilibration occlusale, réalisée ensuite en clinique.
Lors de la réalisation d’une orthèse, l’enregistrement de la relation intermaxillaire est réalisé dans les mêmes conditions, mais à l’aide d’une butée réglée pour ménager la hauteur nécessaire à la réalisation directe de la plaque et sous pression musculaire entre les dents postérieures pour minorer les retouches sur ces dents lors de la pose.
Lors de la réalisation d’une restauration complète sur dents naturelles ou sur implants, un protocole adapté d’utilisation de la butée et de la langue est utilisé pour déterminer la dimension verticale d’occlusion et enregistrer la relation intermaxillaire sur le chemin de fermeture de déglutition [36]. Dans ce cas, la butée et l’enregistrement de l’occlusion sont réalisés d’abord sur les piliers implantaires ou dentaires, puis vérifiés et finalisés sur l’armature, lors de son essayage (fig. 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36 et 37).
Les données de physiologie et de cinématique de l’appareil manducateur montrent que l’occlusion d’intercuspidie maximale est rarement située dans une relation articulaire centrée, mais est toujours en accord avec les contacts fonctionnels de déglutition.
Ces mêmes données laissent penser que les contacts de déglutition en occlusion d’intercuspidie maximale et la relation fonctionnelle des condyles sont liés, interdépendants.
Un protocole particulier de port d’une butée antérieure, sans action rétropulsive, associé à une position centrée, haute et antérieure de la langue permettent :
– la réinitialisation du chemin de fermeture de déglutition et la détection d’éventuels « surcontacts », déflecteurs (contacts prématurés) ou non déflecteurs, sur le chemin de fermeture ;
– simultanément de définir la relation mandibulo-maxillaire fonctionnelle par la maîtrise du complexe mandibulo-lingual.
L’occlusion ainsi obtenue garantit une déglutition physiologique à condition que les guidages de mastication qui conduisent et repartent de l’OIM soient coordonnés et rendent cette position d’occlusion stable et répétitive par une information proprioceptive complète et harmonieuse du SNC.
En effet, la stabilité de la relation mandibulo-maxillaire dépend directement de la posture linguo-mandibulaire et de l’équilibre des calages et des guidages de déglutition et de mastication.
1. OIM en RMMOF : relation mandibulo-maxillaire d’ouverture fermeture.
– port 1 à 5 minutes ;
– un seul contact antagoniste, antérieur et médian ;
– port sans pression ;
– pointe de la langue en appui antérieur contre le palais ;
– quelques déglutitions ;
– la butée est ensuite retirée bouche entrouverte et le patient élève lentement la mandibule jusqu’au premier contact. Il en indique la position avec un doigt. La manœuvre répétée une seconde fois doit donner le même résultat. Le papier marqueur peut alors être utilisé pour marquer le premier contact.
Pour compléter votre lecture, nous vous invitons à visionner les vidéos se rapportant à cet article sur :
http://www.editionscdp.fr/video-cdp-150-1