Les cahiers de prothèse n° 150 du 01/06/2010

 

synthèses

Éric Robbiani  

Pourquoi ?

La perte des dents naturelles est associée à un grand nombre d’effets indésirables tels que résorption osseuse alvéolaire, diminution du bien-être psychosocial. La diminution de la fonction masticatoire induit aussi des modifications du comportement alimentaire (choix des aliments, préparation) et des effets nutritionnels comparés à des populations dentées du même âge (Feine, 2002). L’introduction de l’ostéointégration et des prothèses...


Pourquoi ?

La perte des dents naturelles est associée à un grand nombre d’effets indésirables tels que résorption osseuse alvéolaire, diminution du bien-être psychosocial. La diminution de la fonction masticatoire induit aussi des modifications du comportement alimentaire (choix des aliments, préparation) et des effets nutritionnels comparés à des populations dentées du même âge (Feine, 2002). L’introduction de l’ostéointégration et des prothèses implanto-portées (PIP) a modifié les habitudes de traitement des édentements complets, notamment à la mandibule. Plusieurs essais cliniques randomisés ont démontré l’augmentation de la satisfaction des patients et la réduction des effets négatifs sur leur qualité de vie lorsqu’ils sont traités par prothèse supra-implantaire (PSI) plutôt que par prothèse amovible complète traditionnelle. Un essai clinique randomisé indique une satisfaction des patients identique avec une PIP ou une PSI (Feine, 1994). Le traitement par PSI est ainsi considéré comme le traitement de choix du patient totalement édenté qui accepte le port d’une PAC à la mandibule. Les barres et les boules sont les types d’attachement les plus efficaces (Naert et al., 2004). Une revue de synthèse de Berglundh en 2002 indique un taux d’échecs plus élevé pour les implants supportant une PSI que pour les implants de prothèse partielle ou de PIP (5,9 % d’échecs tardifs contre 2,7 %). Il y a néanmoins de fortes variations entre les études et entre le maxillaire et la mandibule. Cette étude rétrospective sur 25 ans, incluant tous les patients traités à l’hôpital de l’université catholique de Leuven, par une PSI il y a plus de 5 ans a pour but de déterminer le taux de survie de ces implants. Les influences du tabac et de la longueur des implants ont été évaluées.

Comment ?

Les 495 patients qui répondaient aux critères d’inclusion décrits ont été inclus dans l’étude. Dans les 2 ans précédents, 248 patients avaient été revus en contrôle. Des informations sur la survie des implants ont été recueillies par téléphone pour 121 patients. Pour les autres patients (59 décès, 3 hospitalisés, 66 perdus de vue), les informations de leur dernier contrôle ont été utilisées.

Deux implants Brånemark ont été placés en région symphysaire et reliés le plus souvent par une barre de Dolder (86,3 %) ou 2 boules (11,7 %) ou des aimants (1,6 %).

Et alors ?

Les 495 patients ont reçu des implants pour stabiliser une PAC avant la fin 2003. Dans ce groupe, il y a 69,2 % de femmes. Pour 82,1 % des cas, l’arcade antagoniste a été restaurée avec une PAC. Le score moyen de qualité osseuse était de 2,1. Dans 95,5 % des cas, les implants étaient des implants usinés. En termes de longueur, 33,3 % des implants mesuraient 13 mm et 36, 5 % 15 mm ; 98,7 % présentaient un diamètre de 3,75 mm. Pour 95,2 % des patients, la technique en 2 temps a été utilisée. Sur les 1 051 implants posés, 41 ont été perdus, ce qui représente un taux de survie corrigé (Kaplan Meier) de 95,5 %. La qualité osseuse et la longueur des implants n’ont eu que peu d’influence sur le taux de survie. Le tabac et un protocole en un temps chirurgical sont deux facteurs qui diminuent de façon significative le taux de survie.

À RETENIR :

La prothèse supra-implantaire (PSI) stabilisée par 2 implants à la mandibule est la solution de choix pour le traitement des patients totalement édentés à la mandibule et qui ne se sentent pas confortables avec leur prothèse amovible complète (PAC) traditionnelle. Cette étude confirme sur une période de suivi de plus de 20 ans, et ceci malgré les limites des études rétrospectives, l’exceptionnelle pérennité de cette option de traitement. En effet, les auteurs notent un taux de succès cumulatif de 95 % après 23 ans pour un échantillon de 495 patients traités et 1 051 implants posés dans un centre universitaire réputé. Dans cette étude, les implants sont essentiellement des implants usinés (95,5 %), de 13 ou 15 mm de long (79,8 %), de 3,75 mm de diamètre (98,7 %), posés en 2 temps chirurgicaux (95,2 %) et reliés par une barre de Dolder (86,3 %). Le tabac est un facteur diminuant le taux de survie.

Un échantillon suffisamment large suivi sur une période exceptionnellement longue pour notre discipline confère à cette étude un intérêt particulier même si elle n’est que rétrospective.

L’influence négative de la technique en un temps chirurgical est peut-être à relier à l’utilisation d’implants usinés et au faible nombre de cas.