Les cahiers de prothèse n° 149 du 01/03/2010

 

Prothèse amovible partielle

Thierry Delcambre*   Bruno Picart**  


*MCU-PH
**MCU-PH
***Faculté de chirurgie dentaire
Place de Verdun
59000 Lille

Résumé

La visibilité des crochets sur les dents antérieures des prothèses amovibles partielles demeure pour nos patients un véritable problème esthétique. Dans les secteurs antérieurs, le remplacement des bras de rétention par des attachements boules sur mini-implants apporte une solution intéressante. L’esthétique et la rétention sont très nettement améliorées et la simplicité de mise en œuvre de ces mini-implants nous oblige maintenant à proposer cette solution alternative quand la prothèse fixée ne peut être envisagée.

Summary

Mini-implants : an alternative to clasps in partial removable denture

Clasps visibility of partial removable dentures on the teeth remains an important aesthetic problem for our patients. In anterior areas, the replacement of retentive arms by attachments bowls on mini-implants is a relevant solution. Aesthetics and retention are indeed distinctly improved. The simplicity of implementation of those mini-implants requires that we offer this alternative solution when fixed prosthesis is not indicated.

Key words

aesthetics, clasps, mini-implants, partial removable denture

L’avènement de l’implantologie n’a pas permis et ne permettra pas, dans un avenir proche, la disparition de la prothèse amovible. Contrairement à la prothèse fixée, la prothèse amovible partielle (PAP) n’a pas vu ses règles de conception [1-3] évoluer et celles établies en fonction de la triade de Housset [3] restent toujours d’actualité. La mise en place d’une PAP est bien souvent ressentie comme un pis-aller, le praticien devant redoubler d’arguments pour convaincre son patient du bien-fondé de sa stratégie prothétique amovible. De plus, la visibilité des crochets, indispensables à la stabilité et à la rétention de la PAP, trahit la présence d’un artifice prothétique. Le remplacement des crochets par la pose de mini-implants et de systèmes d’attachement spécifiques permet de faciliter l’intégration de ces PAP en augmentant de façon significative leur esthétique, mais aussi leur rétention.

L’efficacité des différents systèmes de crochets utilisés en prothèse amovible partielle n’est plus à démontrer, mais leur utilisation entraîne, dans la plupart des cas, un surcontour sur la face vestibulaire des dents supports, relativement inesthétique. Si ce problème reste acceptable au niveau des secteurs postérieurs, leur présence sur la face vestibulaire des dents antérieures devient de moins en moins acceptée par les patients soucieux de faire disparaître tout élément susceptible de trahir la présence d’une reconstitution prothétique amovible. Pour pallier l’aspect disgracieux des crochets métalliques, les laboratoires ont proposé des crochets en résine, mais présents sur la face vestibulaire des dents supports, ceux-ci entraînent toujours un surcontour plus ou moins encombrant, plus ou moins esthétique, mais surtout d’une efficacité et d’une pérennité discutables. Le système des mini-implants (diamètre inférieur à 3 mm) présente une alternative très intéressante puisque ces implants monoblocs, d’un coût modique et de mise en place très simple, permettent, grâce à un attachement à bouton-pression, de fixer la prothèse amovible en supprimant les portions inesthétiques vestibulaires des crochets conventionnels.

Autorisé par la Food and Drug Administration (FDA) depuis 1997 pour une « fixation intra-osseuse constante » [4], le système MDI (Mini Dental Implant), mis au point par Victor Sendax et distribué par la société Imtec, a su convaincre au fil du temps et s’imposer comme un moyen thérapeutique supplémentaire offert au chirurgien-dentiste soucieux d’améliorer le confort des prothèses amovibles [5]. Depuis, la commercialisation de systèmes analogues par plusieurs sociétés a montré la nécessité de proposer des implants de dimensions réduites pour pallier certaines contre-indications de mise en place d’implants cylindriques classiques (diamètre supérieur à 3 mm).

Utilisé à l’origine comme système provisoire de stabilisation immédiate des prothèses durant la phase de cicatrisation des implants définitifs, le système MDI, initialement de 1,8 mm de diamètre, s’est vu complété d’implants de 2,1 mm de diamètre (MDI Max), destinés à être utilisés au maxillaire ou dans un os de faible densité. Le design du filetage du système MDI Max diffère de celui du système MDI original et permet d’augmenter et d’optimiser la surface de contact os/implant ainsi que la stabilité primaire de cet implant.

Très proche du système MDI, le système MDL (Mini Drive Lock), distribué par la société Intralock, s’en différencie par le diamètre des implants : 2 mm et 2,5 mm (tabl. I) [6], mais surtout par une ergonomie plus développée du système et une mise en œuvre plus rigoureuse quant au risque de contamination de l’état de surface de l’implant. Leur mise en place sera développée ci-après.

L’ostéointégration de ces implants, conçus et traités avec la même rigueur et avec les mêmes traitements que les implants classiques, ne souffre d’aucune lacune et montre une pérennité digne de leurs homologues « plus larges » (fig. 1 et 2).

Mise en œuvre du système MDL

• L’analyse prothétique demeure l’examen de base avant toute décision. L’implant et son attachement, dans le cas de prothèse amovible partielle, ont pour fonction exclusive de se substituer au bras de rétention de crochet inesthétique. En aucun cas, ils ne devront participer à la sustentation de la PAP. La conception d’une PAP métallique reste de la compétence du chirurgien-dentiste et le tracé de la plaque métallique que le praticien proposera au prothésiste devra répondre aux règles de conception classiquement décrites et intégrer toutes les données cliniques, relevées lors de l’examen du patient [3]. L’intégration d’une PAP métallique passe également par une préparation étudiée et minutieuse des dents supports de l’armature métallique. L’analyse des axes de rotation autour des appuis dentaires engendrés par les forces occlusales, appliquées sur les selles de la PAP, permet soit de contrer, soit de libérer les mouvements de la PAP tout en évitant de solliciter de façon excessive les dents supports de crochet et, dans le cas présent, les implants supports d’élément de rétention.

• Si les contre-indications absolues à la pose des implants classiques s’appliquent également à la pose des mini-implants, la mise en place « non chirurgicale » voulue par V. Sendax (absence de lambeau, d’incision, de suture, d’ostéotomie) [5-8] permet d’étendre l’indication de la pose des mini-implants à des terrains fragilisés où la pose d’implants classiques entraînerait un traumatisme et un risque infectieux plus important [7].

• L’analyse radiologique préimplantaire est incontournable. L’étude scanographique de la région à implanter reste l’examen le plus sûr pour apprécier la forme, le volume, la densité osseuse, l’orientation de la crête osseuse et la présence d’éléments anatomiques à éviter (fig. 3).

Phase chirurgicale

La mise en place des mini-implants type MDL ne nécessite qu’un seul foret de 1,2 mm de diamètre (fig. 4). Celui-ci peut être utilisé par voie transmuqueuse sous irrigation externe, directement à travers la gencive attachée et sert à franchir la corticale osseuse (fig. 5). Le foret est orienté en fonction des repères réalisés lors de l’examen radiographique, mais aussi en fonction de l’orientation de la dent bordant l’édentement. Le foret pénètre l’os sur 1/3 de la longueur de l’implant choisi.

La capture de l’implant MDL se fait directement dans l’emballage stérile à l’aide d’une clé manuelle ou montée sur contre-angle (fig. 6). Cette préhension directe de l’implant permet son transfert sur le site opératoire sans risque de contamination. Le fabricant recommande l’utilisation d’un micromoteur avec limiteur de couple à 35 Ncm et une vitesse de 15 t/min. L’apex pointu de l’implant démarre l’action auto-forante, taraudant l’os tout en le condensant (fig. 7). La densité moins importante de l’os spongieux permet à l’implant de prendre le chemin le plus facile (non imposé par l’ostéotomie d’un forage traditionnel) et de glisser éventuellement le long de la paroi interne de la corticale, évitant ainsi sa perforation. Le serrage final se fait à la clé à cliquet par séquence d’un quart de tour séparée de pause de 5 secondes afin de ne pas chauffer l’os (fig. 8). L’implant est en place (fig. 9).

Phase prothétique

L’implant peut être alors mis en charge immédiatement [7] si toutefois la PAP a été réalisée préalablement (fig. 10) ou dans le cas d’une adjonction de rétention sur une PAP existante sous réserve que celle-ci respecte les principes de conception.

La conception de la plaque métallique reste très conventionnelle [8] et les préparations amélaires issues de l’étude préprothétique demeurent indispensables (fig. 11).

L’implant et son attachement sont des éléments participant à la rétention de la PAP, mais certainement pas à sa sustentation. Tout sera donc mis en œuvre pour éviter les contacts matrice-patrice durant la fonction. Dans le cas de classe 3 de Kennedy-Applegate (fig. 12, 13, 14, 15, 16 et 17), l’appui étant essentiellement dentaire, les contraintes sur l’implant sont facilement évitées par l’apposition de cales d’épaisseur lors du collage de la matrice au laboratoire. Une empreinte de positionnement de l’implant par le transfert dans l’empreinte de son analogue permet de localiser très précisément la patrice sur le modèle (fig. 12, 13 et 14).

Toutefois, pour les édentements distaux (classes 1 et 2 de Kennedy-Applegate) et les édentements de grande étendue, il est préférable, voire obligatoire d’assurer le collage de la matrice en bouche sous pression occlusale, après le port pendant quelques jours de la prothèse amovible afin que celle-ci stabilise son support ostéomuqueux (fig. 18 et 19).

La capture et la fixation de la position de la matrice en fonction par rapport à la patrice évitent une grande partie des contraintes et surcharges sur la tête de l’implant, sources de fractures multiples et variées.

S’il est difficile d’apprécier ici l’efficacité de la rétention du système à mini-implant, il est tout à fait possible d’apprécier non seulement l’amélioration de l’esthétique qu’apporte celui-ci par rapport au système à crochet (fig. 20 et 21), mais aussi les solutions supplémentaires de rétention qu’apporte le système à mini-implant quand le crochet est inexploitable en PAP (fig. 22).

Avantages et intérêts du système à mini-implant en prothèse amovible partielle

– technique de mise en œuvre simplifiée, très rapide, non invasive, sans lambeau (possible), sans ostéotomie, quasi sans suite opératoire ;

– implant de faible volume, monobloc, permettant une mise en charge immédiate ;

– attachement efficace, de faible volume, simple à fixer, simple à remplacer ;

– système utilisable quand le crochet ne l’est plus (sur le bloc incisif ou pour des raisons esthétiques) ;

– système globalement peu onéreux, relativement simple à déposer en cas d’échec ou de modification de plan de traitement prothétique.

Inconvénients du système à mini-implant en prothèse amovible partielle

– implants exclusivement réservés à la rétention de la PAP (pas d’évolution possible vers la prothèse fixée, mais dépose et remplacement possible par des implants classiques sur le site même du mini-implant en utilisant des trépans dont le diamètre externe est compatible avec celui des implants à poser ;

– implant monobloc qui ne permet ni la modification de l’axe de la patrice par rapport à celui de l’implant, ni le changement de la patrice.

Conclusion

Passée d’un mode relativement expérimental à une pratique habituelle, l’utilisation des mini-implants depuis une décennie a permis d’étendre les solutions dans la stabilisation des prothèses amovibles complètes quand les conditions ne permettent pas la mise en place d’implants de diamètre supérieur à 3 mm. Appliqué à la prothèse amovible partielle, ce système facile à mettre en œuvre, peu onéreux, très efficace, offrant une esthétique digne des prothèses fixées, beaucoup plus simple et économe en temps, en matériel et en coût que la prothèse composite conventionnelle doit être proposé d’emblée comme solution de rétention prothétique quand la prothèse sur implants n’est pas ou ne peut être envisagée.

bibliographie

  • 1 Delcambre T, Picart B, Dausque D. L’informatique : support pédagogique au service de l’apprentissage de la confection des plaques métalliques. Cah Prothèse 1999;107:63-70.
  • 2 Picart B, Delcambre T, Lefevre C, Bideaux H. Rationalisation dans la conception des tracés de prothèse métallique amovible. Stratégie Prothet 2002;2(1):29-38.
  • 3 Borel JC, Schittly J, Exbrayat J. Manuel de prothèse partielle amovible. 2e édition. Paris : Masson, 1994.
  • 4 Clinical Research Associates Newsletter. Mini-implants/implants de petits diamètres. CRA Édition française 2007;11(10).
  • 5 Sendax V. Mini implant offers multiple uses. Dent Today 1995;1:20-21.
  • 6 Bulard RA. Mini dental implants : enhancing patient satisfaction and practice income. Dent Today 2001;20(7):82-85.
  • 7 Kadouch GM. Le mini-implant. Implantol 2006;4(1):27-33.
  • 8 Kadouch GM. Le mini-implant, une solution complémentaire à nos panoplies en matière de prothèse totale ou partielle. Sud Médecine 2002;30:30.

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