Les cahiers de prothèse n° 129 du 01/03/2005

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Grégoire Mayer *   Thierry Delcambre **   Bruno Picart ***   MCU-PH ****   Pascal Béhin *****  


* AHU
** MCU-PH
*** MCU-PH
Sous-section de Prothèses (Dr B. Picart)
Faculté d'odontologie
1, place de Verdun
59000 Lille

Résumé

L'usage de la cire à modeler est inévitable en prothèse amovible totale lors de la séance d'essayage des maquettes. En effet, les bases prothétiques sont souvent, fabriquées intégralement en cire à modeler. Parfois, elles sont construites en résine polymérisée, mais, dans ce cas, les dents prothétiques restent inéluctablement montées sur cire. Pourtant, les cires à modeler n'ont été que très peu étudiées depuis leur apparition et restent méconnues par rapport aux autres matériaux utilisés couramment en odontologie. Des mesures de température de différentes maquettes en cire ont donc été réalisées dans la cavité buccale du sujet totalement édenté afin de tenter de mieux connaître leur comportement lors d'une séance d'essai fonctionnel en prothèse totale. Les résultats montrent que le réchauffement de la cire à modeler dans la cavité buccale est le même pour tout type de cire considéré, démontrant que l'éventuelle déformation subie par les cires est dépendante, outre du volume de la maquette, de la durée de séjour en bouche et des forces exercées sur le matériau, donc des caractéristiques de fluage de la cire. Un choix averti du type de cire est donc capital pour ce type d'exercice, même lorsqu'une base en résine est utilisée, ce qui permet de diminuer le volume de cire et, par conséquent, l'importance des déformations. Les résultats peuvent, de plus, être optimisés par la réalisation de courts moments d'essai des maquettes en bouche intercalés entre des périodes équivalentes de refroidissement de la cire dans de l'eau froide à proximité.

Summary

Rational use of modelling wax in removable complete denture

The use of modelling wax cannot be avoided in removable complete denture when testing models. Indeed the prosthetic bases are most often fully made of modelling wax. Sometimes they are made of polymerized resin but, in that case, the prosthetic teeth remain ineluctably set on wax. However modeling waxes have hardly been studied since they were first introduced and remain quite unknown compared the other materials which are commonly used in odontology. Temperature measures of different wax models have thus been realised in toothless patients' oral cavity in order to find out how they behave during the functional tests with the complete denture. The results show that the warming-up of the modelling wax in the oral cavity is the same for all types of considered wax. This demonstrates that the possible distortion undergone by the waxes is dependent - besides the model's volume - on the length of time it remains in the mouth and the forces applied on the material, and thus on the caracteristics of the creep of the wax. A well-informed choice of the type of wax is thus primary for this type of exercise, even when a resin basis is used, which enables to reduce the wax volume and, henceforth, the importance of the distortions. Moreover the results can be optimized by the realisation of short trial periods of the models in the mouth fitted into equivalent periods of cooling-down of the wax in nearby cold water.

Key words

clinical test, materials, modelling wax, removable complete denture

Les matériaux utilisés par le chirurgien-dentiste pour la confection des prothèses amovibles totales sont aussi nombreux que variés: matériaux à empreinte, plâtres pour les moulages, résines ou cires pour ne citer que les plus courants. Les premiers ont plus ou moins les faveurs de la communauté scientifique, et peu de polémiques émanent au sujet de leur utilisation. En revanche, les cires dentaires, bien qu'indispensables à la réalisation de prothèses amovibles, connaissent quelques difficultés à être reconnues comme des matériaux de précision. Il est d'ailleurs avéré que, de tous les matériaux utilisés en odontologie, les cires présentent le plus grand coefficient d'expansion thermique, ce qui peut être une raison majeure d'imprécision de la restauration finale lorsque celui-ci n'est pas contrôlé [1]. Cependant, la cire reste un matériau couramment employé en prothèse amovible, aussi bien au cabinet dentaire qu'au laboratoire, dans des domaines aussi différents que le montage des dents ou l'enregistrement des rapports occlusaux. Nous n'étudierons pas ce dernier domaine, car les publications existant sur le sujet sont suffisamment précises [2-5]. En revanche, il n'existe à notre connaissance aucune étude s'intéressant au comportement des cires à modeler en bouche lors d'une étape clinique d'essai fonctionnel. Cette insuffisance de connaissances débouche sur une hésitation à utiliser la cire à modeler comme unique support des dents prothétiques lors d'une séance d'essayage des maquettes en prothèse totale.

En effet, bien que ce matériau soit couramment utilisé pour la fabrication des maquettes pour des raisons de facilité d'emploi, certains auteurs déconseillent son usage en raison des risques de déformation. La controverse ne provient pas de la mise en bouche des maquettes, car, dans ce strict cadre d'utilisation, les cires ne sont pas sollicitées. Elle provient plutôt de l'incertitude quant à une déformation possible de la cire des maquettes, lorsque le praticien doit réaliser un nouvel enregistrement des rapports maxillo-mandibulaires (RMM) suite à un constat d'erreur. Ainsi, Mariani recommande de construire des bases en résine juste après les empreintes secondaires, qui serviront à réaliser à la fois les séances d'enregistrement des RMM, d'essayage et de livraison [6]. Rignon-Bret C et Rignon-Bret JM autorisent l'utilisation de la cire pour l'essai fonctionnel, mais préconisent le recours à des maquettes rigides ou la réutilisation des bases d'occlusion pour réaliser un enregistrement de type « articulé de Tench », pour éviter la déformation des bases sous l'effet de la chaleur buccale [7].

Cependant, il arrive régulièrement que la séance d'essai fonctionnel se réalise avec des maquettes en cire, comme peuvent le prouver de nombreuses citations dans des ouvrages de référence [8, 9]. Ainsi, en complète opposition avec la démarche des précédents auteurs, Pompignoli et al. demandent au patient de serrer les dents 2 minutes sur des rouleaux de coton, sur la maquette en cire, avant de commencer tout examen des relations occlusales [9]. Ils enregistrent alors un articulé de Tench en cas d'erreur de relation maxillo-mandibulaire. En outre, Le joyeux a lui aussi recours aux maquettes en cire pour l'essai fonctionnel et, lorsqu'il est confronté à une erreur de RMM, réchauffe directement la nouvelle cire d'enregistrement d'occlusion sur les maquettes avant de les confronter en bouche [8].

Cette différence de pratique face à une même situation clinique confirme le fait que la cire à modeler souffre d'une insuffisance d'études cliniques. Dans ces conditions, il est difficile de confirmer l'appréhension des uns ou les certitudes des autres. C'est pourquoi, devant cette réalité de terrain, il apparaît judicieux de rappeler les propriétés les plus importantes des cires à modeler. Ces données seront complétées par des mesures d'évolution de la température des maquettes lors d'une séance d'essai fonctionnel en bouche pour aider à mieux comprendre le comportement de la cire à modeler lors d'une utilisation clinique.

Propriétés des cires à modeler

Les propriétés des cires dentaires à modeler sont le plus souvent confondues avec l'étude plus générale des biomatériaux organo-minéraux, dont elles ne représentent qu'une subdivision [10-13]. Leur étude est donc toujours associée à celle plus générale des cires dentaires, c'est-à-dire associées aux cires collantes, aux cires de fonderie (principalement les cires à inlay) ou encore aux compositions thermo-plastiques. Seule la norme internationale ISO 12163 leur consacre une étude individuelle [14]. Les cires à modeler sont généralement composées d'un mélange de 4 types de cires (cire animale, végétale, minérale et synthétique), plus ou moins tenu secret selon les fabricants. Ces associations sont nécessaires pour développer les qualités les plus pertinentes en vue de l'utilisation escomptée. À titre d'exemple, leur composition se rapproche généralement de la formule suivante [10, 13] :

- cire minérale (cérésine ou paraffine) : 80 % ;

- cire animale (cire vierge) : 12 % ;

- cire végétale (cire de Carnauba) : 2,5 % ;

- cire synthétique (polyéthylène ou dérivés) : 2,5 % ;

- résine naturelle ou synthétique : 3 %.

Les cires à modeler sont généralement fournies sous forme de plaques minces, rectangulaires (15 × 7,5 × 0,15 cm environ) et de couleur rose pour s'approcher du résultat esthétique final. Leur principal intérêt est de permettre le montage des dents prothétiques en vue de l'essai fonctionnel. Elles facilitent également les éventuelles corrections de position si une erreur de montage est avérée. Enfin, elles reproduisent les contours désirés des surfaces polies stabilisatrices finales, le tout pour permettre la validation de l'essai fonctionnel.

Propriétés physiques

Parmi les différentes propriétés des cires (physiques, chimiques, biologiques…), les propriétés physiques sont les plus intéressantes à considérer. Contrairement aux cires de fonderie, les propriétés physiques des cires à modeler n'ont été que très peu étudiées [1]. Ces propriétés sont pourtant importantes à connaître, car en prothèse amovible complète, quel que soit le type de base utilisé, les dents restent inévitablement montées sur cire pour le stade de l'essayage des maquettes. Les propriétés physiques les plus intéressantes à considérer sont la dilatométrie thermique, les déformations et surtout le fluage.

Coefficient de dilatation thermique

Les cires dentaires présentent le coefficient de dilatation thermique le plus élevé de tous les matériaux utilisés en odontologie : 305·10-6 par °C [11]. Cette notion est importante à considérer en prothèse amovible totale dans la mesure où les cires servent d'une part à monter les dents en occlusion et d'autre part à réaliser les contours des maquettes. Ainsi, l'American Dental Association recommande une expansion linéaire thermique inférieure à 0,8 % concernant les cires à modeler pour une variation de température de 25 à 40 °C [10], sachant qu'une technologie inadaptée aurait pour effet pervers d'augmenter cette valeur [12].

Relaxation des contraintes

Des contraintes et des déformations sont générées par la conductivité thermique très basse des cires (0,04W/mK [12]). Cette caractéristique entraîne des difficultés à obtenir un ramollissement uniforme des différentes parties de l'échantillon dans des zones de température proches de la température de transition. Quelques précautions d'usage permettent de minimiser ces déformations: le réchauffement à une température plus élevée, au-dessus de la température de transition, permet un ramollissement uniforme de la cire. De même, la stabilité de cette dernière est augmentée par son homogénéité. Toutefois, le conseil le plus important est de ne jamais manipuler physiquement la cire en dessous de sa température de travail idéale : si une dent doit être déplacée sur la maquette, il convient de refondre la cire sous-jacente pour manipuler la cire à l'état liquide plutôt qu'à l'état plastique. Enfin, il faut savoir que l'apparition de ces contraintes est due à la fois aux facteurs temps et température. Ainsi, une fois les finitions effectuées au laboratoire de prothèse, il faut passer au plus vite à la mise en moufle des maquettes et à la polymérisation de la résine pour conserver la plus grande précision dans les rapports occlusaux.

Fluage

Les propriétés de fluage des cires sont certainement les plus importantes à considérer lorsque l'on se pose la question de la possibilité d'utiliser la cire à modeler en vue de l'essai fonctionnel des maquettes en bouche. En effet, le fluage se définit comme le degré de déformation plastique d'un matériau à une température donnée. Il dépend de la température de la cire, de la force appliquée sur l'échantillon et de la durée d'application de cette force. Cette définition correspond donc précisément aux contraintes subies par les maquettes lors de l'essai fonctionnel en bouche et de la vérification des rapports occlusaux concomitante.

Les mesures de fluage sont calculées sur des échantillons de cire standardisés après une charge en compression axiale de 19,6 ± 0,1 N (soit une masse de 2 000 ± 10 g) [14]. La durée d'application de la force est de 10 minutes pour chaque température étudiée, soit une durée très largement supérieure à celle préconisée pour un essai en bouche. À partir des résultats obtenus par ces mesures, la norme internationale ISO 12163 a déduit une classification permettant de distinguer trois grands types de cire à modeler [10, 14] :

- type 1 (molle) ;

- type 2 (dure, pour maquettes en bouche dans les pays à climat tempéré) ;

- type 3 (extradure, pour maquettes en bouche dans les pays à climat chaud).

Malheureusement, l'existence de cette norme n'est que très peu connue de la part des chirurgiens-dentistes, des prothésistes dentaires et même des fabricants de cire qui se réfèrent le plus souvent à une classification s'appuyant sur des différences de point de fusion ou sur des mesures de pénétration d'une aiguille dans la cire. Malheureusement, ces caractéristiques ne sont pas clairement indiquées sur les conditionnements ou notes techniques des cires commercialisées, ce qui complique le choix pour une indication donnée (fig. 1a et 1b).

Les caractéristiques de fluage des cires sont résumées dans le tableau I . Le taux de fluage maximal autorisé diminue fortement du type 1 au type 3, à tel point que pour ce dernier, il est semblable aux cires à inlay de type 1. Ainsi, pour une maquette en cire de type 2 de 3 mm d'épaisseur - présentant un fluage maximal de 10 % à 37 °C -, il résulterait une déformation maximale de 0,3 mm après 10 minutes d'application de la force ! A fortiori, il est donc inutile de faire cette même démonstration avec une cire de type 3 tant la modicité de l'erreur devient flagrante. En outre, les déformations subies par cette même cire sont d'autant moins importantes que la présence d'un renfort métallique ainsi que des dents préfigurant l'arcade permet d'augmenter la rigidité de l'ensemble.

Les mesures de fluage décrivent donc précisément les contraintes subies par les maquettes en cire lors d'une séance d'essai fonctionnel en bouche : elles permettent d'estimer la déformation subie par ces dernières quand elles sont soumises à l'action combinée d'une contrainte de force et de température. Néanmoins, ces mesures, utiles pour des expérimentations sur éprouvettes, restent théoriques et ne reflètent pas toujours la situation clinique ; le meilleur exemple est la durée d'application de la force : 10 minutes. C'est pourquoi il apparaît souhaitable de quantifier réellement les contraintes de force et de température auxquelles sont soumises les cires à modeler dans des conditions habituelles d'utilisation, c'est-à-dire lors d'une séance d'essai fonctionnel nécessitant l'enregistrement d'un articulé selon la méthode décrite par Tench et Campbell.

Évaluation de la force exercée lors de l'enregistrement d'un articulé de Tench

L'évaluation de la force exercée sur les maquettes lors de l'enregistrement de type « articulé de Tench » est une notion importante à considérer dans ce type d'étude, puisque la déformation des bases en cire dépend directement de l'intensité de la force exercée sur les maquettes. Malheureusement, il n'existe, à notre connaissance, aucune étude qui ne se soit intéressée à ce type de recherche. En revanche, plusieurs auteurs ont évalué les forces et pressions impliquées lors des différentes fonctions chez le sujet denté ou chez le patient totalement édenté appareillé [15]. Les différentes études sont assez unanimes pour montrer une diminution importante de la performance masticatoire du patient édenté appareillé par rapport au sujet denté, dans une proportion variant de 4 à 5 [16, 17]. Les résultats en prothèse amovible complète sont parfois difficiles à comparer selon que l'étude considère la force moyenne ou la force maximale, en mastication, en déglutition ou en occlusion d'intercuspidie maximale. Cependant, les avis semblent converger pour décrire une valeur maximale de force de morsure de l'ordre de 100 N (10,2 kg) [15], pour une valeur de force moyenne de 40 à 50 N (4 à 5 kg) [18, 19].

En l'absence d'études analysant les forces lors de l'enregistrement de type « articulé de Tench » en prothèse complète, nous sommes donc dans l'obligation d'extrapoler les résultats pour avoir une idée des forces engendrées au cours de ce type de manipulation. Évidemment, les résultats concernant les valeurs maximales des forces de morsure ne sont pas intéressants, car ils sont trop éloignés de ce type de situation clinique. En effet, le praticien guide délicatement la mandibule de façon à marquer les empreintes des pointes cuspidiennes des dents prothétiques dans la cire d'occlusion, sans toutefois perforer cette dernière. Les forces exercées sont donc minimales, inférieures aux valeurs moyennes des forces de morsure enregistrées dans les différentes études (40 à 50 N). C'est pourquoi la valeur de la force utilisée lors des essais de fluage (19,6N) pour l'élaboration de la norme internationale NF EN ISO 12163 apparaît adéquate pour analyser les résultats concernant l'éventuelle déformation des cires des maquettes lors d'un nouvel enregistrement.

Mesures de température des maquettes en cire lors d'un essai en bouche

Des mesures de température de différentes maquettes en cire ont été effectuées directement en bouche pour connaître la température exacte atteinte par chacune d'elles dans des conditions réelles d'utilisation:

- cire standard souple (Alia) ;

- cire extradure (Moyco X Hard®, Moyco) ;

- cire canicule (cire AJA®, Ets Jacques Vernet) ;

- cire canicule montée sur une base prépolymérisée en résine, la cire servant au montage des dents artificielles.

Pour effectuer ces mesures, des sondes thermiques de 0,1 °C de précision ont été noyées dans la masse de la cire, l'une en position antérieure (entre la canine et la première prémolaire), et l'autre en position postérieure (entre la première et la deuxième molaire) (fig. 2). Chaque sonde est enfoncée de 2 mm sous la surface de la cire. L'expérimentation porte sur différents patients totalement édentés dont la moyenne d'âge est de 60 ans, sans problème de santé apparent le jour de la consultation. Les relevés de température sont réalisés dans la cavité buccale du sujet en position assise, bouche fermée, au stade de l'essayage des maquettes (fig. 3). Nous obtenons donc, pour chaque patient et pour chaque test, des graphiques montrant les variations de température en fonction du temps. Les maquettes sont insérées en bouche 30 secondes après le début des mesures, temps nécessaire à la stabilisation des thermo-couples. Elles sont ensuite retirées après 15 minutes de séjour en bouche, puis immédiatement plongées dans un bol d'eau à température ambiante.

Les thermocouples sont reliés à un ordinateur portable équipé du logiciel Thermolink®, permettant l'enregistrement des valeurs de température par intervalles réguliers de 6 secondes. Les résultats des acquisitions sont tracés sur Excel 2000®. Ces tests réalisés in vivo s'intègrent donc dans les conditions d'une séance traditionnelle d'essai fonctionnel en bouche.

Résultats

Dans un premier temps, la température buccale du patient est enregistrée pour tester la sensibilité du thermomètre en plaçant la sonde thermique directement dans la bouche du patient. La température mesurée monte très vite pour se stabiliser à 36,1°C confirmant que la température buccale est légèrement inférieure à la température corporelle du patient.

La figure 4 montre les relevés de température en fonction de l'emplacement de la thermosonde : antérieure ou postérieure. Les courbes sont parfaitement superposables, démontrant ainsi une homogénéité de réchauffement de la cire dans la cavité buccale. L'analyse des tracés montre une montée en température assez rapide après la mise en bouche des maquettes, mais néanmoins plus lente que lorsque la sonde thermique est placée directement en bouche. Le fait de plonger les maquettes dans un bol d'eau permet de refroidir les cires assez rapidement, puisque celles-ci reviennent à température initiale en 2 à 3 minutes.

La figure 5 montre les résultats obtenus chez deux patients différents, tant au maxillaire qu'à la mandibule : ici encore, les courbes sont parfaitement superposables et démontrent la reproductibilité des mesures. Enfin, la figure 6 illustre l'importance de la température ambiante lors de l'essayage des maquettes. Les 2 courbes ont été relevées à 8 jours d'intervalle, chez le même patient, mais avec une différence de 2 degrés de la température de la pièce, donc également de la température initiale de la cire. L'écart entre les deux n'est pas rattrapé dans les premières minutes de l'expérience, démontrant l'intérêt de disposer d'un bol d'eau froide à proximité pour refroidir les maquettes et conserver ainsi des propriétés constantes des cires, quelle que soit la saison.

Enfin, la figure 7 regroupe les résultats relevés pour l'ensemble des cires étudiées : l'augmentation de température des différentes maquettes est identique quel que soit le type de cire considéré. La température des différentes cires est d'environ 32°C après 3 minutes de séjour en bouche, puis atteint un plateau à 35,5 °C au bout de 15 minutes.

Ces résultats permettent de chiffrer véritablement le réchauffement de la cire à modeler dans la cavité buccale. Celui-ci est le même pour tout type de cire considéré, démontrant donc que la déformation subie par les cires est dépendante :

- de la durée de séjour des maquettes en bouche, donc de la température des cires ;

- des forces exercées sur le matériau ;

- des caractéristiques de fluage, c'est-à-dire du type de cire utilisé.

En considérant que les deux premiers paramètres sont contrôlés par le praticien, le seul paramètre variable devient donc le type de cire considéré. Ainsi, une cire de type 3 se déforme moins qu'une cire de type 1 dans les mêmes conditions d'utilisation. C'est pourquoi le chirurgien-dentiste doit choisir attentivement le type de cire, et privilégier la réalisation de courts moments d'essai des maquettes en bouche (1 à 2 min), intercalés entre des périodes équivalentes de refroidissement de la cire dans un bol d'eau froide à proximité.

Mesures de température en cas de nouvel enregistrement des RMM

Lorsqu'une erreur est détectée au stade de l'essayage des maquettes, la solution consiste à remonter le moulage mandibulaire sur l'articulateur après un nouvel enregistrement de la relation maxillo-mandibulaire. Pour cela, deux grandes écoles s'affrontent sur la réalisation de cet enregistrement : soit une cire chargée de type Aluwax® (Aluwax Dental Products Co) est ajoutée sur les dents postérieures mandibulaires pour enregistrer la nouvelle position ; soit les dents postérieures mandibulaires sont démontées et remplacées par un bourrelet en cire pour éviter tout risque d'interférence.

1er alternative : cire Aluwax®

La figure 8 montre les variations de température se produisant lorsque la cire Aluwax® est ajoutée sur les dents postérieures mandibulaires, puis ramollie à l'aide d'un couteau à cire réchauffé. Pour cette séquence, les maquettes ne sont pas insérées en bouche : les relevés de température se font sur le plan de travail. La première sonde est introduite dans la cire Aluwax®, tandis que la seconde est noyée dans la plaque base en cire à modeler, sous les dents postérieures mandibulaires (fig. 9). Les résultats montrent clairement la montée en température de la cire Aluwax® qui atteint rapidement 45 °C, restant donc à une température inférieure à la température maximale recommandée par le fabricant (49°C). En revanche, la température de la base en cire ne varie pas durant les premières minutes de l'expérience, grâce à la conservation des dents postérieures mandibulaires qui isolent la cire à modeler et évitent ainsi tout ramollissement intempestif de celle-ci. Cette configuration permet donc d'insérer en bouche la base en cire sans réchauffement préalable de la maquette.

2e alternative : démontage des dents et réalisation d'un bourrelet en cire

Les maquettes ne sont pas insérées en bouche, mais restent sur le plan de travail. La première sonde est noyée dans la partie superficielle du bourrelet en cire ; la seconde est dans la base en cire, en dessous du bourrelet d'occlusion. La température du bourrelet en cire augmente très vite grâce à l'action du couteau réchauffé (fig. 10). En revanche, dans ces conditions, la température de la base en cire augmente également pendant les premières minutes de l'expérience, et oblige ainsi le praticien à insérer en bouche une maquette dont la température est déjà augmentée par l'action du couteau à cire réchauffé. C'est pourquoi de ce strict point de vue, la solution utilisant la cire Aluwax® sur les dents prothétiques semble plus appropriée que la solution du bourrelet en cire réchauffé.

Implications cliniques

Quelle que soit la technique utilisée pour la réalisation de la séance de l'essai fonctionnel (maquette en cire ou base prépolymérisée), le recours à l'utilisation de la cire à modeler est inévitable. À la lumière des résultats de cette étude, il apparaît particulièrement souhaitable de faire le point sur le choix du matériau des bases lors de l'essayage des maquettes.

Ainsi, l'utilisation de bases rigides en résine permet de s'affranchir de toute appréhension de déformation des maquettes : les résines chémopolymérisable, thermopolymérisable ou photopolymérisable montrent en effet une bonne stabilité dimensionnelle après 100 cycles d'insertion et de désinsertion in vitro [20]. Toutefois, cette technique présente un certain nombre d'inconvénients [21] : le premier est le risque d'endommager le maître-moulage issu de l'empreinte secondaire lors de la fabrication des bases et, surtout, lors de leur démoulage, particulièrement en cas de contre-dépouilles importantes. Il est donc généralement souhaitable de les construire sur répliques [6]. Il convient également d'éviter d'user intempestivement le plâtre des moulages lors des différents cycles d'insertion et de désinsertion des bases, et surtout, de ne pas laisser ces dernières à l'air libre trop longtemps avant les étapes de laboratoires subséquentes, pour éviter des distorsions. Leur coût de réalisation est également plus élevé comparativement à la réalisation des bases en cire. Enfin, il ne faut pas oublier que les dents prothétiques restent néanmoins montées sur cire. L'utilisation de bases en résine ne met donc pas le chirurgien-dentiste à l'abri d'une erreur provenant d'un éventuel déplacement des dents artificielles.

Les maquettes en cire nécessitent elles aussi des précautions d'usage: le praticien doit commencer par vérifier la qualité de la cire utilisée pour la construction des maquettes. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, la norme internationale NF EN ISO 12163 (1999) décrit 3 classes de cire dentaire à modeler selon leurs caractéristiques de fluage [10, 14]. En aucun cas, une cire de type 1 (type cire « école ») ne doit être utilisée pour un essayage en bouche. Il convient au contraire d'utiliser une cire de type 2 ou 3 en fonction de l'implantation géographique du cabinet dentaire [8], même si Ogolnik et al. préfèrent directement recommander l'utilisation d'une cire de type 3 [11]. Quelques recommandations d'usage permettent alors d'optimiser les résultats: l'apparition d'une teinte nacrée en surface des maquettes, témoin d'une surchauffe de la cire, marque la présence d'une erreur irréversible [13]. Enfin, comme le montrent les courbes de température obtenues (fig. 4, 5, 6 et 7), le chirurgien-dentiste doit privilégier la réalisation de courts moments d'essai des maquettes en bouche (1 à 2 min), intercalés entre des périodes équivalentes de refroidissement de la cire dans un bol d'eau froide à proximité [21]. Utilisée dans ces conditions lors de la séance de l'essai fonctionnel, la cire à modeler permet d'obtenir des résultats fiables et constants. Le praticien peut alors recourir avec fiabilité à l'enregistrement de type « articulé de Tench et Campbell » sur maquettes en cire sans avoir à craindre d'erreur dans le résultat final (fig. 11, 12a, 12b, 13a et 13b).

Conclusion

La cire à modeler fait partie des matériaux utilisés quotidiennement par les chirurgiens-dentistes, mais ses propriétés mécaniques, peu étudiées, n'ont jamais trouvé un large écho devant la profession. Il en résulte une méconnaissance de la classification des cires à modeler et, par conséquent, un choix pas toujours pertinent qui peut déboucher sur des erreurs sur le plan clinique. Pourtant, la simple connaissance de la norme internationale ISO 12163 et son utilisation par les fabricants permettraient de choisir le matériau de manière cohérente. Ce choix doit être associé à des précautions d'emploi privilégiant la réalisation de courts moments d'essai en bouche intercalés entre des phases équivalentes de refroidissement des maquettes dans un bol d'eau. Cette configuration optimale permet alors de réhabiliter la cire à modeler et d'autoriser son emploi lors d'une utilisation rationnelle en prothèse amovible complète de façon à pouvoir profiter pleinement des avantages qu'elle présente sans avoir à en supporter les inconvénients.

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