Les cahiers de prothèse n° 129 du 01/03/2005

 

Prothèse maxillo-faciale

Olivier Etienne *   Etienne Waltmann **   Corinne Taddéi ***  


* Ancien AHU -
Chargé d'enseignement

** MCU-PH
*** MCU-PH
Département de prothèses
Faculté de chirurgie dentaire
Université Louis Pasteur
4, rue Kirschleger
67000 Strasbourg

Résumé

La prothèse maxillo-faciale, tout comme la prothèse amovible, répond aux critères de la triade de Housset: sustentation, stabilisation et rétention. Lors de la réhabilitation d'une maxillectomie partielle, ces critères revêtent encore plus d'importance, car ils conditionnent le succès fonctionnel de l'obturateur et par là-même la qualité de la phonation et de la déglutition du patient. À chaque étape du plan de traitement, il est nécessaire de veiller au respect de ces critères. Lorsque le dernier temps prothétique est atteint, la réalisation d'une prothèse composite intégrant des attachements de précision permet d'améliorer très nettement la rétention et la stabilité de l'obturateur. Ces options prothétiques, réservées à des indications cliniques bien précises, sont à envisager et à discuter avant la chirurgie. Les éléments dentaires, l'extension de l'exérèse ainsi que l'aptitude du patient à manipuler ces systèmes sont autant de facteurs à prendre en compte dans le choix thérapeutique.

Summary

Obturators retention in dentate maxillectomy patient: precision attachments contribution

Maxillofacial prosthodontics, as well as removable prosthodontics, should respond to three criteria: sustentation, stability and retention. In patients with a maxillectomy, those have primary as they condition the functional success of the obturator, and henceforth the quality of the patient's phonation and swallowing. At every stage of the treatment, it should therefore be careful to respect these criteria. When the last prosthetic stage is reached, the construction of a combined prosthesis associating some precision attachments with a framework removable denture improves significantly the prosthetic retention and stability. These prosthetic options must be considered and discussed before the surgery. They must also be limited to very precise clinical indications. The dental rehabilitation, the extension of the surgery, as well as the patient's ability to manipulate these attachments have to be taken into account before any decision.

Key words

attachement, maxillo-facial prosthesis, obturator, retention

Le traitement prothétique des pertes de substances ostéo-muqueuses faisant suite à la chirurgie carcinologique constitue une voie alternative ou complémentaire à la chirurgie réparatrice. Dans une récente étude rétrospective comparant la satisfaction de patients réhabilités par prothèse ou par chirurgie plastique après maxillectomie, Rogers et al. [1] n'observent aucune différence significative entre les deux types de traitement. Par conséquent, le choix entre ces deux options thérapeutiques doit prendre en compte des critères locaux et régionaux tels que la localisation maxillaire ou mandibulaire, l'extension de la tumeur, son potentiel de récidive, mais aussi l'état général du patient et son degré d'adaptation.

Depuis le développement des greffes micro-anastomosées [2], les interventions mandibulaires sont de plus en plus souvent suivies d'une intervention de chirurgie reconstructrice ; les maxillectomies, toutefois, sont encore fréquemment appareillées à l'aide d'obturateurs amovibles. Ceux-ci peuvent être envisagés comme prothèses d'attente, avant une reconstruction chirurgicale, ou comme traitement à part entière.

Dans ce dernier cas, le succès prothétique réside principalement dans la rétention et la stabilisation de l'obturateur, qui assurent une bonne étanchéité aux flux liquidiens et une phonation sans rhinolalie. L'esthétique de la reconstruction prothétique contribue, en outre, à une meilleure intégration psychologique et facilite, de ce fait, la réinsertion sociale.

La rétention et la stabilisation prothétique peuvent être avantageusement assurées par des attachements de précision.

Nous préciserons tout d'abord le cadre général de leurs indications en prothèse partielle avant d'envisager leur usage dans le cadre spécifique de la prothèse maxillo-faciale. Chaque étape du plan de traitement sera discutée dans l'optique d'améliorer ces deux composantes mécaniques, et ce pour chacune des trois prothèses successives : la prothèse immédiate, la prothèse transitoire et la prothèse d'usage. L'apport des attachements de précision sera alors présenté et illustré autour de deux cas cliniques correspondant aux formes d'obturateur les plus fréquentes en prothèse maxillo-faciale chez le patient partiellement édenté.

Lorsque la situation clinique le permet, la réalisation d'une prothèse composite, dite « complexe » (associant une prothèse fixée à une prothèse amovible par le biais d'attachements de précision), apporte une réelle amélioration à la fois fonctionnelle et esthétique. Son élaboration doit faire l'objet d'une étude préliminaire rigoureuse. Elle répond aux exigences de la reconstruction du plan d'occlusion, des plans de glissements, et permet le montage prospectif de la prothèse amovible [3]. Cette étude préliminaire permet aussi l'évaluation des volumes prothétiques disponibles et, par conséquent, participe à la détermination du type d'attachement. Le plan de traitement qui en résulte respecte scrupuleusement une succession d'étapes cliniques et de laboratoire [4-7], justifiant le terme de « prothèse composite complexe ».

La pérennité de ce type de reconstruction dépend directement du diagnostic initialement posé et d'une indication stricte. Les dispositifs de rétention de précision ont l'inconvénient de fatiguer davantage les supports dentaires unitaires que ne le font les crochets coulés [8]. Par conséquent, l'utilisation de ces attachements de précision doit être réservée à des situations où la solidarisation plurale d'éléments fixés est envisagée. Celle-ci, de même que le concept de rétention choisi (rigide ou semi-rigide), sont parmi les critères de succès les plus influents [9-11]. Les résultats des études cliniques s'intéressant aux échecs de ce type de reconstructions varient sensiblement. Owall rapporte un taux de succès à 10 ans de l'ordre de 71 % [9] ; en revanche, à 8 ans, Studer et al. estiment à seulement 30,1 % le taux de constructions à liaisons rigides n'ayant présenté aucune complication [11]. Parmi les incidents décrits, la fracture radiculaire de la dent terminale de la prothèse fixée constitue la cause la plus fréquente d'échecs [9]. Cette grande variabilité des résultats reflète bien les difficultés rencontrées lors de ces études rétrospectives, notamment dans la prise en compte des critères initiaux d'indication. Elle doit inciter à une grande prudence et à une réflexion judicieuse avant l'abord des solutions thérapeutiques.

Le choix d'une liaison rigide requiert de bonnes conditions de sustentation prothétique au moment de sa réalisation, mais surtout une bonne maintenance de ces appuis dans le temps. Pour de nombreux auteurs, l'usage d'attachements rigides devrait être réservé à des situations où la sustentation est exclusivement dentaire, excluant par là-même les édentements terminaux [6, 12]. Dans ces derniers cas, lorsque le concept de liaison rigide est malgré tout souhaité, la prothèse étant « dento-ostéo-muco-portée », l'augmentation de la surface d'appui ostéo-muqueuse par une armature palatine large devient une nécessité [13]. De plus, un suivi régulier, assorti des ajustements nécessaires permettent de limiter les contraintes sur les attachements comme sur les piliers dentaires.

Le concept prothétique à liaison semi-rigide a été proposé dans l'espoir de mieux répondre à ces indications d'appuis mixtes, car il autorise une légère rotation autour de l'axe des attachements. Cependant, il présente l'inconvénient de solliciter davantage le support ostéo-muqueux et d'accélérer sa résorption [12].

Enfin, le choix final du type d'attachement doit respecter les principes de réciprocité, imposant une homogénéité des systèmes de rétention.

Ces considérations cliniques et mécaniques étant assimilées, le praticien doit être à même de poser l'indication d'une prothèse composite.

En prothèse maxillo-faciale, dans certaines indications cliniques spécifiques, l'utilisation des attachements de précision se justifie pleinement, car ce sont les seuls artifices de rétention capables d'assurer, et surtout de maintenir, un contact intime entre l'obturateur et la périphérie ostéo-muqueuse du site opéré au fil du temps.

Dans l'optique d'une telle réhabilitation prothétique, il convient d'intervenir très précocement, dès le bilan préopératoire, pour décider de la conservation ou non d'éventuels piliers prothétiques. L'attention est portée sur les valeurs intrinsèques et extrinsèques de chaque dent:

- son rapport couronne clinique/racine clinique ;

- le nombre, la forme de ses racines et l'état pulpaire ;

- la qualité de son parodonte ;

- sa situation sur l'arcade.

La possibilité de solidariser les éléments dentaires résiduels par une prothèse fixée plurale, ainsi que le nombre de dents piliers y participant, conditionnent l'option prothétique composite. Les rapports occlusaux et le type d'antagonisme (denté, fixé, ou amovible) sont aussi des éléments déterminants, car ils influencent la transmission ou l'amortissement des futures charges occlusales et les contraintes mécaniques qui en découlent.

Mais au-delà des critères généralement retenus en prothèse fixée, le contexte carcinologique et les traitements associés sont des spécificités à prendre en compte dans la décision finale [14]. L'association d'une radiothérapie en complément de l'acte chirurgical peut limiter la conservation d'éléments dentaires pourtant prothétiquement indispensables. La limitation de l'ouverture buccale qui accompagne une constriction permanente postradique peut aussi constituer une situation délicate en empêchant l'accès et la préparation des piliers postérieurs.

Si le risque d'ostéoradionécrose à la mandibule contraint parfois au sacrifice d'éléments dentaires, il reste malgré tout plus faible au maxillaire, mieux vascularisé et autorisant plus de traitements conservateurs [15]. Ainsi, en accord avec l'équipe chirurgicale et le radiothérapeute, et en adéquation avec la dose totale de rayons et son fractionnement, il est possible, au maxillaire, d'envisager des restaurations par prothèse composite. Lorsque la radiothérapie n'est pas prévue dans le traitement global, un effort de motivation du patient et une implication de toute l'équipe opératoire devraient permettre de s'engager vers ces solutions prothétiques.

Restauration prothétique après une maxillectomie

On distingue habituellement trois phases dans la restauration prothétique après une maxillectomie, correspondant à trois appareillages distincts : la plaque obturatrice immédiate ou légèrement différée, la prothèse temporaire et la prothèse d'usage [16]. À chacune de ces étapes cliniques, la stabilisation et la rétention de la prothèse doivent faire l'objet de toutes les attentions.

Plaque obturatrice immédiate

Le bilan prothétique préopératoire est suivi par la prise d'empreintes permettant la réalisation d'une plaque obturatrice immédiate. L'empreinte doit déborder largement les contours estimés de la résection chirurgicale pour assurer une bonne herméticité à l'obturateur. Après la coulée, le moulage de travail est conservé comme modèle de référence et la plaque obturatrice est réalisée sur une réplique corrigée (fig. 1).

Le plus grand soin est apporté à cette correction, à la fois dans l'élimination des dents compromises par l'exérèse tumorale, mais aussi dans l'élimination du volume tumoral lui-même. L'élaboration de cet obturateur immédiat reste sommaire. Il se limite le plus souvent à une simple plaque, sans éléments dentaires, pour ne pas créer de traumatismes occlusaux. Celle-ci est de préférence réalisée en résine chémopolymérisable, légère et translucide (fig. 2).

Sa rétention est assurée presque exclusivement par des crochets façonnés et par l'exploitation des contre-dépouilles créées par l'exérèse chirurgicale. La distribution et la forme des crochets sont optimisées après une étude au paralléliseur, en tenant compte des nécessités chirurgicales d'avulsion. Le nombre de crochets est volontairement augmenté, pour faire face à toute modification peropératoire, liée à une extension tumorale imprévue et détectée par les examens anatomo-pathologiques extemporanés. La stabilité prothétique peut être nettement améliorée par l'extension des limites de la plaque au-delà des sulcus et le recouvrement des faces palatines restantes sur toute leur hauteur (fig. 3).

La plaque, insérée en fin d'intervention, est ajustée si nécessaire sur place, au bloc opératoire (fig. 4a et 4b). Enfin, l'adjonction d'une résine à prise retardée (Fitt®, Kerr) en regard de la zone réséquée peut se faire dans le même temps opératoire (fig. 5a et 5b). Puis, tout excès de matériau est corrigé pour ne pas créer de traumatismes sur les berges opérées lors des phases d'insertion et de désinsertion.

La plaque obturatrice immédiate joue un rôle primordial puisqu'elle permet la restauration des fonctions phonatoire et de déglutition dans des délais très courts. Son indication devrait être systématiquement privilégiée par rapport à une plaque obturatrice légèrement différée, réalisée après le déméchage du tulle gras [17].

Durant cette première phase clinique, la rétention de l'obturateur est liée à la localisation et à la morphologie des dents restantes ainsi qu'aux contre-dépouilles naturelles exploitables.

Prothèse obturatrice temporaire

La prothèse temporaire peut être envisagée dès lors que les suites opératoires immédiates sont éloignées, soit le plus souvent après 2 à 3 semaines de cicatrisation. Les conditions locales étant meilleures (absence de sutures, de pansements, d'une sonde naso-gastrique), les étapes cliniques classiques de la réalisation d'une prothèse partielle amovible peuvent être engagées. Cette prothèse temporaire ajoute aux avantages fonctionnels de l'obturateur immédiat l'aspect esthétique grâce à la restauration des éléments dentaires manquants (fig. 6a, 6b et 6c). Elle est concomitante à l'amélioration de l'aspect des incisions cutanées lorsqu'un abord chirurgical externe a été nécessaire (fig. 7a et 7b). Ces éléments esthétiques, de même que la restauration des volumes manquants, constituent un poids non négligeable, qui nuit à la rétention générale de la prothèse obturatrice. Pour pallier ces inconvénients, la modification des formes dentaires, par coronoplasties ou par apports de matériaux composites, est un recours souvent nécessaire. De même, des crochets coulés, de type Ackers, Roach, ou Bon-will, remplacent les crochets façonnés de la plaque obturatrice immédiate (fig. 8). Ils permettent d'améliorer la rétention finale de la prothèse (fig. 9a et 9b). Enfin, le moulage de travail, issu à ce stade d'une empreinte secondaire, s'avère plus précis; l'ajustage parfait de la prothèse aux surfaces dentaires lui confère une meilleure stabilité.

Les capacités rétentrices de la prothèse obturatrice temporaire sont toutefois limitées par les propriétés mécaniques et le vieillissement de la résine acrylique ; son étanchéité s'avère parfois décevante. Aussi, cette période de temporisation fait toujours l'objet de corrections et de rebasages réguliers de l'obturateur pour l'adapter à la sclérose cicatricielle et combler les fuites aériennes et liquidiennes.

Prothèse obturatrice d'usage

Lorsque la cicatrisation est jugée complète, stabilisée, sans récidive apparente, la prothèse d'usage est envisagée.

Le plan de traitement prothétique suit au plus près celui élaboré avant l'intervention chirurgicale, en tenant compte toutefois des modifications opératoires éventuelles (avulsions supplémentaires durant l'intervention, soutien parodontal insuffisant de la dent bordant la maxillectomie). L'élaboration de la prothèse obturatrice d'usage répond aux mêmes règles et à la même rigueur que celles de la prothèse amovible. Toutefois, des modifications spécifiques s'y ajoutent [14, 18-20] :

- le recours quasi systématique à une armature métallique, plus rigide, pouvant limiter l'effet cantilever de l'obturateur ;

- l'augmentation du nombre de crochets, de bras de calage et de taquets occlusaux ;

- le choix des formes de crochet les plus rétentrices possibles [21] ;

- l'évidement de l'obturateur, par le gain de poids qu'il procure, semble aussi favoriser la rétention [22].

À ces considérations concernant la prothèse amovible doivent aussi s'ajouter des principes propres aux préparations dentaires :

- l'augmentation des bombés vestibulaires par apport de matériaux composites ou la création de zones rétentrices par coronoplasties vestibulaires qui améliorent le pouvoir rétenteur des crochets [23, 24] ;

- les coronoplasties occlusales et palatines qui permettent de loger les taquets et les bras de calage [25].

Les faces palatines peuvent, elles aussi, faire l'objet d'adjonction de matériaux, foulés ou coulés, pour augmenter la surface de portance des bras de calage palatin [26]. L'application de ces principes cliniques peut suffire à assurer une rétention satisfaisante, particulièrement lorsque la chirurgie d'exérèse a été limitée à de faibles volumes.

Attachements de précision: intérêt et indications

Cependant, les insertions et désinsertions répétées pour l'entretien de la prothèse aboutissent assez rapidement à une diminution de la rétention. En effet, la situation asymétrique de la résection renforce l'effet cantilever postérieur et la difficulté de stabilisation dynamique de l'obturateur [27-29]. Cette perte progressive de la rétention de l'obturateur se traduit par des doléances répétées qui n'ont pour solutions qu'une équilibration occlusale et l'activation régulière des crochets. Ces contraintes mécaniques régulières aboutissent alors irrémédiablement à des fractures de fatigue.

L'utilisation d'attachements de précision comme éléments de rétention permet de relier la prothèse obturatrice aux dents restantes et de limiter davantage, voire de supprimer totalement, les micromouvements à l'origine de fuites liquidiennes et aériennes observées avec les crochets [30]. De plus, la rétention de ces attachements s'avère bien plus durable dans le temps et leur activation peut se faire par le changement intégral de la pièce femelle, restituant ainsi le confort initial. Du côté opposé à la maxillectomie, les barres à cavaliers constituent des connexions rigides et peuvent trouver une intégration judicieuse en remplacement d'un intermédiaire de bridge. En revanche, du côté de la maxillectomie, la connexion de la partie obturatrice amovible se fait par le biais d'attachements intra-ou extracoronaires. Les systèmes extra-coronaires paraissent plus attractifs, car leur maintenance semble plus aisée et leur volume ne constitue pas un facteur limitant par rapport aux systèmes intra-coronaires. Le choix de l'élément de rétention se fait en fonction de la dent bordant la maxillectomie, de son volume et de la hauteur prothétique disponible [31]. Le développement de systèmes d'attachements extracoronaires présentant des possibilités de combinaisons variées à partir d'un même élément mâle (Mini-SG®, Cendres et Métaux) relance l'intérêt pour ce type de solutions prothétiques en prothèse maxillo-faciale. En effet, la conception des parties femelles dans ce système laisse au praticien le choix du mode de rétention: rigide par friction ou par emboîtement, semi-rigide par le biais d'une articulation interne. Il devient ainsi possible de s'adapter aux différentes situations cliniques rencontrées, à partir d'un même et unique système.

Les contraintes supportées par la prothèse fixée, décrites en prothèse amovible partielle dans les édentements terminaux [8, 32-34], sont plus importantes encore dans le cas des prothèses obturatrices. En effet, selon les structures sus-jacentes, l'appui de l'obturateur peut se faire directement (rebord malaire), mais, le plus souvent, doit se faire avec précaution, par le biais d'une résine molle (cornets, plancher orbitaire). Ces dernières situations cliniques sont les plus instables et les plus susceptibles de fatiguer la prothèse fixée supportant l'artifice de rétention extracoronaire. Elles font l'objet de contrôles très fréquents associés à des rebasages partiels réguliers.

La classification des pertes de substances maxillaires proposée par Aramany [35] (tabl. I) est parfaitement adaptée à l'indication prothétique. La réalisation d'une prothèse combinée à attachements de précision devrait être limitée aux seules classes II et III d'Aramany, dont le volume est compatible avec les contraintes mécaniques supportables, associées à une réhabilitation fixée de grande étendue. Deux cas cliniques, illustrant chacun l'une de ces situations, sont décrits ci-après.

Cas clinique n° 1 (fig. 10, 11a, 11b, 12a, 12b, 13, 14 et 15)

Mme S., âgée de 65 ans, présente une situation de classe II d'Aramany (fig. 10), secondaire à l'exérèse d'une tumeur de type carcinome verruqueux, centrée sur la deuxième molaire supérieure gauche. Ces classes II d'Aramany sont constituées par des maxillectomies de petite taille, préservant généralement le prémaxillaire homolatéral. Les examens cliniques et radiologiques confirment la possibilité de réaliser un pont de grande étendue, d'autant plus qu'aucune radiothérapie n'est prévue en complément de la chirurgie. L'absence des prémolaires supérieures droites est exploitée à des fins rétentrices plutôt que d'être restaurée par un élément intermédiaire de pont. La réalisation d'une barre à cavaliers de Dolder doit permettre de compenser la rotation latérale de l'obturateur. Dès lors, afin de satisfaire la règle de réciprocité, une glissière extracoronaire rigide (Mini-SG®) est envisagée du côté opéré.

Cas clinique n° 2 (fig. 16, 17, 18, 19a, 19b, 20, 21a, 21b, 22, 23, 24a, 24b et 25)

Chez Mme G., âgée de 67 ans, atteinte d'une volumineuse tumeur myo-épithéliale centro-palatine (fig. 16), la chirurgie carcinologique conduite en accord avec les objectifs prothétiques a permis de préserver l'intégrité de l'arcade alvéolaire, aboutissant ainsi à une situation de classe III d'Aramany (fig. 17). L'exploitation de l'édentement encastré bilatéral par des attachements rigides, de type barres à cavaliers, associés à une réhabilitation prothétique fixée globale, permet d'envisager une rétention et une équilibration optimales.

Séquences communes

Dans ces deux cas cliniques, la réalisation de la prothèse fixée relève des étapes cliniques habituelles, la conception du bridge devant favoriser les mesures d'hygiène (embrasures larges, espacement suffisant entre la muqueuse et les attachements).

La gestion des prothèses provisoires ne se conçoit qu'avec des techniques de préempreintes, à l'aide de gouttières thermoformées ou par simple isomoulage, qui seules garantissent le bon repositionnement de la prothèse obturatrice temporaire (fig. 18). Les éléments provisoires permettent de se consacrer aux préparations endodontiques et parodontales.

Après la réalisation des reconstitutions corono-radiculaires (fig. 19a et 19b), les préparations sont enregistrées au moyen des techniques conventionnelles par double mélange (fig. 20). Afin de se préserver de tout risque de rétention du matériau d'empreinte dans la zone réséquée, l'usage d'un porte-empreinte individuel est préférable. Un porte-empreinte du commerce, mais de type mandibulaire peut aussi convenir dans ce cas puisqu'il limite l'apport de matériau à la zone alvéolaire.

Enfin, l'essayage de l'armature ainsi que son repositionnement sur un articulateur à l'aide d'une clé en résine (fig. 11a, 11b) permettent la finition de la céramique et une bonne intégration esthétique (fig. 12a, 12b , 21a et 21b).

Les empreintes primaires, puis secondaires, destinées à la fabrication de la prothèse amovible obturatrice intègrent les éléments fixés (fig. 13 et 22), afin d'optimiser la réalisation de l'armature du châssis métallique au laboratoire, mais aussi de préserver l'usage de l'obturateur temporaire jusqu'à la fin du traitement.

Dans certains cas, l'adjonction de crochets postérieurs, qui agissent davantage comme guides d'insertion que comme éléments de rétention (fig. 23), peut être demandée au laboratoire. Dans le cas d'un édentement terminal (cas clinique n° 1), la conception du châssis métallique est guidée par la recherche d'une sustentation maximale, imposant le recouvrement le plus complet possible de la surface palatine résiduelle. De plus, dans ce cas, l'extension distale de la pelote obturatrice permet de lutter efficacement contre l'effet cantilever dû au poids de l'obturateur (fig. 14).

Le volume dévolu aux parties femelles des attachements est simulé sur le moulage de travail par des répliques, et largement évidé dans la prothèse (fig. 24a, 24b). La connexion des éléments femelles à la prothèse amovible est de préférence assurée par le praticien après scellement de la partie fixée, et après un port prothétique de plusieurs jours. En effet, ce délai permet à la prothèse et à l'obturateur de se placer et d'occuper pleinement le « lit prothétique », assurant ainsi un positionnement adéquat des attachements et une étanchéité maximale (fig. 15 et 25).

Lors de cette séance, les contrôles habituels d'étanchéité étant effectués, les conseils d'entretien et de maniement de la prothèse obturatrice sont réitérés au patient. Un contrôle régulier est dès lors instauré avec le patient, permettant la vérification des appuis ostéo-muqueux et le rebasage de l'obturateur, si nécessaire.

Conclusion

L'augmentation régulière des cancers des voies aéro-digestives supérieures, de même que le rajeunissement de l'âge moyen des patients atteints, nous confrontent de plus en plus souvent à des demandes esthétiques et fonctionnelles accrues lors des réhabilitations de maxillectomies. Afin de répondre à ces attentes, l'emploi de toutes les solutions prothétiques doit être envisagé. La réhabilitation par une prothèse combinée avec attachements de précision répond au double impératif fonctionnel et esthétique. Toutefois, son indication ne doit être posée que dans certaines situations cliniques particulièrement favorables et ne saurait constituer une solution universelle. La nature de la tumeur et la nécessité d'un traitement par radiothérapie peuvent être des contre-indications formelles : soit par la probabilité de récidive cancéreuse, impliquant alors une ré-intervention chirurgicale, soit par les séquelles postradiques (risque d'ostéoradionécrose important, limitation d'ouverture buccale, hyposialie ou asialie). L'extension de l'exérèse chirurgicale, la quantité et la qualité des piliers dentaires résiduels doivent aussi être en adéquation avec le projet prothétique. Enfin, compte tenu de l'entretien et de la manipulation délicate que demande ce type d'attachements, il convient de s'assurer d'une bonne coopération et d'une bonne dextérité manuelle du patient dès l'élaboration du plan de traitement.

Lorsque ces critères de décision ont été judicieusement évalués, l'apport des attachements de précision à la rétention, à la stabilité et à l'esthétique de la réhabilitation prothétique est indéniable. Il constitue un atout supplémentaire à la prothèse maxillo-faciale.

Remerciements au laboratoire de la Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg ainsi qu'aux laboratoires de prothèse D.Watzki et Flecher (Strasbourg)

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