Les cahiers de prothèse n° 110 du 01/06/2000

 

Implantologie

Marcel G. Le Gall *   Jean-François Lauret **   André P. Saadoun ***  


* DCD
42, rue de la Belle Fontaine
56100 Lorient
** DCD, DU
19, rue François-Guivarch
29470 Plougastel-Daoulas
*** DDS, MS
12, avenue Paul-Doumer
75116 Paris

Résumé

La prise en compte des fonctions de déglutition et de mastication suggère une approche plus fonctionnelle en implantologie. En tenant compte du positionnement, de l'orientation et de la surface portante des implants, cette conception doit permettre l'établissement d'une occlusion vraiment fonctionnelle sans risque pour les implants et la prothèse qu'ils supportent, par une maîtrise des tensions mécaniques transmises à l'os péri-implantaire.

Summary

What occlusion in prosthesis on implants ? Part 2 : necessity of a functional approach in implantology

The taking into account of the functions of deglutition and mastication suggests a more functional approach in implantology. In taking into account the positioning, the orientation and the surface of support of the implants, that conception must allow the setting-up of an occlusion which would really be functional without showing any risk for the implants or the prosthesis they support, thanks to a control of the mechanical tensions transmitted to the peri-implant bone.

Key words

deglutition, implants, mastication, occlusion, position, supporting surface

L'acte implantaire qui ne visait initialement qu'à obtenir l'ostéointégration de l'implant a évolué progressivement vers une prise en compte de la finalité prothétique comme critère déterminant de sa réussite [1, 2]. À quoi sert en effet un implant ostéointégré dans une position inadéquate ou de trop petite dimension sur lequel on ne peut construire une prothèse ou qui ne pourra pas supporter les forces occlusales ? Par ailleurs, il est désormais admis que l'ensemble prothèse-implant ne se limite pas à un simple remplacement, mais doit être idéalement une réplique de la dent manquante [3], répondant ainsi aux critères esthétiques, fonctionnels et parodontaux des dents naturelles [4]. Indépendamment des aspects parodontaux et esthétiques, obtenir une réplique de la dent absente suppose une réalisation prothétique, réellement fonctionnelle [5-8]. Dans un premier article, l'application des concepts traditionnels de l'occlusion à l'implantologie a été discutée et certaines lacunes mises en évidences (cf. Cahiers de prothèse n° 109, p. 25-34). Une conception implantaire plus proche de la réalité du fonctionnement de l'appareil manducateur est présentée dans cette deuxième partie. Son objectif est de permettre une fonction optimale, tout en contrôlant et limitant les tensions mécaniques transmises à l'implant et l'os environnant.

L'observation des dents naturelles et plus particulièrement de la disposition de leurs racines montre qu'il existe toujours une corrélation entre les forces appliquées sur les surfaces occlusales et l'architecture radiculaire sous-jacente. Ces dents naturelles résistant de façon optimale aux forces fonctionnelles de déglutition et de mastication, on peut admettre que ce rapport équilibré entre la surface occlusale (étendue, anatomie, rapports d'occlusion) et la surface portante osseuse (étendue, topographie) puisse servir de modèle biomécanique en implantologie [9]. Ceci suppose la mise en place d'implants présentant une surface portante, en contact osseux, suffisante en étendue, position et orientation. Ce préalable est nécessaire à la réalisation ultérieure de surfaces occlusales aptes à assurer les fonctions de déglutition et de mastication, sans mettre en danger l'ostéointégration et les composants implantaires. La façon dont les tensions mécaniques sont transmises à l'os environnant est en effet un paramètre important de la réussite ou de l'échec d'un implant [10].

Surface portante implantaire [9-11]

Chaque dent présente une surface radiculaire développée en contact avec l'os et satisfaisante d'un point de vue biomécanique. Les mesures moyennes de surfaces radiculaires développées des différentes dents (fig. 1) sont connues [9, 12].

L'importance de cette surface portante est fonction de :

- la situation de la dent sur l'arcade et de son rôle dans la fonction de nutrition : incision au niveau antérieur, mastication et calage de la déglutition au niveau postérieur ;

- sa position antéro-postérieure en relation avec la force développée par les muscles masticateurs. Par effet de levier, les forces développées au niveau des incisives sont moins fortes que celles appliquées sur les molaires. Toutes les dents naturelles bénéficient en plus de la présence d'un ligament et de son rôle amortisseur de tensions ;

- la qualité de l'os qui la supporte : dans un os de qualité médiocre au maxillaire, la première molaire comporte trois racines en trépied de grande surface portante (S = 480 mm2), alors qu'à la mandibule, dans un os de meilleure qualité mécanique, la première molaire ne comporte que deux racines parallèles de surface développée moindre (S = 380 mm2).

Lors du remplacement d'une dent par un implant, il paraît logique de chercher à obtenir la même surface développée que la ou les racines de la dent à remplacer.

Lors d'une reconstruction prothétique sur dents naturelles, des forces fonctionnelles multipliées par 2,3 ou plus peuvent être appliquées sans dommages à certains piliers de bridge. En parodontologie, des dents ayant perdu la majeure partie de leur support osseux résistent convenablement pourvu que l'on maîtrise de façon satisfaisante les forces fonctionnelles axiales et transversales qui leur sont appliquées et que la santé parodontale soit maintenue. La capacité de résistance d'un implant posé dans un os spongieux de qualité médiocre ou nouvellement régénéré ou greffé est beaucoup plus faible que celle offerte par un implant bénéficiant d'appuis bicorticaux ou posé dans un os très dur de type I [13].

En associant les informations concernant la surface radiculaire de la dent à remplacer à la qualité de l'os du site à implanter et à la surface occlusale prothétique, il est possible de déterminer la surface portante implantaire nécessaire à la réalisation prothétique envisagée.

Cette surface connue permettra d'ajuster le nombre d'implants en fonction de leur diamètre, de leur longueur et de leur situation sous la surface occlusale prothétique.

La surface développée par les implants standards de différentes longueurs est connue (tabl. I, II, III et IV). L'utilisation d'implants de diamètre plus important permet d'augmenter la surface de contact avec l'os (8, 35 et 60 % de plus pour un implant de 4, 5 et 6 mm de diamètre par rapport à un implant de 3,75 mm de diamètre [14]. La connaissance de cette surface développée implantaire permet d'établir une comparaison directe avec celle des racines dentaires. Cependant, les obstacles anatomiques rencontrés, surtout dans les secteurs postérieurs (sinus, canal mandibulaire…), ne permettent pas toujours d'atteindre la surface développée des racines de dents naturelles, même en posant deux implants par molaire remplacée.

La résistance de l'interface osseuse de l'implant est largement dépendante de l'état de surface implantaire, du temps, de la qualité de l'ostéointégration et du type osseux. L'intensité des contraintes mécaniques que l'interface implantaire peut supporter sans risque et que peut dissiper l'os de soutien périphérique est très différente selon que l'implant est inséré dans un os dur de type I, bénéficiant d'appuis bicorticaux ou qu'il est placé dans un os spongieux de type IV sans appuis corticaux. Or, la surface portante implantaire nécessaire en dépend directement. Le projet implantaire doit donc s'appuyer sur une évaluation aussi précise que possible de la qualité de la trame osseuse de la zone à implanter et du type d'os réellement rencontré lors de la chirurgie. Les appuis corticaux, les greffes osseuses combinées ou non à la régénération tissulaire guidée de chaque site implanté sont relevés avec soin et doivent être communiqués au praticien responsable de la réalisation prothétique.

D'une façon générale :

- plus l'os se rapproche du type I (secteur mandibulaire antérieur...) et dans la mesure où l'implant bénéficie d'appuis corticaux, plus la surface portante peut être diminuée sans risque ;

- plus l'os se rapproche du type IV (secteur maxillaire postérieur...) sans appuis corticaux, plus la surface portante implantaire doit être augmentée pour être proche ou dépasser la valeur physiologique de la dent remplacée ;

- au niveau incisivo-canin et prémolaires, on peut, selon le cas, soit augmenter la longueur ou le diamètre de l'implant, placé dans la position et l'orientation de la racine remplacée soit augmenter le nombre d'implants si plusieurs dents sont à remplacer ;

- dans les secteurs postérieurs, la surface portante des molaires peut difficilement être atteinte sans mettre en place un implant de très gros diamètre ou deux implants par dent remplacée ;

- cependant, si la surface portante nécessaire est difficile à obtenir, on peut envisager d'utiliser des implants à surface microtexturée (hydroxyapatite, plasma de titane, chimique...) qui permettent une augmentation importante de l'interface osseuse et sont moins sensibles aux risques d'échec d'origine traumatique que les implants habituels de titane usiné. Des formes cylindriques ou coniques sont préférentiellement utilisés lorsque l'os est de type III ou IV [15, 16].

Positionnement et orientation des implants

Les forces développées pendant la mastication [5, 6, 8] au niveau postérieur sont axiales et transversales (orientation frontale de l'entrée et de la sortie dentaire de cycle). Or, les systèmes implantaires sont conçus pour supporter des forces axiales et les contraintes transversales, non amorties par la présence d'un ligament, se dissipent de façon plus traumatique dans l'os péri-implantaire qu'autour d'une racine naturelle. Pendant la mastication, ces forces transversales donnent des moments de flexion importants, de l'ordre de 170 Nmm avec une tension très élevée au niveau de l'os crestal (6,2 MPa). Ceux-ci sont moins importants (140 Nmm) lors de la fermeture en occlusion maximale [17]. Si les contraintes latérales sont excessives elles peuvent provoquer plus rapidement une perte osseuse et/ou la fracture de l'implant.

Deux conditions doivent être remplies pour que les implants soient situés dans une position prothétique optimale :

- les forces occlusales de déglutition et résultante des forces de mastication orientées selon le grand axe des implants ;

- les bras de leviers horizontaux (largeur de table occlusale) et verticaux (ratio couronne/implant) limités [18].

Si l'on veut réaliser des surfaces occlusales réellement fonctionnelles, il apparaît donc indispensable :

- soit de multiplier les implants postérieurs de diamètre standard et de les décaler dans le plan frontal [9, 19, 20] en les situant à l'aplomb des cuspides principales d'entrée et de sortie dentaire de cycle masticatoire (fig. 4) et en les orientant si possible comme les racines naturelles [7, 9] (fig. 5, 6a, 6b, 7, 8, 9, 10a, 10b, 11, 12, 13 et 14) ;

- soit de poser des implants de grand diamètre [14, 21] orientés selon la résultante des forces fonctionnelles (fig. 15, 16a, 16b, 17, 18, 19 et 20).

Par exemple, pour une première molaire mandibulaire, selon la place disponible, le choix s'oriente soit vers un implant de gros diamètre soit vers deux implants, l'un placé dans l'emplacement de la racine mésiale en position linguale et l'autre dans la racine distale, décalé vestibulairement. Les axes de ces implants peuvent être parallèles ou légèrement convergents. Le remplacement d'une molaire par deux implants est indiqué lorsque la distance mésio-distale implantable excède 12,5 mm [22].

Pour la première molaire maxillaire antagoniste, un implant peut être posé à l'aplomb de la cuspide palatine et un autre à l'aplomb de la cuspide disto-vestibulaire. Ces implants peuvent être parallèles ou d'une façon idéale, adopter l'orientation des racines remplacées. Si cette dernière solution est rarement possible sur les crêtes anciennes en raison de la résorption osseuse, elle représente parfois la solution la plus simple à appliquer et la seule possible, lors d'une implantation directe dans un site d'extraction. Ceci est particulièrement vrai lorsque la crête interradiculaire est intacte et que la pose d'un implant de gros diamètre risque de la détruire et de compromettre sa stabilité primaire. On peut remarquer que ces descriptions idéales de position et d'orientation des implants, qui étaient irréalistes dans des cas ou le volume osseux est résorbé, deviennent, avec les progrès des techniques de greffes et de régénération osseuses, des objectifs de plus en plus accessibles. Par ailleurs, l'utilisation prudente d'implants de gros diamètre, pouvant bénéficier d'appuis bicorticaux et augmentant de façon considérable la résistance aux forces transversales [23, 24], représentent également une excellente solution pourvu que soient utilisés des piliers adaptés bénéficiant de la même résistance aux forces latérales [25].

Réalisation prothétique

Deux situations sont à envisager :

1. la surface portante réellement posée et ostéointégrée est satisfaisante en surface, position, orientation et nombre d'implants et la prothèse implantaire peut être réalisée sans restriction. Dans ce cas, la surface occlusale de la prothèse implantaire ne doit pas être sensiblement différente de celle d'une dent naturelle. L'objectif prioritaire du clinicien doit être la restauration d'une anatomie fonctionnelle en harmonie de guidage cuspidien avec les dents naturelles voisines et les structures articulaires du patient. Son accomplissement permet d'assurer l'efficacité de la déglutition et de la mastication dans le respect de l'équilibre neuromusculaire du patient et d'éviter l'installation de troubles temporo-mandibulaires.

2. la surface portante nécessaire est difficile à atteindre et il faudra selon le cas et le type d'os rencontré :

• faire une mise en charge des implants à la fois progressive dans le temps et graduée en intensité afin d'améliorer la résistance de l'os péri-implantaire [26]. Si des sollicitations douces, bien en deçà de son seuil de résistance, sont appliquées à l'os, sa résorption est évitée et son remodelage est permis [27] (fig. 21 et 22). Cette mise en charge doit être d'autant plus longue et délicate que l'os se rapproche du type IV. Le principe de cette mise en charge progressive donne lieu à consensus alors que la façon de la réaliser et son rythme restent controversés [28] ;

• adapter secondairement la surface occlusale prothétique à la surface portante implantaire réellement ostéointégrée, en fonction du cas [7] :

- en diminuant la largeur de la surface occlusale de la prothèse implantaire et en ajustant les dents antagonistes par adjonction/soustraction pour ne conserver que des guidages réduits, mais équilibrés (fig. 11 et 13 et fig. 23 et 24). Il faut absolument éviter de minimiser le relief cuspidien, car on court le risque d'induire des troubles temporo-mandibulaires. Les guidages prothétiques doivent être en harmonie avec ceux existant sur les dents naturelles voisines ;

- en aménageant dans le relief cuspidien des sillons d'échappement plus importants, afin de diminuer la charge occlusale et d'améliorer l'échappement du bol alimentaire sous la pression de mastication ;

- en ne conservant que le couple de premières molaires en occlusion, minimum nécessaire, mais indispensable à une mastication physiologique (fig. 11, 12 et 13).

- en réalisant des dents provisoires en accord avec les précédentes conditions.

Lorsque les faces occlusales sont en équilibre fonctionnel (avec des contraintes axiales et latérales contrôlées), elles peuvent être reproduites avec précision par le laboratoire sur les prothèses définitives :

• réaliser si nécessaire des liaisons rigides entre les dents naturelles et les implants [29-32]. Bien que des controverses existent encore, il apparaît de plus en plus clairement aujourd'hui que la réalisation de liaisons rigides entre les dents naturelles et les implants est non seulement possible, mais souhaitable, voire indispensable dans un certain nombre de cas pour assurer la pérennité prothétique. L'expérience clinique et l'étude comparée in vivo de bridges de trois éléments soit dento-implanto-portés soit implanto-portés [33] montre que la distribution des forces entre dents et piliers est davantage influencée par la géométrie prothétique (forme, dimensions, situation, occlusion) et le positionnement de l'implant (position, orientation) que par les différences de caractéristiques sous la charge occlusale d'une dent et d'un implant.

Cette étude est limitée à des bridges de trois éléments. Il est toutefois probable que ses conclusions puissent être étendues à des bridges plus importants compte tenu que plus la contention est étendue, meilleure est l'immobilité de l'ensemble.

Bien que l'équilibration occlusale initiale soit plus délicate, la réalisation de grands bridges étendus à toute une arcade est vraisemblablement un des meilleurs moyens de contrôler la distribution des forces entre dents et implants, maîtriser la géométrie prothétique et donc de minimiser les différences de comportement entre dents et implants.

Le fait de relier dents et implants apporte des avantages cliniques importants :

- la proprioception dentaire peut améliorer la régulation des forces occlusales sur les implants reliés à ces dents ;

- la liaison avec des dents naturelles peut permettre d'augmenter la surface portante lorsque les limitations anatomiques ne permettent pas de poser un nombre suffisant d'implants ;

- la réduction de la mobilité de l'ensemble. Si les dents naturelles ont une mobilité réduite, le fait de les relier ou pas à des implants a peu d'influence. En revanche, en cas de mobilité physiologique dentaire importante, la contention des dents de l'arcade complète avec les implants peut devenir obligatoire. Ceci permet d'éviter aux éléments sur implants de venir en surocclusion à chaque fermeture lorsque, par effet d'amortissement/ déplacement, les dents naturelles s'enfoncent dans leurs alvéoles sous la pression occlusale ;

- la contention grâce aux implants de dents à support parodontal réduit ;

- le meilleur contrôle des forces transversales ;

- la minoration des risques de fracture lorsque le rapport axial prothèse/implant ostéointégré est défavorable ;

- la plus grande facilité à maintenir la stabilité de l'occlusion ;

- le meilleur contrôle en raison de la contention des forces transversales, développées sur les dents postérieures pendant la fonction. La participation partielle du secteur antérieur ou de l'arcade permet de réduire les forces appliquées à la zone crestale implantaire [34] ;

- la possibilité de réalisations au niveau des secteurs postérieurs lorsque la surface portante implantaire est réduite (implants de faible diamètre et/ou trop courts) ;

- le contrôle des forces transversales antérieures grâce à l'ancrage postérieur lorsque la résorption centripète du maxillaire oblige à incliner vestibulairement les implants antérieurs maxillaires.

Si le positionnement des implants et la conception prothétique sont corrects, les inconvénients initialement avancés de la liaison dents-implants (perte osseuse autour des implants, fracture des implants dues à la différence de mobilité entre dents et implants) ne sont pas vérifiés par l'expérience clinique [15, 16, 29, 33].

Deux remarques, cependant :

• la réalisation de constructions mixtes dents-implants oblige à une stabilisation parfaitement contrôlée de la prothèse. Dans le cas contraire, le différentiel d'amortissement entre dents et implants peut conduire au descellement des appuis naturels et à leur ré-inclusion secondaire par pompage ou poinçonnement. N'utiliser que des piliers dentaires parfaitement sûrs. En implantologie, il est conseillé d'extraire les dents dont le pronostic est très réservé (moins de 5 ans) et de conserver les autres. L'analyse critique des travaux à 10 ans montre, que ce sont ces dents et non pas les implants qui sont la cause d'échec. Lorsqu'on envisage des bridges mixtes, il est souhaitable de ne pas utiliser des dents fragiles susceptibles de se fracturer ou dont le pronostic parodontal est réservé à moyen terme (5-7 ans) ;

• Maîtriser les forces occlusales appliquées à la prothèse :

- pendant la fonction par l'ajustement fonctionnel des contacts de déglutition et de mastication [8, 35] ;

- pendant les parafonctions éventuelles par la réduction des guidages canins excessifs (surguidages) et le port d'une gouttière de protection nocturne.

Équilibration occlusale de la prothèse implantaire

Ce stade est l'aboutissement d'une démarche qui doit débuter dès la réalisation prothétique au laboratoire. Le paramétrage des articulateurs doit prendre en compte la cinématique fonctionnelle réelle du patient [36] pour réaliser une prothèse dont la morphologie occlusale soit proche de l'équilibre fonctionnel. Lors de l'insertion, l'ajustement passif des armatures doit être obtenu et le vissage ou le scellement prothétique doit être assuré de façon stable et répétitive avant le réglage occlusal fin à caractère définitif.

Une étude comparative récente sur des prothèses implantaires plurales fixes à extension distale [37] indique que lorsqu'une force est appliquée sur le porte-à-faux distal, les super-structures prothétiques vissées ou scellées définitivement transmettent à l'os en distal du dernier implant un stress cervical significativement moins important que des prothèses scellées provisoirement et avec une dispersion des tensions plus apicalement. Ceci suggère impérativement que les forces frontales de mastication (porte-à-faux transversal lors des mouvements extrêmes d'entrée et de sortie de cycle de mastication) seraient mieux réparties et moins traumatisantes pour l'os cervical autour des prothèses implantaires vissées ou scellées définitivement qu'autour des prothèses scellées provisoirement.

La première démarche consiste à vérifier l'harmonie entre la position de repos du patient et sa position d'intercuspidie maximale à l'aide d'une butée antérieure [8, 35, 38, 39]. La simultanéité et la répartition correcte des contacts en intercuspidie maximale doit être obtenue sur le chemin de fermeture physiologique et vérifiée avec beaucoup de soins [35]. Lors de l'ajustement à vide avec du papier marqueur très fin, sous pression occlusale légère, les contacts sur les prothèses implantaires doivent exister, mais être moins marqués que sur les dents naturelles voisines [40] de telle sorte que lors de la pression plus forte des contacts de déglutition testés ensuite, il y ait équivalence de contacts entre prothèse implantaire et dents naturelles (fig. 25 et 26).

Les guidages de mastication sont alors vérifiés, en faisant mastiquer du papier marqueur au patient, puis ajustés pour assurer leur harmonie sur la prothèse sur implant, puis avec les dents naturelles voisines (fig. 27). Si les dents naturelles restantes présentent une mobilité clinique importante, il faut éviter toute surocclusion des implants à chaque déglutition ou tout guidage excessif pendant la mastication. La réalisation d'une prothèse de contention englobant dents naturelles et implants peut être nécessaire pour réduire la mobilité de l'ensemble.

Par ailleurs, la réduction des guidages excessifs canins sur les prothèses sur implants lors des mouvements de latéralité est impératif. Ceci permet de diminuer notablement le bras de levier axial et l'amplification des forces latérales qui en résultent lors des parafonctions de type bruxisme.

Prévention et contrôle des troubles temporo-mandibulaires

Les forces occlusales appliquées au cours d'une parafonction sont anarchiques et imprévisibles. Elles peuvent atteindre des valeurs très élevées, dans des directions défavorables. Au moindre signe de parafonction, leur maîtrise sur les prothèses implantaires sectorielles impose le port d'une gouttière de protection nocturne. Sur toutes les prothèses sur implants, le port systématique s'impose.

Le port d'une gouttière comportant des guidages postérieurs peut être d'une aide précieuse lors de dysfonctions douloureuses ayant pour origines des réalisations prothétiques non fonctionnelles (absence de relief cuspidien, fonction canine accentuée...).

Conclusion

Les progrès réalisés dans la connaissance de la biomécanique osseuse et du rôle fonctionnel des structures dentaires permettent aujourd'hui d'optimiser la conception, la pose et la gestion occlusale des implants et de leurs superstructures prothétiques.

En dépassant les concepts occlusaux traditionnels et en prenant en compte le rôle réellement fonctionnel des dents des secteurs antérieur et cuspidés pendant l'incision et la mastication, il devient possible de maîtriser les forces occlusales axiales et surtout latérales, générées pendant la fonction. Ceci entraîne la nécessité de rétablir l'harmonie des contacts et guidages dentaires qui canalisent ces mouvements afin de mieux contrôler les microtraumatismes fonctionnels et de poser les implants dans une position et selon un axe de résistance à ces forces. En combinant cette conception avec les acquisitions récentes des greffes, de la régénération osseuse et à une mise en charge prudente, des taux de succès élevés peuvent être espérés et obtenus, même dans les secteurs postérieurs mandibulaires et maxillaires qui constituaient il y a encore peu de temps une contre-indication majeure à l'implantologie [14, 15].

Glossaire

Surface portante implantaire

Surface de l'implant en contact intime avec l'os qui assure :

- la qualité et le maintien de l'ostéointégration ;

- la transmission des forces occlusales à l'os périphérique.

Ses caractéristiques sont fonction des dimensions et de la forme générale de l'implant (macrostructure) et des caractéristiques de l'état de surface de l'implant (microstructure).

Macrorétentions (forme) (fig. 2)

Réalisées par des modifications de forme du corps de l'implant : en forme de vis, avec des évidements, des perforations de surface, en forme de cône...

- augmentent modérément la surface développée de l'interface osseuse, par exemple la surface développée d'un implant-vis est multipliée par 1,5 par rapport à un cylindre de même taille ;

- peuvent améliorer la transmission, la répartition et la diffusion des forces occlusales dans l'os périphérique, notamment dans le cas des vis qui assurent une diffusion diagonale des forces latérales appliquées à l'implant alors qu'un cylindre les diffuse horizontalement.

Ces macrorétentions doivent être comptabilisées dans le calcul de la surface portante implantaire nécessaire.

Microrétentions (état de surface) (fig. 3)

Réalisées par différents traitements de surface de l'implant: HA, TPS, chimique, sablage…

- augmentent considérablement la surface développée de l'interface osseuse et la qualité de l'ostéointégration ;

- améliorent un peu la transmission des forces occlusales par le contact osseux plus important. Par contre, n'améliorent pas la répartition et la diffusion des force occlusales dans l'os périphérique (à distance de l'interface), chargé de les dissiper.

Pour cette raison, les microrétentions ne doivent pas être comptabilisées dans la surface portante implantaire nécessaire.

Vis titane : macrorétentions +++ microrétentions ---

Cylindre (HA, TPS, Osseot) : macrorétentions --- microrétentions +++

Vis (HA, TPS, Osseot) : macro-rétentions +++ microrétentions ++++

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