Articulation temporo-mandibulaire (ATM)
Pierre-Hubert Dupas * Grégory Dupas **
*
PUPH
Faculté d'odontologie de Lille
**57, place Rihour
59800 Lille
Force est de constater que l'odontologiste ne peut plus soigner son patient en ne se référant qu'à la cavité buccale. L'occlusodontie illustre bien cette affirmation qui veut que l'individu soit maintenant observé dans sa globalité. Depuis quelques années, une corrélation clinique évidente a été établie entre les contacts dentaires et la posture. Le diagnostic du dysfonctionnement de l'appareil manducateur (DAM) prend ainsi en considération l'analyse de la posture. Celle-ci a été plus ou moins décrite sous un angle dit « énergétique » qui a porté quelques discrédits sur son bien-fondé. Pourtant, la clinique montre qu'il est maintenant impossible de la négliger. Cet article a pour objectif d'apporter une explication neurophysiologique aux problèmes de posture liés ou non à l'occlusodontie.
We have to recognize that the odontologist cannot treat a patient anymore only by referring to the oral cavity. The occluso-dontics illustrate well the statement according to which the individual is to be now observed as a global entity. For a few years now, an obvious clinical correlation has been established between the dental contacts and the posture. The diagnosis of the cranio-gnathic dysfunction takes thus into account the analysis of the posture. The latter has been more or less described from a point of view called `energetic' which has been detrimental to its validity. However, the clinic shows that it is now impossible to neglect it. The aim of this article is to bring some kind of neuro-physiological explanation to the posture problems linked to the occlusodontics or not.
Il n'est plus possible pour le médecin de soigner l'individu en fonction de sa seule spécialité thérapeutique. Il y a une telle interrelation entre les différents organes que le clinicien n'a pas d'autre choix que de considérer son patient dans sa globalité. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il doit tout connaître pour tout soigner. La prétention a ses limites ! Mais, la connaissance indispensable des signes cliniques majeurs lui permet, lors du diagnostic, d'orienter son patient vers d'autres spécialistes, avec lesquels il s'entend et peut correspondre, afin d'améliorer le traitement qu'il a prescrit.
En ce qui concerne l'odontologie, force est de constater que le praticien, s'intéressant au diagnostic et aux traitements des dysfonctionnements de l'appareil manducateur (DAM), ne peut plus ignorer le retentissement de ceux-ci sur la posture et inversement. Cette ignorance se manifeste par un diagnostic insuffisant dont découle un traitement inapproprié. Il n'est pourtant pas question de transformer l'odontologiste en posturologue. Il faut lui donner les informations suffisantes pour lui permettre de correspondre, quand le besoin s'en fait sentir, avec un spécialiste de la posture qui sera alors son complément. Malheureusement, quand on s'intéresse à la posture, les tests cliniques réalisés sont plus ésotériques qu'académiques. Leurs explications font davantage appel à l'énergétique qu'à la neurophysiologie. Chacun s'ingéniant à trouver « sa solution » dispose de tests diagnostiques et de traitements particulièrement éprouvés qui donnent des résultats cliniques parfois surprenants. Bien souvent, ces tests trop personnels ne peuvent être réalisés que par leurs auteurs.
C'est pour ces différentes raisons que cet article a pour seule prétention d'essayer de palier ces différents problèmes, en mettant à la disposition de chacun un protocole de diagnostic et de traitement du DAM, à incidence posturale, accessible et compréhensible par tous. Certes, cette prétention sera déçue par moments par le manque d'information actuelle en la matière et le conditionnel sera de mise. Mais, il faut bien un jour ou l'autre publier ses résultats, ne serait ce que pour les confronter à la sagacité de chacun.
Il n'appartient pas à cet article de reprendre avec force détails le diagnostic du DAM, d'autres ouvrages s'en sont chargés. Ces différents auteurs reprennent pour l'essentiel le même protocole [1,4], à savoir l'anamnèse, la palpation musculaire, l'auscultation articulaire, les tests mandibulaires, l'étude de la cinématique mandibulaire à l'aide notamment de l'axiographie, l'imagerie confirmant ou non la présence de lésions articulaires et l'exégèse. Seuls quelques éléments permettent de distinguer les différents types de DAM. L'essentiel tant pour le diagnostic, que pour le traitement et le pronostic est de savoir si ce dysfonctionnement est de type purement musculaire ou articulaire. Seuls seront donc exposés les signes cliniques majeurs permettant de les distinguer.
À l'anamnèse, le dysfonctionnement musculaire se caractérise par des céphalées, des douleurs au niveau de la face, un léger trismus, une absence de bruits articulaires. La palpation des muscles masticateurs est douloureuse. L'auscultation articulaire est négative. La cinématique mandibulaire est quasi normale, seule une limitation d'ouverture buccale, quelquefois latéralisée, peut être notée.
Le dysfonctionnement à caractère articulaire peut être de deux types. Il est soit réductible soit irréductible. Ce dernier pouvant survenir d'emblée ou être la conséquence du premier.
Quand le trouble articulaire est réductible, le patient signale également des céphalées, des douleurs à la mastication au niveau des articulations temporo-mandibulaires (ATM) et des bruits articulaires. La palpation des muscles masticateurs et des ATM est douloureuse. L'auscultation articulaire révèle des claquements plus ou moins tardifs. À l'ouverture buccale, la mandibule dévie du côté malade en début, milieu ou fin d'ouverture pour se recentrer ensuite après le saut du condyle sous son disque.
L'irréductibilité articulaire peut être soit aiguë soit ancienne. Les douleurs sont de plus en plus insupportables, la palpation musculaire et articulaire est pénible, les bruits articulaires ont disparu ou se sont modifiés en crissements. La luxation irréductible aiguë se distingue par une faible ouverture buccale, fortement latéralisée. L'ancienneté rend la cinématique mandibulaire quasi normale. En fonction de cette ancienneté de la pathologie, l'imagerie manifeste une modification des corticales osseuses condyliennes.
Toutes ces symptomatologies sont exacerbées par le bruxisme, lui-même induit par le stress et le mal-être que ressentent les patients consultant pour ces différents troubles.
Le problème postural inhérent au DAM est indépendant du type de pathologie rencontrée, qu'elle soit purement musculaire, articulaire réductible ou non. Il entre maintenant dans le protocole de diagnostic. Son étude permet de compléter celui-ci de façon significative pour mettre en évidence les troubles posturaux associés, dépendants ou au contraire indépendants de l'occlusion dentaire et déterminer ainsi la nécessité pour l'odontologiste d'avoir recours à d'autres spécialistes pour soigner son patient. Pour pouvoir dialoguer avec ceux-ci à travers le corps du malade, quelques tests simples de posture ont été créés pour matérialiser la réussite ou non des traitements envisagés.
Avant d'étudier les relations existant entre le dysfonctionnement de l'appareil manducateur et la statique, il est nécessaire de définir une certaine normalité posturale. Il n'est pas question dans cet article consacré aux odontologistes de déterminer avec précision les canons de la posture. D'autres auteurs plus qualifiés s'en sont chargés [5-10]. Ne seront donc exposés que les éléments essentiels à la compréhension de l'ensemble. De même, les explications et les différents schémas traitant de la neurophysiologie ou de la neuro-physio-pathologie ont été volontairement simplifiés pour ne retenir que l'indispensable à la compréhension des différents phénomènes.
L'homme adapte sa posture à son environnement par les yeux, les pieds et les oreilles. Ces différents éléments sont appelés « capteurs ». Ceux-ci sont influencés par les contacts dentaires. Il en résulte des possibilités d'adaptation ou de compensation entre eux [5, 11]. L'étude de la normalité facilite la compréhension des différents déséquilibres, leur diagnostic et leur traitement.
Les contacts dentaires physiologiques s'établissent en intercuspidie maximale, essentiellement au moment de la déglutition. Celle-ci se produit soit en phase terminale de mastication soit à vide. La première dure approximativement 200 millisecondes par cycle, la seconde avoisine les 600 millisecondes. Ceci représente une durée journalière de près de 30 minutes. Ces différents mouvements mandibulaires, déclenchés volontairement ou non, sont régulés par les régions sous-corticales, bulbaires ou périphériques [12-14].
Les contacts dentaires induisent également, par l'intermédiaire des récepteurs parodontaux, des réflexes d'inhibition des muscles masticateurs élévateurs, tout en facilitant l'activité des muscles abaisseurs [10, 11, 15]. Les récepteurs parodontaux sont sollicités par le serrement des dents. Ceux des dents maxillaires envoient l'information par la branche sensitive V2 du nerf trijumeau, ceux des dents mandibulaires par la branche sensitive V3 du nerf trijumeau. Le message est véhiculé du ganglion trigéminal vers le noyau sensitif du V, puis à la formation réticulée. Celle-ci, en relation avec le thalamus et le cortex, est le régulateur vigilant du noyau moteur du V qui induit la contraction des muscles supra-hyoïdiens en inhibant les muscles élévateurs. Ce réflexe d'inhibition est un des régulateurs des pressions dentaires, exercées lors de l'intercuspidie maximale (fig. 1).
Dans un souci de simplification afin d'aider la compréhension, seuls certains muscles régentant la posture sont schématisés. Sur le schéma (fig. 2a) d'un individu vu de face, sont représentés : les yeux (plan bipupillaire), la mandibule (plan d'occlusion), l'os hyoïde, les ceintures scapulaire et pelvienne qui sont ici des entités, la colonne vertébrale, les muscles masticateurs et les principaux muscles intéressant la posture. Ces différents muscles sont numérotés de 1 à 10 :
La figure 2b représente une vue de dos avec les différents muscles concernant la posture (numérotés de 1 à 8).
Chez un individu debout, la posture est considérée comme excellente quand les différents plans bipupillaire et d'occlusion, les ceintures scapulaire et pelvienne sont horizontaux. Cela signifie que tous les différents muscles décrits sont en contraction isométrique, manifestant un tonus postural équilibré [5, 8, 10].
Il suffit de vouloir suivre quelqu'un se déplaçant ou d'entendre un bruit fort et inhabituel pour que la tête et les yeux tournent automatiquement dans sa direction afin de voir ce qu'il se passe : C'est le réflexe vestibulo-oculo-céphalogyre [8]. Sa compréhension permet d'élucider certains problèmes de posture s'y rapportant.
L'œil est animé dans son orbite par les muscles oculomoteurs, innervés par les nerfs crâniens III (nerf oculo-moteur), IV (nerf trochléaire) et VI (nerf abducens) [16-20]. Ceux-ci proviennent de leurs noyaux oculomoteurs (NOM) en corrélation avec la formation réticulaire qui informe le cortex par l'intermédiaire du thalamus.
L'oreille interne est innervée par le nerf crânien VIII (nerf vestibulo-cochléaire) provenant des noyaux vestibulaires (NV) qui régissent l'audition et l'équilibre. Ces noyaux sont en correspondance étroite entre eux par l'intermédiaire du faisceau longitudinal médian (FLM) ainsi qu'avec la formation réticulaire. Le colliculus supérieur (CS) en relation directe avec le cortex, le thalamus et la formation réticulée intervient comme relai dans les mouvements oculaires réflexes [18, 19]. L'oreille interne et l'œil sont interactifs avec la formation réticulée qui est sollicitée par eux et qui les régule à la fois [18, 19]. Cette interactivité se manifeste également sur le noyau spinal du nerf crânien XI (nerf spinal accessoire) qui commande les muscles sterno-cléido-mastoïdiens et trapèzes et sur le faisceau réticulo-spinal qui gouverne les muscles sous-occipitaux et axiaux [18, 19] (fig. 3).
Quand il n'y a pas de sons associés et qu'il ne s'agit que de suivre un déplacement, le réflexe peut être uniquement oculo-céphalogyre. L'oreille n'intervient donc pas. Il suffit pour cela de supprimer, sur le schéma simplifié de la figure 3 , l'oreille, le VIII et le noyau vestibulaire.
Le diagnostic précis du dysfonctionnement de l'appareil mandicateur permet de connaître son origine musculaire ou musculo-articulaire. Les contacts dentaires serrés manifestent leurs incidences sur la posture qui est alors compensée. L'occlusion dentaire induit donc ici un trouble postural, appelé descendant. Celui-ci est analysé grâce à l'étude de l'horizontalité des ceintures scapulaire et pelvienne [21, 22].
L'odontologiste ne doit pas se métamorphoser en posturologue, car il n'en a pas la formation. La posture n'est donc pas étudiée le patient debout. Celui-ci reste allongé sur le fauteuil dentaire lors de ces tests cliniques. Ce protocole d'investigation peut sembler aberrant aux spécialistes de la posture, mais le fait de gommer l'influence podale permet d'analyser plus précisément la ceinture scapulaire qui ne compense pas un éventuel trouble postural ascendant [1, 23-25].
Si les tests avaient lieu debout, l'adaptation de la ceinture scapulaire masquerait la réalité des troubles posturaux d'origine dentaire ou oculaire. L'odontologiste ne pourrait pas faire la distinction précise entre un trouble postural ascendant, descendant ou mixte.
Le patient ne serre pas les dents. L'horizontalité des ceintures scapulaire et pelvienne peut donc être testée, l'une par la longueur des bras, l'autre par la longueur des jambes.
L'odontologiste positionné derrière le fauteuil dentaire demande au patient de lui donner ses poignets et contrôle le niveau des malléoles radiales. Quand celles-ci sont en vis à vis, la ceinture scapulaire est dite équilibrée (fig. 4 ).
De même, la correspondance des malléoles tibiales montre l'équilibre de la ceinture pelvienne (fig. 5). Les bras et les jambes sont étirés légèrement par les poignets et les chevilles. Ces tests sont exécutés en douceur pour ne pas créer de rétractions réactionnelles des articulations. Ils ont pour but de s'assurer de la position du patient sur le fauteuil dentaire. L'horizontalité des ceintures, bouche entrouverte, permet de tester l'influence des contacts dentaires sur la posture. Les bras sont alors repliés sur la poitrine du patient. Celui-ci serre les dents. Si les tests posturaux montrent un déséquilibre des ceintures scapulaire et pelvienne qui basculent soit homolatéralement soit controlatéralement, la compensation posturale d'une pathologie cranio-mandibulaire est mise en évidence (fig. 6 et 7).
En fonction du diagnostic de la pathologie, qu'elle soit de type musculaire, articulaire réductible ou irréductible, la morsure de cotons salivaires, placés entre les arcades dentaires, ajuste les ceintures scapulaire et pelvienne [1]. Si la pathologie est uniquement musculaire, des cotons salivaires placés entre les incisives centrales ajustent les ceintures (fig. 8). Cette manœuvre élimine les informations des récepteurs parodontaux postérieurs et provoque une bascule antéro-supérieure des condyles mandibulaires [26]. L'information parodontale, n'intéressant que les incisives centrales, est sagittale. Les muscles masticateurs, ayant maintenant des contractions symétriques, équilibrent les ceintures. Les disques articulaires coiffant leurs condyles mandibulaires, cette symétrie se manifeste également dans les articulations temporo-mandibulaires. Cette harmonie musculaire et articulaire se révèle pareillement au niveau des ceintures scapulaire et pelvienne qui s'ajustent instantanément.
Si la pathologie est articulaire, la morsure de cotons salivaires se fait au-delà du claquement articulaire, dans le cas de rattrapage discal possible ou sur les dernières molaires quand celui-ci s'avère périlleux. Le repositionnement ou la décompression des articulations temporo-mandibulaires, ajustent d'emblée les ceintures (fig. 9 et 10). Dans le premier cas, la capture discale privilégiant le fonctionnement harmonieux des articulations temporo-mandibulaires favorise les contractions symétriques des muscles masticateurs entraînant ainsi celui des muscles régentant la posture. Si la décompression articulaire est nécessaire, l'abaissement condylien concordant induit les mêmes effets que précédemment.
Ces différents tests sont d'une telle véracité clinique qu'ils peuvent être considérés comme des aides au diagnostic et au traitement du DAM [1, 6, 8, 13, 27].
Cette compensation de la pathologie cranio-mandibulaire se manifeste également au niveau des yeux par une hypoconvergence. Sans avoir les moyens d'investigation sophistiqués auxquels peut prétendre un orthoptiste, l'odontologiste s'assure de la mobilité des globes oculaires. Il suffit de demander au patient, serrant les dents, de suivre la pointe d'un crayon approché dans le plan sagittal. Un problème de convergence, consécutif aux contacts dentaires, se manifeste par une asymétrie de mouvement dans le suivi des yeux (fig. 11).
Le contrôle de la posture après la morsure de cotons salivaires placés en fonction du diagnostic, s'accompagne du test de convergence.
Dès que les cotons sont mis en place aux endroits adéquats, décrits précédemment, le patient retrouve aussitôt sa convergence oculaire. Ceci explique la fatigue oculaire avec les difficultés d'adaptation éprouvées le soir chez les sujets stressés. Ils ont recours, en général, sans succès à l'orthoptiste alors que c'est de l'odontologiste dont ils ont besoin (fig. 12).
Le stress, se manifestant par le serrement des dents [28-31], provoque l'excitation des récepteurs parodontaux. Ceux-ci informent par l'intermédiaire des branches maxillaire (V2) et mandibulaire (V3) du nerf trijumeau, le ganglion trigéminal. Cette information constante passe par la formation réticulaire qui communique au cortex l'état de tonicité des muscles manducateurs, oculo-moteurs et cervicaux. Ces informations se répercutent également sur le système neurovégétatif ortho-sympathique par l'intermédiaire de l'anastomose carotido-gassérienne qui relie le ganglion trigéminal au ganglion cervical supérieur, véritable point de départ de la chaîne ganglionnaire paravertébrale orthosympathique [15].
Dans la plupart des cas, sans appui podal, la ceinture scapulaire bascule à droite, le bras droit paraît donc plus long. Ceci est probablement dû au fait que la majorité des individus sont droitiers et au rôle compensateur de la ceinture scapulaire lors de la marche. L'œil gauche est celui qui est le plus souvent hypoconvergent, vraisemblablement parce qu'il est l'œil de verticalité surtout chez le droitier, mais aussi quel que soit le pied pilier du sujet observé [9, 10].
L'effet des contacts dentaires sur la posture peut avoir plusieurs explications d'ordre neurophysiologique.
Lors de l'ouverture et de la fermeture buccale, la synchronisation musculaire intéresse tous les muscles masticateurs, en particulier les chefs musculaires supérieur et inférieur des ptérygoïdiens latéraux qui se contractent alternativement. Dès qu'une pathologie occlusale s'installe, leurs contractions deviennent phasiques, non seulement entre eux, mais aussi avec les autres muscles masticateurs. Tous les muscles intéressés se contractent de façon désordonnée [32-38]. Or, les muscles ptérygoïdiens latéraux ont comme antagonistes les muscles sterno-cléido-mastoïdiens. Les contractions anarchiques, des uns induisant les contractions anarchiques des autres, interfèrent alors sur la position de la ceinture scapulaire qui se met en bascule, entraînant celle de la ceinture pelvienne.
Le sous-noyau caudal du noyau sensitif du nerf trijumeau est en relation avec la moelle épinière au niveau de C1, C2 et C3. Par les relations existantes entre les différents sous-noyaux du noyau sensitif du V, une information parodontale fallacieuse arrivant au noyau sensitif principal du V est transmise au sous-noyau caudal.
Celui-ci envoie alors un message nociceptif qui perturbe les contractions musculaires des muscles régentant la posture cervicale [11, 14]. La ceinture scapulaire se met donc en bascule, entraînant avec elle la ceinture pelvienne.
La formation réticulaire s'étend du bulbe rachidien jusqu'à la partie rostrale du mésencéphale. Elle est, entre autres, un des centres de régulation de la respiration, de la fréquence cardiaque, de la circulation artérielle. Elle comporte un centre bulbaire inhibiteur qui entraîne une baisse du tonus musculaire et un centre mésencéphalique qui stimule la motricité [18]. Elle participe donc à la régulation de l'activité tonique des muscles de la posture. Des interférences occlusales, sollicitées en permanence par le bruxisme, perturbant également l'information articulaire posturale des articulations temporo-mandibulaires, envoient, par l'intermédiaire du V2 et V3 des messages nerveux fallacieux au ganglion trigéminal, lui-même les transmettant par le V à la formation réticulaire. Celle-ci, sollicitée de façon anarchique, perd son rôle de régulateur, non seulement du noyau moteur du V, mais aussi du noyau spinal commandant entre autres les muscles sterno-cléido-mastoïdiens et trapèzes. Les muscles sous-occipitaux et axiaux innervés par le faisceau réticulo-spinal ne sont pas non plus épargnés. Ceci explique que le bruxisme, sur une mauvaise occlusion, s'autoentretient et perturbe la posture dont la révélation est la bascule des ceintures scapulaire et pelvienne (fig. 13).
Une mauvaise occlusion dentaire, entretenue par le bruxisme, peut également perturber la cinématique oculaire se manifestant par une hypoconvergence, résultat d'un dérèglement de la tension des muscles oculomoteurs n'assurant plus la vision binoculaire [9]. Ceux-ci sont innervés par les nerfs crâniens, oculomoteur (III), trochléaire (IV), abducens (VI). Ces différents nerfs présentent des anastomoses avec le ganglion trigéminal et le V1 [19, 20]. Une hyperactivité du ganglion trigéminal, consécutive au bruxisme, provoque alors celle des nerfs crâniens III, IV et VI, engendrant des contractures plus ou moins anarchiques des muscles oculomoteurs. En outre, des fibres trigéminales, régulatrices de l'oculomotricité, issues du noyau sensitif du nerf trijumeau (V) se projettent dans le colliculus supérieur qui commande, entre autres, le réflexe de fixation de l'œil [39] (fig. 14).
Les interférences occlusales ou le dysfonctionnement des articulations temporo-mandibulaires, dont les effets sont exacerbés par le bruxisme, provoquent l'hyperexcitation de la formation réticulaire. Celle-ci, ne jouant plus son rôle de régulateur, entretient le bruxisme, perturbe la posture de la tête par le noyau spinal et le faisceau réticulo-spinal provoquant des contractures des muscles sterno-cléïdo-mastoïdiens, trapèzes et surtout sous-occipitaux [40]. Or, ces derniers doivent travailler harmonieusement pour assurer le fonctionnement harmonieux du réflexe oculo-céphalogyre. Ces contractures musculaires anarchiques contrarient la cinématique oculaire. Cet effet fomentateur perdure tant que la cause occlusale n'a pas été réglée.
L'injection de peroxydase dans les muscles oculomoteurs permet de suivre ce traceur dans le ganglion trigéminal, puis dans le sous-noyau caudal du V, enfin dans les cornes postérieures de la moelle épinière haute au niveau de C1 et C2 [41]. Cette expérimentation montre à l'évidence les relations existant entre le nerf trijumeau, l'œil et les muscles régentant la position de la ceinture scapulaire.
La morsure de rouleaux de coton, positionnés aux endroits adéquats en fonction du diagnostic de la pathologie musculaire ou articulaire, shunte le message parodontal et permet le repositionnement articulaire. Les informations des différents récepteurs parodontaux et articulaires retrouvant leur normalité physiologique permettent, non seulement d'amortir le bruxisme, mais aussi de régler le problème postural descendant et celui de la convergence oculaire.
Le trouble postural descendant est donc du seul ressort de l'odontologiste. Il peut résoudre les problèmes de posture et de convergence oculaire s'y rapportant (fig. 15).
Si les interférences occlusales ou le dysfonctionnement des articulations temporo-mandibulaires induisent des problèmes posturaux et une hypoconvergence oculaire, à l'inverse, un problème postural primaire entretient un DAM. Il est donc nécessaire de pouvoir diagnostiquer en clinique un problème postural ascendant. Celui-ci est indépendant de l'occlusion dentaire et peut être d'origine oculaire ou postural. Dans le premier cas, les troubles oculaires sont appelés primaires, car ce sont eux qui influencent la posture. Dans le second cas, les troubles posturaux sont majeurs et entraînent un problème d'adaptation.
Le patient est toujours allongé, bouche entrouverte, sur le fauteuil dentaire. Le praticien teste l'horizontalité de la ceinture scapulaire en observant les malléoles radiales et celle de la ceinture pelvienne à l'aide des malléoles tibiales.
Le praticien demande au patient de garder la bouche grande ouverte pendant la durée de ce test, tout en ouvrant les yeux. Si la ceinture scapulaire est horizontale, le patient n'a pas de troubles oculaires. Si la ceinture scapulaire bascule, la fermeture des yeux, neutralisant le capteur oculaire permet à celle-ci de s'ajuster. Un test de convergence confirme l'hypoconvergence oculaire primaire. L'odontologiste doit avoir recours à un orthoptiste pour régler le trouble oculaire. Si l'hypoconvergence n'apparaît pas, la bascule de la ceinture scapulaire peut signifier que le patient doit porter des lunettes ou que celles qu'il porte sont inadaptées ou alors qu'il souffre d'un autre problème ophtalmique.
Pour éliminer toute interférence du système stomatognathique sur la posture, la ceinture scapulaire est consultée bouche entrouverte. Son éventuelle bascule signe un déséquilibre du système postural ascendant. Les ceintures scapulaire et pelvienne sont soit en décalage homolatéral soit en décalage controlatéral, entraînant la non-correspondance des malléoles radiales et tibiales (fig. 16 et 17). Ceci s'accompagne toujours d'une hypoconvergence oculaire qui est ici adaptative.
À la demande du praticien, le patient met la tête en extension sans serrer les dents. Cette manœuvre provoque un équilibre instantané des ceintures et une normalisation de la convergence oculaire (fig. 18). Dans le cas d'un problème postural ascendant, les contacts dentaires ne modifient pas l'horizontalité des ceintures scapulaire et pelvienne. Le problème postural est indépendant de l'occlusion dentaire. Le traitement du problème postural ne dépend pas de l'odontologiste mais du spécialiste de la posture qui réglera à la fois les troubles posturaux et oculaires.
Le problème postural purement ascendant est indépendant des contacts dentaires. Le nerf trijumeau et le ganglion trigéminal ne sont donc pas intéressés par ces manifestations posturales (fig. 19).
L'étude du réflexe oculo-céphalogyre montre une corrélation étroite entre les muscles oculomoteurs et les muscles paravertébraux nucaux. Tout dérèglement des contractions des muscles oculomoteurs n'assure plus la vision binoculaire. Pour assurer une fusion correcte des images au niveau du cortex occipital, la tête s'incline afin de compenser le problème oculaire [9]. Les muscles sous-occipitaux se mettent alors en contracture parasite de compensation [42]. Or, ces muscles sous-occipitaux sont les antagonistes des muscles supra-hyoïdiens, abaisseurs de la mandibule [43].
La grande ouverture de la bouche sollicite les fuseaux neuromusculaires des muscles sous-occipitaux qui se contractent et détectent un dysfonctionnement dans le système oculo-céphalogyre. Ces fuseaux neuromusculaires sont une véritable interface entre l'œil et la ceinture scapulaire. Les contractures de compensation de ces muscles étant inhibées, induisent un relâchement des autres muscles contrôlant la ceinture scapulaire qui se met à basculer.
La fermeture des yeux, alors que le patient reste la bouche grande ouverte, interdit la mise en œuvre du réflexe oculo-céphalogyre par manque d'information du capteur oculaire. Les muscles de la ceinture scapulaire ne compensant plus les troubles oculaires, la repositionnent alors horizontalement. Le même résultat est obtenu en mettant la tête en flexion. Cette manœuvre sollicite également les fuseaux neuromusculaires des muscles sous-occipitaux en les mettant en tension (fig. 20).
Lors d'un trouble postural primaire, tous les muscles de la posture présentent des contractures compensatoires. Cette adaptation posturale se manifeste par une bascule des ceintures scapulaire et pelvienne, homo-latérale ou controlatérale. Ce changement de position entraîne la contracture des muscles nuquaux et sous-occipitaux pour assurer l'horizontalité du regard et des canaux semi-circulaires de l'oreille interne. La tête prend alors une position compensatrice qui perturbe l'ajustage des muscles sous occipitaux et provoque donc l'apparition d'une hypoconvergence fonctionnelle [9, 42].
Quand le patient met la tête en extension dans le plan sagittal en gardant la bouche entrouverte, les muscles posturaux postérieurs se contractent de façon symétrique. Conséquemment, les muscles posturaux antérieurs se relâchent et s'étirent également symétriquement [44]. Ces sollicitations musculaires harmonieuses permettent à la ceinture scapulaire de s'horizontaliser, entraînant avec elle la ceinture pelvienne [21]. La posture cervico-céphalique se normalisant entraîne alors une amélioration de l'oculo-céphalogérie.
Le trouble postural ascendant n'est donc pas de la compétence de l'odontologiste. Si les tests bouche grande ouverte montrent un déséquilibre des ceintures scapulaire et pelvienne, l'œil est alors seul en cause. L'orthoptiste est donc le seul à pouvoir résoudre le problème. Si les tests bouche bée mettent en évidence une bascule des ceintures et une hypoconvergence oculaire adaptative, rectifiées par la tête en extension, le spécialiste de la posture qui est souvent un ostéopathe est indiqué pour soigner le patient (fig. 21).
Le problème postural descendant peut exister de pair avec un problème postural ascendant. Le dysfonctionnement de l'appareil manducateur induit alors des problèmes posturaux et une hypoconvergence oculaire adaptative. Les troubles de posture entraînant un œil adaptatif ou un œil primaire, appelé ici dominant entretiennent le DAM. Il est donc nécessaire de pouvoir diagnostiquer en clinique le problème postural descendant et ascendant.
Le patient est toujours allongé sur le fauteuil dentaire. Sa posture est testée comme précédemment.
Dans le cas d'un problème postural mixte, les ceintures scapulaire et pelvienne ne sont pas horizontales, le patient ayant la bouche entrouverte. L'investigation ressemble à celle du problème postural ascendant. Le patient doit consulter un spécialiste de la posture. L'hypoconvergence adaptative du problème postural ascendant se manifeste d'emblée. Un test de convergence permet de la mettre en évidence. Dès que le problème de posture sera résolu, l'hypoconvergence disparaîtra.
Le patient met alors la tête en extension. Les ceintures scapulaire et pelvienne deviennent horizontales et la convergence oculaire se normalise. Ces normalisations permettent à l'odontologiste de tester l'influence de l'occlusion dentaire sur la posture.
En cas de problème postural mixte, les contacts occlusaux induisent une nouvelle bascule des ceintures et une hypoconvergence oculaire, manifestant ainsi une pathologie musculaire ou articulaire. La morsure de cotons salivaires rectifie la posture et les yeux.
Quand les ceintures ne s'équilibrent pas malgré la tête en extension, cela signifie que le trouble postural est ancien et que les problèmes oculaires sont prépondérants. Une fermeture des yeux, en gardant la tête en extension, permet d'ajuster la ceinture scapulaire et pelvienne. À cet instant, le patient serre les dents pour constater la bascule des ceintures, révélant un problème postural descendant qui se surajoute à un problème postural ascendant. De la même façon, les cotons salivaires remédient aux problèmes.
L'explication neurophysiologique reprend celle du problème descendant et ascendant (fig. 22).
Les muscles régentant la posture globale de l'individu sont contracturés. Ces contractures musculaires se manifestent par la bascule des ceintures scapulaire et pelvienne. Les muscles sous-occipitaux, sollicités de façon asymétrique, induisent une hypoconvergence oculaire adaptative.
Comme cela a été vu lors de l'explication du problème descendant, l'excitation des récepteurs parodontaux sous-tendue par une occlusion dentaire révélant une DAM provoque des contractions musculaires désordonnées tant au niveau de la posture qu'à celui des yeux et informe de façon fallacieuse, la formation réticulaire. Ceci concourt à la bascule des ceintures et à l'hypoconvergence oculaire. L'extension de la tête provoque un étirement et un relâchement des muscles de la posture et une normalisation des fuseaux neuromusculaires des muscles sous-occipitaux. La posture globale et cervico-céphalique s'améliorent en entraînant le parallélisme des ceintures et une meilleure cinématique des globes oculaires.
La morsure des cotons salivaires, placés aux endroits stratégiques en fonction de la pathologie occlusale, uniformisant le message parodontal et articulaire, permet de résoudre le problème postural dépendant de l'occlusion dentaire.
Quand l'œil est dominant, l'extension de la tête ne permet pas l'horizontalité des ceintures scapulaire et pelvienne. L'œil peut être considéré comme primaire et les muscles sous-occipitaux compensent le déficit oculaire. Cette compensation se manifeste par un port de tête adaptatif qui ne se réduit pas lors de sa mise en extension. La fermeture des yeux, inhibant les contractures compensatrices, permet la normalisation des ceintures scapulaire et pelvienne.
Comme précédemment, le DAM révélé par les informations parodontales fallacieuses lors des contacts dentaires rejaillit sur la posture. La morsure de coton salivaire, jouant le rôle de gouttière occlusale, permet le réajustement des ceintures scapulaire et pelvienne.
Les troubles posturaux mixtes sont plus difficiles à résoudre. Les tests bouche bée montrent toujours une bascule des ceintures scapulaire et pelvienne et une hypoconvergence de l'œil adaptative. Celles-ci, réduites par l'extension de la tête, se manifestent à nouveau lors de l'occlusion dentaire. Quand il existe des phénomènes de compensation plus ou moins complexes, la convergence oculaire est toujours perturbée malgré l'extension de la tête.
Ces cas cliniques sont souvent sources d'échecs. En plus de l'odontologiste, le patient doit également consulter un orthoptiste, un ostéopathe et bien souvent un psychologue (fig. 23).
Que les ceintures soient équilibrées d'emblée ou par extension de la tête, elles permettent d'apprécier maintenant l'incidence des problèmes occlusaux sur le système postural, soit sur le trouble postural descendant. Le moindre problème occlusal, qu'il soit musculaire ou articulaire, rejaillit sur la posture, en rompant l'équilibre des ceintures et en induisant ou en reproduisant l'hypoconvergence oculaire. La bascule de la ceinture scapulaire se fait toujours dans le même sens que cela soit en inocclusion ou en occlusion. En revanche, la bascule de la ceinture pelvienne peut être différente dans l'un ou l'autre cas. Un décalage, homolatéral bouche bée devient controlatéral bouche fermée et inversement. Dans ce cas, le rachis est fortement sollicité.
Depuis plus d'une dizaine d'années, les problèmes de posture sont reconnus cliniquement au cabinet dentaire. Pour certains, qui n'en avaient pas l'expérience clinique, cela ressemblait plus à de la magie qu'à de l'odontologie. Personne ne fit un effort pour essayer de comprendre les arguments des uns et des autres. Le fait qu'il faille un certain entraînement pour réaliser ces tests en est peut-être la cause. Pourtant, l'occlusodontie ne peut plus désormais réfuter l'incidence des contacts dentaires sur la posture et le système oculo-céphalogyre et inversement. Faire un diagnostic, un traitement orthopédique et stabilisateur [13, 23, 45] de l'appareil manducateur en négligeant cette évidence est une source d'échecs.
Le diagnostic postural ne doit pas prendre le pas sur le véritable diagnostic odontologique du dysfonctionnement. Celui-ci doit être élaboré à travers l'anamnèse, la palpation musculaire, l'auscultation articulaire, les tests mandibulaires, l'étude de la cinématique mandibulaire et l'imagerie [1, 23].
En toute humilité nous espérons que ce travail contribuera non seulement à donner une explication « académique » aux sceptiques, mais aussi à permettre aux différents spécialistes s'occupant des pathologies occlusales, de posture et d'orthoptie de se comprendre et de travailler en harmonie pour le bien des patients. Par le test des ceintures scapulaire et pelvienne, ils ont désormais des critères communs d'évaluation de leurs traitements respectifs. Ils peuvent donc contrôler non seulement leur propre thérapeutique, mais aussi celle du thérapeute auquel ils sont associés pour parfaire la posture de leurs patients.