Prothèse amovible complète (ou totale)
DCD - Assistant
hospitalier universitaire
10, rue de Liège
75009 Paris
L'espérance de vie augmentant, la demande de traitement prothétique de la part des édentés totaux s'accroît. Celle-ci se traduit par la nécessité de réaliser périodiquement de nouvelles prothèses ou de réadapter, chaque fois que cela est possible, les prothèses existantes. Ces réadaptations font appel à des techniques de réfection totale de base, associées ou non à des remontages des dents prothétiques prenant en compte les résultats d'une étude expérimentale in vivo des dé-déplacements de l'ensemble surface d'appui-prothèse lors de la prise d'empreinte. Ces déplacements en 3 D sont mesurés en utilisant un capteur optique, puis analysés par un logiciel CAO. Les résultats de cette étude montrent que si l'empreinte sous pression arbitraire du praticien peut être prise de manière satisfaisante à la mandibule, il est néanmoins préférable de prendre en compte la pression occlusale du patient au maxillaire. En outre, la vérification du RIM sur articulateur et sa correction éventuelle s'imposent avant toute réadaptation prothétique.
With the extension of live expectancy, the need of prosthetic treatment from the edentulous patients is increasing. This translates into the necessity of realising periodically new complete denture or readapting, when possible, existing dentures. Those readjustments call for techniques of relining complete denture, associated or not to the remount of prosthetic teeth. The aim of an in vivo study on mouth edentulous subjects was to analyse and to compare, in 3D, the complete denture displacement and the denture bearing tissue deformation caused by impressions obtained through « occlusal pressure » of the patient and through « digital arbitrary pressure » of the operator. Using an optical 3D-methodology measurement system, we determined the coordinates and geometrical analysis in common system of reference, with a relative uncertainty of ±0.1 mm. The displacements were then analysed by a CAD software. The results showed that if the impression technique under arbitrary pressure could be taken in a satisfactory way at the mandible, it was nonetheless better to take into account the occlusal pressure of the patient at the maxilla. Thus, the mechanical stresses of the denture bearing tissue go with a displacement of the denture base regarding the stresses imposed to the latter, more specifically during the impression. In order to limit and control these displacements, an adequate impression technique must be followed by a record of the interarch relationship.
L'espérance de vie augmentant, la demande de traitement prothétique de la part des patients totalement édentés s'accroît [1]. Celle-ci se traduit par la nécessité de réaliser périodiquement de nouvelles prothèses ou de réadapter, chaque fois que cela est possible, les prothèses existantes. En effet, quelle que soit la perfection initiale d'une prothèse complète, des ré-adaptations doivent intervenir dans le temps pour compenser les modifications inévitables des surfaces d'appui prothétique et des composants de l'appareil manducateur dues au vieillissement de l'individu [2-4]. Ces réadaptations prothétiques portent non seulement sur les bases prothétiques, mais aussi sur les dents, qui peuvent être abrasées ou fracturées. Elles concernent également les rapports occlusaux liés à l'établissement d'une occlusion de convenance paracentrée ou excentrée résultant d'un phénomène d'adaptation progressive aux modifications structurales de l'appareil manducateur et posturales se produisant inéluctablement au cours du temps.
De plus, en ce qui concerne les matériaux prothétiques, à l'exception des dents en porcelaine qui sont peu dégradables dans le temps, les bases en résine acrylique ont une durée de vie limitée en raison de leur variation dimensionnelle ainsi que des problèmes de porosité favorisant leur colonisation par les micro-organismes [5-8]. Ces problèmes de vieillissement des résines conduiront vraisemblablement les fabricants de prothèses à établir dans un avenir proche des normes de durée d'utilisation de celles-ci chez les patients pour tenir compte de la législation actuelle et à venir concernant la traçabilité.
Les défauts de la prothèse amovible complète existante peuvent constituer un besoin objectif de traitement [1]. Certaines études épidémiologiques ont permis d'établir que 21 [9] à 24 % [10] de patients totalement édentés traités par des prothèses complètes nécessitent une réfection de base prothétique.
Cependant, un des problèmes essentiel que rencontre la recherche clinique et épidémiologique est d'établir des critères fiables permettant de juger la qualité de la prothèse. Ainsi, de nombreux auteurs [1, 10, 11] définissent quatre critères importants en vue d'évaluer cette dernière : l'étendue de la surface d'appui, la rétention, la stabilité et l'occlusion. En fait, il s'avère que très peu de prothèses amovibles complètes satisfont l'ensemble de ces critères [1, 11-13]. Il semble donc intéressant d'évoquer les possibilités de réadaptation ou d'amélioration des prothèses existantes dans tous les cas où l'examen clinique oriente vers cette solution plutôt que d'envisager l'élaboration de nouvelles prothèses.
Ces réadaptations font intervenir des techniques de réfection totale de base associées ou non à des remontages des dents prothétiques en s'appuyant notamment sur les résultats d'une étude expérimentale in vivo des déplacements de la prothèse et de la surface d'appui lors de la prise d'empreinte.
La réfection totale de la base prothétique, qu'elle soit maxillaire ou mandibulaire, est le renouvellement intégral de la base en résine. Seule, la situation du montage des dents prothétiques, c'est-à-dire les rapports occlusaux, est conservée [14-16]. Elle se différencie du rebasage, qui correspond à un apport de matériau de compensation provisoire. Ce dernier soit en élastomère de silicone soit en résine chémopolymérisable soit en résine à prise retardée n'autorise qu'un « ressemelage » [15] transitoire pour aménager la surface d'appui prothétique dans la perspective de réaliser, dans les meilleures conditions, de nouvelles prothèses.
Les objectifs d'une réfection totale de la base prothétique sont l'amélioration de la sustentation, de la rétention, de la stabilité et accessoirement de l'esthétique d'une prothèse amovible complète [8, 14, 15, 17-19]. Cette solution est plus rapide, moins onéreuse et plus fiable que la réalisation d'une nouvelle prothèse puisqu'elle est effectuée à partir d'une prothèse déjà portée, équilibrée et intégrée. Il est toutefois indispensable que celle-ci présente des dents en porcelaine et que les rapports d'occlusion soient satisfaisants aussi bien dans le plan vertical (dimension vertical d'occlusion) que dans le plan horizontal (occlusion en relation centrée).
La mise en œuvre d'une réfection totale simple des bases prothétiques comporte différentes étapes cliniques et de laboratoire développées successivement.
De nombreuses techniques d'empreinte sont proposées par différents auteurs dans le but d'obtenir une ré-adaptation optimale des prothèses existantes. Trois grandes catégories sont distinguées :
- les empreintes ambulatoires avec des matériaux de type résine à prise retardée et nécessitant plusieurs étapes cliniques [8, 20] ;
- les empreintes, réalisées en une seule étape clinique, qui utilisent soit des élastomères [17-19] soit des cires thermoplastiques à température buccale [21, 22] ;
- les empreintes mixtes, c'est-à-dire celles comportant une phase ambulatoire avec un matériau résineux à prise retardée associée à un surfaçage final avec un matériau différent [8, 15, 17].
Il est inutile de revenir sur ces techniques d'empreintes faisant toutes intervenir la « pression occlusale » du patient, elles ont largement prouvé leur efficacité à condition que leurs indications soient bien posées et leur mise en œuvre, parfaitement maîtrisée. Il convient toutefois de souligner qu'elles font parfois apparaître, surtout au maxillaire, un léger déplacement de la prothèse sur sa surface d'appui.
Cela peut être dû à :
- un défaut d'adaptation de la base prothétique, parfois majoré par des interventions préalables à la prise d'empreinte comme la suppression des zones en contre-dépouille ;
- une trop grande quantité de matériau d'empreinte placée dans la prothèse et dont les excès ne peuvent être évacués en totalité du fait de l'existence d'un joint périphérique complet.
Il en résulte une légère erreur d'occlusion lorsque la prothèse est terminée si un nouvel enregistrement du rapport intermaxillaire n'est pas effectué. Le problème posé pour éviter ce type d'erreur est donc le suivant : doit-on continuer à prendre les empreintes de réfection en utilisant la « pression occlusale » du patient ou est-il préférable de réaliser une empreinte classique bouche ouverte utilisant la « pression digitale arbitraire » exercée par le praticien ?
Des éléments de réponse sont apportés par une étude expérimentale dont l'objectif est d'analyser et de comparer en 3D des empreintes enregistrées sous pression arbitraire et sous pression occlusale chez le patient totalement édenté appareillé.
En effet, une fibro-muqueuse saine, adhérente au périoste et supportant une prothèse complète avec un joint efficace peut être comparée à un fluide incompressible sur lequel sont appliquées lors de la prise d'empreinte des pressions importantes [23-28]. La différence de rénitence et d'amplitude de dépressibilité rendent possibles des déformations de la surface d'appui lors des contraintes imposées par la pression occlusale [29-31].
Une étude expérimentale est apparue opportune pour orienter le choix des techniques d'empreinte. Son protocole et ses résultats sont résumés ci-dessous.
Dans cette étude, ont été comparées, au maxillaire et à la mandibule, les déplacements induits par des empreintes sous pression occlusale du patient à celles exercées sous pression digitale arbitraire par le praticien. L'expérimentation a porté sur 10 sujets totalement édentés, correctement traités et présentant tous des rapports de crête en classe I de Ballard. Les différentes étapes du traitement prothétique ont été exécutées par le même praticien et le même prothésiste de laboratoire en employant des matériaux et des techniques identiques. Le montage en normoclusion des dents prothétiques a répondu au schéma occluso-prothétique classique en prothèse amovible complète [32, 33].
Une méthode en 3 D de métrologie de surface a permis l'analyse géométrique de modèles, en élastomère de très haute viscosité, issus d'empreintes prises par l'intermédiaire des prothèses. Un modèle de référence, réplique en positif de l'intrados et des bords prothétiques, a également été réalisé.
La mesure de la géométrie des modèles a été effectuée en utilisant un capteur à projection de lumière structuré appartenant à la dernière génération de Imageware optique 3 D de Breuckmann (précision ± 50 µm). Celui-ci, grâce à son logiciel de mesure et de calcul intégré, a permis l'acquisition et le traitement rapide du relevé des coordonnées de chaque modèle dans un référentiel commun. Les données ont été présentées sous la forme de nuage de points denses (environ 200 000 points/modèle) avec une incertitude relative de ± 0,15 mm. Le fichier informatique des données collectées, stocké dans le logiciel du capteur, est ensuite exporté dans le logiciel Imageware® (logiciel de conception assistée par ordinateur). Ce dernier a permis, pour chaque cas, d'exploiter et d'analyser les données en fournissant :
- une cartographie des écarts (fig. 1) entre les coordonnées du modèle issu de l'empreinte sous pression occlusale et celles du modèle obtenu par l'empreinte sous pression arbitraire. Sur cette analyse topographique, a été matérialisée la ligne faîtière de la crête afin de localiser les variations dimensionnelles que l'on a estimé les plus pertinentes ;
- une image de la section sagittale médiane des nuages de points comparés (fig. 2). Ceci a permis une interprétation graphique des données pour analyser les déplacements de la prothèse et de la surface d'appui, induits sous pression occlusale du sujet par rapport à ceux exercés par la pression arbitraire de l'opérateur ;
- la mesure du déplacement sagittal et vertical du barycentre du modèle issu de l'empreinte sous pression occlusale par rapport à celui de l'empreinte sous pression arbitraire ;
- la mesure du déplacement du « point haut » correspondant au sommet de la ligne faîtière de crête dans le plan sagittal médian. Cela a permis de connaître le déplacement relatif de cette zone pour une empreinte en pression occlusale par rapport à une empreinte en pression arbitraire.
Les mesures ont ensuite fait l'objet d'une analyse statistique descriptive.
Dans l'échantillon étudié, la cartographie des écarts a indiqué que la distance maximale de déplacement au maxillaire était située au niveau de la région vélo-palatine, des zones de Schroëder et du tiers antérieur de la voûte palatine. À la mandibule, les écarts les plus importants étaient localisés au niveau des trigones ainsi qu'aux bords linguaux des empreintes. Cette dernière observation s'explique aisément par la technique d'empreinte utilisée puisque lors d'une empreinte en pression arbitraire, il est demandé au patient de rester bouche grande ouverte avec protraction extrême de la langue jusqu'à la prise complète du matériau d'empreinte. En revanche, lors d'une empreinte en pression occlusale, le patient attend la prise finale bouche fermée. Le matériau d'empreinte n'est ainsi plus soumis à la tension des muscles du plancher buccal et a tendance à créer une légère surextension linguale [34].
Au maxillaire, l'analyse du déplacement du barycentre a démontré que le déplacement de l'ensemble surface d'appui-prothèse lors de la prise d'empreinte était essentiellement vertical et plus importante sous pression arbitraire que sous pression occlusale d'environ 0,5 mm (fig. 3, 4 et 5). L'analyse des images des sections sagittales médianes et la mesure du déplacement de la zone antérieur des modèles a fait apparaître :
- un déplacement important de cette zone sous forme d'abaissement antérieur sous pression arbitraire. Il était en moyenne de + 1,2 mm en vertical et de + 0,1 mm dans le sens postéro-antérieur par rapport à la position de référence ;
- sous pression occlusale, un déplacement vertical, principalement située dans la région vélo-palatine (fig. 2). Cela a été confirmé par le déplacement vertical du point haut par rapport à la position de référence qui n'est que de + 0,32 mm en moyenne.
L'interprétation de l'ensemble des données a permis de déduire qu'une empreinte sous pression arbitraire entraînait davantage de déplacement de l'ensemble surface d'appui-prothèse qu'une empreinte sous pression occlusale. Le point d'application de la force exercée lors de l'empreinte était, en effet, plus postérieur sous pression arbitraire que sous pression occlusale.
À la mandibule, le déplacement global de l'ensemble surface d'appui-prothèse était très modérée pour les deux types d'empreinte. La différence de déplacement vertical entre les deux types d'empreintes n'était en moyenne que de - 0,06 mm (fig. 6 et 7). La difficulté consistait essentiellement à replacer correctement la prothèse au moment de la prise d'empreinte mandibulaire sans provoquer de déplacement sagittal. Ce risque était, en effet, particulièrement majoré dans le cas de surface d'appui réduite propre aux cas mandibulaires présentant une forte résorption.
Ainsi, cette expérimentation a démontré qu'une technique d'empreinte faisant intervenir la « pression occlusale » du patient était préférable pour la prothèse maxillaire. Par contre, à la mandibule, les résultats semblaient équivalents quelle que fût la technique d'empreinte employée. Compte tenu de ces résultats, une technique de réfection des bases prothétiques, réalisée en une seule étape clinique peut être proposée sans risques.
Dans un premier temps, l'empreinte de réfection mandibulaire, si elle est indiquée, est réalisée sous « pression digitale arbitraire » par le praticien. Celle-ci permet, en effet, une prise du matériau d'empreinte bouche ouverte avec protraction extrême de la langue, évitant toute surextension de matériau lié à un relâchement des zones périphériques vestibulaires et linguales lors de la fermeture buccale. Les matériaux utilisés pour cette empreinte sont de préférence des élastomères tels que les polysulfures ou les polyéthers qui permettent un replacement parfait de l'empreinte en bouche.
Les préalables indispensables pour cette prise d'empreinte sont, d'une part, que les bords périphériques répondent aux règles classiques d'un porte-empreinte individuel parfaitement réglé et autorisent donc les mouvements extrêmes de la musculature périphérique et linguale [34] et, d'autre part, que les zones de contre-dépouille éventuelles de l'intrados prothétique soient supprimées à la fraise dans le but d'obtenir une désinsertion facile de l'empreinte sans risque de fracture du modèle de travail en plâtre. L'empreinte fonctionnelle mandibulaire est prise classiquement en demandant au patient d'effectuer les mouvements fonctionnels extrêmes, suivant une chronologie précise, tandis que le praticien maintient en place la prothèse mandibulaire par l'intermédiaire des index placés au niveau des secondes prémolaires et des premières molaires. Après la prise, les excès d'empreinte recouvrant l'extrados prothétique et les dents sont retirés, tout particulièrement dans la région des trigones rétro-molaires. L'empreinte mandibulaire pourra alors être replacée en bouche pour réaliser dans un deuxième temps l'empreinte de réfection maxillaire sous « pression occlusale ».
Toutefois, des préalables à la réussite de cette empreinte maxillaire sont incontournables :
- suppression, comme pour l'empreinte mandibulaire, des éventuelles zones de contre-dépouille pour lutter, d'une part, contre un risque de déplacement de la prothèse maxillaire vers l'avant, en ménageant de la place pour le matériau d'empreinte et, d'autre part, pour prévenir tout risque de fracture du modèle de travail en plâtre lors du démoulage ultérieur [14, 19] (fig. 8) ;
- réglage minutieux, sous pression occlusale, des limites des bords prothétiques pour que ceux-ci n'interfèrent pas avec le jeu extrême de la musculature fonctionnelle [34] (fig. 9 et 10).
L'établissement du joint périphérique et du joint postérieur est alors entrepris selon la chronologie suivante afin de réduire les risques de déplacement vers l'avant de la prothèse maxillaire lors de l'empreinte :
- endiguement postérieur dans la zone du joint vélo-palatin et enregistrement classique des limites fonctionnelles paratubérositaires à la pâte de Kerr verte en prenant soin de centrer la prothèse lors de l'insertion (fig. 11).
Pendant cette étape, le praticien applique fermement en place la prothèse sur sa surface d'appui en exerçant une pression digitale, orientée vers le haut et vers l'arrière. Le patient est alors invité à exécuter les mouvements fonctionnels extrêmes de la région concernée, puis il est guidé en relation centrée vers l'occlusion d'intercuspidie maximale par le praticien. Le patient est prié d'avaler plusieurs fois sa salive alors que l'opérateur maintient le rapport d'occlusion jusqu'au durcissement complet de la pâte de Kerr ;
- contrôle des rapports occlusaux et de la DVO ;
- mise en évidence des zones de surextension ou de surépaisseur périphériques et postérieures. Leur présence quasi constante dans la région antérieure est liée aux effets combinés de l'instabilité prothétique, due à la résorption centripète au maxillaire et à la prise en compte de la charge occlusale lors de ce réglage. Celui-ci s'effectue, en plusieurs étapes, avec un polyéther de haute ou moyenne viscosité (Permadyne ou Impregum de Espe), choisi en fonction de la tonicité musculaire et de l'importance de la résorption. Les mouvements fonctionnels extrêmes sont demandés tandis que le praticien maintient la prothèse, puis guide le patient en occlusion jusqu'à la réticulation complète du matériau [33-38] (fig. 12) ;
- obtention des limites périphériques fonctionnelles antérieures après les corrections successives à la fraise résine par simple meulage autant de fois que nécessaire. Chaque nouvelle couche de produit, dont les excès sont éliminés avant la prise d'empreinte, permet d'obtenir au final un joint satisfaisant [34-36, 38] (fig. 13 et 14). L'intrados et la totalité des bords de la prothèse sont enduits d'adhésif spécifique au matériau de surfaçage employé ;
- réalisation de l'empreinte terminale en utilisant un élastomère de basse viscosité qui peut être soit un polyéther (Permadyne basse viscosité de Espe) ou un polysulfure (Permlastic light de Kerr). La prothèse, dont l'intrados et les bords sont garnis d'une quantité modérée de matériau, est insérée et centrée en bouche. Le praticien maintient la prothèse comme décrit précédemment et demande au patient de prononcer le « A » grave et d'effectuer rapidement les mouvements fonctionnels extrêmes à plusieurs reprises, suivant une chronologie précise qui permet un balayage orienté du matériau de surfaçage. Ensuite, le patient est guidé et maintenu en occlusion (fig. 15).
Plusieurs déglutitions et des mimiques lui sont demandées, puis la prise du produit est attendue bouche fermée avec un relâchement des muscles peauciers (fig. 16).
Cette manière de procéder permet, grâce à l'enregistrement rigide à la pâte de Kerr dans le secteur postérieur, de limiter les déplacements prothétiques induits lors de la prise d'empreinte. Néanmoins, un enregistrement du rapport intermaxillaire (RIM) ainsi que le contrôle de la DVO s'avèrent indispensables ;
- vérification du rapport intermaxillaire.
Un enregistrement de la relation centrée est obtenu par l'intermédiaire d'un articulé de Tench en utilisant de la pâte de Kerr grise déposée sur les dents cuspidées de la prothèse mandibulaire (fig. 17 et 18).
- les empreintes sont traitées de façon conventionnelle, c'est-à-dire soigneusement coffrées, puis coulées en plâtre pour obtenir un modèle avec un socle d'épaisseur normale.
Les prothèses doivent rester solidaires des modèles de travail jusqu'à la fin de la mise en moufle ;
- les modèles de travail obtenus, la prothèse maxillaire est placée en articulateur selon le procédé classique de la base engrenée. La tige incisive est ensuite descendue d'une hauteur équivalente au double de l'épaisseur d'enregistrement de la relation centrée. La prothèse mandibulaire est alors placée en articulateur grâce à l'enregistrement à la pâte de Kerr grise (fig. 19) ;
- les dents prothétiques en porcelaine fêlées, fracturées ou présentant une abrasion excessive doivent être remplacées (fig. 20). Dans ce but, elles sont retirées de la base prothétique en résine, par échauffement. À cet endroit, une logette est crée par évidement à la fraise résine, puis de la cire est déposée pour y fixer les nouvelles dents prothétiques en porcelaine. D'éventuelles retouches morphologiques sont ensuite effectuées par meulage pour que ces nouvelles dents s'intègrent au contexte occlusal et esthétique existant ;
- le matériau d'empreinte débordant du coffrage est ébarbé. De la cire est ajoutée entre les bords du coffrage du modèle en plâtre et le collet des dents prothétiques (fig. 21). La fausse gencive et les surfaces polies stabilisatrices sont resculptées, puis la cire est lissée (fig. 22) ;
- afin d'éviter des épaisseurs palatines excessives, l'ancien faux-palais est soigneusement découpé et enlevé sans détériorer le modèle en plâtre sous-jacent (fig. 23), puis remplacé par une préforme. Un protège-raphé peut être déposé en regard d'une suture intermaxillaire proéminente (fig. 24) ;
- la mise en moufle est effectuée classiquement (fig. 25). L'arcade dentaire est ensuite entièrement recouverte d'un élastomère silicone de très haute viscosité (Zetalabor de Zhermack). Cela permet de garantir une reproduction correcte de la sculpture de la fausse gencive, mais surtout d'éviter tout risque de fracture pour les dents. La partie occlusale du silicone est alors arasée au « cutter » pour laisser apparaître les sommets cuspidiens, ce qui évite tout risque de déplacement des dents lors des étapes du bourrage et de la pressée (fig. 26) ;
- après coulée de la contrepartie et ouverture du moufle (fig. 27), la prothèse est aisément retirée du modèle grâce à la mise de dépouille initialement entreprise au stade de l'empreinte (fig. 28) ;
- un peu d'huile de vaseline ou de cire est déposée sur les dents en porcelaine pour les protéger et éviter les fêlures. Elles sont alors réchauffées et démontées une à une avec une spatule (fig. 29). Elles sont ensuite nettoyées, puis repositionnées dans la contrepartie du moufle (fig. 30) ;
- au maxillaire, le protège-raphé en étain est éventuellement replacé et le joint postérieur creusé (fig. 31) ;
- la suite des étapes (isolation du plâtre, bourrage, polymérisation, démouflage, équilibration sur articulateur, désoclage et finition) est conventionnelle (fig. 32, 33 et 34). Notons cependant qu'afin d'éviter tout déplacement de dent, la pression exercée durant le bourrage est lente et progressive jusqu'à 100 kg/cm2.
Lorsque sur articulateur, suite à la prise d'articulé de Tench, un déplacement des bases prothétiques est jugé trop important pour être corrigé dans de bonnes conditions par l'équilibration terminale des prothèses sorties des moufles, un remontage de toutes les dents prothétiques s'impose. On procède de la façon suivante :
- retrait de la prothèse maxillaire de son modèle. Celle-ci est repositionnée en parfaite occlusion avec la prothèse mandibulaire pour réaliser au niveau de la région vestibulaire antérieure une clé de référence, en élastomère haute viscosité, pour enregistrer l'agencement esthétique des dents antéro-supérieures. Cette clé est précisément repositionnée grâce à son encastrement sur l'entablement en plâtre du modèle ;
- démontage de toutes les dents maxillaires ;
- réalisation d'une maquette maxillaire en cire comportant les dents récupérées et placées en occlusion correcte avec la prothèse mandibulaire toujours sur son modèle. En effet, c'est pour cette dernière que la probabilité d'avoir subi un déplacement au cours des prises d'empreintes est la plus faible. Les dents prothétiques antéro-supérieures sont évidemment repositionnées dans la région antérieure grâce à la clé de référence, placée sur la prothèse mandibulaire et son modèle ;
- retrait de la prothèse mandibulaire de son modèle et démontage de toutes les dents mandibulaires ;
- réalisation d'une maquette mandibulaire en cire avec les dents placées correctement en occlusion avec celles la maquette supérieure.
Ces conditions correspondent à la situation d'un montage classique établi suivant un rapport intermaxillaire et une DVO corrects. À ce stade, il est néanmoins indispensable de vérifier en bouche si ce nouveau montage est satisfaisant sur les plans esthétique et fonctionnel. Dès sa validation, les nouvelles maquettes pourront être mises en moufle pour la finition des prothèses suivant la méthode habituelle.
Les résultats de l'étude rapportées ci-dessus mettent en évidence l'importance des déplacements de l'ensemble des surfaces d'appui prothétique qui s'accompagnent de déplacements des bases prothétiques en fonction des contraintes imposées à ces dernières, tout particulièrement lors de la prise d'empreinte. Dans le but de limiter et de contrôler ces déplacements, une technique d'empreinte adaptée doit être suivie d'un enregistrement du rapport maxillo-mandibulaire en relation centrée. Si l'empreinte sous pression arbitraire du praticien peut être prise de manière satisfaisante à la mandibule, il est cependant préférable de prendre en compte la pression occlusale du patient au maxillaire. De plus, la vérification du RIM sur articulateur et sa correction éventuelle s'impose avant toute réadaptation prothétique.
La réadaptation des prothèses suivant les méthodes proposées peuvent permettre au patient totalement édenté d'obtenir, à un moindre coût et très rapidement, non seulement une rénovation complète, mais aussi une amélioration fonctionnelle et esthétique de ses prothèses. Les autres conditions de réussite sont également le respect des indications de ce type de restauration qui s'adresse essentiellement à des porteurs de prothèses avec dents en porcelaine et dont le contexte occlusal est resté satisfaisant. Dans tous les autres cas, il semble préférable d'envisager la réalisation de nouvelles prothèses.
Remerciements à M. Claude Audoux pour les travaux de laboratoire.
(1) Classification des bases osseuses de Ballard :
- classe squelettique I : rapports harmonieux entre maxillaire et mandibule ;
- classe squelettique II : position trop postérieure de la mandibule ;
- classe squelettique III : position trop antérieure de la mandibule.
Source : Manuel d'orthodontie de Bassigny Masson.