Éditorial
rédacteur en chef adjoint
Que reste-t-il de notre formation initiale en dentisterie ?
Pour la plupart d'entre nous, le souvenir d'un ou deux enseignants que nous considérons toujours comme nos maîtres spirituels… Une certaine « façon de penser » la dentisterie laissée par ces cliniciens hors pairs qui avaient le désir profond de transmettre leur savoir et leur expérience…
Ces souvenirs sont-ils suffisants pour garantir aujourd'hui un niveau de soins élevé dans un environnement en...
Que reste-t-il de notre formation initiale en dentisterie ?
Pour la plupart d'entre nous, le souvenir d'un ou deux enseignants que nous considérons toujours comme nos maîtres spirituels… Une certaine « façon de penser » la dentisterie laissée par ces cliniciens hors pairs qui avaient le désir profond de transmettre leur savoir et leur expérience…
Ces souvenirs sont-ils suffisants pour garantir aujourd'hui un niveau de soins élevé dans un environnement en évolution technologique continuelle depuis 25 ans ?
La formation continue représente une véritable opportunité pour réactualiser nos connaissances et traiter nos patients « selon les données acquises de la science ».
Cependant, quel que soit le moyen de formation choisi - enseignements postuniversitaires, cours de sociétés scientifiques, lecture de revues professionnelles, sites Internet - atteindre l'objectif ambitieux d'améliorer le service rendu aux patients implique une sélection rigoureuse des seules informations pertinentes et utiles.
Mais comment procéder à cette sélection au sein de la quantité de moyens et de données proposées ?
Dans les années 70, l'Université Mc Master à Hamilton (Canada) a développé une nouvelle façon d'aborder le traitement des patients en se basant sur des preuves scientifiques (Evidence-Based Medecine). La réponse à un problème clinique posé est recherchée dans la littérature par une méthode consistant à évaluer les résultats des études réalisées sur le sujet, leur validité et leur application possible. Guyatt et son équipe ont publié dans le JAMA une série d'articles expliquant ces méthodes (Users' guide to the medical litterature) et ont proposé des grilles de lecture adaptées aux divers types d'articles scientifiques.
En 1995, l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM) publie les premières Recommandations et Références Médicales. « Ces standards de pratique, issus d'une analyse explicite et d'une synthèse scientifique de l'état actuel des connaissances, déterminent les conduites appropriées ou inappropriées lors de la mise en œuvre de stratégies préventives, diagnostiques, thérapeutiques ou de dépistage dans des circonstances cliniques données. Ce travail est à l'origine des Références Médicales Opposables (RMO) utilisées dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».
En 1996, cette méthodologie se concrétise dans la conception des Recommandations et Références Dentaires. C'est ainsi que le groupe de travail chargé des antibiotiques arrive à la conclusion que « la plupart des antibiotiques sont prescrits en odontologie et en stomatologie sans preuve scientifique de leur efficacité » (aucune référence ne correspondant aux critères de qualité proposés par l'ANDEM).
Cette évolution vers la recherche de preuves scientifiques est perceptible en dentisterie en général et en prothèse en particulier. Une nouvelle revue (Evidence-based Dentistry) est éditée depuis peu et dédiée exclusivement à la Dentisterie Basée sur des Preuves (DBP). Le Journal of Prosthetic Dentistry (JPD) publie dans les six premiers numéros de l'an 2000 une série d'articles sur la DBP. Les essais cliniques randomisés ou les revues de littérature font l'objet de publications plus nombreuses et apportent au lecteur des niveaux de preuves autrefois non disponibles
Cela veut-il dire que nous ne pouvons plus pratiquer notre art ou prescrire en l'absence de preuve scientifique ? Bien évidemment, non ! Dans les situations où cette preuve scientifique fait défaut, il convient de s'appuyer sur des consensus professionnels forts, lorsqu'ils existent, d'initier chaque fois que cela est possible des études qui valideront ces choix, sans négliger pour autant l'importance de notre expérience professionnelle…
Nous devons cependant être conscients du fait que nous risquons de plus en plus d'avoir à justifier auprès des patients, des assureurs, des tribunaux ou des pouvoirs publics le choix de nos stratégies thérapeutiques sur des critères d'efficacité, de sécurité ou de coût. Seul, le développement d'une Dentisterie Basée sur des Preuves mettra à l'abri d'éventuelles contestations.
Il apparaît aujourd'hui essentiel que les universités et les instances professionnelles s'engagent encore davantage dans ce domaine et deviennent les vecteurs de cette Dentisterie Basée sur des Preuves au sein de notre profession afin que celle-ci soit comprise, admise et largement utilisée par tous.