Prothèse amovible complète (ou totale)
Michel Postaire * Marwan Daas ** Bassam Naser ***
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À partir d'une prothèse complète d'usage au rapport intermaxillaire stable, la réfection totale de la base en appui sur des surfaces également stables permet de retrouver une rétention satisfaisante associée à une sustentation améliorée.
La description temps par temps des étapes cliniques et de laboratoire permet d'atteindre l'objectif souhaité en évitant les erreurs fatales.
Cet article présente une nouvelle méthode d'empreinte de réadaptation pour prothèse complète destinée à lutter contre le risque, fréquent au maxillaire, de déplacement prothétique lors de cette opération. Elle propose la réalisation d'un « mordu » amovible en résine pour préserver le rapport intermaxillaire, lors des enregistrements ultérieurs, concernant la sus-tentation et la rétention selon une technique extemporanée proche de celle proposée pour certaines empreintes de complément. Le traitement au laboratoire montre la manière de pratiquer la réfection de base proprement dite en conservant précisément les rapports occlusaux.
When a complete denture is satisfactory with regard to its occlusion but not to its retention property, it is advisable to make an entire rebasing of its base. As a matter of fact, the problem originates from the resorption, and thus from a sustenance's fault. The proposed method aims at preserving the prosthesis' occlusal qualities and at using them for the recordings of supporting surfaces, sustenance and retention while avoiding any risks of displacement forward, which are possible especially in the maxillary with other techniques. A resin removable check-bite is first made to guarantee the denture's accurate repositionning during every clinical steps. Next, the prosthesis is tapered, a first impression is done and the peripheric joint recording is undertaken. Finally, after having era-sed the first impression, a second one is done, still in occlusion. In laboratory, the impression is boxed, cast, placed in articulators as well as the antagonist without forgetting to resculpt the flange. The false palate is substituted by a preform and the prosthesis still on its pattern is put in a flask. The lubricated porcelain teeth are easily removed by softening the resin around by warming it with flames and are then replaced in the flask. The successive stages are quite usual. The basic rebasing method needs little retouching as it permits to keep the occlusal relations integrated by the patient, while securing functional recordings of supporting surfaces areas.
La réfection intégrale de la base prothétique trouve une de ses indications principales quand il convient de réadapter une prothèse complète d'usage aux surfaces d'appui [1, 2]. Cette prothèse ne doit pas poser de problèmes particuliers d'un point de vue occlusal, même si elle a été réalisée il y a quelques années, notamment grâce à l'emploi de dents en porcelaine. C'est-à-dire que, au niveau du rapport intermaxillaire (dimension verticale et position de symétrie centrée), du montage des dents artificielles, mais aussi de l'équilibration, elle est satisfaisante et même, quelquefois, peut montrer des signes d'adaptation fonctionnelle (facettes d'abrasion) (fig. 1). Cependant, le patient se plaint de troubles de la rétention qui peuvent d'ailleurs être révélés à l'examen par l'objectivation de quelques zones en surextension [3]. Mais, en fait, il s'agit d'un problème de sustentation [4]. En effet, même correctement exécutée, une prothèse ne peut empêcher la résorption physiologique de se produire.
Celle-ci est lente mais inévitable et, après quelque temps, l'appui ostéo-fibromuqueux étant moins bien assuré, les bords peuvent se trouver par endroits en légère surextension. Sont donc éliminées de cette indication les prothèses dont « l'occlusion » est défectueuse et dont les inadaptations aux surfaces d'appui sont trop importantes. Ces cas relèvent d'une autre thérapeutique [5, 6].
Pour répondre à ce souci de réadaptation, différentes techniques ont été proposées. Qu'elles soient phonétiques [7, 8], ambulatoires [9-15] ou mixtes, leurs performances, depuis longtemps, font qu'il n'est pas question de les remettre en cause ; elles demeurent d'actualité. Cependant, il peut être intéressant, dans certains cas, d'avoir recours à une méthode différente car le problème de ces techniques est qu'elles risquent d'induire, surtout au maxillaire et si l'on n'y prend garde, un déplacement vers l'avant de la prothèse. Ce déplacement passe souvent inaperçu au début à cause du caractère « collant » des résines à prise retardée mais, une fois la réfection réalisée, une erreur « d'occlusion » parfois importante apparaît, associée quelquefois à de nouveaux problèmes de rétention dus à des épaisseurs de joint inadaptées.
La méthode présentée, mettant à profit les propriétés des polyéthers [16-18] et s'inspirant de celle proposée pour certaines empreintes de complément [19], a pour souci de préserver d'abord le facteur occlusal avant de réenregistrer la sustentation, puis la rétention. Pour cela, un « mordu » amovible en résine est confectionné dans la position d'intercuspidation maximale (fig. 2). Ce mordu est destiné à garantir le repositionnement précis de la prothèse lors de chaque étape. L'intrados est alors mis de dépouille (fig. 3).
Cette opération a pour objectif :
- d'une part, de lutter contre le déplacement de la prothèse vers l'avant en ménageant de la place pour le matériau à empreinte ;
- d'autre part, d'éviter la fracture du modèle lors du démoulage ultérieur (fig. 4).
Ensuite, la sustentation est assurée par un premier surfaçage de l'intrados avec un matériau fluide mais rigide après polymérisation. Cet acte est exécuté en demandant au patient de maintenir sa prothèse en occlusion (précisément grâce au mordu en résine). Puis, le matériau de surfaçage est enlevé sur les bords (fig. 5). Ce n'est qu'à partir de là qu'il va être possible d'enregistrer dans de bonnes conditions un joint périphérique fonctionnel : la recherche de la sustentation précède toujours celle de la rétention. L'enregistrement des bords se fait alors de préférence avec des polyéthers qui ont l'avantage de ne pas avoir besoin d'être soutenus et de mettre en évidence les éventuelles surextensions ou surépaisseurs (fig. 6 et 7). Il est possible de procéder ainsi à plusieurs enregistrements, toujours en contrôlant le positionnement de la prothèse par le mordu. Enfin, le matériau du premier surfaçage est éliminé (fig. 8) et un second surfaçage, de toute l'empreinte cette fois, est réalisé avec un matériau fluide , là encore sous le contrôle de l'occlusion (fig. 9).
Ces enregistrements cliniques doivent être prolongés par un traitement spécifique au laboratoire [20]. D'abord, il faut procéder au coffrage de l'empreinte (fig. 10) et à sa coulée, puis la fausse gencive est resculptée (fig. 11). Le modèle obtenu est placé en articulateur grâce à la table de transfert qui joue le rôle d'arc facial (fig. 12). L'antagoniste est monté aussi grâce au mordu (fig. 13). Après, afin d'éviter les épaisseurs palatines excessives, l'ancien faux palais est découpé, retiré et remplacé par une préforme (fig. 14). Ensuite, la prothèse, toujours sur son modèle, est mise en moufle. Lors de l'ouverture du moufle, elle est ôtée sans risque pour le modèle grâce à sa mise de dépouille et sans risque pour les dents, car du silicone a été placé autour de leurs faces vestibulaires et linguales (fig. 15). A ce stade, il ne faut pas oublier de placer un éventuel protège-raphé et de creuser le joint postérieur. Un peu d'huile de vaseline est placée sur les dents en porcelaine pour les protéger et il suffit de réchauffer la résine autour pour la ramollir et retirer les dents une par une (fig. 16). C'est encore un des avantages des dents en porcelaine car, dans le cas de dents en résine, il faut les séparer de la base par meulage. Enfin, les dents sont replacées dans la contre-partie du moufle (fig. 17) et la suite des opérations de polymérisation, de retouches occlusales et de finition est tout à fait classique (fig. 18).
Lorsqu'une prothèse complète d'usage est satisfaisante d'un point de vue occlusal mais qu'elle montre des signes de déficience au niveau de la rétention, il convient généralement de procéder à une réadaptation de sa base sur les surfaces d'appui. Les techniques proposées classiquement pour cette opération risquent d'induire, surtout au maxillaire, un déplacement de la prothèse par rapport à ses surfaces d'appui.
Ce déplacement est d'autant plus pernicieux qu'il passe souvent inaperçu et, une fois la réfection réalisée, il se traduit par une erreur « d'occlusion » et des épaisseurs de bords inadaptées. Pour éviter ce risque, il est possible de débuter par la confection d'un « mordu » amovible en résine qui permet de préserver les rapports occlusaux du patient et aussi de mettre à profit la qualité du rapport intermaxillaire afin de procéder ensuite à une empreinte de réadaptation extemporanée sous pression occlusale mettant en œuvre les propriétés des polyéthers.
La méthode décrite propose non seulement de préserver au maximum les « contacts occlusaux » qui sont intégrés par le patient pour les retrouver après réadaptation de la base, mais aussi de les exploiter pour réduire autant que possible les risques de déplacement de la prothèse par rapport à ses surfaces d'appui et procéder à des enregistrements fonctionnels précis sous l'action de la pression occlusale. Ainsi, ce type de réfection intégrale de la base prothétique ne nécessite en général ultérieurement que peu de retouches tant au niveau des bases qu'au niveau occlusal.
Par ailleurs, si son indication essentielle concerne le maxillaire, elle peut aussi, dans quelques cas, trouver une application particulière à la mandibule.
Enfin, elle est parfaitement transposable à la réadaptation des bases prothétiques des prothèses adjointes partielles, notamment dans les cas de Classe I et II de Kennedy présentant un édentement de grande étendue.
(1) Duralay, Reliance Dental MFG Company.
(2) Permadyne bleue, Espe.
(3) Permadyne orange, Impregum F, Espe.
(4) Permlastic light, Kerr.