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DU Implantologie Chirurgicale et prothétique (Paris 7)DU Réparation Juridique du Dommage Corporel (Paris 7)DU Chirurgie Avancée Pré et Péri Implantaire (Paris Sud 11)Postgraduate in Periodontics and Implantology, New York UniversityExpert in Oral Implantologie DGOI-AFIAttachée d'enseignement à la faculté (Paris VII)Fondatrice et Présidente du Symposium National d'Implantologie au Féminin (SNIF)
RÉSUMÉ
Cet article propose une classification de l'édentement unitaire maxillaire antérieur, basée sur l'examen du Cone Beam, en quatre situations radiographiques classées selon le volume osseux résiduel : SR1 : corticale vestibulaire intacte ; SR2 : présence d'une fenestration ; SR3 : présence d'une déhiscence ; SR4 : crête cicatrisée depuis plus de six mois.
Une approche globale est proposée pour traiter ces quatre situations : une chirurgie unique qui permet de réaliser dans le même temps opératoire l'extraction de la dent si elle est encore présente, la pose de l'implant, une augmentation osseuse et gingivale, ainsi qu'une temporisation immédiate fixe.
Le succès de ces traitements repose sur le fait de respecter la biologie en étant minimalement invasif et en ne perturbant les tissus qu'une seule fois. La cicatrisation n'est plus perturbée – elle est même optimisée –, les risques de complications sont diminués et les résultats sont esthétiques et prévisibles.
The author proposes a classification of the single tooth implant in the anterior maxilla based only on the Cone Beam examination. She highlights 4 radiographic situations according to the residual bone volume: SR1 if the buccal bone is intact, SR2 if there is a fenestration, SR3 if there is a dehiscence and SR4 for healed sites (more than 6 months after extraction).
Those 4 situations will be treated with the same global approach: one single stage surgery for extracting the tooth, implant placement, bone and soft tissue augmentations, and an immediate fixed temporization.
The success of these treatments is based on minimally invasive techniques and therefore respect of biology. By disrupting the tissues only once, the healing phase is not disturbed but enhanced, complication risks are reduced and the outcomes are esthetic and predictable.
Le secteur maxillaire antérieur, appelé aussi « zone esthétique », reste un véritable défi pour les praticiens et une zone de grande exigence pour les patients.
Depuis quelques années, les critères de succès dans ce secteur ont évolué. En effet, la mesure du taux de succès ne se fait plus en termes de survie mais en termes de résultat esthétique.
Lorsqu'il s'agit d'une incisive ou d'une canine, les patients sont beaucoup plus exigeants sur la durée du traitement, sur la temporisation et évidemment sur le résultat esthétique final. En revanche, ils sont moins regardants sur le côté financier car il s'agit le plus souvent d'une priorité absolue pour eux.
Nous limiterons notre article au remplacement unitaire dans le secteur maxillaire antérieur, et plus précisément aux incisives centrales, incisives latérales ou canines.
De nombreuses classifications et de nombreux protocoles ont été proposés pour le remplacement de ces dents absentes ou devant être extraites, mais il n'existe pas encore de consensus ou de protocole établi car les facteurs ayant une influence sur le traitement sont très nombreux et très variés.
Le but de cet article est, dans un premier temps, de proposer une classification facile et accessible à tous les praticiens par la simple lecture du Cone Beam. Puis, dans un second temps, de proposer un protocole reproductible permettant de traiter la majorité des édentements unitaires antérieurs. Ce protocole consiste en une chirurgie unique reposant sur l'utilisation simultanée de plusieurs techniques, toutes individuellement validées par la littérature scientifique. Le fait d'extraire la dent et de poser un implant immédiatement dans l'alvéole d'extraction permet de limiter la résorption osseuse sans diminuer les chances de succès de cet implant ; une augmentation osseuse dans le même temps opératoire est indispensable afin de limiter la résorption osseuse post-extractionnelle et d'assurer la pérennité du résultat dans le temps ; une augmentation de tissus mous permet une fermeture plus aisée du site après la chirurgie et d'obtenir d'emblée un volume gingival nécessaire au bon résultat esthétique. Enfin, la pose d'une temporisation immédiate fixe permet le soutien de ces tissus mous et l'obtention ou le maintien des papilles.
Cette approche globale permet de respecter la biologie en étant minimalement invasif et en ne perturbant les tissus qu'une seule fois. Elle permet de ce fait de laisser la cicatrisation se faire autour des implants directement et de ne plus la perturber par une ou plusieurs réinterventions qui pourraient être iatrogènes ou entraîner des complications mettant en péril le résultat esthétique final.
La description de ce protocole sera détaillée et appuyée sur un exemple clinique pour chaque situation radiographique définie dans la classification.
L'os alvéolaire est un os labile : il naît avec la dent et disparaît avec celle-ci. Lorsqu'une dent est extraite, il se produit une résorption osseuse qui est inévitable.
Araújo et Lindhe (2005) ont montré sur des chiens que la pose de l'implant dans le même temps opératoire que l'extraction ne permettait pas d'empêcher cette résorption.
Chappuis et al. (2013) ont publié une étude intéressante sur 39 patients sur lesquels une extraction simple est réalisée, sans lambeau, ni comblement osseux. Un Cone Beam est réalisé le jour de l'extraction, puis un autre 8 semaines après. La superposition des 2 Cone Beam pour chacun des patients montre que la perte osseuse chez l'humain est 2,5 à 3 fois supérieure que chez le chien. Il est également mis en évidence que la résorption osseuse n'est pas égale en tout point de l'alvéole : elle est plus importante dans la zone centrale que dans les zones proximales de l'alvéole. Enfin, les auteurs montrent que les phénotypes fins, qui présentent moins d'1 mm d'os au niveau de la corticale vestibulaire au moment de l'extraction, présentent davantage de perte osseuse que les phénotypes épais. Dans cette étude, comme dans les statistiques générales, 69 % des patients présentent une corticale vestibulaire inférieure à 1 mm d'épaisseur.
Il nous paraît important de citer une autre étude, celle de Misawa et al. (2005), qui étudie le comportement osseux au niveau des incisives latérales maxillaires. Les auteurs mesurent au moyen de Cone Beam le volume osseux au niveau d'une incisive latérale absente depuis au moins un an, en comparaison avec le niveau osseux de l'incisive controlatérale présente sur l'arcade.
Les auteurs montrent une perte osseuse importante au niveau vestibulaire et marginal, qui rend la crête triangulaire après un an ou plus.
La conclusion de ces trois articles est que la perte osseuse est inéluctable après une extraction dentaire. La perte osseuse est très importante dans les premiers mois mais se poursuit dans le temps. Les conséquences au niveau du maxillaire antérieur peuvent être catastrophiques sur le plan esthétique lorsqu'une thérapeutique implantaire est envisagée.
Si on ne peut pas empêcher cette résorption, peut-on l'anticiper, et traiter chaque patient en tenant compte de la future perte osseuse ? Peut-on envisager une augmentation osseuse et gingivale systématique afin d'assurer la pérennité de nos restaurations ? Peut-on imaginer un protocole qui conviendrait à toutes les situations ?
Plusieurs classifications de situations osseuses post-extractionnelles ont été proposées pour le traitement implantaire.
Caplanis et al. ont proposé (2005) une classification en fonction du nombre de murs résiduels, du biotype, de la morphologie du défaut, de facteurs inhérents au patient, des tissus mous, des tissus durs. Ils proposent des protocoles de traitement en 1, 2 ou 3 étapes.
La classification la plus connue est la SAC (Straightforward, Advanced and Complex), classification de Dawson et Chen (2009). Le traitement de l'édentement unitaire antérieur serait considéré comme un protocole complexe SAC car il exige une sélection attentive du patient, une planification préopératoire précise, ainsi qu'une complète maîtrise des techniques employées par le praticien pour un résultat esthétique prédictible.
Les revues de littératures récentes de Levine et al. (2014) et Chen et al. (2014), ainsi que les « consensus statements » de Morton et Ganeles (2007) et Morton et al. (2014) ont permis de définir le diagnostic, la planification et le traitement pour les implants unitaires de la zone esthétique. Ils donnent également la conduite à tenir pour éviter les complications associées à ces traitements, qui seraient difficiles à gérer et qui entraîneraient des situations bien pires que celles avant le traitement.
Nous proposons dans cet article une classification en fonction des images données par le Cone Beam en début de traitement. Nous ne tiendrons pas compte de l'environnement muqueux ni du biotype des patients, car le protocole proposé permettra de traiter tous les cas selon la situation radiographique identifiée.
– SR 1 (situation radiographique 1) : la dent à extraire est présente sur l'arcade en début de traitement. La corticale vestibulaire est intacte sur le Cone Beam avant l'extraction de la dent (fig. 1) ;
– SR 2 (situation radiographique 2) : la dent à extraire est présente sur l'arcade en début de traitement. La corticale vestibulaire présente une fenestration visible au Cone Beam (fig. 2) ;
– SR 3 (situation radiographique 3) : la dent à extraire est présente sur l'arcade en début de traitement. La corticale vestibulaire présente une déhiscence objectivée sur le Cone Beam (fig. 3) ;
– SR 4 (situation radiographique 4) : La dent n'est plus sur l'arcade depuis plus de 6 mois. Le site est totalement cicatrisé (fig. 4).
Ces quatre situations seront traitées selon le même protocole, le concept de la chirurgie unique : une étape chirurgicale globale qui permet d'extraire la dent sans espoir, de la remplacer immédiatement par un implant, d'assurer la gestion des tissus mous et des tissus durs, et enfin de gérer la temporisation.
La situation 4 sera traitée selon le même protocole à l'exception de l'extraction : l'implant sera posé en même temps qu'une augmentation systématique de tissus mous et de tissus durs et une couronne provisoire en résine sera posée.
Il est important de noter que, si l'étape chirurgicale est unique, elle repose cependant sur une étude détaillée du cas et une planification implantaire précise, qui peuvent demander plusieurs séances.
La philosophie de la chirurgie unique repose sur le concept suivant : « moins de traumatismes tissulaires entraînent une meilleure réponse tissulaire, moins de risques de complications, et des taux de succès esthétiques augmentés ».
– La cicatrisation est initiée et plus jamais perturbée ;
– la cicatrisation osseuse est couplée à l'ostéointégration ;
– la résorption osseuse est limitée en même temps que les volumes osseux et gingivaux sont augmentés ;
– le volume osseux augmenté permet une augmentation de gencive attachée, qui à son tour protège cet os sous-jacent ;
– la temporisation immédiate permet de guider la cicatrisation des tissus mous et de soutenir ces tissus pour des résultats esthétiques et pérennes ;
– les risques de complications liés à chaque étape chirurgicale, lorsque le traitement est séquentiel, sont réduits ;
– le temps de traitement est diminué mais les taux de succès restent inchangés.
– La sélection du patient et la planification complète du cas doivent être réalisées avant de débuter le traitement !
– l'expérience et la maîtrise des techniques par le praticien rendent ce protocole opérateur dépendant.
L'étape chirurgicale globale repose sur 5 clés décrites dans la littérature et qui, pour l'efficacité de notre protocole, vont être utilisées dans un seul temps opératoire.
1. Respecter la philosophie du « minimally invasive » : les interventions se feront sans lambeau (flapless) à chaque fois que cela sera possible selon les critères que nous allons définir. Si un lambeau doit être élevé, alors il se fera a minima, en évitant les incisions de décharge.
2. Implantation immédiate : pose de l'implant dans l'alvéole déshabitée à chaque fois que possible, en respectant certaines conditions.
3. Augmentation osseuse : régénération osseuse guidée. Les biomatériaux seront définis selon le cas.
4. Augmentation gingivale : greffe conjonctive enfouie. Le prélèvement sera palatin de préférence.
5.Temporisation immédiate fixe : la couronne provisoire pourra être implanto-portée ou soutenue par des ailettes palatines.
Une prothèse amovible n'est jamais envisagée.
Le récent article de Levine et al. (2017) nous décrit 10 clés pour le succès des implants immédiats dans le secteur antérieur. Les auteurs incluent les 5 clés précédemment citées, mais y ajoutent 2 clés relatives à la préparation du cas (choix du patient et analyse du Cone Beam-planification virtuelle) et 3 clés relatives à la restauration prothétique et au profil d'émergence (couronne provisoire ou pilier de cicatrisation personnalisé, empreinte personnalisée et restauration finale transvissée).
La sélection des patients se fait au travers de consultations et selon un protocole standardisé :
– écoute du patient, de son histoire, de sa demande et de ses attentes ;
– étude de l'état de santé général du patient ;
– examen clinique, de la zone de la dent absente ou à extraire (fig. 5 et 6), mais aussi de la totalité de la bouche : absence de dents, occlusion, parafonctions, état parodontal et ligne du sourire (fig. 7 à 9) ;
– réalisation d'empreintes puis de modèles montés en articulateur ;
– radiographies panoramiques, rétroalvéolaires et Cone Beam ;
– réalisation de photos de face et de profil, du sourire, du rire, etc.
Seront exclus de notre étude les patients ayant d'autres édentements non compensés (bouche non complète), les patients présentant une contre-indication absolue à la chirurgie, les patients ayant une occlusion non équilibrée, les patients présentant une parodontite non traitée, et enfin ceux présentant un diabète non équilibré. Enfin, seront aussi exclus de notre étude les patients réfractaires à une hygiène suffisante et à une alimentation choisie pendant toute la période de cicatrisation.
Les autres seront classés en situation 1, 2, 3 ou 4, en fonction de l'état de la corticale vestibulaire identifié sur le Cone Beam.
Pour les situations 1, 2 et 3, l'intervention commence par l'extraction de la dent.
Si une frénectomie est indiquée, dans le but d'éviter les tractions sur la muqueuse vestibulaire en regard de la dent à remplacer, elle sera réalisée durant ce temps opératoire. Elle peut se faire en début (avant l'extraction) ou en cours d'intervention (une fois le lambeau élevé).
Lorsque l'examen du Cone Beam montre une corticale vestibulaire intacte – SR1 –, une intervention flapless (Esposito et al., 2012) ou sans lambeau sera préconisée afin de ne pas perturber la vascularisation, de ne pas risquer d'endommager le parodonte souvent peu épais dans cette zone, et enfin de conserver les papilles (fig. 10).
Pour les situations 2, 3 ou 4, un mini-lambeau sera élevé au moyen d'une incision intrasulculaire d'une dent de chaque côté de la dent à extraire. Les incisions de décharge seront évitées. Le lambeau doit permettre de visualiser toute la partie vestibulaire de la zone à implanter. Un décollement de pleine épaisseur sera réalisé (fig. 11 à 13).
L'extraction doit être douce et atraumatique : la luxation doit être lente et se fait au moyen de luxateurs très fins, de périotomes ou même en utilisant la piézochirurgie, qui peut être utile lorsque les racines sont bombées et collées à la paroi vestibulaire. Il est parfois nécessaire de découper la racine afin d'éviter les pressions ou les risques de lésions de cette paroi souvent fine.
Cette étape peut prendre du temps et demande beaucoup de soin.
Pour SR1, il est prudent d'observer attentivement la racine de la dent extraite, afin de vérifier qu'elle est entière, mais également qu'elle n'a pas une partie de fine paroi osseuse collée sur le bombé vestibulaire. Si c'est le cas, le patient passe alors en SR2 ou SR3.
Une curette est passée minutieusement afin d'éliminer tout le tissu de granulation. Nous conseillons le passage d'une grosse fraise boule à vitesse lente afin de s'assurer de l'élimination de toutes les fibres adhérentes (fig. 14) ; ce passage de fraise pourrait également contribuer à stimuler les parois alvéolaires pour un saignement qui serait ostéogénique. Levine et Nack (2011) conseillent de faire des petites encoches dans l'alvéole après le curetage afin de stimuler encore plus cette alvéole déshabitée.
Puis une sonde est passée sur toutes les parois internes afin de vérifier leur intégralité, surtout celle de la corticale vestibulaire, avant de commencer la procédure de pose de l'implant.
Pour SR4, la crête étant déjà cicatrisée, nous réaliserons des petites encoches au moyen d'une minuscule fraise boule sur la face vestibulaire du site à implanter, afin de stimuler la vascularisation : cette étape de stimulation osseuse est réalisée seulement après la pose de l'implant, autour de l'implant en faisant attention aux racines des dents voisines.
Que se passe-t-il en cas de lésions apicales infectieuses d'origine endodontique (LIPOE), provocant une fistule en vestibulaire de la dent à extraire (fig. 15) ? Tous les auteurs (Fugazzotto, 2012 ; Jung et al., 2013 ; Montoya-Salazar et al., 2014) s'accordent à dire que, si la lésion est d'origine endodontique et que la dégranulation de l'alvéole est minutieuse, les taux de succès des implants posés dans ce type d'alvéole sont similaires à ceux posés dans des alvéoles saines. Certains préconisent l'injection de chlorhexidine, de bétadine ou d'eau oxygénée, mais il n'y a pas de consensus sur le protocole.
Les complications décrites par les auteurs pour les dents infectées par des lésions d'origine endodontiques concernent la gestion des défauts osseux créés par ces infections et non par les infections elles-mêmes.
Pour les situations 1, 2 et 3, une implantation immédiate sera envisagée à chaque fois que possible, pour plusieurs raisons :
– il s'agit aujourd'hui d'une technique validée par la littérature scientifique, qui donne des taux de succès équivalents aux taux de succès donnés par les techniques conventionnelles (en terme de survie) (Slagter et al., 2014 ; Esposito et al., 2017 ; Watanabe et al., 2016) ;
– elle permet de profiter du potentiel ostéogénique de l'alvéole fraîchement déshabitée ;
– elle permet d'éviter une seconde intervention et donc une perturbation des cicatrisations osseuses et gingivales ;
– elle permet d'utiliser des matériaux de substitution osseuse qui limiteront ou compenseront partiellement la résorption osseuse post-extractionnelle ;
– elle permet de diminuer le temps global du traitement en couplant la cicatrisation osseuse et l'ostéointégration.
Cependant, la pose immédiate de l'implant est soumise à deux conditions :
– la stabilité primaire de l'implant doit être supérieure ou égale à 25 N/cm pour laisser l'implant en place ; elle doit être supérieure ou égale à 35 N/cm pour mettre en place une couronne provisoire implanto-portée ;
– l'implant doit être posé dans la position idéale (dans les trois dimensions de l'espace) requise pour la prothèse, et laisser l'espace nécessaire à la régénération osseuse. La position de l'implant est un élément fondamental du succès esthétique de la restauration.
Ces deux conditions doivent aussi être respectées pour la SR4. L'implant ne sera pas mis en place si sa position n'est pas idéale dans les 3D ou si sa stabilité est insuffisante. Cependant, dans ce type de situation, la stabilité primaire est le plus souvent supérieure à 35 N/cm car le site est cicatrisé depuis longtemps (fig. 16).
Dans le cas où la corticale vestibulaire est intacte, la pose chirurgicale de l'implant se fait, comme l'extraction de la dent, flapless (fig. 17), ou sans lambeau (SR1).
Le passage des différents forets se fait le long de la corticale palatine. Tous les auteurs s'accordent sur la position de l'implant dans les trois dimensions de l'espace : l'implant doit idéalement être situé à 2 mm de la corticale palatine dans le sens vestibulo-palatin, afin de laisser l'espace nécessaire à la régénération. Il doit avoir une émergence cingulaire et le bord incisif de la future dent aligné avec les autres bords incisifs. Enfin, dans le sens apico-coronaire, il doit idéalement être 1 mm plus apical que le rebord crestal (fig. 18 et 19).
La position verticale est aussi décrite comme devant être 2 à 3 mm sous la ligne des collets des dents adjacentes (liaison émail-cément).
Pour la SR4, l'implant doit être posé dans la situation idéale. Si une fenestration est créée, elle sera de toute façon compensée par la régénération osseuse guidée dans la suite du traitement.
Aucun compromis ne doit être fait lors du positionnement de l'implant dans le secteur maxillaire antérieur.
La position de l'implant est un élément déterminant pour la position finale de la gencive vestibulaire. Deux études (Chen et al., 2007 ; Evans et Chen, 2008) ont mesuré la récession gingivale vestibulaire et ont trouvé une forte association entre l'augmentation de la récession et le positionnement vestibulaire de l'implant : les implants posés en position vestibulaire présentent trois fois plus de récessions que les implants posés en position palatine.
Les auteurs suggèrent d'utiliser un guide chirurgical et un foret pointeur afin de maintenir la position palatine durant le forage et durant l'insertion de l'implant.
Le choix de l'implant est important : nous préférons un implant cylindro-cônique à surface rugueuse. La forme cylindro-cônique permet une meilleure stabilisation primaire de l'implant lors de sa mise en place (Kan et al., 2015). Les rugosités permettent une augmentation du BIC (Bone Implant Contact), et également de fixer le sang qui est ostéogénique.
Enfin, nous choisissons un implant de plus petit diamètre que celui de l'alvéole, de façon à pouvoir le poser dans la position idéale et laisser de la place entre l'implant et le mur vestibulaire pour le biomatériau ostéoconducteur que nous allons mettre en place. Cet espace requis, de 2 mm idéalement, une fois comblé, permettrait de limiter ou d'empêcher la récession gingivale vestibulaire. Un implant de petit diamètre permet d'augmenter encore cet espace ainsi que le soutien des tissus mous (Rosa et al., 2016). Un implant trop large et dont le col serait trop près de la corticale vestibulaire entraînerait un liseré métallique visible très rapidement et nuirait au succès esthétique ainsi qu'à la pérennité du traitement.
Une des spécificités de notre protocole consiste à réaliser une Régénération Osseuse Guidée systématique lorsque l'implant est posé et stable, afin d'anticiper la résorption osseuse post-extractionnelle et de maintenir le mur osseux vestibulaire stable dans le temps (Tarnow et al., 2014 ; Yoshino et al., 2014 ; Chu et al., 2015 ; Cardaropoli et al., 2015 ; Morimoto et al., 2015).
En effet, pour les situations 1, comme pour les 2 et 3, nous ne nous contenterons pas seulement de mettre en place un matériau de comblement entre l'implant et la corticale vestibulaire, mais nous mettrons également une membrane résorbable à l'intérieur de l'alvéole, le long de cette corticale.
L'étude de Chappuis (2013) montre que les corticales fines se résorbent plus vite que les corticales épaisses, et que plus de 69 % de la population a une corticale fine de moins d'1 mm d'épaisseur.
Januário (2011) montre que, sur 250 patients, la grande majorité présente une corticale vestibulaire < ou = 1 mm.
Le fait de faire une ROG systématique permet d'anticiper cette résorption souvent rapide de la paroi osseuse.
La membrane permet également de fermer une éventuelle fenestration réalisée pendant l'extraction, sans vérification visuelle puisque sans lambeau.
Pour la situation 1, la membrane est découpée à la mesure de l'alvéole afin de faire un cône protégeant la paroi vestibulaire et les parois proximales (fig. 20). Elle est mise en place sèche, selon la technique dite « Ice Cream Cone Technique » décrite par Tan-Chu et al. (2014). Il est intéressant de constater que le sang monte doucement et vient imbiber cette membrane, qui viendra alors se coller contre la paroi osseuse.
Pour les situations 2, 3 et 4, une membrane est découpée et ajustée de façon à couvrir la totalité du défaut (fig. 21 et 22). Selon le cas, il est possible de découper cette membrane en faisant 2 languettes au niveau des parois proximales.
Nous utilisons une membrane de collagène à résorption lente (RL), supérieure à 12 semaines. Il peut s'agir de membranes de collagène d'origine bovine ou porcine.
Ces membranes doivent être rigides quand elles sont sèches, et devenir élastiques lorsqu'elles sont hydratées. Elles peuvent alors être suturées sans se déchirer (fig. 23 et 24) ; elles peuvent également s'accrocher au niveau du pilier provisoire (fig. 25).
Enfin, il est possible de stabiliser cette membrane au moyen de mini-clous ou de mini-vis en titane, mais nous préférons la suturer pour éviter une ré-intervention ou une perforation future de la muqueuse par l'un des petits pins ou vis. Nous utiliserons plus aisément les pins ou vis pour les secteurs latéraux ou postérieurs.
Si l'implant doit être enfoui, la membrane recouvrira la tête de l'implant et viendra se glisser dans le lambeau palatin. Elle sera également suturée en palatin.
Pour les cas SR3, lorsqu'une partie de la corticale vestibulaire est absente, ou bien dans les cas de SR4, nous utiliserons une membrane de collagène provenant du tendon d'Achille bovin, qui offre une grande résistance et qui a un délai de résorption compris entre 26 et 38 semaines : ce type de membrane nous offre ainsi les avantages des membranes non résorbables en évitant les inconvénients de la dépose.
Le matériau de comblement choisi est différent pour SR1, SR2, SR3, ou SR4.
– Pour SR 1, nous souhaitons un matériau résorbable, qui n'aura pour vocation que de soutenir l'alvéole et d'éviter l'effondrement des tissus. Ce matériau doit être non toxique et ostéoconducteur d'une part, et il doit être résorbable rapidement d'autre part. Nous utilisons alors une greffe allogénique spongieuse en poudre ou bien une céramique biphasique : un mélange d'hydroxyapatite (HA : 20 %) et de tricalcium phosphate (ÞTCP : 80 %) ayant comme origine l'algue rouge marine (Bouler et al., 2017). Ces derniers sont connus pour leur grande qualité d'ostéoconductivité. L'hydroxyapatite peu ou lentement résorbable va assurer le maintien du biomatériau, tandis que le ÞTCP va se résorber rapidement pour laisser place à l'os néoformé.
Le fait d'utiliser une allogreffe, ou un matériau biphasique résorbable, permet de ne pas retarder la cicatrisation naturelle de l'alvéole, qui se ferait de toute façon puisque, dans ce cas, l'alvéole est intacte et entourée de 4 murs ostéogéniques. La résorption osseuse sera ainsi limitée et compensée par la ROG.
Nous préférons mélanger ce type de matériau avec le sang du patient plutôt qu'avec du sérum physiologique (fig. 26). Le sang est prélevé avec une seringue stérile au moment de l'incision faite au palais pour le prélèvement de tissu conjonctif. Une fois mélangé au sang, le matériau devient pâteux et il est aisé de le glisser entre l`implant et la membrane (fig. 27).
– Pour SR2, nous utilisons une allogreffe cortico-spongieuse ou un mélange allogreffe spongieuse et xénogreffe (fig. 28). Ces matériaux se résorbent moins rapidement et permettent une protection plus longue en cas de résorption de la paroi vestibulaire.
– Pour SR3, nous utilisons un protocole en « couches », qui comprend : une couche d'os autogène sur les spires exposées, puis une couche d'allogreffe spongieuse, puis une couche de xénogreffe bovine ou porcine (fig. 29).
Lors de fenestration ou de déhiscence, la résorption sera plus importante et plus rapide, il faut donc anticiper. La lente résorption du matériau de substitution osseuse, couvert par la membrane à résorption lente, laissera le temps à la régénération osseuse de se faire sans interposition de fibres.
– Pour SR4, nous utilisons un mélange d'allogreffe spongieuse et d'hydroxyapatite d'origine bovine (Araújo et al., 2011) ou porcine (Salamanca et al., 2018) (fig. 30). Le mélange des biomatériaux se fait dans une cupule avec du sang du patient, à la différence du cas précédent où chaque couche est appliquée l'une après l'autre.
Il est important de ne pas ré-intervenir dans ce site car ces matériaux perturbent et ralentissent la cicatrisation osseuse. Leur action se poursuit dans le temps et garantit le soutien des tissus et la stabilité de ceux-ci.
Nous n'utilisons aucun matériau qui demande une ré-intervention. La littérature ne montre pas de différence significative au niveau des taux de succès des ROG, qu'elles aient été réalisées avec des membranes en ePTFE ou des membranes de collagène.
Le site ne sera plus touché chirurgicalement, sauf en cas de complications.
Les récessions gingivales sont fréquentes après les extractions dentaires.
Au même titre que la ROG, la greffe conjonctive est systématique dans notre protocole. Khan et al. (2011) insiste sur l'importance d'un apport de tissu conjonctif dans les cas d'implantation immédiate afin d'optimiser le résultat esthétique et la pérennité du traitement. Les auteurs montrent davantage de changements pour les biotypes fins (– 1,5 mm) que pour les biotypes épais (– 0,56 mm) à 4 ans. Ces résultats sont supportés par les résultats des deux études précédemment citées (Chen et al., 2007 ; Evans et Chen, 2008).
L'étude de Khan et al. (2011) montre que, lorsqu'une greffe de tissu conjonctif enfoui est réalisée au moment de la pose d'un implant immédiat, il n'y a plus de différences entre les biotypes fins et les biotypes épais au niveau des récessions gingivales. Un biotype fin peut donc devenir épais après une greffe : ils utilisent le terme de « conversion de biotype » (Kan et al., 2007 ; Kan et al., 2009), et montrent également que cette technique permet la préservation des papilles. Fenner et al. (2016) montrent que les sites ayant reçu une greffe présentent des papilles stables à 8 ans, alors que ceux n'ayant pas reçu de greffe présentent des récessions papillaires entre 1 et 8 ans.
Notre propos est donc d'épaissir dans toutes les situations.
Certains auteurs insistent sur les relations à double sens de l'épaisseur de gencive kératinisée et du volume osseux péri-implantaire, et décrivent la présence de plus de gencive attachée lorsque l'épaisseur de la corticale vestibulaire est supérieure à 2 mm.
Linkeviscius et al. (2009), ainsi que Berglundh et al. (2007), décrivent l'existence de corrélations entre la perte osseuse crestale et l'épaisseur de la gencive.
Enfin, Jung et al. (2007) concluent que 3 mm de gencive attachée sont nécessaires pour masquer tous les matériaux de restauration prothétique.
Le prélèvement se fait au palais selon la méthode dite « en enveloppe » (fig. 31).
Le prélèvement pourra être conjonctif ou épithélio-conjonctif, en fonction de la stabilité de l'implant. Si l'implant est suffisamment stable pour permettre la pose d'une couronne provisoire, un greffon conjonctif sera prélevé afin d'être glissé en vestibulaire et d'épaissir ainsi la gencive en regard de l'implant. Si l'implant n'est pas suffisamment stable pour supporter une temporisation immédiate, alors un greffon épithélio-conjonctif sera prélevé afin de permettre la fermeture de l'alvéole, d'une part par la partie épithéliale du greffon et un apport de gencive vestibulaire, et d'autre part par la partie conjonctive (fig. 32).
Pour SR1, l'aménagement de l'espace pour glisser le greffon en vestibulaire se fait par tunnélisation.
Cette étape demande beaucoup de minutie, tant au niveau du prélèvement au palais que du glissement de celui-ci en vestibulaire sans déchirure, et enfin pour les sutures de ce greffon en vue de sa stabilisation.
Pour les SR2, SR3 et SR4, le greffon sera suturé à la membrane si nécessaire et à la partie interne du lambeau par 1 ou 2 points (fig. 23 et 24).
Le greffon doit couvrir le col de l'implant afin d'assurer une protection étanche de cette partie importante.
Une couronne provisoire en résine sera toujours mise en place (Saito et al., 2016). Elle sera fixée (vissée ou scellée) sur l'implant si la stabilité primaire de l'implant est > ou = à 35 N/cm. Elle sera collée par une ailette palatine sur la dent adjacente, si la stabilité de l'implant est insuffisante et que celui-ci est enfoui.
La couronne provisoire sera préparée au laboratoire ou réalisée au fauteuil (fig. 33 à 35). Lorsqu'elle est préparée au laboratoire, elle est systématiquement réalisée avec une ailette de stabilisation palatine, qui pourra être coupée si la dent est implanto-portée, mais qui sera utilisée si l'implant reste enfoui.
Nous essaierons dans tous les cas d'éviter une prothèse amovible qui risquerait de provoquer des complications esthétiques par l'exposition précoce de l'implant, et la perte des papilles.
Cette couronne a pour vocation, outre la satisfaction du patient, de développer la « zone de transition » et de préparer le profil d'émergence de notre restauration (Morton et al., 2014 ; Tarnow et al., 2014 ; Yoshino et al., 2014 ; Rungcharassaeng et al., 2012). Elle permet également le soutien des papilles et le guidage cicatriciel des tissus mous.
Cette couronne devra respecter certaines règles au niveau de sa forme (concave), du point de contact (5 mm de la crête osseuse afin de maintenir la papille), de l'occlusion (inocclusion fonctionnelle) et du polissage. La forme de la couronne provisoire est fondamentale pour le succès esthétique.
Elle peut être vissée ou scellée. Il n'y a pas de différences décrites entre les deux types de couronnes, mais le risque de complications est plus élevé avec les couronnes scellées (risque de fusion du matériau d'assemblage sous les tissus).
Certains auteurs pensent que cette couronne provisoire pourrait dispenser de l'apport de tissu conjonctif.
Il est important de signaler qu'à la fin de cette étape chirurgicale, la participation du patient est très importante : en effet, c'est à ce stade que la « team approach » patient-praticien prend toute son importance. Le patient doit devenir « implanto-conscient », maîtriser l'hygiène de sa bouche, et faire attention à sa nourriture.
Un rendez-vous en milieu de parcours est préconisé pour vérifier la stabilité de la couronne temporaire ainsi que le bon déroulement de la cicatrisation.
Une durée de 4 mois est respectée pour cette période d'attente.
Il persiste parfois une inflammation gingivale due à la lente résorption de la membrane. Cette inflammation disparaît totalement à 1 an. Les résultats esthétiques sont d'ailleurs souvent meilleurs à 1 an.
Les résultats cliniques de la situation 1 (fig. 36 à 39) sont similaires à ceux de la situation 2 (fig. 40 à 42), de la situation 3 (fig. 43 à 45) et également de la situation 4 (fig. 46 et 47).
Les radiographies rétro-alvéolaires semblent montrer une stabilité de l'os interproximal (fig. 48 à 50), raison majeure de la stabilité des papilles à long terme.
Le niveau de satisfaction des patients dans les 4 situations est très élevé. Les raisons principales évoquées sont : « un seul acte chirurgical, aucune douleur, jamais de prothèse amovible, un succès esthétique stable ».
La discussion porte sur la pertinence d'implanter au moment même de l'extraction de la dent d'une part, et sur la nécessité de combiner une augmentation gingivale et une temporisation immédiate d'autre part.
L'implantation immédiate présente de nombreux avantages tant pour le praticien que pour le patient, puisqu'elle permet de diminuer le temps de traitement sans diminuer les taux de survie. Mais poser un implant immédiat stable et dans la bonne position tridimensionnelle n'est pas toujours aisé. Le secteur antérieur maxillaire n'autorise aucun compromis esthétique et une erreur serait préjudiciable. Il existe peu de preuves permettant de déterminer le moment et la méthode les plus favorables pour la mise en place de ces implants. De plus, les études cliniques existantes sont plutôt limitées à la mise en place immédiate dans des alvéoles d'extraction intactes. Or il existe peu de cas d'alvéoles intactes au maxillaire antérieur.
L'étude de Tonetti et al. (2017), multicentrique contrôlée randomisée et réalisée en cabinets privés, compare la mise en place immédiate et différée d'implants en termes de nécessité d'augmentation osseuse au moment de la chirurgie implantaire (résultat principal), de complications chirurgicales, esthétiques, de résultats centrés sur le patient, ainsi que de coûts.
Les auteurs concluent que la mise en place d'implants a pu se faire à 12 semaines en l'absence de préservation alvéolaire, que les implants immédiats ont nécessité une augmentation osseuse plus fréquemment que les implants différés, et enfin que les implants différés semblent avoir de meilleurs résultats esthétiques, mesurés via le système PES (Pink Esthetic Score), que les implants immédiats.
Cette conclusion semble être commune pour de nombreux auteurs, cependant il n'existe pas d'étude comparant l'implantation immédiate avec augmentations osseuses et gingivales systématiques avec une implantation différée.
La notion sur laquelle tous les articles s'accordent est celle de ne pas laisser une alvéole déshabitée après une extraction. Le fait de mettre une hydroxyapatite bovine et une membrane de collagène limite la résorption osseuse post-extractionnelle. La préservation alvéolaire est décrite comme une technique fiable et reproductible, qui a comme avantage de pouvoir poser l'implant dans de bonnes conditions quelques mois plus tard. Il est commun d'utiliser un biomatériau résorbable et ostéoconducteur, une membrane de collagène et de fermer l'alvéole avec un punch gingival prélevé au palais ou à la tubérosité. Cependant, selon le matériau de substitution osseuse utilisé, le délai de réintervention est différent. Les matériaux à résorption lente nécessitent d'attendre 6 mois avant de pouvoir poser l'implant. Une ré-entrée prématurée entraîne un forage dans un tissu encore immature et une stabilisation primaire difficile, et plus risquée que si l'implant était posé immédiatement.
Les inconvénients sont le délai d'attente et la temporisation durant la cicatrisation jusqu'à la pose de l'implant, puis de la pose de l'implant jusqu'à la mise en charge de celui-ci. Les praticiens sont souvent tentés de réaliser des prothèses amovibles qui sont iatrogènes pour les tissus mous.
Le fait de poser l'implant et de réaliser cette préservation alvéolaire dans le même temps opératoire ne change pas les résultats. Ce qui semble important est de ne pas laisser l'alvéole vide. Par ailleurs, le fait de ne pas réintervenir permet une régénération osseuse complète autour de l'implant directement puisque la vascularisation n'est plus perturbée et que les tissus ne sont plus exposés. La vraie difficulté réside dans le positionnement et la stabilisation de l'implant.
Si l'augmentation gingivale est conseillée par la majorité des auteurs pour l'obtention et le maintien des papilles, qu'en est-il sur le fait d'y associer une temporisation immédiate fixe ? En effet, s'il n'est pas toujours possible de mettre en charge l'implant au moment de sa mise en place, il est toujours possible de mettre en place une couronne fixée sur les dents collatérales. Cette couronne contribue à fermer l'alvéole et à donner une forme idéale aux tissus mous autour de l'implant.
Il existe plusieurs méthodes décrites, telles qu'une simple ou double attelle collée sur les faces palatines des 2 dents adjacentes, la pose de 2 brackets qui permettent la fixation d'une facette, etc.
L'article de Van Nimwegen et al. (2018) montre qu'une augmentation de tissus mous conjuguée à une temporisation immédiate est insuffisante pour compenser la perte osseuse sous-jacente et éviter la récession gingivale lors d'une implantation immédiate.
L'étude de Zuiderveld et al. (2018) confirme que la temporisation immédiate, couplée à une greffe de tissus conjonctifs, permet de diminuer la récession gingivale autour des implants immédiats unitaires en zone esthétique, indépendamment du biotype.
Finalement, le fait de réaliser une augmentation osseuse systématique, associée à l'augmentation gingivale et à la temporisation immédiate fixe, n'est-elle pas la solution pour éviter les complications esthétiques telles que les récessions ?
Kan et al. (2018) ont réalisé une revue de littérature sur le sujet et ont conclu que l'implantation immédiate couplée à une temporisation immédiate en zone esthétique sont des grandes opportunités de la dentisterie moderne, et que les résultats esthétiques sont influencés par de nombreux facteurs :
– la mise en charge immédiate influence de façon positive le résultat esthétique final ;
– le fait de ne pas élever de lambeau réduit l'inconfort post-chirurgical mais est soumis à l'expérience du praticien ;
– il est important de combler le hiatus entre l'implant et la paroi alvéolaire afin de prévenir la résorption osseuse post-extractionnelle ;
– une augmentation de tissus mous est conseillée, surtout pour les biotypes fins ;
– la sélection du patient et l'expérience du praticien restent des éléments clés de la réussite de ces traitements.
Il est intéressant d'établir un arbre décisionnel quant au traitement de l'édentement unitaire dans le sextant maxillaire antérieur (fig. 51).
La philosophie de la chirurgie unique repose sur 5 clés indissociables qui rendent la technique reproductible, optimisent les résultats esthétiques, et augmentent la pérennité des traitements. Le premier élément à prendre en compte, en dehors du patient lui-même, est « l'état de la paroi vestibulaire », afin d'identifier la situation de départ.
L'intervention globale doit être minimalement invasive : sans lambeau ou avec juste un mini-lambeau. L'extraction doit être atraumatique. La pose de l'implant sera toujours envisagée : si la stabilisation primaire est suffisante et que l'implant est posé dans la position idéale dans les trois dimensions de l'espace, l'intervention se poursuivra par une augmentation osseuse et une augmentation gingivale. Enfin, une couronne provisoire fixe en inocclusion sera mise en place.
Cette technique de chirurgie unique permet de diminuer les étapes iatrogènes dans un secteur difficile et exigeant, où chaque intervention présente des risques. Cette technique permet également de diminuer le stress du patient, ainsi que le temps du traitement global, en optimisant les résultats esthétiques.
Une réserve est à émettre cependant sur le fait que c'est une technique praticien-dépendant et qu'il faut que le praticien maîtrise chacune des clés.
Les études à court et moyen termes (Barone et al., 2016) montrent aujourd'hui des résultats équivalents pour l'implantation-temporisation immédiate et pour les techniques conventionnelles. Cependant, les tissus mous et les tissus durs continuent de changer pendant de nombreuses années après la pose des implants (Buser et al., 2017 ; Kan et al., 2011). Des études à plus long terme sont donc nécessaires pour comparer les protocoles afin de définir le timing optimal pour la pose de l'implant.