Article
Antoine SANCIER1 / Serge ARMAND2 / Bruno DAILEY3 / Damien LAMAISON4 / Marc THIRY4
1- Ancien interne des Hôpitaux de Toulouse
Exercice privé limité à la parodontie et l'implantologie, Toulouse
2- PU-PH, responsable D.U Implantologie, faculté d'odontologie de Toulouse
3- Exercice privé en implantologie, Paris
4- Prothésiste dentaire spécialisé en implantologie, Tours
Résumé
La compréhension du système de jonction muqueuse autour de l'implant est un des points clés à prendre en compte par les cliniciens, l'industrie et les laboratoires de prothèse, si l'on veut améliorer la pérennité des restaurations implanto-prothétiques, tant sur le plan fonctionnel qu'esthétique.
La simple comparaison histologique entre l'espace biologique implantaire et dentaire est intéressante sur le plan clinique et biologique, mais reste insuffisante pour établir des protocoles fiables visant à assurer dans le temps la stabilité de cette barrière garantissant la bonne santé des tissus péri-implantaires. Depuis sa création jusqu'à son éventuelle atteinte pathologique, les paramètres qui régissent l'espace biologique péri-implantaire sont d'ordre anatomique, biologique, mécanique et physico-chimique. Le but de cette analyse de littérature est de permettre au praticien de faire le lien entre ces différents paramètres, afin de les mettre en concordance avec chaque situation clinique.
The understanding of the mucosal tissue contact system around the dental implant is one of the key points that clinicians, industry and prosthetic laboratories need to consider to improve the durability, the function and the aesthetic side of prosthetic implant.
The simple histological comparison between an implant and dental biological space is interesting clinically and biologically but remains insufficient to establish reliable protocols to ensure over time the stability of the peri-implant mucosa and the health of peri-implant tissue. From its creation to its eventual progressive destruction, the parameters that govern the peri-implant biological width are anatomical, biological, mechanical, and physico-chemical. The purpose of this literature review is to allow the practitioner to link the different parameters to make them as consistent as possible with each clinical situation.
La structure tissulaire supracrestale, à la différence de l'espace biologique comprend le sommet de la crête épithéliale du parodonte marginale et inclus donc le sulcus. Cette structure tissulaire réalise une barrière biologique anatomo-fonctionnelle à la partie coronaire de l'implant autour de l'unité implanto-prothétique séparant la zone septique intra buccale de la zone aseptique intra osseuse. Cette barrière s'établit selon un processus cicatriciel autour du col ou du pilier implantaire en quelques semaines (Berglundh et al., 2007). Cette cicatrisation étant peri-implantaire, on comprend que le positionnement même de l'implant et sa zone d'émergence muqueuse vont influencer de manière qualitative et fonctionnelle la formation de cette unité biologique (Salama et al., 1998, Armand, 2008).
Dans le temps, cette structure tissulaire peut subir une série d'agressions mécaniques et biologiques occasionnant en son sein de nouveau processus cicatriciels pouvant aboutir à une apicalisation de cette barrière associée à une résorption osseuse marginale. Ce processus pourra être limitée et contrôlée dans un contexte clinique sain ou assaini et non contrôlé dans un contexte clinique pathologique. Dans ce cadre d'évolution cicatricielle immédiate et au long cours, la nature des matériaux utilisés en regard de cette structure tissulaire supra crestale auront également une influence sur sa stabilité et sa pérennité (Welander et al., 2008). La notion de muco-intégration prend désormais tout son sens quand on réalise la connexion entre l'implant intra-osseux et la prothèse intrabuccale.
Le positionnement de l'implant a pour double objectif :
– la fonction fondée sur l'obtention de l'ostéo-intégration ;
– l'esthétique, sur le secteur antérieur, basée sur la topographie et la stabilité des tissus mous.
La prise en compte de la vascularisation autour des implants est essentielle dans la compréhension des mécanismes de préservation de l'os crestal et dicte le positionnement implantaire tridimensionnel. Lors de la mise en place d'un implant, le maintien de la vascularisation, par le respect des parois osseuses dans les 3 sens de l'espace, est indispensable aux conditions du succès implantaire, tant fonctionnel qu'esthétique.
De ce fait, l'opérateur doit respecter un certain nombre de règles de positionnement par rapport aux structures voisines (dent, implant, segment édenté), pour compenser l'absence de vascularisation desmodontale.
L'espace biologique autour de l'implant se stabilise sur une hauteur de 3 mm environ. Si cet espace biologique est moindre au départ, le volume nécessaire à la stabilité de l'espace biologique implantaire va se recréer aux dépens de l'os crestal, induisant une récession tissulaire (Berglundh et al., 2007).
C'est donc le profil d'émergence de la restauration prothétique qui va guider le positionnement apical de l'implant au moment de sa mise en place.
Le positionnement vertical ne doit alors pas tenir compte du niveau osseux, mais doit être défini par rapport aux collets cliniques des dents adjacentes, pour obtenir leur alignement. En raison du différentiel de 1 mm entre l'espace biologique implantaire et dentaire, il faut donc ajouter 3 mm à la profondeur sulculaire de la dent adjacente pour obtenir le positionnement vertical idéal du col implantaire.
À partir de cette règle, on peut être confronté à trois types de situations cliniques concernant le niveau osseux :
– le niveau osseux est situé trop occlusalement par rapport à cette règle et impose donc une ostéoectomie pré-implantaire. Sans correction, la couronne implanto-portée sera plus courte que la couronne clinique des dents adjacentes (fig. 1 à 3) ;
– le niveau osseux est parfaitement situé, en adéquation avec cette règle des 3 mm ; dans ce cas, l'alignement des collets est obtenu. C'est la situation la plus favorable et la plus simple, qui ne nécessite aucune modification de la topographie osseuse (fig. 4 et 5) ;
– le niveau osseux est trop apical et, dans ce cas-là, il est nécessaire de réaliser une régénération osseuse guidée pré- ou per-implantaire, pour éviter l'échec esthétique d'une dent trop longue (fig. 6).
Le fabriquant recommande pour certains implants un positionnement infra-crestal à 1 mm en dessous du niveau osseux. Dans ce cas-là, on rajoute le millimètre supplémentaire à la règle décrite ci-dessus.
L'expérimentation sur le chien d'Araùjo et al. (2005) montre que la première étape lors de la cicatrisation d'une alvéole d'extraction est la résorption de l'os fasciculé vestibulaire qui se réalise en 8 semaines du fait de la perte de la vascularisation desmodontale. Dans le sens sagittal, le positionnement de l'implant doit donc se faire à distance de cet os cortical pour ménager un espace minimal de 2 mm permettant une interposition d'os réorganisé et vascularisé (Araújo et al., 2011).
Pour ce faire, nous pouvons jouer sur deux paramètres :
– un positionnement palatin adapté à la topographie de la crête ;
– la diminution du diamètre implantaire.
Lors de la mise en place d'un implant, le maintien de la vascularisation, par le respect des parois osseuses dans les trois sens de l'espace, est indispensable aux conditions du succès implantaire.
Ainsi, en implantation post-extractionnelle, la stabilité primaire est primordiale, mais ne doit pas être obtenue par une augmentation exagérée du diamètre implantaire, qui peut affecter négativement le respect des parois osseuses proximales et donc leur potentiel vasculaire.
Une étude de Ross et al. (2014) montre que l'utilisation d'implant de plus faible diamètre pour le remplacement d'incisive latérale permettait de réduire significativement le risque de récession tissulaire autour de la restauration implanto-prothétique à 5 ans.
Le positionnement sagittal influencerait donc également le « profil d'émergence » de la restauration prothétique supra-implantaire. L'étude de coupes TDM révèle une position vestibulée des racines des dents antérieures, souvent au contact de la corticale osseuse alvéolaire vestibulaire sans interposition d'os spongieux.
Les travaux de Braut et al. (2011) analysent l'épaisseur de la corticale osseuse vestibulaire, en denture naturelle, dans la région antérieure maxillaire, sur des radiographies tridimensionnelles de type Cone Beam Computed Tomography (125 CBCT analysés). La mesure est réalisée perpendiculairement au grand axe de la dent.
Les résultats, en fonction du type de dent, varient selon la zone de hauteur radiculaire observée et sont résumés dans les tableaux 1 et 2 ci-dessous (tableaux 1 et 2).
Cette constatation anatomique permet de diagnostiquer deux types de problèmes :
– un contexte défavorable dans la plupart des cas ;
– une aggravation des conditions anatomiques osseuses vestibulaires du site d'implantation dans les 4 à 8 semaines qui suivent l'extraction de la racine, du fait de la perte de la vascularisation desmodontale.
En conséquence, l'augmentation du volume osseux vestibulaire s'impose souvent dans les procédures d'implantation en secteur antérieur maxillaire. De même, la modification du biotype parodontal en faveur d'une épaisseur gingivale augmentée limite de manière très significative l'amincissement du volume gingival vestibulaire après plus de deux années de mise en situation prothétique dans les secteurs esthétiques (Kan et al., 2011 a).
Dans une autre publication, Kan et al. (2011 b) réalisent une étude rétrospective sur l'analyse d'images CBCT de la position radiculaire sagittale au maxillaire supérieur dans le secteur antérieur sur 100 patients (40 hommes et 60 femmes de 53 ans de moyenne d'âge). La distribution des racines dentaires dans le plan sagittal au maxillaire supérieur (SRP, Sagittal Root Position) est classifiée en classes I, II, III, IV, suivant la position sagittale de la racine (SRP) par rapport à l'os alvéolaire.
– classe I : la racine est positionnée contre la corticale vestibulaire en moyenne dans 81,1 % des cas ;
– classe II : la racine est centrée dans le milieu de l'alvéole osseuse en moyenne dans 6,5 % des cas ;
– classe III : la racine est positionnée contre la corticale palatine dans 0,7 % des cas ;
– classe IV : la racine est au contact des deux corticales vestibulaires et palatine dans 11,7 % des cas.
En secteur antérieur, la classe I SRP est donc la situation la plus fréquente et obligera l'opérateur à orienter l'engagement de l'implant en palatin, afin d'assurer sa fixité primaire dans le cadre d'une implantation post-extractionnelle avec mise en situation prothétique immédiate.
Une autre étude de Januário et al. (2011) rapporte les valeurs de l'épaisseur du mur osseux vestibulaire dans la région antérieure du maxillaire obtenues à partir de l'analyse de 250 images CBCT. Les mesures sont réalisées à 1, 3 et 5 mm apical à la crête osseuse marginale. La distance entre la jonction émail/cément et le mur osseux vestibulaire varie de 1,6 à 3 mm. La moitié des sites présentaient une épaisseur du mur osseux vestibulaire inférieure à 0,5 mm, ce qui constitue une situation clinique défavorable.
En denture naturelle, cette fine corticale alvéolaire vestibulaire est stable car bien vascularisée par le desmodonte et le périoste. En implantologie, seule une corticale osseuse épaisse permet une vascularisation trabéculaire et périostée.
La position tridimensionelle de l'implant ne doit pas se faire aux dépens de la paroi osseuse vestibulaire, qui doit être de 2 mm minimum (Spray et al., 2000). Ainsi, en situation d'implantation post-extractionnelle, l'implantation ne doit pas utiliser le site d'extraction, la corticale osseuse vestibulaire serait trop fine, mal vascularisée avec pour conséquence la résorption osseuse et donc une perte d'ostéo-intégration vestibulaire.
Lors de l'implantation immédiate dans une alvéole d'extraction, une position plus palatine de l'implant, qui ne suivra pas l'axe radiculaire initial, doit être recherchée (fig. 7).
L'étude d'Araújo et al. (2006) décrit une perte osseuse marginale lors de l'implantation immédiate post-extractionnelle. L'analyse critique de cet article met en évidence l'utilisation du site extractionnel comme site implantaire et la mise en place d'implants « surdimensionnés », qui ne ménagent pas l'espace nécessaire à l'établissement d'une néo-vascularisation du hiatus péri-implantaire.
Selon Grunder et al. (2005), pour assurer la stabilité de l'os et donc celle des tissus gingivaux, une épaisseur d'os d'au moins 2 mm est nécessaire autour du col de l'implant. Dans les cas d'extraction et implantation immédiate, il faut créer un espace péri-implantaire vestibulaire et le pérenniser par la mise en place d'un biomatériau non résorbable.
Araújo et al. (2011) confirment ces résultats par une nouvelle expérimentation sur le chien Beagle. L'implantation post-extractionnelle est réalisée dans les alvéoles d'extractions de prémolaires. Dans le groupe test, le hiatus entre l'implant et le mur vestibulaire est comblé par une xénogreffe non résorbable. La comparaison avec le groupe contrôle révèle une épaisseur plus importante de l'os marginal péri implantaire, ainsi qu'un niveau plus élevé du contact osseux sur les premières spires de l'implant dans les sites greffés. Cela plaide donc en faveur d'un comblement du hiatus vestibulaire à l'aide d'un matériau non résorbable, pour limiter le remaniement tissulaire vestibulaire.
L'étude de Tarnow et al. (2000) justifie le maintien d'une distance inter-implantaire de 3 mm afin de compenser l'absence de vascularisation desmodontale et permettre la création d'un espace biologique mésio-distal stable autour de chaque implant.
Au-delà des exigences opératoires préconisées par cette étude, il est primordial d'éviter de mettre en place un implant par dent absente dans des espaces mésio-distaux restreints, chaque implant constituant par sa présence un obstacle à la vascularisation des tissus environnants. L'ischémie trabéculaire qui peut en résulter est un facteur de risque important de résorption osseuse péri-implantaire, et donc de modification de l'espace biologique implantaire, défavorable au maintien d'une situation esthétique.
Une équipe d'Atlanta (Salama et al., 1998) a proposé d'établir un cahier des charges précis quant au positionnement de l'implant, selon qu'il soit à proximité d'une racine dentaire, d'un site édenté ou d'un autre implant. Ces valeurs sont retranscrites dans le tableau 3 (Armand, 2008) (tableau 3). En effet, il faut considérer l'espace biologique qui se crée sur un plan mésio-distal autour de l'implant une fois positionné. Si cet espace biologique vient interférer latéralement avec celui d'un autre implant, il y aura nécessairement un remaniement de ces deux structures tissulaires supracrestales voisines, et une résorption osseuse s'organisera en raison de la faible vascularisation de la zone concernée. Ainsi, il est toujours plus favorable de placer un implant à proximité d'un site édenté car seul l'espace biologique implantaire existe et ne peut donc interférer sur l'organisation tissulaire proximale. La situation la plus défavorable étant représentée par deux implants contigus, puisque l'absence de vascularisation desmodontale bilatérale accroît le déficit vasculaire du site.
Dans un secteur esthétique, il est donc déconseillé de placer 2 implants côte à côte, et le maintien d'une zone édentée en proximal de l'implant reste la situation la plus favorable en termes de stabilité tissulaire (fig. 8 et 9).
Le positionnement implantaire tridimensionnel répond à des règles précises dont les paramètres sont d'ordre biologique, anatomique et prothétique. Ce positionnement implantaire revêt une importance capitale dans la stabilité de l'espace biologique implantaire, et donc des tissus péri-implantaires.
Tout comme le tissu parodontal, la muqueuse péri-implantaire joue le rôle de barrière vis-à-vis du milieu buccal. La création, la stabilité et la survie de cet espace biologique sont liées à de multiples facteurs, dont la nature des matériaux.
Un biomatériau est un matériau non vivant utilisé dans un dispositif médical, à des fins thérapeutiques ou non, et appelé à interagir avec les systèmes biologiques. Les principaux biomatériaux amenés à interagir avec l'espace biologique en prothèse implantaire sont : le titane, la zircone, les alliages précieux et non-précieux et les matériaux composites PAEK (Poly Aryl Ether Ketone), dont le plus connu est le PEEK (Poly Ether Ether Ketone).
La biocompatibilité est la capacité d'un biomatériau à remplir une fonction spécifique avec une réponse appropriée de l'hôte. La biocompatibilité a longtemps été synonyme d'inertie du matériau, c'est-à-dire liée à l'absence de réponse et de dégradation par l'hôte, alors qu'en fait la biocompatibilité englobe la compréhension des mécanismes interactifs existant entre un matériau et le milieu biologique environnant.
La corrosion est une réaction irréversible entre les interfaces d'un matériau et son environnement, qui implique une consommation de matériau ou une dissolution dans le matériau d'une composante de l'environnement.
La résistance à la corrosion d'un alliage est étroitement liée à sa biocompatibilité. La corrosion métallique se traduit par une libération de particules chargées, qui peuvent par la suite entrer en contact avec les cellules ou les tissus adjacents, mais aussi être absorbés par l'organisme ; ainsi, le but fondamental est de n'utiliser que des alliages présentant une libération minimale de particules chargées.
Plusieurs facteurs semblent influencer la corrosion, comme la composition du milieu salivaire (pH), la présence de différents alliages en bouche, l'hygiène et le mode de vie du patient.
Parmi les nombreuses caractéristiques du titane, on peut citer sa haute résistance mécanique et un module d'élasticité compatible avec les structures osseuses, sa capacité à former spontanément à l'air une couche stable d'oxyde de passivation, épaisse de 4 à 6 nm, qui le protège contre la corrosion et ralentit la libération des ions titane. En effet, le titane affiche une solubilité infime et un degré de corrosion extrêmement bas, qui le mettent tout à fait en tête en matière de tolérance biologique (Textor et al., 2001).
Selon Rompen et Domken (2005), il existe une adhérence réelle entre les composants implantaires transgingivaux en titane et les tissus mous. Ces propriétés en font un biomatériau de choix pour les implants dentaires et les composants transgingivaux.
En prothèse dentaire, l'utilisation du titane est moins répandue, de par les difficultés de mise en œuvre, même si, avec l'avènement de l'usinage et de la microfusion laser, son usage est plus régulier et plus simple. Demeurent tout de même les problèmes de céramisation du titane, en partie due au phénomène d'α-case : le titane en fusion réagit avec le revêtement et crée en surface de la pièce prothétique « brute » une couche superficielle polluée appelée « alpha-case » ; elle est irrégulière et mesure environ 100 microns. Il en résulte des conséquences :
– mécaniques : fentes et fissures ;
– électrochimiques : moins bonne résistance à la corrosion.
Pour cette raison et dans le cadre des restaurations monoblocs vissées sur armature titane, il est nécessaire d'utiliser une céramique basse fusion.
Par ailleurs, l'industrie a développé des piliers en deux parties, permettant de séparer la connectique titane de la partie émergente du pilier ou de la prothèse dans les restaurations vissées. Cela permet d'éviter le passage au four de la partie transgingivale du pilier et de sa connectique ; on évite ainsi la création de cette couche α-case rendant l'accroche cellulaire moins stable ou moins présente d'une part et diminuant la précision d'ajustage d'autre part.
Dans le cas de biotype fin, le titane peut être responsable d'une composante colorée grisâtre et inesthétique au travers de la muqueuse (Jung et al., 2008). Pour répondre à ce problème de dyschromie gingivale, les piliers usinés en titane peuvent être revêtus d'un dépôt nituré de couleur dorée supprimant cet inconvénient (fig. 10).
Les ors palladiés sont les alliages les plus résistants à la corrosion, tandis que les alliages non précieux, type cobalt chrome, présentent de moins bonnes propriétés. Pour réaliser des piliers implantaires au laboratoire (méthode surcoulée) ou pour céramiser des piliers manufacturés, il faut passer la pièce au four à de multiples reprises. Cela a pour conséquence inévitable la formation d'une couche d'oxyde au niveau de la connectique. Une fois cette couche supprimée mécaniquement, il est difficile de garantir l'ajustage et l'étanchéité de la connectique implant/pilier. De ce fait, on peut s'interroger sur la nature et la qualité de l'adhérence des tissus mous sur ces pièces coulées non usinées. Ces matériaux sont donc à éviter dans la fabrication des pièces transgingivales. Dans une étude comparative, Welander et al. (2008) montrent que seuls les piliers titane et céramique permettent une stabilité de l'attache après cinq mois de cicatrisation. Ils notent une migration apicale de la barrière épithéliale ainsi que de l'os péri-implantaire avec l'utilisation de piliers coulés en alliage Au/Pt. En outre, ils observent une densité moindre de collagène et de fibroblastes autour de ces piliers par rapport aux piliers en titane ou zircone.
Le dioxyde de zirconium ZrO2, appelé couramment zircone, est un biomatériau largement utilisé grâce à ses nombreuses propriétés : faible conductivité thermique, grande résistance à la corrosion, bonne radio-opacité, résistance à la flexion allant de 900 à 1 200 Mpa. De plus, aucun effet indésirable localisé ou systémique et aucun effet cytotoxique en lien avec la zircone n'ont été démontrés. Ainsi, la zircone paraît minorer la colonisation bactérienne plus que le titane, suivant une analyse de certains marqueurs de l'inflammation autour de coiffes de cicatrisation en zircone et en titane.
De par ses qualités exceptionnelles, la zircone peut aussi bien être utilisée pour la confection de pilier implantaire que d'armature ou même de couronne. Glauser et al. (2004) notent une réaction favorable des tissus durs et mous au contact de la zircone pour les restaurations unitaires antérieures. Sur l'adhésion bactérienne à la surface du matériau, les études ne concordent pas vers la supériorité d'un matériau ; ni le titane ni la zircone ne se démarquent véritablement en termes d'adhésion bactérienne de surface. Pour autant, l'excellence de l'intégration esthétique et biologique des piliers zircone en secteur antérieur en fait le matériau de choix en zone esthétique (Sailer et al., 2009 ; Zembic et al., 2013 ; Zembic et al., 2015).
En revanche, l'état de surface de la partie transgingivale aurait une grande importance sur le maintien à long terme de la stabilité de l'espace biologique selon Salihoglu et al. (2011). Les surfaces lisses sont à privilégier par rapport aux surfaces rugueuses (Teughels et al., 2006) en termes d'inflammation des tissus péri-implantaires et de maturation de la plaque dentaire à la surface des piliers.
Toutefois, l'étude de Stimmelmayr et al. (2012) démontre les effets délétères d'un contact direct de la zircone sur le titane de l'implant au niveau de la connectique, qui provoque l'usure du titane. On note même parfois des colorations métalliques sur le parodonte marginal, liées au contact de la limaille de titane. Une revue de littérature récente de Suárez-López Del Amo et al. (2018) observe par ailleurs davantage de particules de titane autour des sites présentant des signes de péri-implantite qu'autour des tissus sains péri-implantaires. Afin de limiter les effets de friction titane contre zircone, il est préférable de concevoir des suprastructures implantaires en deux parties :
– une partie anti-rotationnelle en titane assurant la connexion titane/titane avec l'implant ;
– une partie transgingivale en zircone en regard de l'espace biologique et collée sur la base titane.
Cette façon de procéder permet ainsi de satisfaire à la fois les impératifs mécaniques et les impératifs biologiques.
La bio-inertie et la biocompatibilité sont les caractéristiques importantes de toutes les céramiques. En effet, elles sont dites bio-inertes chimiquement, électriquement et thermiquement. Leur structure chimique leur confère une grande stabilité, supérieure à celle des métaux et des résines, et ne présente pas de dégradation par corrosion. Elle ne provoque aucune allergie. L'excellence des états de surface entraîne une faible adhésion de la plaque dentaire, mais cette excellence est difficile à obtenir avec les procédés d'élaboration de laboratoires habituels. Les problèmes de biocompatibilité peuvent ne pas être liés directement au matériau, mais plutôt à son état de surface : les défauts de surface, liés à un déficit de polissage après retouches, ou à un défaut de réalisation de l'étape de glaçage, représentent des zones de rétention et de propagation de la plaque dentaire et peuvent générer des problèmes inflammatoires des tissus mous péri-implantaires (Abrahamsson et al., 1998). Il n'est donc pas souhaitable de les utiliser en tant que matériaux en regard de l'espace biologique.
Ce sont des polymères thermoplastiques à hautes performances de résistance mécanique et d'une grande stabilité à haute température. On distingue couramment les PEEK (Poly Ether Ether Ketone), uniquement usinables, et les PEKK, pressés ou usinés. À ces matériaux de base peuvent s'ajouter des matériaux de renfort (béta-TCP, céramique, TiO2) pour obtenir des matériaux type BioPik ou BioHPP.
Ce type de matériau composite a été étudié dès les années 1990 et les tests de biocompatibilité s'étaient révélés prometteurs in vitro (Wenz et al., 1990), mais leur utilisation en tant que pièce de structure dans les restaurations implanto-prothétiques restait à évaluer.
Pour les piliers implantaires, la biocompatibilité est toujours très bonne, la formation d'un biofilm est équivalente sur pilier implantaire PEEK que sur titane ou zircone, mais qu'en est-il de la résistance ? À ce jour, le Peek est essentiellement utilisé pour les piliers provisoires ou les vis de cicatrisation (Koutouzis et al., 2011) et semble avoir un comportement intéressant en transgingival.
Ces matériaux largement utilisés en médecine doivent encore faire leur preuve en prothèse dentaire (comportement dans le temps, dans la cavité buccale et sous l'action des forces de mastications, ainsi que du pH de la salive). Une revue de littérature (Wiesli et Özcan, 2015) semble indiquer que ce matériau peut être considéré comme biologiquement compatible avec les tissus mous péri-implantaires et que son utilisation peut être recommandée pour cet usage.
On comprend donc qu'il existe une interaction forte entre les tissus mous et la surface du matériau implantaire dans la zone transgingivale. Beaucoup de facteurs entrent en jeu dans le comportement à long terme de l'espace biologique péri-implantaire : matériau, technique chirurgicale, positionnement de l'implant, position de la connectique par rapport au niveau osseux, mise en place de la partie transgingivale... Il appartient donc aux praticiens, aux patients ainsi qu'aux fabricants de prendre conscience du fait que, si l'ostéo-intégration est quelque chose de relativement simple à obtenir de manière reproductible, le concept de muco-intégration revêt un caractère plus complexe et plus aléatoire, car multifactoriel.
La recherche de pérennité de l'espace biologique implantaire est un des éléments clés du succès à long terme de la thérapeutique implantaire. Elle ne se fera que par une analyse fine de chaque situation, à la fois clinique, topographique, et parodonto-prothétique. Il nous est désormais devenu indispensable d'envisager une action d'optimisation sur les tissus mous péri-implantaires, cette action pouvant se faire à chaque étape de la réalisation, c'est-à-dire avant, pendant ou après le processus d'ostéo-intégration.
L'objectif défini est la mise en place d'une structure tissulaire supracrestale stable réalisant une barrière entre la cavité buccale et l'os sous-jacent ; il ne faut jamais perdre de vue que cet espace biologique est le résultat d'un processus cicatriciel, ce qui le rend plus vulnérable que celui qui existe naturellement autour des dents.