Article
Fadel BELLAKHDAR1* Léa BONTEMPS2** Sophie-Myriam DRIDI3*** Frédérick GAULTIER4****
*1- AHU, UFR d'odontologie de Paris Descartes-Paris V
Département de parodontologie, hôpital Henri-Mondor (Créteil)
**2- AHU, UFR d'odontologie de Paris Descartes-Paris V
Département de parodontologie, hôpital Henri-Mondor (Créteil)
***3- MCU/PH, UFR d'odontologie de Nice-Sophia Antipolis
Département de parodontologie, hôpital Saint-Roch (Nice)
****4- MCU/PH, UFR d'odontologie de Paris Descartes-Paris V
Département chirurgie orale et pathologies des muqueuses buccales, hôpital Henri_Mondor (Créteil)
Résumé
Les épulis sont des pseudotumeurs inflammatoires, exclusivement gingivales. Ces pathologies, volontiers réactionnelles, revêtent trois principales formes cliniques : l'épulis inflammatoire, fibreux ou fissuratum. Le diagnostic clinique est systématiquement confronté aux résultats de l'examen anatomopathologique permettant d'écarter une tumeur gingivale mimant l'expression clinique d'une épulis. L'exérèse de ces pseudotumeurs est le traitement de choix, leur développement s'effectuant aux dépens du tissu gingival. La prise en charge thérapeutique, simple d'exécution, doit toutefois respecter un protocole chirurgical précis permettant de limiter les complications per- et post-opératoires.
Epulis are inflammatory pseudotumours exclusively located on the gum. These pathologies, readily reactional, present three main clinical forms: epulis inflammatory, fibrous or fissuratum. The clinical diagnosis is systematically confronted with the results of the anatomopathological examination allowing to exclude a gingival tumor mimicking the clinical expression of an epulis. The removal of these pseudotumours is the treatment of choice, their development taking place at the expense of the gingival tissue. The therapeutic management, which is simple, must however respect a precise surgical protocol to limit the per and postoperative complications.
L'épulis est une pseudotumeur gingivale inflammatoire bénigne dont l'étymologie grecque signifie « posée sur la gencive ». À la différence des tumeurs bénignes ou malignes qui se forment d'emblée par prolifération excessive de cellules au sein du tissu gingival, les pseudotumeurs se caractérisent par une prolifération locale de cellules médiée par un remaniement du tissu hôte en réponse à un stimulus. À cet égard, le terme « reactive lesions of the gingiva », employé dans la littérature anglo-saxonne, illustre parfaitement ce mécanisme étiopathogénique.
Ces lésions sont bénignes et fréquentes ; elles surviennent à tous les âges. Si leur diagnostic ne pose généralement pas de problème à l'odontologiste, certaines expressions cliniques imposent l'établissement d'un diagnostic différentiel.
Les objectifs de l'article sont :
– de présenter les différents types d'épulis, à travers leurs caractéristiques cliniques et anatomopathologiques ;
– de préciser les diagnostics différentiels permettant de dépister les lésions à risques mimant l'aspect clinique des épulis ;
– de faire le point sur la prise en charge de ces pseudotumeurs.
Les épulis revêtent trois formes cliniques principales : inflammatoire, fibreux ou fissuratum (fig. 1 à 6, tableau 1).
Les données contradictoires rapportées dans la littérature et l'absence de consensus sur la classification de ces lésions ne permettent pas de définir avec précision leur prévalence respective.
L'épulis inflammatoire est une lésion réactionnelle associée à un phénomène d'inflammation chronique aggravé par l'accumulation de plaque dentaire. Plusieurs étiologies sont possibles mais elles sont principalement traumatiques, iatrogènes et/ou hormonales (grossesse, diabète).
L'épulis gravidique, ou épulis de grossesse, survient essentiellement pendant les deux derniers trimestres de la grossesse avec une fréquence de survenue estimée à 5 % (Dridi et al., 2013). L'épulis gravidique peut être isolée, focale ou multifocale. Sa croissance est favorisée par une mauvaise hygiène bucco-dentaire et l'imprégnation fluctuante de la gencive en hormones féminines. L'œstrogène, hormone protectrice régulant le système immuno-inflammatoire, voit son taux diminuer au cours de la grossesse, rendant ainsi la gencive plus vulnérable à l'agression bactérienne. La progestérone, en revanche, vasodilatatrice et pro-inflammatoire, voit son taux augmenter. Dans ce contexte biologique, pro-inflammatoire et fragilisé, il est alors aisé de comprendre que le processus inflammatoire soit majoré par les biofilms bactériens composant la plaque dentaire (Dridi et al., 2013). Le traitement consiste en l'exérèse à la lame froide ou au laser CO2 en cas de gêne esthétique et/ou fonctionnelle.
Une épulis de petite taille peut faire l'objet d'une surveillance clinique jusqu'à régression spontanée après l'accouchement.
L'épulis gravidique peut néanmoins être le siège d'une fibrose et persister, nécessitant son exérèse après l'accouchement.
L'hyperglycémie chronique non corrigée est également impliquée dans l'étiopathogénie des épulis inflammatoires, en raison de la perturbation fonctionnelle des polynucléaires neutrophiles, des modifications vasculaires et de l'altération de l'activité des collagénases qu'elle engendre. Ainsi, en l'absence de tout autre étiologie évidente, la présence d'une épulis doit être considérée comme un signe clinique d'alerte qui impose de rechercher un diabète non diagnostiqué ou non équilibré. La prescription d'une glycémie à jeun et du taux de l'hémoglobine glyquée HbA1c est alors nécessaire pour confirmer ou écarter cette hypothèse étiologique (Van Dis et al., 1988).
La lésion élémentaire correspond à un nodule circonscrit ou à une hypertrophie gingivale focale aux limites mal définies. La masse bourgeonnante, sessile ou pédiculée, inflammatoire, rouge vif, parfois framboisée, est fréquemment ulcérée en surface. La palpation révèle une masse plus ou moins molle reposant sur une base gingivale saine, non douloureuse et saignant spontanément ou au moindre contact.
Sur le plan histologique, l'épithélium buccal est souvent aminci, parfois ulcéré. La composante vasculaire et l'infiltrat inflammatoire sont majoritaires. La fibrose réactionnelle est présente dans une moindre mesure. L'infiltrat superficiel, à type de polynucléaires neutrophiles, jouxte la possible ulcération de surface, tandis que l'infiltrat profond, de nature lymphoplasmocytaire, est retrouvé en regard des nombreux capillaires néoformés.
L'épulis fibreuse est considérée par certains auteurs comme le stade évolué d'une épulis inflammatoire, qui pourrait voir, lors de son passage à la chronicité, sa composante fibreuse augmenter au détriment de ses composantes vasculaires et inflammatoires. Les épulis inflammatoires apparaissant lors de la grossesse peuvent devenir fibreuses et subsister partiellement ou en totalité après l'accouchement, au lieu de régresser spontanément avec la baisse des hormones féminines comme cela est fréquemment observé.
La lésion élémentaire prend l'aspect d'un nodule arrondi, sessile ou pédiculé, recouvert par une muqueuse d'aspect plus ou moins normal. Généralement non inflammatoire et non hémorragique, il arrive parfois qu'un infiltrat inflammatoire local puisse entraîner une érosion, voire une ulcération de surface. La nature fibreuse de la lésion est généralement révélée par une relative fermeté à la palpation et parfois par une pâleur, plus ou moins marquée selon la taille de la lésion et la sous-couche tissulaire conjonctive source de la fibrose.
Sur le plan histopathologique, il existe une prolifération massive de fibroblastes associée à la présence de faisceaux de fibres de collagène matures enchevêtrées, de quelques petits vaisseaux sanguins et plus rarement d'une dégénérescence d'origine myxomateuse.
Les données épidémiologiques concernant l'épulis fissuratum, encore appelée « hypertrophie fibreuse prothétique », rapportent un sex-ratio M/F de 2,8 : 1, et des pics d'incidence constatés au cours de la cinquième et de la septième décades de la vie (Cutright, 1974). Ces données ont longtemps conforté l'hypothèse incriminant une variation hormonale post-ménopausique comme facteur favorisant la survenue des épulis fissuratum. Cette hypothèse est définitivement réfutée en 2013 suite aux travaux immuno-histochimiques de Seyedmajidi et al. (2013), qui confirment l'absence de toute corrélation significative entre épulis fissuratum et condition systémique spécifique.
Ce type d'épulis est retrouvé en regard d'une prothèse amovible présentant des limites périphériques mal adaptées. Le siège préférentiel serait antérieur et maxillaire dans 55 % des cas (Buchner et al., 1984).
Le tableau clinique classique associe deux replis fibro-épithéliaux : le premier sous l'intrados de la prothèse et le deuxième jouxtant l'extrados vestibulaire de cette dernière. L'aspect clinique de la lésion reste polymorphe. En effet, les plis peuvent présenter un aspect aussi bien inflammatoire, granulaire, rouge vif, que nodulaire, fibreux et recouvert d'une muqueuse d'aspect sain lors du passage à la chronicité.
Sur le plan histopathologique, une acanthose associant une hyperparakératose est généralement retrouvée à la base ou sur les bords latéraux des replis muqueux. Cette hyperkératose est tout particulièrement marquée en présence d'une ulcération basale, elle-même associée à la sévérité du traumatisme causal. L'allongement et l'épaississement des crêtes épithéliales situées en bordure du tissu sain s'associent en présence d'une inflammation intense à des hyperplasies d'aspect « pseudoépithéliomas ». Ces derniers éléments, en plus de l'acanthose, contribuent à l'allongement des assises épithéliales. Des dyskératoses sont possibles mais ne laissent pas suspecter de passage à la malignité. Plus rarement, un épithélium d'aspect normal est observé sur des lésions riches en collagène, mimant l'aspect d'un fibrome irritatif (Cutright, 1974).
La sémiologie clinique peut être très similaire d'une forme clinique d'excroissance à une autre, et ne suffit généralement pas à l'établissement d'un diagnostic de certitude nécessitant la confrontation de la clinique aux résultats de l'examen anatomopathologique, qui est par ailleurs d'une obligation médico-légale (tableau 1).
Classé parmi les pseudotumeurs vasculaires, le botryomycome (hémangiome capillaire lobulaire, granulome pyogénique ou bourgeon charnu inflammatoire) peut survenir après un traumatisme, une infection, la prise d'un médicament, lors de la grossesse, ou de manière idiopathique. Bien que son évolution gingivale reste fréquente, le botryomycome peut siéger sur toutes les muqueuses (nasale, digestive...) et téguments (doigts, orteils, tronc...).
L'aspect clinique révèle généralement une masse nodulaire, non douloureuse et d'évolution rapide, polypoïde à base étroite, cernée par un mince sillon, d'un à deux centimètres de grand axe, de couleur rouge pourpre, fréquemment ulcérée en surface et saignant spontanément.
Le trait histologique pathognomonique est l'agencement lobulaire des capillaires. Chaque lobule est formé de nombreux petits capillaires cerclant, le plus souvent, un vaisseau de plus grand diamètre. La matrice conjonctive, volontiers fibromyxoïde, est parsemée de cellules fusiformes ou étoilées. Entre les lobules, on retrouve des artérioles et des petites veinules. L'épithélium est aminci et fréquemment ulcéré en surface, et dessine à la base de la lésion une collerette invaginée. Si les formes cliniques précoces présentent une angiogenèse marquée avec une prolifération vasculaire compacte et un réseau capillaire serré, les formes plus tardives voient leur composante vasculaire diminuer au profit d'une fibrose cerclant une veinulisation des capillaires (Baglin, 2011).
Le terme « angiome » regroupe un ensemble de lésions physiopathologiques tumorales ou malformatives ayant une origine commune vasculaire. Parmi les malformations vasculaires, on distingue les malformations simples, affectant préférentiellement le réseau capillaire, veineux, artériel ou lymphatique, et les malformations mixtes ou combinées pouvant associer des réseaux de natures diverses. Ces malformations peuvent être également classées selon leur hémodynamisme, bas débit ou haut débit, permettant d'anticiper leur évolution et les modalités de leur prise en charge (Jackson et al., 1993).
Les malformations vasculaires actives à haut débit sont caractérisées par un hémodétournement capillaire par shunt artério-veineux simple (fistule artério-veineuse) ou multiple (malformation artério-veineuse). Ces pathologies sont graves mais restent heureusement exceptionnelles. Leur apparition est favorisée par divers facteurs exogènes ou endogènes : traumatisme, infection, facteurs hormonaux (puberté, grossesse).
Cliniquement, ces lésions se caractérisent par une tuméfaction exophytique, rouge, chaude, battante et pulsatile à la palpation. Leur gravité repose sur leur évolution non prévisible, aux conséquences parfois létales. C'est pourquoi le diagnostic doit être établi le plus rapidement possible.
Si la palpation permet de les dépister, le diagnostic de certitude nécessite des examens complémentaires. L'échographie-doppler, généralement prescrit en première intention, permet d'apprécier l'augmentation de taille et de nombre des structures vasculaires en regard de la lésion. L'angio-IRM et/ou l'artériographie sont en outre nécessaires pour établir sa cartographie, évaluer son extension (notamment aux structures osseuses) et distinguer les malformations à petit shunt des malformations à gros shunt. L'évolution des malformations à haut débit peut s'accompagner de complications majeures : déformations, nécroses, troubles trophiques, douleurs, hémorragies, auxquelles s'ajoutent les complications associées aux thérapeutiques inadaptées, générant parfois des impasses thérapeutiques. La prise en charge s'effectue au sein de services spécialisés : abstention, radiologie interventionnelle, chirurgie, laser, etc. (Jackson et al., 1993).
Encore appelé « épulis à myéloplaxes » – cellules géantes plurinucléées de nature fibroblastique retrouvées dans certaines tumeurs tendineuses ou osseuses –, le GCG-P est la plus fréquente des pseudotumeurs à cellules géantes de la sphère orale.
Sur le plan clinique, la lésion élémentaire prend l'aspect d'une masse exophytique nodulaire ou plurinodulaire, pouvant atteindre plusieurs centimètres de diamètre. Son importante vascularisation, l'extravasation de nombreuses hématies et les dépôts variables d'hémosidérine peuvent lui conférer un aspect rouge, bleuté ou parfois même pigmentaire. Selon l'importance de l'infiltrat inflammatoire local, une ulcération de surface peut également être observée.
La palpation ferme et indolore révèle une fibrose peu dense générée par la prolifération locale de cellules géantes plurinucléées fibroblastiques. L'examen anatomopathologique montre également la présence de cellules histiocytaires, une néoangiogenèse marquée par la prolifération de nombreux petits capillaires et un infiltrat inflammatoire à prédominance lymphocytaire. L'épithélium malpighien aminci présente des crêtes épithéliales profondément invaginées (Dridi et al., 2013).
La fistule d'origine endodontique permet le drainage des collections suppurées vers la cavité orale, diminuant ainsi les signes cliniques associés à la lésion inflammatoire péri-apicale d'origine endodontique.
Elle se manifeste cliniquement par une excroissance rougeâtre, plus ou moins tendue, généralement vestibulaire et asymptomatique, parfois suintante à la palpation. Sa localisation au niveau de la muqueuse alvéolaire permet entre autres d'évoquer le diagnostic. Ce dernier est confirmé en objectivant le trajet fistulaire par l'insertion dans la fistule d'un cône de gutta-percha visible sur un cliché rétro-alvéolaire. Ce geste simple permet de déterminer l'origine du foyer infectieux endodontique et la dent incriminée.
Les manifestations orales des hémopathies malignes peuvent parfois prendre l'aspect d'hypertrophies gingivales inflammatoires et hémorragiques mimant les caractéristiques cliniques des épulis inflammatoires. Le diagnostic différentiel est capital et met en exergue l'importance du questionnaire médical.
Chez le jeune, la présence d'une épulis inflammatoire s'accompagnant de signes fonctionnels (asthénie, altération de l'état général, adénopathies, etc.) impose la prescription d'une numération et formule sanguine pour écarter une hémopathie maligne, en particulier une leucémie aiguë lymphoblastique (Gowda et al., 2013).
Le carcinome épidermoïde gingival peut mimer les caractéristiques cliniques de l'épulis inflammatoire. Le diagnostic est posé grâce à l'examen anatomopathologique mettant en évidence les atypies cellulaires et/ou architecturales.
Le diagnostic différentiel de l'épulis fibreuse s'établit essentiellement avec le fibrome ossifiant périphérique et le fibrome odontogénique périphérique, qui se forment par prolifération d'un pool de cellules issues du parodonte profond. L'examen anatomopathologique met en évidence des calcifications pour le fibrome ossifiant périphérique, et des débris épithéliaux d'origine dentaire pour le fibrome odontogénique périphérique.
Les fibromes gingivaux sont des tumeurs bénignes dont l'aspect clinique est proche des épulis fibreuses. D'un point de vue anatomopathologique, rien ne les distingue du stade initial des épulis fibreuses.
Le fibrome ossifiant périphérique est une tumeur bénigne exclusivement gingivale, dont la pathogénie est méconnue. Sa proximité immédiate avec le parodonte profond sous-tend l'hypothèse d'une origine osseuse et/ou ligamentaire. La réaction inflammatoire, initiée par des facteurs locaux, entraînerait une irritation chronique du périoste et du ligament, expliquant la calcification au sein du fibrome.
Le fibrome ossifiant périphérique se présente sous la forme d'un nodule bien circonscrit, recouvert d'une muqueuse d'aspect sain, rougeâtre ou ulcérée selon l'infiltrat inflammatoire. Souvent douloureuse, la présence de cette lésion peut provoquer des troubles fonctionnels et des déplacements dentaires, même si son diamètre ne dépasse généralement pas 1,5 cm.
Sur le plan histologique, le fibrome ossifiant périphérique présente, au sein d'une matrice fibreuse riche en collagène et en fibroblastes, de nombreux vaisseaux sanguins et des dépôts amorphes de calcification. Le terme de « fibrome cémento-ossifiant » peut-être utilisé.
Le fibrome odontogénique périphérique est une tumeur bénigne odontogénique rare. D'après Daley et Wysocki (1994), elle serait, en termes d'incidence, la troisième tumeur odontogénique et la plus fréquente tumeur odontogénique périphérique. Son pic d'incidence concerne les deuxième et quatrième décades.
Ce fibrome se présente sous la forme d'un nodule exophytique, sessile, asymptomatique et recouvert d'une muqueuse d'aspect normal. Si ses caractéristiques cliniques miment celles de l'épulis fibreuse, une résorption de l'os alvéolaire sous-jacent est parfois observée.
L'examen anatomopathologique met en évidence une matrice fibromyxoïde au sein de laquelle des dépôts de calcification – ostéoïde, dentinoïde, ou dérivant du cément – et, plus rarement, des cellules géantes multinuclées peuvent être observés. L'élément pathognomonique reste l'inclusion, au sein du conjonctif, de débris épithéliaux odontogéniques – ectomésenchyme odontogénique ou épithélium odontogène actif –, organisés en îlots. Des crêtes épithéliales étroites, profondément invaginées, et des extensions en bourgeons de l'assise basale sont souvent présentes au niveau de l'épithélium de surface.
Les épulis se développent aux dépens du tissu gingival, leur exérèse précoce est donc indiquée particulièrement pour les patients présentant une maladie parodontale associée. Les séquelles chirurgicales sont majorées si la prise en charge est tardive.
En première intention, et avant tout geste chirurgical, une thérapeutique initiale parodontale permet de réduire la masse bactérienne et de contrôler l'inflammation gingivale. Cette première étape entraîne toujours une régression partielle de l'épulis (voire une guérison) créant des conditions tissulaires plus favorables pour l'acte opératoire (fig. 7 et 8).
L'exérèse chirurgicale est indiquée en deuxième intention pour éliminer l'épulis résiduelle. Toutefois, en l'absence de troubles fonctionnels ou esthétiques majeurs, la temporisation peut être envisagée chez la femme enceinte et chez le patient diabétique non équilibré, car le risque de récidive est élevé. Sauf exception, la baisse des hormones post-partum et le retour à la normale de la glycémie sont souvent associées à une régression spontanée des épulis.
En cas d'exérèse, la prévention des répercussions esthétiques fait partie intégrante de la démarche thérapeutique.
Lorsque l'épulis se situe sur la gencive vestibulaire, l'élimination de la lésion s'accompagne d'une récession parodontale post-opératoire. Ce risque est majoré en présence d'un biotype gingival fin ou d'une épulis siégeant sur la gencive marginale vestibulaire. Un lambeau déplacé coronairement, associé ou non à un greffon conjonctif, peut dès lors être indiqué en per-opératoire une fois l'exérèse effectuée.
En revanche, lorsque le contexte parodontal ne permet pas le recouvrement des surfaces radiculaires exposées (perte d'attache, perte de l'os interdentaire), le patient doit être informé des conséquences esthétiques.
L'élimination de l'étiologie irritative est réalisée lors de la thérapeutique initiale ou lors de l'exérèse de l'épulis.
L'exérèse des épulis doit être complète et doit inclure le tissu conjonctif gingival situé à sa base. L'acte opératoire peut être effectué à la lame froide et/ou aux lasers de haute énergie (fig. 9 à 14). Le recours aux technologies lasers est particulièrement justifié pour les épulis inflammatoires dont l'exérèse est à risque hémorragique. Le laser CO2 offre une excellente précision de coupe et permet une occlusion per-opératoire des vaisseaux sanguins mineurs – jusqu'à 0,5 mm de diamètre –, garantissant ainsi une meilleure visibilité en per-opératoire. Le laser CO2 assure une hémostase sans nécessité de sutures ainsi qu'une cicatrisation optimisée. Par ailleurs, l'énergie du laser CO2 provoque une destruction cellulaire de proximité, limitant le risque de récidive. Des essais cliniques sont cependant nécessaires pour confirmer ce constat clinique (Rossmann, 2011). Il est par ailleurs nécessaire de protéger les structures dentaires voisines par interposition d'un instrument métallique (spatule de bouche par exemple), nécessitant le port de lunettes spécifiques de protection.
Les dommages thermiques tissulaires périphériques de la pièce opératoire sont faibles et permettent l'interprétation des résultats de l'examen anatomopathologique (Bornstein et al., 2005).
Les épulis sont des pseudotumeurs, fréquentes, avec une nette prédominance féminine, qui interpellent nos patients et les incitent à consulter pour des raisons fonctionnelles et/ou esthétiques.
Ces gingivopathies peuvent présenter trois aspects cliniques majeurs : inflammatoire, fibreux ou fissuratum.
Le diagnostic de certitude impose la réalisation d'un examen anatomopathologique. Concernant les épulis inflammatoires, cet examen complémentaire permet d'écarter l'existence de lésions au pronostic plus réservé, pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
L'exérèse des épulis est généralement le traitement de choix et fait partie intégrante du traitement parodontal, si le tableau clinique associe également une maladie parodontale. Cet acte opératoire s'effectue soit à la lame froide, soit au laser CO2, qui est privilégié pour éliminer les épulis inflammatoires en raison du risque hémorragique.