Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2018

 

Article

Christophe POLITIS / Bo MOLEMANS / Ana B. CASTRO / Wim TEUGHELS / Marc QUIRYNEN  

Ministère des sciences de la santé bucco-dentaire, KU Louvain et hôpitaux universitaires Louvain, Département de parodontologie.
Louvain, Belgique

Résumé

Résumé

Objectif. En cas de volume osseux insuffisant, les techniques de régénération osseuse guidée sont indiquées. D'un point de vue clinique, on peut se demander si cet os régénéré n'est pas plus propice à la péri-implantite.

Matériel et méthodes. L'algorithme utilisé pour les recherches dans les bases de données médicales était ((« dentaire » ou « oral »)) et (« échec de l'implant » ou « perte d'implant » ou « complications implantaires » ou « péri-implantite »)) et (implant) et (« GBR » ou « régénération osseuse guidée » ou « régénération osseuse » ou « greffe » ou « augmentation osseuse » ou « membrane »).

Résultats et conclusion. La recherche sur les bases de données n'a pas permis d'identifier une seule publication. Néanmoins, cet article présente les données de la littérature sur ce sujet et offre des hypothèses pour des recherches futures.

Summary

Abstract

Aim. In case of insufficient bone volume, guided bone regeneration techniques are indicated. From a clinical point of view one can question whether this regenerated bone is not more prone to peri-implantitis.

Material & methods. The algorithm used for searches in medical databases was ((((``dental'' or ``oral'')) and (``implant failure'' or ``implant loss'' or ``implant complications'' or ``peri-implantitis'')) and implant) and (``GBR'' or ``guided bone regeneration'' or ``bone regeneration'' or ``graft'' or ``bone augmentation'' or ``membrane'').

Results & conclusion. The databases search failed to identify even a single publication. Nevertheless, this paper presents the combined literature about this subject and offers hypotheses for future research

Key words

Etiology, guided bone regeneration, peri-implantitis, augmentation.

Introduction

Des recherches récentes ont montré que les implants dentaires endo-osseux ont des taux de survie et de succès inférieurs à ceux prévus. Ces taux plus bas peuvent être attribués à une documentation plus étendue sur la prévalence des maladies péri-implantaires et des échecs implantaires. Cependant, l'expérience clinique montrait que les taux de survie à 10 ans de 98,8 % et des taux de succès de 97,0 % (Buser et al., 2012) étaient irréalistes. Ces chiffres ont été progressivement réévalués au fur et à mesure de l'apparition de données de suivi à long terme, y compris sur des implants mis en place dans des conditions de compromis. L'inclusion moins restrictive de patients, préalablement exclus de la thérapie implantaire à cause de contre-indications relatives ou absolues, explique également les taux de réussite plus faibles. La régénération osseuse guidée (ROG) a augmenté les indications de la chirurgie implantaire dans des sites ayant une largeur et/ou une hauteur insuffisantes des procès alvéolaires. En 2015, deux patients se sont présentés dans le département de parodontologie de Louvain avec une péri-implantite autour des implants en site postérieur maxillaire. L'étude rétrospective des dossiers a révélé que des procédures de régénération osseuse avaient été réalisées pour augmenter une largeur horizontale du procès alvéolaire. Ces cas nous questionnent sur le pronostic de la ROG.

Matériels et méthodes

Stratégie de recherche

Une recherche électronique a été effectuée dans deux bases de données Internet : la Bibliothèque nationale de médecine, Washington, DC (MEDLINE-PubMed) et LIMO (plate-forme de recherche pour les collections KU Leuven et les collections d'autres bibliothèques LIBISnet par KU Leuven). L'algorithme utilisé pour les recherches dans ces bases de données médicales était le suivant (((« dentaire » ou « oral »)) et (« échec de l'implant » ou « perte d'implant » ou « complications implantaires » ou « péri-implantite »)) et (implant) et (« ROG » ou « régénération osseuse guidée » ou « régénération osseuse » ou « greffe » ou « augmentation osseuse » ou « membrane »).

La recherche ne s'est pas limitée aux études chez l'homme. Aucune restriction de langue ou de temps n'a été appliquée dans la recherche. Cependant, seules les études en anglais ont été incluses.

Résultats

La recherche sur les bases de données n'a pas permis d'identifier une seule publication. Même les articles de revue sur l'étiologie de la péri-implantite n'ont pas abouti à des données cliniques utiles. Soit l'hypothèse qu'un « site traité par la ROG est plus sujet à une péri-implantite » est incorrecte, soit le problème n'a pas encore reçu d'intérêt scientifique. Néanmoins, certains de nos cas retiennent notre attention.

Cas no 1 (fig. 1 à 3)

En 2009, une femme de 59 ans a été adressée au département de parodontologie de l'Université catholique de Louvain pour une implantation en sites 22, 23, 24 et 25. Les antécédents médicaux de la patiente ont révélé des antécédents d'hépatite B et une faible tolérance envers les AINS. L'amoxicilline (capsules, 16 × 500 mg) a été prescrite comme prémédication et a débuté le matin de la chirurgie. Au cours de la chirurgie, 3 implants Brånemark RP MK III Groovy (23 : 3,75 × 13 mm, 24 : 3,75 × 13 mm, 25 : 3,75 × 11,5 mm) ont été placés avec une vis de couverture pour permettre une cicatrisation sous-muqueuse (approche à 2 étapes) pendant 6 mois. Les implants des sites 24 et 25 présentaient une déhiscence vestibulaire de 6 mm de hauteur et 3 mm de largeur. Les deux déhiscences de l'os vestibulaire de l'implant en site 23 ont été traitées avec de l'os bovin déprotéiné DBBM, BioOss™, substitut osseux (Geistlich®, Wolhusen Switserland), et Bio-Gide™, membrane collagénique (Geistlich®, Wolhusen Switserland). Six mois après la mise en place des implants, 3 piliers de cicatrisation sont posés. Les implants présentaient une bonne stabilité primaire. On a conseillé au patient de se rincer la bouche avec Perio-Aid® 0,12 % (chlorhexidine) pendant 4 semaines, 3 fois par jour.

Lors de la visite de suivi à 1 an, les 3 implants ont montré une BOP (saignement au sondage) et une PPD (profondeur de poche parodontal) de 6 mm. Une perte osseuse et une suppuration sévères ont été détectées autour des 2 implants les plus distaux. Deux ans et demi plus tard, la perte osseuse s'étendait sur 2/3 de la longueur de l'implant, avec une PPD ≥ 9 mm et du pus sur les 3 implants.

Cas no 2 (fig. 4 à 7)

En 2008, une femme de 47 ans a été adressée au département de parodontologie de l'Université catholique de Louvain pour une implantation en sites 23, 24 et 25. La patiente n'avait pas d'antécédents médicaux. Au cours de la chirurgie, 3 implants Brånemark RP MK III Groovy (23 : 3,75 × 13 mm, 24 : 4 × 10 mm, 25 : 4 × 10 mm) ont été posés, avec une vis de couverture pour permettre la cicatrisation sous-muqueuse. Au cours de la chirurgie, une augmentation horizontale vestibulaire est indiquée. Une procédure de régénération osseuse guidée a été effectuée avec DBBM : BioOss™, substitut osseux (Geistlich®, Wolhusen Switserland), et Bio-Gide™, membrane collagénique, (Geistlich®, Wolhusen Switserland). Le BioOss™ a été mélangé avec des particules osseuses autologues et les implants ont été positionnés au niveau crestal. Une vascularisation moyenne a été observée sur le site d'ostéotomie. En outre, il y avait une bonne stabilité primaire des implants. On a conseillé au patient de se rincer la bouche avec Perio-Aid® 0,12 % (chlorhexidine) pendant 4 semaines, 3 fois par jour.

Les radiographies prises à la mise en place des piliers étaient très bonnes. Lors de la consultation de suivi de 1 an, aucune BOP, ni PPD ni inflammation n'a été enregistrée et l'hygiène bucco-dentaire du patient a été jugée correcte. La radiographie indiquait une perte osseuse marginale. Après 2 ans de mise en charge, la perte osseuse était plus évidente et une mucosite péri-implantaire a été diagnostiquée. Les implants ont été nettoyés et un gel de chlorhexidine à 1 % a été appliqué sous la gencive. Une hygiène bucco-dentaire adéquate a été établie.

Après 5 ans de mise en charge, la patiente a présenté une inflammation, une douleur, une BOP et une PPD (8 mm à l'implant 23). Une péri-implantite a bien été diagnostiquée et un traitement approprié instauré.

Discussion et revue de littérature

Concernant l'impact de la régénération osseuse guidée (ROG) sur le résultat à long terme des implants, on peut établir 2 hypothèses potentielles. La première hypothèse indique qu'un implant mis en place avec ROG est plus susceptible de présenter une péri-implantite parce que l'os régénéré est plus mou, peu dense avec du tissu de granulation (Coster et Browaeys, 2011). La deuxième hypothèse indique que la ROG pourrait avoir une propriété protectrice contre la mucosite péri-implantaire, grâce à une bonne adaptation des tissus marginaux (Konstantinidis et al., 2015), et que l'os régénéré est stable, comparable à l'os primaire et donc avec la même sensibilité à la péri-implantite (Sicilia et al., 2015).

Une revue systématique effectuée par Donos et al. a révélé un taux de survie dans les sites (implants placés avec ROG simultanée ou greffe osseuse autogène au préalable) augmenté de 91,7 % à 100 % contre 93,2 % à 100 % pour les sites contrôles avec un suivi entre 12 et 59,1 mois (Donos et al., 2008). Ces résultats penchent en faveur de la stabilité de l'os régénéré. En outre, Sicilia et al. ont conclu, dans une réunion de consensus, que l'os régénéré était stable même à long terme (Sicilia et al., 2015). Par conséquent, il n'y a pas plus de risque d'exposition des implants dans un site reconstruit par ROG que dans l'os primaire qui pourrait entraîner des maladies péri-implantaires. C'est la première information affirmant que les sites osseux régénérés sont stables.

Si le site augmenté est stable, on peut s'attendre à une faible prévalence de maladies péri-implantaires dans les sites traités par ROG. Konstantinidis et al. ont écrit la même chose dans une étude sur la prévalence et les facteurs de risque des maladies péri-implantaires. Ils ont déclaré qu'une augmentation des tissus durs ou mous sur les sites implantés avait un effet protecteur contre la mucosite péri-implantaire. Il faut noter que les patients fumeurs sont exclus pour l'augmentation osseuse, ce qui aurait pu influencer le résultat de leur travail. En outre, ils ont émis l'hypothèse que l'apparition plus faible de la mucosite péri-implantaire dans les sites reconstruits par ROG serait liée au fait que le tissu péri-implantaire augmenté a un meilleur contour et permet un meilleur profil d'émergence de la restauration. Par conséquent, on pourrait s'attendre à un meilleur contrôle de la plaque et à une meilleure résistance aux bactéries en raison d'une bonne adaptation des tissus durs et mous autour du col de l'implant. Les auteurs n'ont pas tenté de trouver une corrélation statistique entre la technique d'augmentation et les maladies péri-implantaires car de nombreuses méthodes d'augmentation ont été mises en œuvre dans un petit nombre de cas (Konstantinidis et al., 2015).

Il existe certains indicateurs selon lesquels l'utilisation de ROG dans de petits défauts comme les déhiscences est bénéfique, mais qu'en est-il des défauts plus étendus ? Barone et al. ont conclu que, lorsque les techniques de préservation de la crête sont utilisées dans les sites d'extraction, les résultats sont similaires à ceux obtenus lorsque les implants sont placés dans des sites non greffés (Barone et al., 2012). De plus, des études sur les animaux ont comparé l'ostéo-intégration des implants de titane suite à la régénération osseuse guidée à l'aide d'une membrane de polytétrafluoroéthylène expansé et de divers matériaux de greffe. Aucune péri-implantite n'a été observée (Fiorellini et al., 2007). Woo et al. ont étudié les relations entre les techniques de reconstruction et l'échec implantaire (Woo et al., 2004). Ils ont conclu qu'une reconstruction des sites receveurs n'était pas un facteur de risque pour l'échec implantaire. Ceci confirme que la péri-implantite est multi-factorielle, mais ne permet pas de trancher si les sites ROG ont une prévalence plus élevée de péri-implantite. Cependant, Schwarz et al. ont trouvé une corrélation entre une hauteur de défaut résiduelle sur les déhiscences traitées par ROG et un risque plus élevé de développer une maladie péri-implantaire (Schwarz et al., 2012, 2014). Lorsque la hauteur résiduelle était > 1 mm, le site était plus sensible à la récession de la muqueuse. Gardant cela à l'esprit, s'il existe un site ROG avec un implant et une perte osseuse qui dépasse 1 mm, on peut s'attendre à un risque plus élevé de développer des maladies péri-implantaires ; la gestion des tissus mous devrait alors être envisagée. Canullo et al. ont évalué l'étiologie et les facteurs de risque de péri-implantite et ont déclaré que les procédures et les biomatériaux utilisés pour l'augmentation osseuse pourraient être un facteur de risque possible pour la péri-implantite, à la fois sur son incidence et sur sa progression (Canullo et al., 2015). Notez qu'il s'agit d'un facteur de risque « possible ». Cette affirmation n'a pas été appuyée par la littérature et a donc été rejetée. Renvert et Quirynen se réfèrent également à cela comme un facteur de risque dans leur modèle de causalité multiple de péri-implantite. Là encore, cette hypothèse repose non pas sur la littérature mais sur le sens clinique et l'expérience (Renvert et Quirynen, 2015).

Conclusion

Les publications scientifiques sur ce sujet sont limitées et non concluantes. Néanmoins, certaines conclusions peuvent être faites. Il est important d'avoir une bonne adaptation marginale pour éviter la mucosite péri-implantaire. Une bonne adaptation peut être obtenue par une augmentation des tissus mous et durs. L'os régénéré se révèle alors stable et les implants présentent une survie semblable à ceux des sites sains sans ROG.

Remerciements

Les auteurs souhaitent exprimer leur gratitude à Konstantinidis et al. pour leur coopération et leur communication.

Leuven, Periodontology (Belgium), a soutenu l'étude.

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