Article
Simone CORTELLINI* Mathieu DE NUTTE** Senne DE WINTER*** Charlotte FAVRIL**** Wim TEUGHELS***** Marc QUIRYNEN******
*Département des sciences de la santé bucco-dentaire
KU Leuven & Odontologie (parodontologie)
Hôpitaux universitaires Louvain
Louvain, Belgique
Résumé
Objectif. Évaluer l'importance de la muqueuse péri-implantaire kératinisée pour maintenir la santé péri-implantaire.
Rationnel. Une largeur gingivale suffisante est considérée comme importante pour la santé gingivale autour des dents. Par conséquent, on peut supposer que cette hauteur de gencive va influencer la santé des tissus autour des implants. Cependant, l'importance d'une zone suffisamment large de muqueuse péri-implantaire kératinisée (KM) pour le succès à long terme des implants oraux reste controversée. Cette revue de littérature concerne l'influence de KM sur l'hygiène bucco-dentaire, le saignement, les récessions des muqueuses, la profondeur de poche et la perte osseuse.
Résultats et conclusion. La présence de KM ne semble pas toujours un facteur critique pour maintenir un état de santé péri-implantaire. Cependant, le clinicien doit garder à l'esprit que le besoin de KM varie selon les patients et, à l'heure actuelle, il n'existe aucune étude prouvant l'efficacité d'une telle augmentation de gencive. Par conséquent, certains patients peuvent avoir besoin d'une augmentation de KM pour maintenir la santé péri-implantaire, en particulier en cas de mauvaise hygiène. On a également observé que les manœuvres d'hygiène étaient facilitées par la présence d'une largeur suffisante de KM.
Aim. To assess the relevance of keratinized peri-implant mucosa to maintain peri-implant health.
Rationale. Sufficient gingival width is considered relevant for gingival health around teeth. Therefore it would be obvious to suppose that it can also influence tissue health around implants. However, the importance of a sufficiently wide zone of keratinized peri-implant mucosa (KM) for the long-term success of oral implants remains controversial. Whether a minimal width of KM is required to maintain peri-implant tissue health has been a topic of interest of many studies. The purpose of this review is to summarize the current literature concerning the significance of KM within respect to oral hygiene, bleeding, mucosal recession, pocket depth and bone loss.
Results and conclusion. The presence of KM seems not always a critical factor to maintain implants in a healthy condition. However, the clinician should keep in mind that the need for KM seems to be patient depending and, at present, there is no evidence to predict who would benefit from an increase of gingival width. Therefore, some patients may need augmentation of KM to maintain peri-implant health, especially in case of poor oral hygiene. It was also observed that mechanical oral hygiene was facilitated by the presence of an adequate width of keratinized mucosa.
La gencive ou le tissu kératinisé (KT) chez l'homme comprend une gencive libre et attachée s'étendant du rebord marginal à la jonction muco-gingivale (Orban, 1948). La ligne de démarcation entre la gencive libre et attachée chez les sujets sains est la ligne gingivale parallèle au rebord marginal et à la jonction émail-cément à une distance moyenne de 0,5 à 1,5 mm (Orban, 1948). La largeur de la gencive peut varier de 1 à 9 mm (Ainamo & Löe, 1966).
La relation entre la largeur de KT autour des dents et la santé gingivale a été analysée et débattue au cours des décennies. Certains auteurs ont souligné l'importance de KT pour maintenir la santé gingivale. Lang et Loe ont suggéré que l'absence de gencive attachée autour des dents et la mobilité résultante du rebord marginal favorisent l'invasion bactérienne du sillon gingival. Ces auteurs ont observé que, malgré une hygiène bucco-dentaire efficace, l'inflammation persistait dans des zones de moins de 2 mm de KT et, par conséquent, suggèrent qu'une quantité minimale de 2 mm de KT est indispensable pour maintenir la santé gingivale (Lang et Löe, 1972 ; Chung et al., 2006). Corn a affirmé que 3 mm de KT sont nécessaires pour maintenir une gencive saine (Corn, 1962). Au contraire, certains auteurs ont montré qu'une gencive saine pouvait être maintenue sans tissu kératinisé. Miyasato et al. ont montré, dans un essai clinique contrôlé sur des patients ayant interrompu leur hygiène buccale pendant 25 jours, qu'il n'existait aucune différence clinique concernant l'inflammation gingivale entre les zones ayant une largeur gingivale minimale (≤ 1 mm) ou acceptable (≥ 2 mm) (Miyasato et al., 1977).
Les conclusions de cette étude ont été confirmées par d'autres études cliniques montrant qu'une quantité minimale de KT (≤ 2 mm) ne compromettrait pas la santé gingivale (Kennedy et al.,1985 ; Wennström, 1987 ; Wennström et al., 1994) Cependant, il existe un consensus général sur le fait qu'une quantité suffisante (≥ 2 mm) de tissu kératinisé préserve la santé gingivale.
De nombreuses approches de traitement différentes ont été proposées pour augmenter la largeur gingivale autour des dents. Ces premières approches proposaient une vestibuloplastie et un lambeau positionné apicalement. L'utilisation de greffes gingivales a considérablement influé sur le résultat (Thoma et al., 2009). Dans une étude rétrospective, Agudio et al. ont comparé les conditions parodontales des sites traités avec et sans greffes gingivales. Sur une période de 10 à 27 ans, ils ont conclu que les sites traités présentaient une tendance au déplacement coronaire de la gencive marginale (par attache rampante) avec une réduction de la récession, alors que les sites non traités controlatéraux présentaient une tendance au déplacement apical de la gencive marginale avec une augmentation des récessions gingivales (Agudio et al., 2009).
Étant donné que la largeur gingivale pourrait influencer la santé gingivale autour des dents, elle devrait également influencer la santé des tissus autour des implants. Cependant, comme pour les dents, ce sujet reste controversé. Il est important de rappeler que la structure de la gencive autour des implants est différente de celle des dents. Alors que la gencive autour des dents est généralement appelée gencive de tissu kératinisé, elle est habituellement appelée muqueuse kératinisée (KM) autour des implants. Après la mise en charge des implants, il se produit une attache de la muqueuse péri-implantaire comprenant un épithélium de jonction et une attache conjonctive. L'épithélium ressemble à l'épithélium de jonction et mesure en moyenne 2 mm de long. Il se poursuit par 1 à 1,5 mm de tissu conjonctif qui adhère à l'implant. Ce dernier contient des fibres de collagène qui s'insèrent dans le périoste de la crête osseuse, mais pas sur le pilier de l'implant, et se dirigent parallèlement ou circulairement autour de l'implant/pilier. La gencive autour des dents naturelles est formée par des fibres de collagène orientées verticalement et horizontalement. Les fibres horizontales sont perpendiculaires à la surface de la dent et sont ancrées dans le cément. Les fibres de collagène autour des implants ne sont que parallèles à la surface de l'implant et, par conséquent, l'étanchéité des tissus mous est moins bonne (Lindhe et Berglundh, 1998).
Il est bien établi que la maintenance d'un tissu sain autour des implants est l'un des facteurs clés pour le succès à long terme (Mombelli et al., 1987 ; Albrektsson et al., 1994 ; Pontoriero et al., 1994). Le but de cette revue est de résumer les éléments de preuve disponibles dans la littérature sur la pertinence de KM pour maintenir la santé péri-implantaire (tableau 1).
Une mauvaise hygiène buccale est le premier facteur de développement et de progression des infections et maladies péri-implantaires (Mombelli, 2002 ; Lindhe et Meyle, 2008 ; Serino et Ström, 2009 ; Renvert et Polyzois, 2015). L'influence de la largeur de KM sur l'accumulation de plaque a été rapportée dans de nombreuses études (tableaux 1 et 2). Adibrad et al. ont signalé que les implants avec une zone étroite de KM (< 2 mm) avaient beaucoup plus de plaque que ceux ayant des zones plus larges de KM ≥ 2 mm (Adibrad et al., 2009). Schrott et al. ont révélé une tendance évidente à l'augmentation des scores de plaque sur les sites linguaux avec des quantités décroissantes de KM, alors qu'aucune différence n'a été observée pour les sites buccaux (Schrott et al., 2009). Chung et al. ont étudié non seulement l'impact de KM mais aussi l'impact de la largeur de la muqueuse attachée(AM). En divisant leur base de données en sites avec AM < 1 mm et AM ≥ 1 mm, ils ont observé une accumulation de plaque et une inflammation gingivale plus élevées autour des implants dans les groupes de KM < 2 mm et AM < 1 mm (Chung et al., 2006).
Ces résultats sont confirmés par d'autres études. Donc, une KM étroite est associée à une accumulation plus élevée de plaque autour des implants, en particulier dans les régions postérieures (Bouri et al., 2008 ; Zigdon et Machtei, 2008 ; Crespi et al., 2010 ; Canullo et al., 2016 ; Souza et al., 2015).
Selon Mombelli, une morphologie défavorable des tissus mous péri-implantaires, avec des surfaces d'implant exposées à une contamination bactérienne, peut rendre l'hygiène buccale avec des moyens conventionnels extrêmement difficile (Mombelli, 2002).
Boynuegri et al. ont étudié la réponse biochimique de KM autour des implants. Deux cytokines pro-inflammatoires, IL-1β et TNF-α, ont été analysées. Les deux ont un effet direct sur la résorption osseuse. Après 12 mois, une concentration statistiquement significative de TNF-α a été trouvée autour d'implants avec KM < 2 mm, alors qu'aucune différence n'a été trouvée pour IL-1β (Boynuegri et al., 2013).
Au contraire, d'autres études n'ont signalé aucune différence significative dans les scores de plaque dans les sites à KM étroite ou large. Kim et al. ont conclu que, malgré la présence ou l'absence de KM, il n'y avait qu'une petite différence dans l'accumulation de plaque : un indice de plaque légèrement plus élevé a été observé dans le groupe avec KM < 2 mm, mais ce résultat n'était pas statistiquement significatif (Kim et al., 2009). Frisch et al. n'ont trouvé aucune différence dans l'accumulation de plaque après au moins 1 an de suivi entre les groupes ayant une largeur différente de KM. Les auteurs ont expliqué que tous les patients avaient suivi un programme parodontal professionnel de maintenance (SPT) et ont suggéré qu'un tel programme pourrait expliquer la différence (Frisch et al., 2015).
Une mauvaise hygiène buccale et une accumulation de plaque autour des dents sont associées à une inflammation gingivale et à un saignement sulculaire. La réponse autour des implants est similaire mais il existe une différence importante dans la structure de la gencive. L'absence de fibres horizontales de collagène entraîne une résistance réduite au sondage, mais le paramètre clé pour le diagnostic de la mucosite péri-implantaire est le saignement au sondage doux (< 0,25 N) (Jepsen et al., 2015).
Zigdon et Machtei, Adibrad et al. ainsi que Souza et al. ont signalé que les implants avec une zone étroite de KM avaient une probabilité statistiquement significative de BoP plus importante que les implants avec une zone plus large de KM (Zigdon et Machtei, 2008 ; (Adibrad et al., 2009 ; Souza et al., 2015). Cependant, Boynuegri et al. n'ont signalé aucune différence significative de BoP, mais l'indice gingival (GI) était plus élevé dans les sites avec moins de 2 mm de muqueuse kératinisée (Boynueğri et al., 2013). Une augmentation significative de GI ou de BoP autour des implants avec KM < 2 mm a également été décrite par d'autres auteurs (tableau 2) (Chung et al., 2006 ; Bouri et al., 2008 ; Adibrad et al., 2009 ; Crespi et al., 2010).
Il existe également des études qui ont révélé une absence de corrélation entre la largeur de KM et GI (Kim et al., 2009 ; Esper et al., 2012) ou BoP (Frisch et al., 2015). L'hygiène buccale joue ici un rôle clé; En fait, aucune différence significative dans les saignements n'a été observée avec des scores de plaques identiques entre les sites avec KM étroit ou plus large. L'étude de Schrott et al. a confirmé ces résultats sur les sites buccaux : en présence d'une bonne hygiène buccale, l'indice de saignement modifié (mBI) ne différait pas entre les sites avec KM < 2 mm et KM ≥ 2 mm alors que, sur les sites lingaux où une accumulation de plaque plus élevée était enregistrée, les scores plus élevés de mBI étaient associés à une largeur réduite de KM (Schrott et al., 2009).
La récession de la muqueuse (MR) est très préoccupante après la thérapeutique implantaire, en particulier dans les sites esthétiques. L'effet de la largeur du KM sur le développement de la récession des tissus mous a été évalué dans la littérature (tableau 3) (Zigdon et Machtei, 2008 ; Adibrad et al., 2009 ; Kim et al., 2009). Crespi et al. ont rapporté des quantités significativement plus importantes de récessions sur les sites implantés avec KM < 2 mm (Crespi et al., 2010). Ils ont vu que la récession se produisait principalement au cours des six premiers mois après l'insertion des supra-structures. Schrott et al. ont trouvé une association distincte entre MR et la largeur de KM sur les sites buccaux (Schrott et al., 2009). Une tendance à l'augmentation de la récession des tissus mous était évidente lorsque la quantité de KM buccale était diminuée (Schrott et al., 2009). Bengazi et al. ont suggéré que les zones étroites de KM étaient moins résistantes à l'inflammation et favorisaient la migration apicale des tissus marginaux (Bengazi et al., 1996).
Un facteur qui pourrait également influer sur la MR est l'épaisseur de la muqueuse. Bouri et al. ont signalé qu'une muqueuse mince était significativement associée à une zone étroite de KM (Bouri et al., 2008). Zigdon et Machtei ont montré qu'une muqueuse mince (< 1 mm) était associée à 2 fois plus de MR comparativement à une muqueuse épaisse (≥ 1 mm) (Zigdon et Machtei, 2008).
La plupart des études analysées ne montrent pas de différence statistiquement significative dans la PD entre les implants avec une muqueuse kératinisée étroite ou large (tableau 3) (Chung et al., 2006 ; Bouri et al., 2008 ; Adibrad et al., 2009 ; Kim et al., 2009 ; Crespi et al., 2010 ; Souza et al., 2015 ; Frisch et al., 2015). Cependant, Zigdon et Machtei ont même signalé que la largeur de KM était positivement corrélée à la PD : les implants avec KM > 1 mm présentaient une PD moyenne plus élevée (Zigdon et Machtei, 2008). Ces résultats sont également soutenus par Esper et al. Dans leur étude, ils ont trouvé une plus grande PD autour des implants dentaires avec une largeur de KM égale ou supérieure à 2 mm mais, dans tous les cas, la PD moyenne n'était jamais plus profonde que 3 mm (Esper et al., 2012). L'association entre KM large avec une PD plus grande peut être liée à l'apparition de MR et, par conséquent, une formation de poche moins profonde peut être plus fréquente dans les zones avec une muqueuse kératinisée plus étroite (Zigdon et Machtei, 2008 ; Roos-Jansaker et al., 2006). Zigdon et Machtei ainsi que Adibrad et al. ont également signalé une corrélation négative entre la largeur de KM et la perte d'attache clinique (CAL) (Zigdon et Machtei, 2008 ; Adibrad et al., 2009). Cependant, Souza et al. n'ont signalé aucune différence statistiquement significative dans le CAL entre les groupes KM larges et étroits (Souza et al., 2015).
Des études animales sur la relation entre la largeur de KM et la péri-implantite ont donné des résultats incohérents. Warrer et al. ont conclu que la présence de KM diminuait considérablement la perte d'attache chez les singes (Warrer et al., 1995). En revanche, Strub et al. n'ont signalé aucune différence significative dans la MR ou la perte osseuse (BL) entre les implants avec et sans KM adéquat chez les chiens (Strub et al., 1991).
Des résultats contradictoires ont également été décrits chez les humains (tableau 3). Crespi et al. ont signalé que le BL mésial et distal moyen n'était pas associé à la largeur de KM sur les implants immédiatement mis en charge (Crespi et al., 2010). Adibrad et al. ont déclaré que, bien que le BL moyen était plus élevé pour les implants avec des zones étroites de KM, cette différence n'était pas significative (Adibrad et al., 2009). Les résultats de Chung et al. ont indiqué que le BL moyen, tel que détecté sur les radiographies panoramiques, n'a pas été influencé par les quantités KM/AM ou le type de configuration de surface de l'implant (surfaces lisses et rugueuses). Lorsque les implants ont été divisés en 4 sous-groupes en fonction des quantités de KM/AM et de leurs caractéristiques de surface, BL a été observé même en présence de KM ou AM, quelle que soit leur quantité et le type de surface de l'implant. Cependant, l'analyse du BL moyen parmi les 4 sous-groupes utilisant des radiographies péri-apicales a suggéré que la présence de KM/AM pourrait être plus importante pour prévenir le BL autour des implants de surface rugueuse pendant la phase de maintenance (Chung et al., 2006).
Bouri et al. ont décrit que les implants avec des zones étroites de muqueuse kératinisée présentaient beaucoup plus de perte osseuse alvéolaire que les implants avec des zones plus larges de muqueuse kératinisée. Cette association est restée statistiquement significative, même après ajustement pour le temps depuis la mise en place de l'implant, le tabagisme, l'épaisseur de la gencive et le score de la plaque (Bouri et al., 2008). Ces résultats sont également confirmés par Kim et al. Dans leur étude, le groupe avec un KM plus étroit (< 2 mm) a montré une perte osseuse significative plus importante que le groupe KM plus large (Kim et al., 2009).
En ce qui concerne la péri-implantite, Canullo et al. n'ont rapporté, pour 53 patients atteints de péri-implantite, aucune différence quant aux caractéristiques de la surface de l'implant, à la longueur, aux diamètres, au type d'implants et à la position de la mâchoire entre les implants malades et non malades. Cependant, le groupe affecté par la péri-implantite a présenté un nombre plus élevé d'implants avec KM < 2 mm (valeur P = 0,0002). On a constaté que la hauteur de KM ≥ 2 mm réduisait de manière significative la probabilité d'une péri-implantite (OR = 0,36) (Canullo et al., 2015). Roos-Jansaker et al. ont également déclaré que le manque de KM était associé à une prévalence plus élevée de péri-implantite (Roos-Jansaker et al., 2006).
D'autres études, cependant, ont démontré que la prévalence de la péri-implantite n'était pas liée à la largeur de la muqueuse kératinisée. Frisch et al. n'ont trouvé aucune différence significative entre le groupe avec KM < 2 mm et KM ≥ 2 mm concernant la mucosite péri-implantaire ou les taux de péri-implantite (Frisch et al., 2015). Esper et al. ont constaté que l'hygiène méticuleuse étant ou non maintenue, l'absence de KM ne conduisait pas nécessairement à une maladie péri-implantaire sur les implants placés chez des patients avec une fente palatine (Esper et al., 2012).
Dans une étude récente, Konstantinidis et al. ont observé que les implants placés dans des sites reconstruits avaient un risque plus faible de développer une mucosite péri-implantaire que les implants placés dans des sites avec KM étroite. Leur explication était que, avec l'augmentation des tissus mous péri-implantaires, un contour plus favorable des tissus était obtenu. Ils ont conclu que, grâce à une meilleure adaptation des tissus durs et mous autour du col de l'implant, on obtiendrait un meilleur contrôle bactérien et une meilleure résistance (Konstantinidis et al., 2015).
Lorsque la décision est prise d'augmenter la largeur de KM, quelques questions se posent : comment le faire, avec quel matériau et quelle technique ?
Frisch et al. ont comparé une augmentation avec un greffon gingival libre (FGG) ou une greffe de tissu conjonctif (CTG). Après un suivi moyen de 10,7 ans, les valeurs moyennes de gain de KM étaient de 3,30 þ 1,51 mm pour FGG et de 2,87 þ 1,31 mm pour CTG. Bien qu'un résultat légèrement meilleur ait été obtenu avec le FGG, aucune différence significative entre les groupes n'a été trouvée (Frisch et al., 2013).
Askin et al. ont étudié l'effet de l'augmentation de la quantité de KM péri-implantaire à l'aide d'un FGG sur des paramètres cliniques et immunologiques péri-implantaires. Ils ont signalé une amélioration significative sur PI, GI, BoP et sur les paramètres immunologiques péri-implantaires chez les patients traités par FGG, par rapport à des patients avec une KM < 2 mm n'ayant pas reçu le traitement (Askin et al., 2015).
Dans leur revue systématique sur l'efficacité de l'augmentation des tissus mous autour des implants dans des zones partiellement édentées, Thoma et al. ont conclu que la greffe gingivale libre (FGG) et la greffe de tissu conjonctif sous-épithéliale (SCTG) étaient les meilleures méthodes documentées pour augmenter la largeur de KM. La matrice de collagène a démontré moins de gain en KM mais aussi moins de morbidité et de temps de chirurgie. Ils ont également conclu que la greffe autogène (SCTG) entraînait une augmentation accrue de l'épaisseur des tissus mous et une meilleure esthétique par rapport aux sites non greffés (Thoma et al., 2014).
Une autre revue systématique de Wu et al. a conclu que, bien que toutes les études incluses aient révélé des résultats satisfaisants concernant l'augmentation de la largeur de KM en utilisant CTG, ADM (Acellular Dermal Matrix) ou CM (Collagen Matrix), les conclusions finales ne pouvaient pas être fournies (Wu et al., 2014).
Quelle est l'importance de la muqueuse kératinisée autour des implants (tableau 1) ? C'est un sujet controversé. Il n'existe pas de consensus global car les études se contredisent sur l'impact de KM sur la survie implantaire. Il est suggéré que la présence de KM n'est pas un facteur critique pour maintenir la santé implantaire en ce qui concerne l'hygiène bucco-dentaire, les saignements, la récession des muqueuses et la perte osseuse. En raison des données contradictoires et des résultats disponibles, il est encore difficile d'élaborer des lignes directrices. En d'autres termes, la décision d'augmenter ou non le KM dépend du clinicien. Le clinicien doit garder à l'esprit que le besoin de KM semble être spécifique au patient. À l'heure actuelle, il n'existe aucun moyen de prédire qui bénéficierait de cette augmentation tissulaire.
En moyenne, un meilleur résultat statistiquement significatif en présence de KM a été rapporté lorsque des groupes de patients avec et sans KM ont été comparés pour la réponse gingivale à la plaque, l'inflammation et la récession. Cela suggère que le fait d'avoir une KM large autour des implants puisse être avantageux, surtout lorsque l'inflammation est présente. Ces résultats sont soutenus par une publication récente de Roccuzzo et al. Les auteurs ont conclu que les implants qui ne sont pas entourés de KM sont plus enclins à l'accumulation de plaque et à la MR, même chez les patients exerçant une hygiène buccale suffisante et recevant une thérapie parodontale adéquate (Roccuzzo et al., 2015). Une autre hypothèse, rapportée par Wennström et Derks, est que la plus grande prévalence de plaque et d'inflammation autour des implants avec KM étroite pourrait être une conséquence d'une hygiène buccale compromise (Wennström et Derks, 2012). Il existe une observation fréquente de nombreux cliniciens selon laquelle les patients présentant une KM étroite ou nulle autour des implants se plaignent souvent de plus de douleur lorsqu'ils se brossent les dents et les implants. Souza et al. ont évalué le niveau d'inconfort de brossage rencontré par les patients pendant l'hygiène buccale par l'utilisation de l'échelle analogique visuelle (VAS). Le VAS était représenté par une ligne allant de 0 à 100. Ils ont signalé que le niveau d'inconfort de la brosse était significativement plus élevé dans les sites de moins de 2 mm de KM, en particulier à la mâchoire inférieure (Souza et al., 2015). Une KM plus large offre plus de résistance aux forces qui sont appliquées pendant les procédures d'hygiène buccale.
En conséquence, un manque de KM crée un environnement moins adapté au nettoyage et plus susceptible d'irritation et d'inconfort pendant l'hygiène. En raison de cette gêne, il se pourrait que le patient réduise l'hygiène bucco-dentaire autour des implants sans KM, favorisant l'accumulation de plaque et l'inflammation de la muqueuse environnante.