Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2018

 

Article

Isabelle KLEINFINGER  

CES de parodontologie
CES de prothèse fixée
DU d'implantologie chirurgicale et prothétique, Paris VII
DU Reconstruction pré et péri-implantaire, Paris XI
Ex-AHU Chirurgie, Paris VII
Directrice adjointe du DUCICP, Paris VII
Docteur en chirurgie dentaire

Résumé

RÉSUMÉ

Le remplacement d'une dent unitaire par une réhabilitation implanto-portée est considéré comme une technique fiable et prédictible, néanmoins la réhabilitation d'un édentement unitaire en secteur esthétique est toujours un véritable challenge tant la gestion des échecs peut relever de la gageure. Une analyse pré-implantaire rigoureuse doit permettre d'élaborer la stratégie thérapeutique la plus adaptée pour répondre aux impératifs qui vont conditionner l'obtention d'un résultat esthétique pérenne. Une mauvaise gestion du volume osseux crestal ou de la muqueuse péri-implantaire autant qu'un positionnement tridimensionnel erroné ou une morphologie des dispositifs prothétiques inadaptée peuvent être à l'origine d'un résultat esthétique cliniquement inacceptable. Dans ce cas les options thérapeutiques chirurgicales et /ou prothétiques doivent prendre en compte l'anamnèse et les facteurs de risques et doivent être discutées avec le patient en fonction de son niveau d'exigence. Si le positionnement tridimensionnel de l'implant est mis en cause, seule la dépose de ce dernier pourra répondre à une demande de résultat optimum. L'alternative chirurgicale qui consiste au réaménagement tissulaire péri-implantaire est néanmoins possible mais reste peu prédictible et conduit le plus souvent à un compromis esthétique.

Summary

Abstract

The replacement of a unitary tooth by an implant-supported rehabilitation is considered a reliable and predictable technique, but the rehabilitation of a unitary edentulism in the aesthetic sector is always a challenge as the management of chess can be a challenge. A rigorous pre-implantation analysis must make it possible to elaborate the therapeutic strategy most adapted to meet the imperatives that will condition the achievement of a permanent aesthetic result. Poor management of the crestal bone volume or of the peri-implantal mucosa as well as an incorrect three-dimensional position or an inadequate morphology of the prosthetic devices can be the cause of a clinically unacceptable aesthetic result. In this case the surgical and / or prosthetic treatment options must take into account the history and the risk factors and must be discussed with the patient according to his level of requirement. If the three-dimensional position of the implant is called into question, only the removal of the latter can respond to a request for an optimum result. The surgical alternative, which consists of peri-implant tissue rearrangement, is nonetheless possible but remains unpredictable and often leads to an aesthetic compromise.

Key words

aesthetic failure, single implant, three-dimensional position, peri-implant mucosa

Le remplacement d'une dent unitaire par une réhabilitation implanto-portée est considéré comme une technique fiable et prédictible. Néanmoins, la réhabilitation d'un édentement unitaire en secteur esthétique est toujours un véritable défi tant la gestion des échecs peut relever de la gageure.

Critères d'évaluation et niveau d'exigence

L'analyse de la revue de littérature menée par Jung et al. en 2012 rend compte de taux de survie élevés à 5 ans et à 10 ans aussi bien pour les implants que pour les couronnes implanto-portées unitaires. On note en effet respectivement 97,2 % et 95,2 % pour le taux de survie implantaire et 96,3 % et 89,4 % pour les taux de survie des prothèses (Jung et al., 2012). Ces résultats sont à mettre en perspective avec le taux de survie des réhabilitations prothétiques unitaires sur dents naturelles qui est estimé à 89,1 % à 10 ans (Tan et al., 2004) et des bridges réalisés pour le remplacement d'un édentement unitaire rapporté à 81,8 % pour une même période (Pjetursson et al., 2004). On constate que l'alternative implanto-portée est comparable en terme de survie à long terme avec un traitement prothétique conventionnel mais semble plus favorable qu'un traitement par bridge pour le remplacement d'un édentement unitaire.

Ainsi, l'indication d'un traitement implantaire pour le remplacement d'une dent unitaire apparaît comme le traitement de choix considérant les taux de survie qui rendent compte de l'intégration fonctionnelle selon des critères définis depuis 30 ans par Albrektsson (Albrektsson et al., 1986).

Il est intéressant de constater que les études les plus récentes (2006-2011) font état des taux de survie les plus élevés (Jung et al., 2008 ; Pjetursson et al., 2014) et que les complications biologiques répertoriées au niveau des tissus mous y sont sensiblement moins importantes, ce qui permet aux auteurs de calculer un taux cumulé de 7,1 % à 5 ans sans plus d'informations sur le degré de sévérité de la complication : simple inflammation muqueuse, saignement au sondage et suppuration ou récession (Jung et al., 2012).

Dans ces conditions, on comprend que l'évaluation de la seule intégration fonctionnelle ne suffit plus et qu'il faut déterminer des critères objectifs permettant de juger de l'intégration muqueuse de la prothèse implanto-portée.

En ce qui concerne les complications esthétiques, on retiendra que l'hétérogénéité des critères d'évaluation du résultat esthétique rend l'interprétation scientifique prudente (Benic et al., 2012). Néanmoins, le taux cumulé est estimé à 7,1 % à 5 ans sans rendre compte précisément de la sévérité et/ou de l'impact du défaut sur la vie sociale du patient. On rapporte des cas de récession muqueuse laissant exposé le pilier prothétique, des cas d'altération colorimétrique de la muqueuse vestibulaire mais également de décalage des collets ou d'absence de papille (Jung et al., 2012).

Si les doléances d'un patient insatisfait peuvent sembler une raison suffisante pour considérer le traitement comme un échec esthétique, plusieurs outils sont néanmoins à notre disposition pour juger objectivement du résultat final.

L'utilisation du Pink Esthetic Score (PES) proposé par Fürhauser en 2005 permet de définir la qualité de l'environnement muqueux péri-implantaire en utilisant 7 critères « scorés » en 3 points, qui vont rendre compte de l'absence et/ou de la présence des papilles, de l'alignement du niveau de la muqueuse marginale vestibulaire par rapport à la controlatérale, mais aussi du contour, de la couleur, de la texture et de l'épaisseur de la gencive (Fürhauser et al., 2005).

En 2009, Belser propose un indice qui utilise le PES en le simplifiant à 5 critères et qui lui associe un outil d'évaluation de la qualité de la reconstruction prothétique sur 5 critères également avec le même principe de « scorage », c'est le White Esthetic Score (WES) (Belser et al., 2009).

Dans une étude récente, Tettamanti et al. comparent l'utilisation du PES/WES avec celle du ICAI (Implant Crown Aesthetic Index) et d'un nouvel indice, le PICI (Peri Implant and Crown Index). Ce dernier utilise des échelles visuelles analogiques en comparaison avec la controlatérale et inclut, outre 3 critères pink et 3 critères white, 3 critères subjectifs d'appréciation globale. Il s'agit ici de vérifier la reproductibilité des indices parmi des populations de dentistes ayant des spécialités différentes et leur pertinence comparée à l'évaluation de la satisfaction des patients ou de personnes non initiées. Quinze cas sont ainsi évalués par 4 groupes différents, les mesures étant prises à partir de photos et de modèles de laboratoire réalisés au moment de l'insertion de la prothèse et 12 mois plus tard.

Les auteurs montrent que l'ICAI est l'indice présentant le plus de variabilité et que, a contrario, le PES/WES comme le PICI sont des indices reproductibles, qui ne sont pas influencés par le type d'examinateur et présentent des résultats similaires au niveau de l'appréciation globale. L'indice de Belser conserve l'avantage de la facilité et de la rapidité d'application. Son utilisation systématique au moment de la mise en place de la prothèse d'usage dans un secteur esthétique doit permettre de juger de l'évolution de l'intégration de cette réhabilitation dans le temps.

On note que les auteurs considèrent que le résultat esthétique est inacceptable cliniquement si ICAI > 4 (sur 45), PES/WES < 12 (sur 20) et PICI < 360 (sur 600).

On note également que les scores des professionnels sont plus sévères que ceux des patients (Tettamanti et al., 2016).

Une étude de Raes et al. en 2011 place la limite acceptable du PES/WES à 14/20. Les auteurs considèrent comme inacceptable cliniquement un PES < 8 et/ou un WES < 6, ce qui pondère notablement l'évaluation du résultat puisque seuls 8 % des cas traités sont considérés comme parfaits, quand 68 % sont acceptables et 24 % comptabilisés comme des échecs esthétiques (Raes et al., 2011).

La frontière entre complication esthétique et échec esthétique est ténue. Dans le cadre du niveau d'exigence qui est imposé par la ligne du sourire, même s'il est admis que ce qui fonde le résultat esthétique optimum est l'intégration harmonieuse de la couronne prothétique au sein de l'arcade dentée, il existe des situations de compromis acceptables par le patient quand bien même le PES/WES se situe entre 8 et 12.

La problématique est bien différente quand le traitement s'adresse à un patient présentant une ligne du sourire de classe 1 ou 2 selon Liebart (Liebart et al., 2004) et pour lequel l'enjeu esthétique est majeur.

Il est fondamental que, à l'issu d'une analyse pré-implantaire rigoureuse, le praticien ayant identifié les facteurs de risque puisse informer le patient de la complexité du traitement et ainsi de sa capacité à répondre à la demande esthétique ou, le cas échéant, de son incapacité à répondre à une demande qui serait disproportionnée par rapport aux contraintes liées à l'état initial ou au mode de vie du patient.

Problématiques du secteur antérieur et facteurs d'influence

Les raisons qui peuvent expliquer un résultat esthétique inacceptable sont souvent liées à une mauvaise évaluation des facteurs de risque, une indication inadéquate du protocole chirurgical ou une mauvaise exécution de ce dernier et, plus particulièrement, un mauvais positionnement tridimensionnel de l'implant.

Il est communément admis que le défi esthétique suppose une conservation du volume osseux crestal permettant le support gingival.

Or, l'alvéolyse spontanée post-extractionnelle, résultat de la cicatrisation alvéolaire, s'effectue avec un remodelage osseux qui est plus marqué dans le sens horizontal et se fait principalement au détriment de la face vestibulaire. Les études cliniques, sur une période d'observation de 3 à 12 mois, rendent compte d'une perte osseuse clinique moyenne de 3,87 mm dans le sens horizontal et de 1,67 mm dans le sens vertical (Van der Weijden et al., 2009).

Cette résorption osseuse post-extractionnelle est d'autant plus importante qu'il existe des facteurs aggravants. La présence d'un biotype gingival fin, d'une paroi osseuse mince due à une dent en position vestibulaire, d'une infection d'origine endodontique, d'une fracture radiculaire, d'une maladie parodontale, d'un traumatisme facial ou la réalisation d'un geste chirurgical agressif sont autant de facteurs de risque supplémentaires.

La problématique de la résorption osseuse impose de considérer l'extraction comme le temps T0 du traitement implantaire et de mettre en place des protocoles de comblement osseux ou de régénération osseuse guidée permettant de conserver un volume osseux disponible compatible avec un positionnement tridimensionnel idéal (Vignoletti et al., 2012 ; Masaki et al., 2015). Dans le cadre d'une implantation immédiate, il conviendra d'anticiper les conséquence du remodelage par un positionnement réalisé aux dépens de la paroi palatine de l'alvéole et de réaliser un comblement systématique du gap résiduel entre implant et corticale vestibulaire (Buser et al., 2004 ; Ferrus et al., 2010 ; Tomasi, 2010 ; Sanz et al., 2015).

Le choix du diamètre implantaire doit prendre en compte les impératifs de positionnement dans le sens VL et MD. La détermination de la longueur est quant à elle le fruit d'une réflexion sur l'axe prothétique et son angulation éventuelle par rapport à l'axe de la crête osseuse.

On rappelle que, pour obtenir un résultat esthétique optimal, le col d'un implant unitaire est situé idéalement entre 1,5 et 2 mm de la dent adjacente dans le sens MD, à 3 mm verticalement par rapport à la jonction amélo-cémentaire et à 2 mm de la corticale vestibulaire dans le sens horizontal. L'axe de l'implant doit émerger dans une zone comprise à l'intérieur d'un espace défini par la face vestibulaire des dents adjacentes (Buser et al., 2004 ; Grunder et al., 2005 ; Chen et al.,2007 ; Bashutski et al., 2007).

L'épaisseur de la crête osseuse est donc primordiale et complique la problématique du secteur antérieur maxillaire puisque, anatomiquement, les corticales vestibulaires y sont très fines. En effet, dans une étude clinique prospective randomisée multicentrique mesurant l'épaisseur de ces corticales sur des sites post-extractionnels, Huynh Ba et al. montrent que, pour la zone canine-canine, ces valeurs sont inférieures à 1 mm dans 87 % des cas. Januario et al., dans une étude portant sur 250 CBCT, précisent que l'épaisseur de la corticale est inférieure ou égale à 0,5 mm dans 50 % des cas (Huynh Ba et al., 2010 ; Januario et al.,2011).

L'erreur de positionnement tridimensionnel est malheureusement rédhibitoire pour la qualité du résultat esthétique. Dans une étude rétrospective de 2008, les auteurs réévaluent 42 couronnes unitaires implanto-portées. Toutes ont été réalisées après un protocole d'extraction-implantation immédiate. Ils observent une récession marginale vestibulaire généralisée à tous les sites de 0,9 þ 0,78 mm, mais surtout ils notent 3 fois plus de récessions quand le col de l'implant est vestibulé (1,8 þ 0,83 mm vs 0,6 þ 0,55 mm) (Evans et al., 2008).

La résorption rapide de cet os fasciculé est accompagnée d'un effondrement tissulaire et d'une modification de l'architecture des tissus mous qui devra impérativement être restaurée. Car, si l'épaisseur de la crête osseuse et le positionnement tridimensionnel qu'elle autorise conditionnent la pérennité du résultat, la qualité du résultat esthétique final est directement liée à la qualité de l'environnement muqueux péri-implantaire.

Puisqu'il existe une corrélation entre biotype gingival fin et finesse de la table osseuse vestibulaire (Cook et al., 2011), l'évaluation du biotype gingival apparaît comme une composante essentielle dans l'élaboration de la stratégie chirurgicale. Elle est réalisée à l'aide d'une sonde parodontale permettant d'objectiver la transparence des tissus (De Rouck et al., 2009b ; Kan et al., 2010).

Nisapakultorn et al. montrent, dans une étude clinique randomisée, une association significative entre biotype gingival fin et récession marginale vestibulaire (Nisapakultorn et al., 2010). Cependant, dans une étude prospective sur 1 an, Cosyn et al. évaluent un protocole d'extraction-implantation immédiate unitaire en secteur esthétique, associé à une temporisation immédiate implanto-portée. Bien que les 22 patients présentent tous un biotype gingival épais et des conditions osseuses favorables, les auteurs doivent intervenir pour corriger 2 cas pour lesquels, à 3 mois, la récession marginale vestibulaire est supérieure à 1 mm (Cosyn et al., 2013). Kan et al. montrent, quant à eux, que sur un suivi moyen de 4 ans le niveau de la gencive marginale vestibulaire passe de – 0,55 mm à 1 an à – 1,13 mm à 4 ans. Il concluent sur le fait que, même si les récessions sont d'apparition précoce, le processus dynamique peut se poursuivre au-delà de 1 an postopératoire (Kan et al., 2011).

C'est donc le manque de prédictibilité dans l'apparition et la progressivité de ces récessions qui a conduit différents auteurs à proposer une systématisation de l'apport conjonctif vestibulaire dans les cas de réhabilitation en secteur antérieur maxillaire.

La prédictibilité de la reformation des papilles autour de la future réhabilitation implanto-portée est quant à elle démontrée par de nombreuses études qui en précisent néanmoins les conditions (Choquet et al., 2001 ; Kan et al., 2003 ; Romeo et al., 2008 ; Cosyn et al., 2012).

Ainsi, le niveau de la papille dépend du niveau de la crête osseuse inter-proximale de la dent naturelle adjacente, de la distance entre l'implant et la dent adjacente qui doit être au minimum de 1,5 mm, de la distance entre la crête osseuse et le point de contact des couronnes adjacentes, idéalement de 3 à 5 mm. Au delà de 5 mm, la régénération papillaire est d'au moins 50 % mais n'est pas prévisible. Enfin, le biotype gingival apparaît là encore comme un facteur d'influence puisqu'on considère que la papille implantaire peut être maintenue ou recréée à un niveau normal avec un biotype épais mais que c'est rarement le cas au-delà de 4 mm avec un biotype fin. On préférera dans ce cas les points de contact proches de la crête osseuse en soignant la morphologie des embrasures. On rappelle la nécessité d'une chirurgie atraumatique, particulièrement si un décollement des papilles est envisagé.

Dans une étude prospective sur 1 an, Raes et al. obtiennent une différence significative pour le niveau de la récession marginale vestibulaire en comparant les techniques avec et sans lambeau, la technique flapless donnant sensiblement de meilleurs résultats (+ 0,89 mm) (Raes et al., 2011).

La mise en place d'une prothèse provisoire apporte dans tous les cas un bénéfice au traitement mais c'est surtout la mise en place d'une prothèse provisoire immédiate en sous-occlusion fonctionnelle qui semble optimiser le résultat en termes de récession et d'épaisseur gingivale (Raes et al., 2013).

Dans une étude clinique randomisée portant sur 49 implants, De Rouck et al. comparent les résultats de 25 implants placés en 2 temps sur des sites cicatrisés et temporisés à l'aide d'une prothèse adjointe partielle et 24 implants restaurés immédiatement. Ils ne trouvent pas de différence significative pour la reformation des papilles entre les 2 groupes mais ils rapportent une différence significative en ce qui concerne le niveau de la gencive marginale vestibulaire. La différence moyenne entre les 2 groupes est de 0,75 mm pour des mesures moyennes, de - 1,16 mm pour le groupe 2 temps et de - 0,41 mm pour le groupe ayant bénéficié d'une prothèse immédiate (De Rouck et al., 2009a).

Yoshino et al. ont publié en 2014 une étude prospective randomisée contrôlée avec 2 groupes, l'un, bénéficiant d'une extraction-implantation et temporisation immédiate (EITI), l'autre groupe test, recevant une greffe de conjonctif enfoui. Ils remarquent que la perte du niveau gingival est de 0,25 mm pour le groupe test et de 0,7 mm pour le groupe contrôle, la différence étant significative sur un suivi de 12 mois. Là encore, on note une absence de différence significative au niveau des papilles M et D entre groupes test et contrôle.

Rungcharassaeng et al. mesurent l'épaisseur de la muqueuse marginale vestibulaire sur 2 groupes ayant bénéficié d'une EITI unitaire au niveau du secteur antérieur maxillaire, l'un avec greffe conjonctive, l'autre sans. Les mesures initiales ne montrent aucune différence significative entre les 2 groupes alors que, au moment de la mise en place de la prothèse d'usage, on constate que la valeur moyenne de l'épaisseur du groupe greffé est plus importante que celle du groupe non greffé. Mais on constate aussi que l'épaisseur gingivale du groupe non greffé est plus importante après cicatrisation qu'au moment de l'extraction, ce qui tend à démontrer l'intérêt d'associer la temporisation immédiate implanto-portée au protocole d'extraction-implantation. La mise en œuvre d'un tel protocole n'est préconisée que si la stabilité primaire de l'implant est comprise entre 20 et 40 Ncm dans un contexte d'intégrité de la corticale vestibulaire (Gallucci et al., 2014).

La morphologie sous-gingivale, le profil d'émergence et la présence de points de contact avec les collatérales sont des éléments essentiels pour la maturation guidée des tissus mous (Su et al., 2010). La prothèse provisoire est en inocclusion fonctionnelle et le patient accepte la contrainte d'une alimentation molle pendant toute la période de cicatrisation. Ces conditions sont drastiques et doivent être expliquées au patient avant la réalisation du traitement.

Dans une revue de littérature de 2014, Martin et al. étudient les paramètres prothétiques susceptibles d'influencer le résultat esthétique. En dehors du positionnement 3D vestibulé, ils ne peuvent conclure sur l'influence du switching Platform, du type de prothèse (vissée ou scellée) ou du matériau (titane ou zircone) (Martin et al., 2014).

On rappelle néanmoins que l'épaisseur de la muqueuse péri-implantaire doit être suffisante pour masquer la reconstruction prothétique sous-jacente. Jung et al., dans une étude in vitro étudiant les effets de différents matériaux en fonction de l'épaisseur des tissus mous sur la teinte finale enregistrée au spectrophotomètre, montrent qu'une épaisseur de 3 mm est nécessaire pour que l'œil humain ne puisse déceler le métal sous-jacent alors que 2 mm suffisent pour masquer la zircone (Jung et al., 2007).

Traitement des échecs esthétiques

La littérature scientifique est réduite sur le sujet à des séries de cas avec un échantillonnage qui n'excède jamais 20 patients. Pour la majorité des articles, seuls 1 à 3 patients sont traités (Levine et al., 2014), ce qui pose le problème évident de la reproductibilité des protocoles proposés.

On retiendra cependant les études de Burckhardt (2008) et de Zucchelli (2013) portant respectivement sur 10 et 20 patients et qui proposent la réalisation d'une greffe de tissu conjonctif associée à un lambeau d'avancée coronaire. La récession moyenne vestibulaire est estimée à 3 mm pour les 2 études, le bandeau de gencive kératinisée étant très légèrement plus important sur les cas présentés par Zucchelli (1,72 þ 0,61 mm pour 1,3 þ 1,0 mm).

Burckhardt utilise un prélèvement palatin en enveloppe pour le greffon conjonctif qui est placé au niveau de la jonction implanto-prothétique visible. Un lambeau d'épaisseur partielle mobilisé au-delà de la ligne muco-gingivale permet le recouvrement total du défaut avec une sur-correction moyenne de 1,2 mm. Si le recouvrement est total pour 100 % des cas à l'issue de la chirurgie, ces résultats sont instables puisque l'auteur observe un recouvrement réduit à 75 % dès le premier mois postopératoire. À 6 mois, la récession initiale est recouverte seulement à 66 %.

Les résultats de Zucchelli sont plus encourageants avec un recouvrement tissulaire moyen de 96,3 % du défaut initial à 20 mois et un recouvrement total pour 75 % des sites. Les auteurs rapportent un gain de gencive kératinisée en hauteur (0,57 þ 0,41 mm) et en épaisseur (1,54 þ 0,21 mm). Deux modifications par rapport au protocole précédent sont notables. D'abord, le greffon est ici obtenu après désépithélialisation d'un greffon épithélio-conjonctif, ce qui en améliore probablement la qualité. Et surtout,1 mois avant la chirurgie, la prothèse d'usage est démontée et le pilier prothétique est réduit et poli avant la mise en place d'une prothèse provisoire. Cette dernière est déposée lors de la chirurgie, laissant plus d'espace pour la correction conjonctive (Burckhardt et al., 2008 ; Zucchelli et al., 2013).

Roccuzzo et al., en 2014, mènent une étude prospective sur 16 patients sur 1 an avec un protocole chirurgical sensiblement différent : ils n'effectuent pas d'incisions de décharge verticales pour le repositionnement coronaire du lambeau, ce qui autorise une meilleure vascularisation du site greffé. Le recouvrement moyen obtenu est de 89,6 % du défaut initial. Cette technique est néanmoins limitée aux défauts de faible importance (Roccuzzo et al., 2014).

Un protocole plus ancien, décrit par Matthews en 2002 (3 cas), préconise la dépose de la prothèse et la mise en place d'une vis de couverture sur l'implant préalablement à la chirurgie qui a lieu 3 mois plus tard, ce qui permet d'obtenir une croissance tissulaire sur la zone à épaissir. Au moment de la réouverture, un pilier de cicatrisation de 2 mm est vissé sur l'implant et recouvert par un greffon conjonctif palatin pédiculé qui est roulé en vestibulaire et glissé dans une enveloppe disséquée en épaisseur partielle. Le pilier est remplacé par un pilier plus haut à la réouverture qui est effectuée par simple punch 4 mois plus tard. La prothèse provisoire mise en place 3 semaines après cette intervention est conservée 2 mois (Matthews, 2002).

Mais l'amélioration de la qualité de l'environnement péri-implantaire n'a pas d'influence sur le niveau osseux pour lequel seule une correction par régénération osseuse guidée est possible (Rotundo et al., 2015).

C'est l'hypothèse de Le et al. dans une étude rétrospective de 2016 portant sur 14 implants. Après dépose de la prothèse, le comblement osseux est réalisé avec une allogreffe. Les particules sont maintenues par une membrane résorbable dans un espace créé par la mise en place de vis en titane 3 à 4 mm en dessous du col de l'implant. La mise en place d'un pilier de cicatrisation large permet de fermer le site. Une prothèse provisoire est réalisée 4 mois plus tard et laissée en place 4 mois supplémentaires avant la réalisation de la prothèse d'usage. L'épaisseur de l'os vestibulaire est mesurée à 2 mm apicalement au col de l'implant et à mi-implant. Les résultats montrent une augmentation moyenne de l'épaisseur osseuse respectivement de 1,84 mm et 2,07 mm. On note également une amélioration de l'épaisseur gingivale, de la largeur de gencive kératinisée et de la hauteur gingivale respectivement de 1,28 mm, 1,29 mm et 1,23 mm (Le et al., 2016).

La correction chirurgicale d'un défaut papillaire est souvent un défi impossible et l'utilisation d'acide hyaluronique en injection à 2-3 mm du sommet de la papille déficiente a été évaluée par Becker sur 13 incisives latérales. L'injection, sous anesthésie locale, est répétée 3 fois toutes les 3 semaines. La réévaluation est réalisée entre 6 et 25 mois après le traitement. Les résultats sont mesurés avec un logiciel informatique permettant de calculer les changements de pixellisation et montrent une résolution du défaut de 100 % pour 2 cas, de 94 à 97 % pour 7 cas, de 76 à 88 % pour 3 cas et de 57 % pour le dernier. Malgré ces résultats encourageants, seuls 6 patients apprécient l'amélioration clinique de leur situation (Becker et al., 2010).

À l'exception de ce dernier protocole pour lequel les patients n'ont fait montre d'aucune doléance, tous les autres protocoles sont vécus par les patients comme un véritable parcours du combattant qui doit interroger sur le rapport bénéfice/risque de ces thérapeutiques. Les chirurgies muco-gingivales restent peu prédictibles et doivent être souvent multipliées, entraînant des réactions postopératoires douloureuses et/ou handicapantes et qui viennent s'ajouter au stress généré par le mauvais résultat esthétique du traitement initial.

L'analyse de la situation d'échec, la coopération du patient et son niveau d'exigence sont à prendre en compte dans la mise en œuvre du protocole le plus adapté. La situation d'échec est évaluée au regard des 4 facteurs fondamentaux et constitutifs d'un résultat esthétique pérenne : le volume osseux crestal, le biotype gingival, le positionnement tridimensionnel et la morphologie des dispositifs prothétiques.

Il est évident que seule la dépose de l'implant peut gérer, à terme, un positionnement incorrect et finalement, devant un défaut esthétique important, cette alternative se doit d'être discutée avec le patient compte tenu des limites des thérapeutiques muco-gingivales et des conséquences du positionnement sur la morphologie prothétique. En effet, il est illusoire d'espérer obtenir un indice de Belser élevé dans ces cas pour lesquels le compromis prothétique est imposé.

La dépose de l'implant n'est pas toujours pour autant un retour à la situation pré-implantaire et la réflexion, là aussi, doit prendre en compte le rapport bénéfice/risque d'un délabrement osseux important nécessitant une reconstruction pré-implantaire ultérieure. Néanmoins, les situations d'échec mettant en cause une mauvaise évaluation des facteurs de risque liés au patient (hygiène, tabac, biotype) et pour lesquelles ces facteurs de risque persistent restent des contre-indications relatives à des chirurgies de reconstruction osseuse plus lourdes.

Cas clinique

Le cas d'une jeune femme de 30 ans présentant une situation clinique inacceptable illustre une proposition de traitement chirurgical et prothétique qui s'inspire des protocoles précédemment cités (Matthews, 2002 ; Burckhardt et al., 2008 ; Su et al., 2010 ; Zucchelli et al., 2013 ; Roccuzzo et al., 2014 ; Levine et al., 2014 ; Sculean et al., 2017).

La patiente, qui présente une ligne du sourire de classe 2 (Liebart et al., 2004) dans les situations de sourire forcé, est handicapée par une réhabilitation implantaire en 21 qui laisse exposé le pilier prothétique métallique sous la forme d'une récession qui s'étend jusqu'à la jonction implanto-prothétique. Le sondage parodontal mesure 1 mm en vestibulaire, sans déclencher de saignement. Si le déficit muco-gingival révèle un positionnement trop vestibulé du col de l'implant, force est de constater que l'implant est clairement mal positionné dans le sens MD.

L'aspect de la muqueuse péri-implantaire témoigne des multiples chirurgies déjà subies par la patiente. En effet, un premier échec implantaire a déjà été traité par la dépose de l'implant mis en cause et la reconstruction du site par une greffe osseuse d'apposition avec prélèvement rétro-molaire. La mise en place de l'implant actuel a été réalisée 4 mois plus tard en l'absence de guide chirurgical. L'indice de Belser est évalué à 02/20.

Dans ces situations où la dépose de l'implant ne peut pas être envisagée, l'alternative thérapeutique ne peut concerner que le réaménagement des tissus mous et la morphologie des dispositifs prothétiques. Elle conduit inévitablement à un compromis sur le résultat esthétique final (fig. 1 et 2).

Deux mois après une frénectomie permettant de libérer la traction exercée sur la limite marginale vestibulaire, les dispositifs prothétiques sont démontés et une empreinte de la situation implantaire est réalisée avant la mise en place d'une vis de couverture. L'implant est ré-enfoui dans la séance à l'aide d'un greffon conjonctif obtenu par un prélèvement en enveloppe au niveau du palais (fig. 3 et 4). Le greffon est glissé dans une enveloppe réalisée en vestibulaire pour y être partiellement enfoui. Il recouvre l'implant avant d'être suturé sous la muqueuse palatine (fig. 5 et 6). Trois mois plus tard, une troisième chirurgie associe un nouvel apport conjonctif vestibulaire à la mise en place de la prothèse provisoire implanto-portée réalisée pendant la période de cicatrisation précédente. Compte tenu de l'angulation de l'implant, il n'est pas toujours possible de réaliser une prothèse provisoire transvissée sans que le puits de vissage ne soit situé sur la face vestibulaire ou sur le bord libre de la couronne. Dans le cas, comme ici, où la prothèse doit être scellée, on réalise un évent palatin pour permettre l'évacuation du ciment (fig. 7). Le greffon conjonctif est obtenu par un simple prélèvement crestal au moment de la réouverture du site. Il est suturé le plus coronairement possible, sa maturation étant guidée par la morphologie sous-gingivale concave de la couronne (fig. 8 et 9).La prothèse d'usage est réalisée 3 mois plus tard au moyen d'un pilier CFAO en zircone et d'une couronne céramo-céramique (fig. 10 à 14). Malgré le maquillage et la caractérisation de la prothèse, il est impossible de rattraper l'erreur de positionnement qui oblige à un compromis sur le profil d'émergence et la largeur de la couronne prothétique. D'un point de vue de l'environnement muqueux, la situation est notablement améliorée sans que le décalage des collets ne soit pourtant résolu. À l'issu du traitement qui a duré 12 mois, l'indice de Belser est évalué à 10/20 (fig. 15 à 17). La patiente se satisfait du résultat.

Conclusion

La réhabilitation d'un édentement unitaire est toujours un traitement complexe qui doit être abordé avec la plus grande rigueur. Sachant que le positionnement tridimensionnel est un des facteur qui a le plus d'influence sur le résultat esthétique, l'utilisation d'un guide de forage devrait être systématique. L'appréciation de la difficulté du traitement et du niveau d'exigence de la réhabilitation est réalisé à l'issu d'une étude pré-implantaire qui reste fondamentale et permet de définir la stratégie thérapeutique la plus adaptée pour prévenir les échecs esthétiques, ce qui en constitue le meilleur traitement. La dépose de l'implant est parfois la solution la plus simple car les aménagements muqueux peuvent s'avérer longs et fastidieux sans véritable amélioration du résultat esthétique à long terme.

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