Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/09/2017

 

Article

Alexandre MATHIEU 1 / Philippe DOUCET 2 / Frédéric DUFFAU 3 / Marjolaine GOSSET 4  

1- DU de parodontie clinique, faculté de chirurgie dentaire,
université Paris Descartes
Exercice privé exclusif en parodontologie et implantologie orale, Saint-Mandé2- Ancien AHU de la faculté de chirurgie dentaire, université Paris Descartes
Exercice privé exclusif en parodontologie et implantologie orale, Paris3- Ancien AHU de l'école de médecine dentaire de Genève (Suisse)
Exercice privé exclusif en parodontologie et implantologie orale, Paris4- MCU-PH
Faculté de chirurgie dentaire, université Paris Descartes
Hôpital Charles-Foix (AP-HP),
Ivry-sur-Seine

Résumé

Résumé

Les patients atteints de parodontite agressive généralisée présentent un risque accru d'édentation partielle ou complète. Une solution de choix pour leur restauration orale consiste en la réalisation de prothèses implanto-portées. Il est montré que des antécédents de parodontite chronique représentent un risque accru de survenue de complications biologiques implantaires. Qu'en est-il des antécédents de parodontite agressive?

L'objectif de cet article est, par une revue de littérature, d'étudier la prévalence des complications biologiques implantaires chez les patients traités pour une parodontite agressive généralisée par rapport aux patients traités pour une parodontite chronique ou aux patients sains. Une recherche bibliographique effectuée sur Medline a permis d'identifier 50 articles. Six études prospectives ou rétrospectives portant sur l'étude de la santé implantaire chez des patients traités pour parodontite agressive généralisée avec une analyse de paramètres cliniques et radiographiques ont été conservées. Les résultats de ces études ont été analysés selon la durée moyenne de suivi des patients (< 10 ans, ou ≥ 10 ans). Dans les 4 études qui présentent un suivi inférieur à 10 ans, la survie implantaire varie de 83,6 à 100 %. La profondeur de poche, la perte d'attache et la perte osseuse péri-implantaire sont légèrement augmentées chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée, sans atteindre le seuil de significativité. Dans les 2 études qui présentent un suivi d'au moins 10 ans, la survie implantaire varie de 88,8 à 96 %. Le risque relatif d'échec implantaire est 5 fois plus élevé (RR = 4,80 [1,273 ; 18,093]) et le risque de péri-implantite 14 fois plus élevé (RR = 14,09 [2,051 ; 96,772]). La perte osseuse péri-implantaire moyenne est de 2 mm après 1 an de mise en fonction et progresse jusqu'à 3,3 mm à la dixième année. Ces études sont peu puissantes en raison notamment du faible nombre de patients inclus. En conclusion, et dans la limite de ces études, les restaurations implanto-portées offrent des résultats satisfaisants chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée traités et en maintenance parodontale.

Summary

Summary

Patients with generalised aggressive periodontitis (GAP) have an increased risk of partial or complete edentulism. Implant-supported prostheses represent a good treatment option for their oral rehabilitation. It has been shown that a history of chronic periodontitis increases the risk of biological peri-implant complications. What about patients with a history of aggressive periodontitis?

The aim of this article is to investigate the prevalence of biological peri-implant complications in patients treated for aggressive periodontitis compared with patients treated for chronic periodontitis (CP) or with healthy patients (HP) through a literature review. A Medline literature search returned 50 articles. Six prospective or retrospective studies dealing with implants clinical and radiographical parameters in patients treated for GAP were retained. The results of these studies were analysed according to the average duration of the follow-up (< 10 years, or ≥ 10 years). In the four studies with a follow-up of less than 10 years, implant survival rates varied from 83.6 to 100%. In patients with GAP, pocket depth and peri-implant bone loss were slightly increased, but were never significant. In the two studies with a follow-up of at least 10 years, implant survival varied from 88.8 to 96%. The relative risk of implant failure was five times higher (RR = 4.80 [1.273, 18.093]) and the risk of peri-implantitis 14 times higher (RR = 14.09 [2.051 ; 96.772]). Peri-implant bone loss was equal to 2 mm after the first year and up to 3.3 mm in the tenth year. These studies offer limited insight because of the small number of patients included. In conclusion, within the limits of these studies, implant-supported rehabilitations may offer satisfactory results in GAP in patients undergoing regular periodontal maintenance.

Key words

Generalized agressive periodontitis, implant, peri-implantitis, peri-implant marginal bone loss, review.

Introduction

En implantologie, les échecs précoces sont distingués des échecs tardifs. Les premiers sont des échecs d'ostéo-intégration, en raison d'une erreur lors de l'intervention chirurgicale ou de facteurs externes lors de la cicatrisation – par exemple contamination bactérienne ou sollicitation mécanique excessive (Froum et al., 2011). La dépose des implants non ostéo-intégrés est alors systématique. Les échecs tardifs, incluant les péri-implantites, correspondent à une perte partielle ou complète de l'ostéo-intégration après la mise en charge des implants. Les péri-implantites sont des pathologies d'étiologie infectieuse au cours desquelles la réponse inflammatoire entraîne une destruction de l'ancrage osseux. Plusieurs facteurs de risque des péri-implantites ont été identifiés : une hygiène bucco-dentaire défavorable (à la suite d'une conception prothétique inadaptée ou d'un manque d'éducation du patient), le tabagisme (Klinge et al., 2012), le diabète non équilibré (Gómez-Moreno et al., 2015) et l'existence d'une parodontite (Froum et al., 2011 ; Leonhardt et al., 1999 ; Nisand et al., 2013) ou d'un antécédent de parodontite (Klinge et al., 2012 ; Chrcanovic et al., 2014 ; Sgolastra et al., 2015a ; Zangrando et al., 2015). Les péri-implantites se développent surtout chez les patients « parodontaux », c'est-à-dire chez des hôtes permissifs caractérisés par une réponse immunitaire défavorable. Il est important de noter que la majorité des études traitant des complications implantaires chez les patients atteints ou traités pour une parodontite sont effectuées chez des patients atteints de parodontite chronique et rarement chez ceux atteints de parodontite agressive généralisée ou localisée. Or, un succès à long terme des restaurations implantaires chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée ou localisée est particulièrement important, ces patients étant souvent jeunes. L'objectif de cet article est donc, à travers une revue de la littérature scientifique, de déterminer si un antécédent de parodontite agressive généralisée ou localisée, traitée avant la phase implantaire, est associé à une plus forte prévalence de complications péri-implantaires par rapport aux patients sains ou présentant une parodontite chronique traitée.

Matériel et méthode

Une recherche bibliographique menée dans la base de données Medline selon l'équation de recherche suivante : (« aggressive periodontitis » [Title/Abstract] AND « implant » [Title/Abstract]) a permis d'identifier 50 études. Après application des critères d'exclusion (revues de littérature, méta-analyses et rapports de cas), 21 études ont été conservées. Après lecture des titres et résumés, 11 études cliniques évaluant la qualité des tissus péri-implantaires par des paramètres cliniques et radiographiques ont été retenues (tableau 1). Après l'analyse des articles, seuls 6 d'entre eux répondant aux critères d'inclusion ont été sélectionnés. Les critères d'inclusion étaient les suivants : études prospectives et rétrospectives étudiant l'existence d'une association entre les parodontites agressives et la survenue de complications biologiques péri-implantaires, et taux de survie et de succès des implants et des restaurations supra-implantaires. La survie implantaire correspondait aux implants encore fonctionnels à la fin de l'étude. Le succès implantaire correspondait aux implants présentant des tissus péri-implantaires sains – les critères de succès d'Albrektsson (Albrektsson et al., 1986) étaient souvent utilisés.

Résultats

Les 6 articles retenus sont des études prospectives publiées entre 2005 et 2012 (tableau 2). Les études ont toutes été menées chez des patients atteints de parodontite agressive généralisée, aucune chez des patients atteints de parodontite agressive localisée. Toutes ces parodontites ont été traitées et les patients sont intégrés dans des programmes de maintenance parodontale, au moins tous les 6 mois (tableau 3). Pour analyser les résultats des études, les articles ont été séparés en fonction de la durée de suivi des patients : inférieure ou supérieure et égale à 10 ans.

Études avec suivi inférieur à 10 ans

Quatre études prospectives présentent un suivi compris entre 3 et 6 ans. Elles comparent des patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée ou de parodontite chronique et des patients sains. Tous les patients étaient suivis de manière stricte en maintenance implantaire et parodontale (tableau 3). Ceux de 2 études (Mengel et Flores-de-Jacoby, 2005a, 2005b) ont bénéficié d'une intervention chirurgicale parodontale incluant au moins une intervention parodontale en amont de leur restauration implantaire. Dans 3 études (Mengel et Flores-de-Jacoby, 2005a, 2005b, Mengel et al., 2007a), une attitude radicale a été adoptée : toutes les dents des patients qui présentaient une profondeur de poche parodontale supérieure à 3 mm ou un saignement au sondage résiduel après traitement parodontal étaient extraites avant la mise en place des implants (tableau 3). Les interventions chirurgicales à visée implantaire réalisées sont détaillées dans le tableau 4. Tous les implants ont été enfouis (chirurgie en deux temps) et 2 études ont inclus les patients nécessitant une chirurgie osseuse pré-implantaire.

Taux de survie

Les taux de survie chez les patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée sont importants au bout de 3 ans : ils varient de 97,4 à 100 % (Mengel et Flores-de-Jacoby, 2005a, 2005b, Mengel et al., 2007a) mais s'abaissent à 84,8 % au bout de 6 ans (De Boever et al., 2009). Les taux de survie des implants chez les patients traités pour parodontite agressive généralisée sont inférieurs à ceux des groupes témoins (patients sains) et des groupes avec antécédent de parodontite chronique : pour les patients sains, ils sont de 100 % au bout de 3 ans (Mengel et Flores-de-Jacoby, 2005a, 2005b, Mengel et al., 2007a) et de 97 % au bout de 6 ans (De Boever et al., 2009) ; pour les parodontites chroniques, ils sont de 100 % au bout de 3 ans (Mengel et Flores-de-Jacoby, 2005b) et de 96 % au bout de 6 ans (De Boever et al., 2009) (tableau 5).

Paramètres cliniques

Selon les études, les paramètres cliniques péri-implantaires des patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée présentent ou non des différences significatives par rapport aux patients avec antécédent de parodontite chronique et aux patients sains (tableau 6). Dans une étude, une augmentation du saignement au sondage péri-implantaire (p = 0,009 8), de l'indice de plaque (p = 0,000 8), de l'inflammation péri-implantaire (p = 0,001 4) et de la profondeur de sondage mésial et distal (p = 0,004 2 et p = 0,000 2) chez les patients traités pour parodontite agressive généralisée est observée (De Boever et al., 2009). Notons que cet article ne communique que les valeurs de p, les valeurs moyennes obtenues par indices n'étant pas données. Dans les trois autres études, une seulement montre une perte d'attache péri-implantaire significativement plus importante par rapport aux patients sains (p < 0,001) (Mengel et Flores-de-Jacoby, 2005a).

Paramètres radiographiques

La mesure des pertes osseuses péri-implantaires sur des radiographies rétroalvéolaires montre que les patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée ont toujours tendance à avoir une perte osseuse péri-implantaire augmentée par rapport aux autres groupes. Cependant, ces différences ne sont significatives que dans une seule étude (De Boever et al., 2009) (tableau 5).

Études avec suivi supérieur à 10 ans

Deux études prospectives réalisées par la même équipe présentent un suivi supérieur à 10 ans (tableau 2). Dans la première, le suivi est de 10 ans pour tous les patients (Mengel et al., 2007b). Pour la seconde, le suivi maximal est de 16 ans pour les patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée (mais, au bout de 10 ans, seuls 40 % des patients participaient encore à l'étude) et de 11 ans pour les patients sains (Swierkot et al., 2012). Ces deux études comparent des patients atteints de parodontite agressive généralisée avec des patients sains, tous engagés dans un protocole de maintenance strict avec un suivi tous les 3 mois (tableau 3).

Taux de survie

Dans ces deux études, la survie implantaire est de 100 % chez les patients sains (tableau 7). Chez les patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée, elle varie de 88,8 % (Mengel et al., 2007b) à 96 % (Swierkot et al., 2012) mais n'affecte pas le taux de survie prothétique (100 % dans les deux études). Les échecs précoces (avant 1 an de mise en charge) concernent 8 implants (soit 4,3 % des implants) : 4 implants ne se sont pas ostéo-intégrés, 3 implants ne sont pas exploitables pour la réalisation prothétique et 1 implant est perdu précocement. Les échecs tardifs (après 1 an de mise en charge) concernent 2 implants (soit 1 % des implants) de diamètre étroit (3,75 mm) qui se sont fracturés. Dans ces deux études, aucun échec n'est du à une péri-implantite (tableau 8).

Des prélèvements bactériens ont été réalisés au niveau péri-implantaire. Une quantité plus importante de bactéries motiles est retrouvée dans les sillons péri-implantaires des patients atteints de parodontite agressive généralisée. Ces bactéries (spirochètes) participeraient à la formation précoce du biofilm bactérien dysbiotique (Mengel et al., 2007b). Les parodonto-pathogènes Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis et Prevotella intermedia sont surtout retrouvés dans les sites péri-implantaires des patients atteints de parodontite agressive généralisée (Swierkot et al., 2012).

Taux de succès

Dans une étude (Mengel et al., 2007b), le taux de succès se définit en fonction des critères de succès d'Albrektsson (Albrektsson et al., 1986) : implant non mobile et non douloureux, perte osseuse inférieure à 1,5 mm la première année de mise en charge, puis inférieure à 0,2 mm par an et absence de paresthésie. Comme 2 implants présentaient une perte osseuse qui ne répondait pas à ces critères, le taux de succès est de 83,3 % (par rapport au taux de survie de 88,8 %). Les implants des patients atteints de parodontite agressive généralisée présentent plus d'inflammation péri-implantaire, de perte d'attache et de perte osseuse au bout de 10 ans que les patients sains. La perte osseuse péri-implantaire est de 2 mm pour les premiers contre 1,1 mm pour les seconds au bout de 1 an et respectivement de 3,3 mm et 1,3 mm au bout de 10 ans (tableau 7). En revanche, la profondeur de sondage péri-implantaire est identique dans les deux groupes. Notons qu'au cours de cette étude, plusieurs dents avec initialement une profondeur de poche parodontale inférieure ou égale 3 mm et sans saignement au sondage ont été perdues pour raisons parodontales (19/40 dents).

+Dans la seconde étude (Swierkot et al., 2012), le succès implantaire se définit pour des implants présentant un environnement péri-implantaire strictement sain, à savoir indemnes de mucosite (définie par une profondeur de sondage ≥ 5 mm associé à un saignement et à une absence de perte osseuse après 1 an de mise en charge) ou de péri-implantite (définie par une profondeur de sondage > 5 mm, associée ou non à un saignement et à une perte osseuse annuelle de plus de 2 mm après la première année de mise en charge). Dans cette étude, les patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée présentent :

– 5 fois plus de risque d'échec que les patients sains (OR = 4,80 [1,273 ; 18,093] ; p = 0,021) ;

– 3 fois plus de risque de développer une mucosite que les patients sains (OR = 3,61 [1,088 ; 11,984] ; p = 0,036). Les taux de mucosite sont de 56 % pour les patients atteints de parodontite agressive généralisée contre 40 % pour les patients sains ;

– 14 fois plus de risque de développer une péri-implantite que les patients sains (OR = 14,09 [2,051 ; 96,772] ; p = 0,007). Les taux de péri-implantite sont de 26 % pour les patients avec parodontite agressive généralisée contre 10 % pour les patients sains.

Le taux des complications biologiques péri-implantaires est donc plus élevé chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée que chez les patients sains.

Limites

Cinq études sur les six publiées sont issues de travaux menés par l'équipe de Mengel (notons tout de même que ces études ont été réalisées sur des groupes de patients différents). Dans ces études, le protocole de traitement de la parodontite est très rigoureux : seules les dents avec profondeur de poche parodontale inférieure ou égale à 3 mm et sans saignement au sondage sont conservées avant de procéder à la mise en place des implants. Ce protocole est donc discutable car il n'est pas transposable à une pratique clinique quotidienne. Il est ainsi surprenant de constater que malgré ces précautions, dans une de ces études (Mengel et al., 2007b), un très faible taux de survie dentaire est observé chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée. En effet, les patients ont, à la fin de l'étude, perdu presque 50 % des dents qu'ils possédaient au début de l'étude (Mengel et al., 2007b) (tableau 7).

Par ailleurs, dans une autre étude (De Boever et al., 2009), les patients fumeurs et atteints de maladies systémiques n'étaient pas exclus :

– 56,2 % des patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée présentaient une maladie systémique, contre 19 % de la population totale de l'étude ;

– 25 % des patients avec antécédent de parodontite agressive généralisée étaient fumeurs, contre 11,4 % de la population totale de l'étude.

En effet, tabac et mauvaise santé sont des facteurs de risque des péri-implantites (Strietzel et al., 2007 ; Sgolastra et al., 2015b ; Ferreira et al., 2015). Cela concorde avec les résultats obtenus dans une autre étude (Swierkot et al., 2012) : les implants posés chez des patients fumeurs et anciens fumeurs présentent plus de risque de développer une mucosite (respectivement p = 0,001 et 0,000 5) et une péri-implantite (respectivement p = 0,009 et 0,038).

Nous manquons également d'études à long terme. En effet, seules deux études ont été menées avec un suivi de plus de 10 ans. Les quatre études avec une survie inférieure à 10 ans présentent quant à elles de nombreuses limites : les échantillons de patients sont réduits et la répartition des groupes est parfois inhomogène (tableau 2).

Discussion

La présence d'une parodontite agressive généralisée témoigne d'une réponse défavorable de l'hôte – anomalie de phagocytose, phénotype pro-inflammatoire des macrophages et faible réponse des anticorps aux agents infectieux (Lang et al., 1999) – qui pourrait être plus propice au développement des péri-implantites chez les patients qui en sont atteints que chez ceux porteurs d'une parodontite chronique. Un autre exemple est celui des patients atteints du syndrome de Papillon-Lefèvre – caractérisé par un défaut de fonction des neutrophiles, et le développement de parodontites sévères et précoces – qui présentent plus de complications biologiques implantaires que les autres patients. En effet, 3 patients sur 4 atteints de ce syndrome et restaurés par prothèse implanto-portée présentent des péri-implantites 10 ans après la pose des implants (Nickles et al., 2013).

Dans la limite de ces études, peu puissantes et peu abondantes en raison de la faible prévalence des parodontites agressives généralisées dans les pays occidentaux où ces études ont été menées, il semble que chez ces patients :

– les paramètres cliniques péri-implantaires (indice de saignement et perte d'attache) varient peu par rapport à ceux des implants des patients atteints de parodontite chronique ou des patients sains ;

– la perte osseuse péri-implantaire ait tendance à être augmentée ;

– les taux de survie et de succès implantaire aient tendance à être diminués ;

– la prévalence des péri-implantites et des mucosites soit augmentée de manière statistiquement significative. Cependant, ce point n'a été étudié que dans une seule étude (Swierkot et al., 2012).

Le taux de survie d'une étude (De Boever et al., 2009) – 84,8 % au bout de 6 ans – est peut-être le résultat le plus intéressant car :

– il englobe la quasi-totalité des profils de patients traités en cabinet (indices de plaque et de saignement de moins de 20 %, chez des patients fumeurs et/ou avec des maladies systémiques) ;

– la durée de suivi est la plus importante des quatre études au suivi inférieur à 10 ans.

Dans les études sélectionnées, les patients atteints de parodontite agressive généralisée présentent des édentations plus étendues que les autres. Ainsi, les restaurations implanto-portées des patients sains correspondent à des édentations unitaires et, pour les patients atteints de parodontite agressive généralisée, à des édentations multiples (tableau 9). Par conséquent, un plus grand nombre d'implants ont été posés chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée par rapport aux patients atteints de parodontite chronique et de patients sains dans ces six études (en moyenne, respectivement 4,19, 2,95 et 2,16 implants) (tableau 10). Leurs prothèses, souvent plurales et dessinées avec des éléments en extension (tableau 9), sont donc de conception et d'entretien (procédure d'hygiène individuelle et professionnelle) compliqués. Dans une étude (Swierkot et al., 2012), les auteurs rapportent un risque plus élevé de développer une péri-implantite lors de la réalisation de prothèses plurales que de prothèses unitaires (bridge : p = 0,007 ; prothèse amovible : p = 0,03). Cependant, le taux de survie des prothèses implanto-portées plurales reste élevé car il n'est pas forcément affecté par la perte d'un de ses piliers implantaires.

Conclusion

Trois revues de littérature analysent sur le suivi d'implants chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée. Elles concluent que les traitements implantaires ne sont pas contre-indiqués chez les patients suivis en maintenance pour leur parodontite agressive généralisée stabilisée (Al-Zahrani et al., 2008 ; Kim et al., 2012 ; Monje et al., 2014) et qu'il existe néanmoins un risque relatif d'échec plus important que chez les patients atteints de parodontite chronique et les patients sains.

Le petit nombre d'études analysées et les faibles durées de suivi limitent les conclusions pour le traitement quotidien des patients atteints de parodontite agressive généralisée. Il conviendra d'avertir les patients du rapport coût/bénéfice/risque, en insistant notamment sur les risques d'échec et de complications des traitements par prothèse implanto-portée. L'importance du traitement parodontal et de son suivi doit être exposée de manière rigoureuse avant de procéder à la mise en place des implants. En effet, toutes les études présentées ici portent sur des patients qui présentent une maladie parodontale traitée et qui adhèrent de manière assidue à des séances de maintenance parodontale rigoureuse. En l'absence de maintenance parodontale et péri-implantaire, des échecs plus fréquents sont prévisibles.

Enfin, pour guider notre pratique, il paraît nécessaire d'engager des études :

– multicentriques pour avoir un échantillon de patients plus important, avec le même protocole clinique pour les patients atteints parodontite agressive généralisée et pour les patients sains ;

– qui comparent la survie de dents au pronostic parodontal compromis à celle de traitements implanto-portés chez les patients atteints de parodontite agressive généralisée.

Remerciements

Les auteurs remercient le Dr Deborah Phillips.

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