Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 3 du 01/09/2017

 

Le point de vue de la SFPIO

Zocko Ange Désiré Pockpa   Yaba Samson Mobio   Nadin Thérèse Coulibaly   Assem Soueidan   Virginie Monnet-Corti   Xavier Struillou  

Introduction

La récession gingivale, ou récession tissulaire marginale (RTM), est un déplacement de la gencive marginale apicalement à la jonction amélo-cémentaire (Armitage, 1999). La prévalence, l'étendue et la sévérité des récessions tissulaires marginales augmenteraient avec l'âge et les hommes seraient plus touchés que les femmes (Albandar et Kingman, 1999 ; Susin et al., 2004). Plus de 50 % de la population présente une ou plusieurs...


Résumé

Résumé

La récession gingivale, ou récession tissulaire marginale, est un déplacement de la gencive marginale apicalement à la jonction amélo-cémentaire. Les techniques de chirurgie plastique utilisant les greffons autogènes demeurent la thérapeutique de choix dans son traitement. Cependant, le recours aux greffons autogènes présente quelques inconvénients telles que la difficulté à prélever le greffon, la morbidité induite sur le second site chirurgical et la quantité limitée de tissu prélevé.

Ainsi, le Mucograft® a été proposé comme une solution de remplacement aux greffes autogènes en chirurgie plastique parodontale. Le but de la présente étude est d'évaluer s'il peut être préféré au greffon autogène dans le traitement des récessions tissulaires marginales. Les paramètres analysés sont le recouvrement radiculaire, la réduction de la profondeur de la récession, l'augmentation de l'épaisseur de tissu kératinisé et la satisfaction du patient.

Introduction

La récession gingivale, ou récession tissulaire marginale (RTM), est un déplacement de la gencive marginale apicalement à la jonction amélo-cémentaire (Armitage, 1999). La prévalence, l'étendue et la sévérité des récessions tissulaires marginales augmenteraient avec l'âge et les hommes seraient plus touchés que les femmes (Albandar et Kingman, 1999 ; Susin et al., 2004). Plus de 50 % de la population présente une ou plusieurs récessions gingivales (Kassab et Cohen, 2003). Le traitement des récessions tissulaires marginales a pour objectif, d'une part, de stopper la progression de la récession et de prévenir son aggravation par un épaississement gingival et, d'autre part, de réaliser le recouvrement radiculaire afin de satisfaire à la demande esthétique des patients (Merijohn, 2016). Pour atteindre ces objectifs, les techniques de chirurgie parodontale utilisant les greffes autogènes (greffons conjonctifs et épithélio-conjonctifs) apportent des résultats satisfaisants et prédictibles dans le traitement des récessions tissulaires marginales (Wennström et Zucchelli, 1996 ; Chambrone, 2010 ; Scheyer et al., 2015). Cependant, le recours aux greffons autogènes (GA) présente quelques inconvénients tels que la difficulté à prélever le greffon (Griffin et al., 2006), la morbidité induite sur le second site chirurgical (site donneur) (Ramachandra et al., 2014) et la quantité de tissu à prélever, parfois insuffisante en présence d'un défaut important à restaurer (Aroca et al., 2013). C'est pour pallier ces inconvénients que le Mucograft® (Geistlish Pharma), greffon xénogénique d'origine porcine, a été introduit depuis 2010 en chirurgie plastique parodontale (Geistlich Pharma, 2016). C'est une membrane faite de collagène des types I et III qui est composée de deux parties : une couche superficielle fine et compacte qui protège la cicatrisation et une couche interne épaisse et spongieuse qui facilite la prolifération cellulaire des tissus mous et stabilise le caillot sanguin (Sanz et al., 2009). Sur le plan biologique, il y a une bonne intégration du Mucograft® avec les tissus environnants, sans signes d'inflammation au bout du sixième mois (Nevins et al., 2011), ce qui permet la formation d'un nouveau cément, d'un nouveau tissu conjonctif dans la partie apicale du défaut et d'un épithélium de jonction dans la partie la plus coronaire (Vignoletti et al., 2011).

Au bout d'un an, il n'y a pas de démarcation entre la cicatrice et les tissus environnants (Nevins et al., 2011). Sur le plan clinique, l'utilisation du Mucograft® a permis une diminution de la hauteur des récessions gingivales unitaires et multiples (Rotundo et Pini-Prato, 2012 ; Jepsen et al., 2013), une augmentation du volume des tissus mous ainsi qu'un apport moyen de tissu kératinisé autour des dents et des implants (Sanz et al., 2009 ; Schmitt et al., 2016 ; Lorenzo et al., 2012). Il découle de ces études que le Mucograft® permet d'atteindre les objectifs thérapeutiques du traitement des récessions tissulaires marginales. Cependant, peut-il être préféré aux greffons autogènes dans un tel traitement ? C'est pour répondre à cette question que cette revue de la littérature scientifique, dont le but est de comparer l'efficacité du Mucograft® à celle des greffons autogènes dans le traitement des récessions tissulaires marginales en termes de résultats cliniques, d'ergonomie et de satisfaction du patient, a été effectuée.

Matériel et méthode

Ce travail a consisté à rechercher des études ayant comparé l'efficacité du Mucograft® à celle d'un greffon autogène dans le cadre du traitement des récessions tissulaires marginales. Les articles publiés jusqu'en mars 2016 sur PubMed et Google Scholar ont été sélectionnés. Pour cela la recherche a commencé sur PubMed à l'aide de la combinaison des mots clés suivants : « xenogen matrix », « xenograft », « collagen matrix », « mucograft », « connective graft », « autogenous graft », « gingival recessions ». Puis, sur Google Scholar, les items suivants ont été utilisés : « matrice de collagène », « xénogreffe », « Mucograft », « greffon conjonctif », « greffon autogène », « récession parodontale ». Ont été éliminées les études in vitro et précliniques ainsi que les études cliniques utilisant une matrice différente du Mucograft® ou ne traitant pas les récessions tissulaires marginales (fig. 1). Les articles dont l'ensemble du texte n'était pas accessible ou qui étaient publiés dans une autre langue que l'anglais ou le français ont également été exclus. Par la suite, les titres et les résumés ont été analysés. Puis les articles sélectionnés ont été lus intégralement, ce qui a permis d'affiner la sélection (fig. 1). Ainsi, les articles remplissant les critères de sélection sont ceux qui ont fourni des informations sur les paramètres suivants : l'augmentation de l'épaisseur de tissu kératinisé, le taux de recouvrement radiculaire, la profondeur de la récession, le rendu esthétique, la durée de l'intervention et la morbidité.

En définitive, 5 études ont été retenues pour conduire ce travail (fig. 1).

À partir des données obtenues, le Mucograft® et les greffons autogènes ont été comparés en regroupant les paramètres ci-dessus en deux catégories :

• celle des paramètres liés aux objectifs thérapeutiques (taux de recouvrement radiculaire, réduction de la profondeur de la récession, augmentation de l'épaisseur de tissu kératinisé) ;

• celle des paramètres liés à la satisfaction du patient (durée de l'intervention, morbidité et esthétique).

Résultats et discussion

Résultats liés aux objectifs thérapeutiques

Ces résultats sont présentés dans le tableau 1.

La réduction de la profondeur de la récession demeure un des objectifs principaux dans le traitement des récessions tissulaires marginales. McGuire et Scheyer ont traité des récessions unitaires controlatérales de classes 1 et 2 de Miller ayant une hauteur et une largeur supérieures ou égales à 3 mm par la technique du lambeau déplacé coronairement (LDC) associé soit au Mucograft® (groupe test), soit à un greffon conjonctif (groupe contrôle) (McGuire et Scheyer, 2010). Ils ont obtenu une réduction de la profondeur des récessions plus importante avec un greffon conjonctif par rapport au Mucograft® au bout de 6 mois (Mucograft® : 2,62 mm ; greffon conjonctif : 3,10 mm) et de 12 mois (Mucograft® : 2,78 mm ; greffon conjonctif : 3,17 mm). Les différences obtenues entre les deux groupes étaient statistiquement significatives (au bout de 6 mois, p = 0,0062 ; au bout de 12 mois, p = 0,072). Dans cette même étude, les auteurs ont constaté, au bout de 1 an, un taux de recouvrement radiculaire moyen plus élevé avec un greffon conjonctif (99,3 %) qu'avec le Mucograft® (88,5 %) (p = 0,0313). Dans une étude similaire, Cardaropoli et al. ont fait les mêmes observations (Mucograft® : 94,32 % ; greffon conjonctif : 96,97 %) mais ils ont enregistré avec le Mucograft® un taux de recouvrement moyen plus important (94,32 %) que celui obtenu dans l'étude de McGuire et Scheyer (88,5 %) (Cardaropoli et al, 2012). En termes de recouvrement radiculaire complet, Cardaropoli et al. ont obtenu, sur des récessions unitaires, un recouvrement complet dans les deux groupes mais qui était plus important avec le greffon conjonctif (72 % des sites avec Mucograft® et 81 % des sites avec greffon conjonctif) (Cardaropoli et al., 2012). Ces mêmes observations ont été faites par Aroca et al. dans le traitement de récessions multiples. Dans leur étude sur 22 patients traités, 18 ont eu un recouvrement complet dont 13 avec le greffon conjonctif et 5 avec le Mucograft®. La différence obtenue était statistiquement significative (p = 0,0305) (Aroca et al., 2013).

L'autre paramètre clinique de comparaison analysé dans cette étude était l'augmentation du tissu kératinisé. Nevins et al. ont comparé l'efficacité du Mucograft® au greffon épithélio-conjonctif dans l'augmentation du tissu kératinisé sur 5 patients. Des récessions tissulaires marginales bilatérales mandibulaires postérieures ont été traitées par le Mucograft® (groupe test) ou par un greffon épithélio-conjonctif (groupe contrôle). Les sites retenus avaient au plus 2 mm de gencive attachée (Nevins et al., 2011).

Au bout d'un an, ces auteurs ont observé une amélioration moyenne de l'épaisseur de tissu kératinisé de plus de 2 mm dans le groupe test (p = 0,041) et d'environ 3 mm dans le groupe contrôle (p = 0,042). Sur un échantillon plus grand (30 patients) McGuire et Scheyer ont réalisé des vestibuloplasties avec du Mucograft® et un greffon épithélio-conjonctif sur des dents ayant moins de 2 mm de tissu kératinisé. Au bout 6 mois, le greffon épithélio-conjonctif (contrôle) a permis plus d'augmentation de tissu kératinisé que le Mucograft® ; la différence observée était statistiquement significative (Mucograft® : + 2,04 mm ; greffon épithélio-conjonctif : + 3,65 mm ; p = < 0,0001) (McGuire et Scheyer, 2014).

L'analyse de ces résultats montre que, dans le traitement des récessions tissulaires marginales, les greffons autogènes et le Mucograft® permettent d'améliorer tous les paramètres cliniques liés aux objectifs thérapeutiques. En effet, le Mucograft® et le greffon conjonctif permettent d'obtenir un bon taux de recouvrement radiculaire moyen dès le sixième mois. Cependant, les valeurs obtenues sont meilleures avec les greffons conjonctifs (Aroca et al., 2013 ; McGuire et Scheyer, 2010 ; Cardaropoli et al., 2012). Il en est de même pour la réduction de la profondeur de la récession et l'augmentation de tissu kératinisé qui est plus prononcée avec le greffon conjonctif qu'avec le Mucograft® (McGuire et Scheyer, 2014).

Ces observations rejoignent les recommandations du rapport de consensus de l'Académie américaine de parodontologie qui a admis que les greffons autogènes donnaient de meilleurs résultats en termes de taux de recouvrement radiculaire et d'augmentation de l'épaisseur de la gencive kératinisée (Tatakis et al., 2015). Aussi, les techniques employant les greffons autogènes offrent-elles des résultats cliniques plus prévisibles que celles utilisant les xénogreffes (Tatakis et al., 2015). C'est pourquoi les greffons autogènes demeurent à ce jour le matériau de choix pour obtenir de meilleurs résultats cliniques dans le traitement des récessions tissulaires marginales unitaires ou plurales (Tatakis et al., 2015 ; Atieh et al., 2016 ; Cairo et al., 2014).

Paramètres liés à la satisfaction du patient

Dans le traitement des récessions multiples, Aroca et al. ont évalué la durée d'une intervention chirurgicale utilisant le Mucograft® comme groupe test comparée à celle utilisant un greffon conjonctif comme groupe contrôle. La durée moyenne de l'intervention enregistrée était statistiquement plus faible avec le Mucograft® qu'avec le greffon conjonctif (groupe test : 42,5 minutes ; groupe contrôle : 58,6 minutes), soit un gain d'environ 17 minutes (Aroca et al., 2013). En revanche, McGuire et Scheyer ont observé une durée d'intervention quasiment identique avec le Mucograft® et le greffon épithélio-conjonctif dans le traitement de récessions unitaires (Mucograft® : 11,13 minutes ; greffon épithélio-conjonctif : 10,73 min) (McGuire et Scheyer, 2014).

Au niveau esthétique, les premières observations sur des échantillons plus faibles (5 patients) n'ont pas montré de véritable différence entre le Mucograft® et les greffons autogènes. En effet, Nevins et al. ont obtenu une excellente texture et une coloration équivalente entre les sites traités avec le Mucograft® et ceux traités avec des greffons autogènes (Nevins et al., 2011). En revanche, McGuire et Scheyer ont constaté, à partir d'un échantillon plus élevé (30 patients), que les sites avec Mucograft® avaient une meilleure texture que ceux avec greffon épithélio-conjonctif (p < 0,0001). Dans leur étude, plus des deux tiers des patients ont préféré le résultat esthétique obtenu avec le Mucograft® (McGuire et Scheyer, 2014).

Concernant la morbidité, dans l'étude de Nevins et al., les patients qui avaient reçu le Mucograft® (groupe test) ont été satisfaits de la technique car un second site chirurgical avait été ainsi évité (Nevins et al., 2011). De même, selon Aroca et al., le nombre des patients qui se sont dits entièrement satisfaits de l'intervention et des suites postopératoires était plus élevé dans le groupe traité avec le Mucograft® que dans le groupe traité avec des greffons autogènes (Aroca et al., 2013). En effet, le Mucograft® a induit des douleurs plus faibles et moins prolongées que celles générées par les greffons autogènes qui étaient plus intenses et qui persistaient bien plus longtemps (Aroca et al., 2013).

Ainsi, ces études montrent une meilleure satisfaction des patients traités avec du Mucograft® que ceux ayant reçu un greffon autogène. En effet, elles ont estimé que l'intervention avec le Mucograft® était moins douloureuse, plus rapide, a évité un second site chirurgical et a donné des résultats esthétiques plus satisfaisants que les greffons autogènes (Scheyer et al., 2015 ; Aroca et al., 2013 ; Nevins et al., 2011 ; McGuire et Scheyer, 2014 ; Tatakis et al., 2015). En plus le Mucograft® est un matériau xénogénique prêt à l'emploi qui permet d'éviter l'étape du prélèvement d'un site donneur observé dans les cas des greffons autogènes. Cela fait gagner du temps durant l'intervention et facilite la manipulation pour le praticien.

Au niveau esthétique, le Mucograft® présente un avantage considérable par rapport aux greffons autogènes car il offre une parfaite intégration tissulaire caractérisée par une absence de démarcation entre la cicatrice et les tissus environnants (Nevins et al., 2011).

Conclusion

L'analyse des données de la littérature scientifique montre que, dans le traitement des récessions tissulaires marginales, les greffons autogènes et le Mucograft® permettent d'améliorer le recouvrement radiculaire moyen et complet, de réduire la profondeur des récessions et d'augmenter la gencive kératinisée. Toutefois, les greffons autogènes offrent des résultats cliniques prévisibles et supérieurs à ceux du Mucograft®. En revanche, ce dernier donne plus de satisfaction aux patients par rapport aux greffons autogènes car il réduit la douleur postopératoire et la durée de l'intervention ; il permet aussi une bonne cicatrisation et offre un meilleur rendu esthétique. Cependant, compte tenu du faible recul clinique des études comparatives réalisées sur ce sujet, il est nécessaire de mener des recherches plus approfondies à long terme.

Cas clinique

À la mandibule : situation peropératoire

À la mandibule, secteur 3

À la mandibule, secteur 4

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Zocko Ange Désiré Pockpa, département de parodontologie,
faculté de chirurgie dentaire, UIC odontologie, CHU Nantes, département de parodontologie, UFR d'odontostomatologie, Université Félix-Houphouët-Boigny, CHU Cocody.

 

Yaba Samson Mobio, département de parodontologie, UFR d'odontostomatologie, Université Félix-Houphouët-Boigny et CHU Cocody, Côtes d'Ivoire.

 

Nadin Thérèse Coulibaly, département de parodontologie, UFR d'odontostomatologie, Université Félix-Houphouët-Boigny et CHU Cocody, Côtes d'Ivoire.

 

Assem Soueidan, département de parodontologie, UFR d'odontologie, UIC odontologie, CHU Nantes.

 

Virginie Monnet-Corti, département de parodontologie, UFR d'odontologie, Marseille et service d'odontologie de la Timone AP-HM.

 

Xavier Struillou, département de parodontologie, UFR d'odontologie, UIC odontologie et CHU Nantes.