Article
Paul MATTOUT / Maria Cristina VAIDA
GEPI (Groupe d'étude en parodontologie et en implantologie)
Résumé
Le but de ce travail est de montrer la réelle efficacité de la régénération osseuse guidée (ROG) avec la membrane Cytoplast® et de décrire quelques paramètres qui en assurent la fiabilité et la prévisibilité. La membrane Cytoplast® sera comparée à d'autres membranes. En effet, l'apport du principe de la ROG aux techniques de reconstruction osseuse pré-implantaire ou péri-implantaire semblait déterminant pour la fiabilité des résultats. Les observations histologiques confirmaient que le processus biologique intervenant dans la ROG permettait une néoformation osseuse qui avait les mêmes qualités que l'os initial. Pourtant, devant les complications postopératoires et les échecs, de nombreux auteurs ont abandonné cette méthode pour s'orienter vers d'autres techniques dont les risques postopératoires sont faibles mais dont les résultats ne sont pas aussi satisfaisants.
The object of this work is to show the real efficacy of GBR with Cytoplast® membrane and to describe some parameters that will ensure reliable and predictable results following the use of this technique. The Cytoplast® membrane will be compared to other membranes. In point of fact the contribution of the principle of guided bone regeneration (GBR) to the techniques of pre-implant or peri-implant bone reconstruction seems to be a determinant factor for the reliability of the results. Histological observations have confirmed that the biological processes that occur during GBR allow the formation of new bone that has the same qualities as those of the original bone. Nevertheless, faced with post-operative complications and failures, many authors have abandoned this method and have moved to other techniques with fewer post-operative risks and where the results are not as satisfactory.
Dès le début des années 1960, les chirurgiens orthopédistes ont utilisé des membranes dans leurs interventions de reconstruction. Il s'agissait de membranes millipores (Bassett et al., 1961). Il a fallu attendre plus de 20 années pour que deux équipes (Nyman et al., 1982 ; Dahlin et al., 1988, 1989) utilisent des membranes en téflon (en PTFE, polytétrafluoroéthylène) pour expérimenter et décrire le concept de la régénération tissulaire guidée (RTG) puis le principe de la régénération osseuse guidée (ROG). Ce concept permet la régénération du parodonte profond et la régénération osseuse pré-implantaire ou péri-implantaire. Une membrane non résorbable en téflon est placée pour créer une barrière entre le tissu épithélio-conjonctif de la muqueuse buccale et le site à reconstruire.
La membrane permet de protéger l'espace de cicatrisation et de l'isoler pendant le délai nécessaire à la néoformation osseuse. Dans cet espace, le caillot sanguin est maintenu et stabilisé sans subir de pression.
Grâce à la technique de la ROG, les cellules osseuses peuvent coloniser le site à reconstruire sans être inhibées par le tissu conjonctif muqueux. Le protocole chirurgical est bien établi et nécessite une rigueur qui permet d'obtenir des résultats très satisfaisants, prévisibles et reproductibles. La ROG a considérablement élargi les indications implantaires dans les cas de volume osseux insuffisant, voire effondré (Simion et al., 1994 ; Buser et al., 1996, 1999).
Malheureusement, la rigueur du protocole est contraignante et a éloigné les praticiens de cette technique d'autant que les premières membranes en PTFE expansé (Gore-Tex®) utilisées en parodontologie et en implantologie ne sont plus commercialisées.
D'autres membranes en PTFE ont, depuis, été diffusées. Il s'agit des membranes Cytoplast® commercialisées par Osteogenics.
Le but de cette étude est de déterminer si la membrane Cytoplast® répond aux critères exigés pour les régénérations tissulaire et osseuse guidées. La membrane Cytoplast® sera comparée à la membrane Gore-Tex® qui a été très largement utilisée avec succès et qui constituait le gold standard dans le domaine de la régénération tissulaire. Une comparaison sera également effectuée avec une membrane résorbable, la membrane Vicryl®. Ce type de comparaison avait déjà été effectué avec la membrane Gore-Tex® et des prototypes en téflon (Simion et al., 1999).
Les membranes Cytoplast® ont été testées sur des modèles pédagogiques, des mandibules animales (le porc) et des patients. Divers types de membranes ont été utilisés sur des modèles pédagogiques pour analyser les critères de maniabilité et de maintien d'espace. Sur les mandibules de porc, les mêmes qualités des membranes ont été vérifiées.
En bouche, ces critères ont pu être confirmés et d'autres critères observés comme la stabilité, l'effet de barrière, la biocompatibilité, l'absence totale de cytotoxicité, l'absence de réaction délétère sur les tissus environnants et, enfin, la bonne cicatrisation. De nombreux cas cliniques ont été traités aussi bien en parodontologie qu'en implantologie.
Par ailleurs, les membranes Cytoplast® ont été observées au microscope électronique à balayage (MEB) pour examiner l'effet de barrière. L'aspect de surface et la structure du téflon ont pu être comparés non seulement au Gore-Tex® mais aussi à la membrane résorbable Vicryl®.
La membrane Cytoplast® remplit les critères exigés par la ROG : maniabilité, maintien d'espace, stabilité, bonne intégration tissulaire, fonction de barrière étanche aux cellules, biocompatibilité et bonne cicatrisation des tissus.
La maniabilité a été testée sur des modèles pédagogiques et des mandibules de porc avec des membranes parodontales (fig. 1 et 2) et péri-implantaires (fig. 3 et 4).
La membrane s'ajuste et se découpe facilement pour être parfaitement adaptée au site à reconstruire. Les tiges de titane permettent de galber la membrane et de fabriquer ainsi un véritable moule pour la reconstruction des tissus parodontaux ou péri-implantaires (fig. 5 à 7).
Le maintien d'espace est un critère essentiel pour que le volume de reconstruction tissulaire corresponde à l'objectif fixé au moment de l'intervention de RTG ou de ROG. Ce maintien d'espace dépend de la texture du téflon, de sa rigidité, de la forme donnée aux tiges de titane et de la stabilité in situ de la membrane. Le maintien du volume de cicatrisation dépend également de son remplissage par un caillot dense. En cas de volume important, pour éviter l'affaissement de la membrane, un coagulum osseux sera utile ou aussi des vis en piquet de tente. Des mini-clous peuvent assurer le maintien d'espace et la stabilité des bords de la membrane sur l'os périphérique au défaut osseux.
La stabilité de la membrane est une qualité indispensable pour assurer des suites opératoires favorables, sans exposition ni inflammation ni affaissement. L'architecture de la membrane et sa structure en nid-d'abeilles permettent d'assurer le critère de stabilité.
En effet, l'observation au microscope électronique à balayage montre cette structure particulière en nid-d'abeilles, assurant une augmentation de la surface de contact avec les tissus présents et favorisant la stabilité de la membrane (fig. 8 à 10).
L'effet de barrière est assuré par la trame très serrée des fibres de téflon de la membrane Cytoplast® (fig. 11). Il s'agit de PTFE non expansé alors que la membrane Gore-Tex®, qui était en téflon expansé, constituait déjà une barrière très efficace contre le passage des cellules. La membrane Cytoplast® est dense. Le tissage serré de fibres de téflon forme des pores de 0,3 μm (fig. 12 à 14). Ainsi, les cellules et les bactéries ne peuvent pas traverser la membrane (fig. 15). Seuls les fluides, gaz et nutriments passent. La membrane Gore-Tex®, bien qu'en PTFE expansé, montre une trame de faisceaux de téflon très serrée remplissent totalement le rôle de barrière (fig. 16 à 19). À titre comparatif, les membranes résorbables comme la Vicryl® montrent des pores très larges ne permettant pas de jouer le même rôle de barrière (fig. 20 et 21).
La membrane Cytoplast® est totalement biocompatible. Son utilisation en parodontologie comme en implantologie n'a jamais montré d'effet cytotoxique.
En parodontologie, elle peut rester enfouie 6 à 8 semaines après sa mise en place sans signes cliniques, sans exposition ni réactions inflammatoires (fig. 22 et 23). Mais il peut arriver qu'une membrane parodontale soit exposée, quelquefois même 2 semaines après sa mise en place. Cette complication mineure ne compromet pas le résultat.
En implantologie, la biocompatibilité est confirmée dans les techniques de ROG. En effet, un enfouissement sous-muqueux des membranes pendant 8 à 9 mois ne provoque aucune exposition ou manifestation inflammatoire sur la muqueuse recouvrant la membrane (fig. 24 et 25). Passé ce délai, lors de la dépose de la membrane, la muqueuse est saine si aucune pression n'a été exercée par exemple par une prothèse provisoire compressive. Les expositions de membrane avec nécrose d'une partie du tissu muqueux de recouvrement sont très rares (moins de 10 % des cas). Si elles apparaissent, elles nécessitent en général la dépose de la membrane. Si l'exposition a eu lieu moins de 4 mois après son enfouissement, elle aboutira à un échec de la ROG.
Au bout de 8 à 9 mois d'enfouissement, la membrane doit être déposée. Un lambeau de pleine épaisseur la met à nu. Sa stabilité est contrôlée. La membrane doit être dans la même position qu'au moment de sa mise en place (fig. 26). Généralement, elle est adhérente au tissu néoformé sous-jacent. Elle est déposée en s'aidant d'une pince gouge et d'un décolleur (fig. 27 à 29).
La membrane a servi de véritable moule à la néoformation osseuse (fig. 30). En effet, la colonisation de l'espace de cicatrisation par des cellules ostéoprogénitrices puis la néoformation osseuse aboutissent au bout de 8 à 9 mois, à une maturation et à une corticalisation de l'os néoformé, donc à un succès thérapeutique.
Cependant, les praticiens ont éprouvé quelques difficultés dans la technique chirurgicale et certains ont observé des complications telles que l'exposition de la membrane aboutissant à une infection et à la dépose de la membrane, donc à l'échec de la technique de ROG. Ces praticiens ont voulu éviter ce type de complication et ont préféré renoncer aux membranes. D'autres ont utilisé des membranes résorbables. Il s'agit de membranes en fibre glycolide ou encore en collagène de type 1. Ces membranes ne présentent pas les propriétés requises pour la ROG, en particulier pour le rôle important de barrière mais aussi pour le rôle de mainteneur d'espace et de protection du caillot.
L'utilisation de membranes résorbables présente le risque non négligeable d'affaissement, ce qui oblige quasi systématiquement à les associer à des matériaux de comblement permettant de maintenir un espace de reconstruction. Ces matériaux gênent la cicatrisation. De plus, en cas d'exposition, la perméabilité de ces membranes permet l'infiltration de germes pathogènes.
L'intérêt de la membrane Cytoplast® est indéniable tant en régénération tissulaire guidée qu'en régénération osseuse guidée.
La membrane Cytoplast® est non résorbable. Elle est en téflon de haute densité et assez rigide pour résister à l'affaissement. Elle est renforcée de tiges de titane, ce qui favorise son effet de mainteneur d'espace du site de cicatrisation et permet l'organisation de la cicatrisation sous-jacente. Une bonne intégration tissulaire de la membrane contribue à la stabilité nécessaire à la cicatrisation
La membrane est d'une texture facile à manipuler cliniquement pour l'ajuster et l'adapter au site à traiter. Les pores sont d'un diamètre de 3 μm, donc imperméables aux cellules et aux bactéries. La texture de la membrane permet une adhésion et une croissance des tissus mous, mais pas leur pénétration à travers la membrane. La texture hexagonale en nid-d'abeilles augmente la surface de contact des tissus sur la membrane et, donc, la stabilité de celle-ci.
Malgré la fiabilité et la prévisibilité du concept de la ROG (Mattout et al., 1995 ; Mattout et Mattout, 2000 ; Simion et al., 2004), l'analyse de la littérature scientifique récente montre que nombre d'auteurs se sont éloignés du concept initial de la ROG en utilisant des matériaux de comblement et des techniques qui ne respectent pas totalement la biologie de la cicatrisation et le concept de la ROG. Leurs opinions sont quelquefois divergentes et pas toujours conformes aux connaissances acquises. Le terme ROG est alors utilisé de manière impropre : bien que les critères indispensables à la ROG ne soient pas respectés en utilisant des substituts osseux (matériaux synthétiques ou xénogreffes) et des membranes résorbables, les auteurs n'hésitent pas à utiliser ce terme.
En fait, les auteurs rencontrant trop de complications et trop de contraintes liées à la rigueur du protocole ont fini par s'éloigner de la technique originelle de la ROG. Ils utilisent des matériaux de comblements (en particulier les xénogreffes) qui connaissent un réel essor grâce à leur facilité d'utilisation. Il est important de constater qu'il s'agit là d'une technique qui est très éloignée de la ROG tant dans le concept que dans les résultats qui sont plus qu'incertains et même quelquefois illusoires. De nombreux praticiens constatent des échecs avec ces techniques, ce qui les conduit actuellement à un retour vers les fondamentaux et, donc, vers le principe biologique de la RTG et de la ROG.
Les membranes non résorbables en téflon sont peu à peu reconsidérées par les praticiens. Elles devront être utilisées avec la rigueur du protocole qui s'impose toujours. Elles seront mises en place seules ou associées à l'os autogène et non à des matériaux de substitution. Elles devront ménager un espace de cicatrisation stable et non sollicité par des tractions, des tensions ou des pressions. Le port de prothèses provisoires compressives sera interdit pendant toute la durée de la phase d'enfouissement. Celle-ci, de 8 à 12 mois, doit être respectée et doit se faire sans aucune exposition. Cette technique ne sera pas utilisée chez le fumeur.
Les comparaisons faites avec la membrane Gore-Tex®, qui faisait référence, montrent que la membrane Cytoplast® répond favorablement à tous les critères exigés par la ROG. Les résultats cliniques sont de qualité et tout à fait superposables à ceux observés avec la membrane Gore-Tex®.
Il semble donc que la membrane Cytoplast® puisse être utilisée en toute sécurité avec les mêmes facilité, fiabilité et prévisibilité que les membranes Gore-Tex®. Le concept de la ROG demeure la technique de choix pour les reconstructions osseuses fiables, prévisibles et de qualité. Les difficultés du protocole chirurgical ne peuvent être contournées que par une courbe d'apprentissage suffisante.