Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2017

 

Article

Solène MARNIQUET 1 / Julie POLINE 2 / Omar BOUHELAL 3 / Bernard CANNAS 4  

1- Docteur en chirurgie dentaire
Master 1 et 2 en Biomatériaux (Paris V)
Exercice privé, Paris2- Docteur en chirurgie dentaire
Exercice privé, Champs-sur-Marne (France) et Kent (Angleterre)3- Consultant Concepteur 3D et Impression 3D, Paris4- Docteur en chirurgie dentaire
Exercice privé exclusif en implantologie orale, Trilport (France)

Résumé

Résumé

L'impression 3D va entrer de plus en plus dans les cabinets dentaires et fera partie intégrante de l'enseignement, que cela soit en prothèse ou en chirurgie. Cette technique est au cœur d'une révolution numérique amorcée dès le début des années 2000 par la mise sur le marché du système CFAO qui est une technique de fabrication soustractive, par enlèvement de matière (ou usinage) à partir de blocs de matériaux. À l'inverse, l'impression 3D fait appel à une technique additive de conception des pièces, par adjonction de couches successives de matière. Dans le domaine chirurgical (médical et dentaire), l'impression 3D est utilisée pour enseigner l'anatomie clinique et pour réaliser des travaux pratiques directement sur modèle imprimé. Elle constitue également un outil complémentaire de planification de traitement des patients et de simulation d'interventions complexes en tant que « simulateur chirurgical ».

Cet article a pour but de décrire le principe de conception et de fabrication des objets obtenus par impression 3D, ainsi que ses applications cliniques et pédagogiques. La part de l'informatique dans cette chaîne de fabrication ainsi que les formats de fichiers utilisés sont également détaillés.

Summary

Abstract

The evolution of 3D printing technology will become more visible in private clinics in fields such as prosthesis or surgery in the coming years. The digital revolution has enabled this technology to become wide spread since 2000 with the introduction of CAD-CAM systems into the market. Dental CAD-CAM is a manufacturing technique where the dental prosthesis are made by machining a material block. 3D printing technology takes the opposite approach, using a layering technique to build up material into the final structure. In the field of surgery, incorporating both medicine and dentistry, 3D printing is used to teach anatomy and the practical application for surgery directly onto 3D printed models. This process enables the surgeon to have the opportunity to simulate a complex surgery when planing the patients' treatments, known as a « surgical simulator ».

The purpose of this article is to describe the way to create and then make precise designs thanks to 3D printing machines and to mention their clinical and educational purposes. The importance of data processing in this assembly line as well as the file formats used will also be developed.

Key words

3D-printing, teaching, anatomy, training, dental implants, planning, surgical simulator, kinaesthetic, stereolithography, surgery.

Introduction

L'impression tridimensionnelle (ou 3D*) est apparue en odontologie, et plus spécifiquement en implantologie, au début des années 2000 avec les logiciels de planification implantaire permettant de générer des guides chirurgicaux, dits stéréolithographiques, imprimables en trois dimensions (fig. 1 et 2) (Flügge et al., 2013). Si, à l'origine, les techniques de fabrication additive ont été mises au point pour la production de prototypes*, aujourd'hui il est en est tout autrement. C'est l'amélioration constante des différentes techniques de fabrication, des matériaux utilisables et des techniques numériques qui ont permis un tel élargissement du champ d'application.

Depuis 15 ans, l'impression 3D s'est fortement développée. Les imprimantes sont de plus en plus accessibles, offrant la possibilité d'obtenir une reproduction fidèle – dans l'espace et à l'échelle – d'une situation clinique. Cette technique permet d'avoir une vision réaliste des structures anatomiques concernées et une restitution matérielle proche des structures osseuses en fonction du type d'imprimante utilisé.

Lorsqu'un objet est scanné sous rayons X, les données réelles sont converties en données virtuelles (fichiers dits DICoM*). Une console de post-traitement équipée du logiciel Viewer 3D reconstitue ces coupes acquises sous forme de volume 3D. Tout l'enjeu pour pouvoir obtenir une version « imprimable » en 3D de cet objet est alors de convertir ce volume en surface (fichier modifiable avec un outil de CAO*). C'est le passage des données DICoM en données surfaciques mesh*.

Le but de cet article est de décrire ce processus (ou workflow) et son intérêt pour l'enseignement en tant qu'outil pédagogique pour la simulation d'interventions chirurgicales en odontologie, en chirurgie maxillo-faciale, oto-rhino-laryngologique (ORL), mais aussi orthopédique, cancérologique, cardiologique...

Définition : qu'est-ce que l'impression 3D ?

L'impression 3D est définie par l'American Society for Testing and Material (ASTM) comme un procédé de mise en forme d'une pièce par ajout de matière, par empilement de couches successives, par opposition aux procédés par retrait de matière (ou usinage).

Cette technique est fondée sur trois paramètres majeurs (Deniau, 2015) :

– les matériaux utilisés, qui peuvent revêtir différentes formes (liquide, pâte, poudre, fil, cellules, papier, etc.) ;

– l'énergie utilisée, qui dépend de la technique de fabrication additive employée (faisceau d'électrons, laser, chaleur, lumière ultraviolette, infrarouge visible, etc.) ;

– le modèle numérique ou fichier informatique (Melchels et al., 2010), qui peut être obtenu :

• soit par conception (un opérateur créé l'objet sur un logiciel de CAO),

• soit par acquisition numérique (dans ce cas, ce fichier digital sera ensuite traité par CAO/FAO* avant d'être proposé à l'impression) :

- par tomographie, c'est-à-dire scanner à rayons X, IRM (imagerie par résonance magnétique), CBCT (cone beam computed tomography), PET-scan (positron emission tomography scanner),

- par photogrammétrie (appareil photo, scanner extra-oral...),

- par laser.

Après traitement, le fichier 3D ainsi obtenu est envoyé vers le logiciel de l'imprimante qui le découpe en couches horizontales d'images en noir et blanc (le noir désignant la partie à imprimer et le blanc le vide dans la surface de production). La finesse de cette découpe peut varier de 60 à 400 μm en fonction du type de processus utilisé.

L'imprimante 3D dépose ou solidifie de la matière couche par couche pour obtenir la pièce finale. Il existe différentes techniques de fabrication additive :

– la stéréolithographie (stereolithography apparatus, ou SLA) repose sur les propriétés qu'ont certaines résines à se polymériser sous l'effet de la lumière (laser, ultraviolets, infrarouge) et de la chaleur ;

– le PolyJet® s'appuie sur la photopolymérisation, tout comme la SLA. Ce procédé est similaire à l'impression à jet d'encre mais, ici, le matériau est un liquide photopolymère durcissable sur un plateau de fabrication ;

– le procédé DLP, mis au point pour des travaux nécessitant une grande précision, s'appuie sur la même technique que celle des vidéoprojecteurs : une image correspondant à la forme de la couche à imprimer est projetée en lumière ultraviolette de manière à solidifier un polymère liquide ;

– le dépôt de fil fondu (fused deposition modeling, FDM) est une technique qui consiste à faire fondre un filament de matière synthétique (généralement du plastique) à travers une buse chauffée ;

– l'impression sable. Comme le dépôt de fil fondu, il s'agit d'un dépôt mécanique de matière par couches successives. Cette technique est utilisée pour réaliser les modèles d'impression 3D en plâtre de composition spécifique pour reproduire les propriétés osseuses (imprimante ProJet®) ;

– le frittage sélectif par laser (selective laser sintering, SLS) est une technique similaire à la stéréolithographie mais où une poudre (au lieu d'un photopolymère liquide) est utilisée ;

– le frittage laser métal (selective laser melting, SLM), sur poudre métallique ;

– la fusion par faisceau d'électrons (electron beam melting, EBM), sur des matériaux conducteurs (sous forme de poudre) ;

– le continuous, high speed, fab-grad 3D printing platform est une des dernières évolutions qui permet des impressions 50 fois plus rapidement qu'avant avec un dépôt de 4 milliardd de gouttes par minute (3D Systems) ;

– le laminated object manufacturing (LOM) est le procédé additif le plus répandu. Les contours des couches individuelles sont découpés dans des feuilles de papier, de plastique ou de céramique par un laser, puis ces feuilles sont collées les unes sur les autres jusqu'à obtention de l'objet en 3D.

Les applications vont de l'industrie (la production de voitures, d'avions, de bâtiments, de biens de consommation...) à la visualisation de projets, la vérification de l'ergonomie en architecture ou les études de design.

L'impression 3D trouve aussi sa place en archéologie afin d'éviter les moulages de pièces fragiles : impression de tablettes cunéiformes et d'objets ethnographiques pour en comprendre la structure interne. Cette impression permet de réaliser une analyse non invasive des œuvres, comme lors de l'exposition du musée du quai Branly en 2015 (« Anatomie des chefs-d'œuvre »).

L'impression 3D a été aussi conçue pour le prototypage rapide afin d'aboutir à des projets de représentation intermédiaire dans la conception de produits, d'analyse de l'ergonomie et de tests avant production.

Depuis, elle est de plus en plus utilisée pour la fabrication de pièces fonctionnelles en industrie ou pour la fabrication de prothèses en médecine (Schubert et al., 2014).

Historique : évolution des supports de représentation

Bien que de nombreux articles – scientifiques et grand public – n'aient été publiés sur ce sujet qu'au cours des dernières années, cette technique n'en est pas à ses balbutiements. En effet, les premières mentions sur l'« impression 3D » remontent aux années 1980 (Berchon, 2014). La recherche de la troisième dimension est bien plus ancienne. Retour sur les prémices d'une représentation dans l'espace...

La représentation en 3 dimensions : un enjeu historique

La représentation tridimensionnelle des objets ou des paysages a toujours été recherchée au cours de l'histoire. C'est perceptible dans les aplats en deux dimensions produits en Égypte antique ou dans les graphismes d'art et d'architecture datant de l'Antiquité grecque et romaine. Il faudra attendre la découverte de la perspective durant la Renaissance pour obtenir des représentations plus réalistes : la troisième dimension, ainsi mise en évidence, permettait de mettre en scène la vision de ce que l'œil humain observait. Au-delà de l'esthétisme, ces œuvres témoignent des difficultés et des limites de la représentation du réel sur un support en deux dimensions.

La nécessité de la 3D pour l'enseignement des structures anatomiques

L'anatomie est une science où la représentation dans l'espace en 3D est fondamentale et nécessaire. Au cours de l'ère moderne, scientifiques et artistes se sont associés pour la réalisation de schémas, illustrant de nombreux ouvrages médicaux à visée pédagogique et didactique. Le talent et l'habileté du dessinateur étaient nécessaires pour traduire la réalité de l'observation lors des dissections anatomiques. Cependant, la limite de cette représentation en est le support : une représentation tridimensionnelle en perspective illustrée sur un support 2D. Pour résoudre ce problème, des maquettes en plâtre et des techniques de conservation des tissus ont été mises au point, aidant toujours plus à la compréhension des structures anatomiques.

L'apport du numérique : visualiser un objet sur un support 2D

À la fin du XXe siècle, l'essor des outils informatiques (hardware et software) a permis de traduire des informations en images tridimensionnelles grâce à des algorithmes, des moteurs de rendu et de visualisation 3D. La puissance de calcul des machines, en croissance exponentielle, associée à la création de logiciels permet des opérations de plus en plus sophistiquées, automatisées et donc des solutions rapides.

Face à ces innovations techniques et à l'évolution des actes chirurgicaux, il a été possible de travailler non plus sur des observations, comme lors des dissections anatomiques, mais à partir des données numériques qu'offraient les scanners à rayons X (Cannas et al., 2014 ; Racy, 2015).

Initialement, ces données étaient exploitables visuellement, dans leur format d'origine DICoM, uniquement couche par couche. Cette vision apporte des améliorations en faveur du diagnostic médical mais aussi pour la représentation de l'image en 3D grâce à une console de post-traitement. Cependant, la limite de cette représentation est la même que celle évoquée précédemment : une représentation tridimensionnelle illustrée sur un support 2D.

Grâce à ces nouveaux outils, l'enveloppe de l'objet ainsi que la partie interne (densité osseuse) sont visualisées grâce à des outils de coupe, donnant ainsi une vision non invasive et claire de la situation du patient.

Création d'animations : visualisation des volumes osseux, vasculaires et nerveux

Dès 2004, les premières modélisations d'os sec à partir de fichiers DICoM ont été réalisées grâce à des logiciels de CAO (tels que 3DS Max®, ZBrush®...). Elles concernaient la région ptérygo-palato-tubérositaire (os maxillaire, palatin et sphénoïde) (fig. 3 et 4).

Chaque pièce osseuse a été scannée séparément (CT Somatotron®, Siemens) afin d'obtenir les fichiers natifs DICoM qui ont été convertis en fichier .stl*. Cette technique a permis de mieux comprendre cette région anatomique complexe, notamment pour la pose d'implants ptérygo-palato-tubérositaires (Université Paris Descartes, Centre du don des corps, Jean-François Gaudy, Bernard Cannas et Luc Gillot).

L'essor de ce procédé a ensuite permis la réalisation d'images et d'animations à usage pédagogique en anatomie et en chirurgie implantaire (modélisation des volumes osseux, des réseaux nerveux et vasculaires). Ces documents ont notamment servi à l'illustration d'un ouvrage d'anatomie clinique (Gaudy et al., 2011).

Imprimer ces structures anatomiques en 3D

Une nouvelle étape a été franchie en 2012 par la société d'impression 3D Vizua (Sylvain Ordureau). En effet, grâce à la conversion de volumes (voxel* : format DICoM) en surface (mesh* : format .stl, .obj*, .zpr...), il est devenu possible de générer un fichier imprimable en couleurs en quelques minutes, le principe étant d'associer une couleur à une densité.

Le format .zpr est le seul format surfacique qui permette, actuellement, de conserver les couleurs assignées aux densités sur le volume en voxels après conversion. Il offre ainsi la possibilité d'adjoindre à l'objet 3D la couleur et la texture en un seul fichier.

Impression 3D : applications pédagogiques et diagnostiques

Application pédagogique

La transposition des représentations en 3D se fait sur les supports de projection 2D tels que les écrans et les vidéoprojecteurs. Pour visualiser en 3D, de nouveaux outils sont disponibles comme les lunettes 3D, les écrans autostéréoscopiques ou holographiques, mais ils sont souvent coûteux et difficiles à mettre en place dans une salle de cours.

Par exemple, à partir d'une animation pédagogique d'un maxillaire en 3D, comprenant les trajets artériels réalisés avec la CAO, un modèle 3D a été imprimé. Cette impression a été possible grâce aux logiciels de CAO Vizua et à une imprimante ProJet® de 3D Systems. Ainsi l'objet tel qu'il était animé à l'écran pouvait être tenu en main, tout en ayant les bonnes proportions et en étant à l'échelle (fig. 5 et 6).

Depuis une base de données d'animation, il a été possible d'imprimer un os palatin et un os sphénoïde. L'architecture de ces deux pièces osseuses est difficile à comprendre sur les supports traditionnels en 2D comme le livre ou l'écran. Grâce à l'impression de modèles, il est possible de changer l'échelle mais, surtout, de tenir l'objet dans la main pour une meilleure compréhension (Cannas et al., 2014).

Au vu du réalisme obtenu par la restitution des structures osseuses aussi bien au niveau surfacique que trabéculaire, la sensation clinique a été testée sur ces modèles pour la pose d'implants dentaires maxillaires et mandibulaires (fig. 7).

Grâce à une analyse de la résistance au forage et à une mesure des torques d'insertion des implants, il a été constaté un réalisme proche de la sensation clinique (Cannas et al., 2014).

Plusieurs situations cliniques mandibulaires puis maxillaires – avec des densités osseuses différentes (Jeong et al., 2013) – ont été imprimées puis testées avec différents implants : cylindriques, cylindro-coniques et autoperforants. Les tests faits avec des opérateurs différents ont montré des torques d'insertion très proches de ceux mesurés cliniquement dans environ 95 % des cas (Cannas et al., 2014).

Cette précision est cependant fonction de la qualité de l'acquisition* du CT-scan ou du CBCT et de l'imprimante utilisée. Plusieurs modèles ont été sélectionnés pour différents travaux pratiques : pose d'implants pour des édentements complets et partiels maxillaires et mandibulaires, chirurgie reconstructrice avec ostéosynthèse de prélèvements ramiques et mentonniers. Ainsi, depuis octobre 2013, ces modèles pédagogiques sont utilisés en complément des dissections sur pièces anatomiques humaines (fig. 8 et 9).

Ces modèles de simulation issus de l'impression 3D permettent aux étudiants de répéter de manière réaliste les gestes et les protocoles chirurgicaux dans le cadre de travaux pratiques, sans les contraintes d'hygiène et de coût des dissections anatomiques. Ils peuvent être imprimés avec des supports adaptables aux simulateurs de soins (McMenamin et al., 2014 ; Azer et Eizenberg, 2007 ; Kharb et al., 2013). Les deux derniers auteurs cités ont montré que les étudiants en médecine avaient un meilleur apprentissage et une plus grande prise de conscience lors des dissections après avoir étudié sur modèle 3D.

Application diagnostique

Les étapes de fabrication des modèles 3D validés ont été établies : acquisition (CBCT), visualisation, sélection, export de densité puis impression 3D.

Ainsi, l'examen d'un patient peut être imprimé en 3D dans un but diagnostique pour simuler, en préopératoire, une intervention chirurgicale délicate afin de la répéter. La répétition d'une intervention particulière est indiscutablement profitable à l'opérateur, surtout lorsque celui-ci a peu d'expérience clinique (Azer et Eizenberg, 2007 ; Kharb et al., 2013). Ce modèle constitue donc une information supplémentaire et complémentaire de l'imagerie sectionnelle.

Ces modèles 3D préopératoires ont ainsi le rôle de « simulateurs chirurgicaux ».

Chirurgie implantaire

Applications cliniques

L'impression 3D du maxillaire d'un patient nécessitant une chirurgie complexe permet d'anticiper la procédure et de prévenir les risques, par exemple un maxillaire postérieur avec un os très résorbé (de type IV selon la classification de Zarb et Lekholm ou de classe V selon celle de Cawood et Howell) (Jeong et al., 2013) avant une extraction-implantation immédiate. La possibilité d'extraire virtuellement les dents puis de reproduire le volume alvéolaire tel qu'il sera après l'extraction place l'opérateur dans la situation clinique.

La matérialisation du pédicule mandibulaire et la forme du foramen mentonnier sont des informations indispensables au placement sans risques des implants dans le secteur mandibulaire postérieur. Il est important de visualiser la forme du corps mandibulaire tout comme le volume de la ligne mylo-hyoïdienne en cas de forte résorption (Jeong et al., 2013) (fig. 10).

Dans la chirurgie des greffes osseuses, l'ostéotomie du prélèvement est réalisée sur le modèle 3D. On simule son ajustement et son positionnement sur le site receveur. Le greffon est utilisé comme un patron précis de la forme à réaliser et de son ajustement sur le site receveur (fig. 11 à 16).

L'impression 3D devient un outil de support diagnostique non invasif pour visualiser et analyser l'axe de l'implant, la morphologie de la région osseuse concernée, les obstacles anatomiques et, ainsi, déterminer la stratégie du traitement. Le praticien peut répéter le geste avant l'intervention plusieurs fois si nécessaire par un apprentissage kinesthésique* du geste opératoire.

Cas cliniques

Premier cas clinique

Il s'agit de l'impression 3D d'un maxillaire simulant l'extraction et l'implantation immédiate de deux prémolaires (14 et 15) (fig. 17).

Les dents ont été segmentées afin d'imprimer le maxillaire et les dents séparément. On obtient ainsi une visualisation des volumes osseux après l'extraction. Le praticien peut anticiper l'ensemble du geste chirurgical, du forage à la pose des implants.

La sensation tactile du forage et de l'insertion des implants complète l'aspect visuel de l'acte chirurgical. La sensation tactile de la résistance de l'os est ressentie tout en prenant la mesure des axes de forage, de la morphologie osseuse et des dents adjacentes.

Deuxième cas clinique

Le cas le plus complexe réalisé a été un édentement complet maxillaire avec extraction et implantation immédiate puis mise en fonction immédiate. L'ensemble des étapes du protocole chirurgical a été répété de l'extraction des dents à la mise en place des implants (fig. 18).

Troisième cas clinique

La simulation du placement des implants zygomatiques est difficile à appréhender pour le chirurgien qui débute dans cette technique. Les modèles pédagogiques utilisés jusqu'alors sont peu réalistes. Le placement d'implants zygomatiques demande au chirurgien une grande capacité à se situer dans l'espace. Grâce au modèle imprimé en 3D du patient et à la planification sur le logiciel NobelClinician®, le chirurgien se repère dans l'espace et répète le geste chirurgical en toute sécurité sur la copie exacte des structures osseuses du patient (fig. 19).

Chirurgie reconstructrice : ORL et maxillo-faciale

Application pédagogique : comparaison dissection et impression 3D

La chirurgie maxillo-faciale allie des gestes et des techniques chirurgicales souvent complexes allant de la chirurgie orthognatique (du type Obwegeser d'avancée mandibulaire dans des zones anatomiques à risque) à la rhinoplastie.

En 2013, deux chirurgiens maxillo-faciaux, Emmanuel Racy et Agnès Lesprit-Maupain, ont testé des modèles pédagogiques imprimés en 3D pour les interventions suivantes :

– technique d'Obwegeser (fig. 20 à 22) ;

– une rhinoplastie et un Epker mandibulaire pratiqués avec des scies chirurgicales.

Pour l'Epker, la réalité plastique donne un trait de fracture osseux sur le modèle imprimé en 3D très proche de celui de l'os du patient. De plus, le modèle restitue le pédicule mandibulaire, ce qui permet de pratiquer les gestes au plus près de la réalité clinique.

Sur le modèle de rhinoplastie, après 1 an de prototypage, les cartilages ont été remodélisés et les tissus mous simulés. Ce modèle pédagogique de simulation permet d'enseigner et de réaliser des travaux pratiques de la technique d'Epker.

Applications cliniques

Il s'agit :

– d'une extraction de dents de sagesse (fig. 23) ;

– de chirurgie orthognatique.

Conclusion et perspectives

Le développement de l'impression 3D va permettre d'élargir les possibilités d'apprentissage et d'enseignement des techniques chirurgicales. À partir d'images très fidèles de l'anatomie osseuse obtenues par des logiciels de reconstruction 3D basés sur l'acquisition des images DICoM par CT-scan ou CBCT, il est possible de créer des modèles osseux anatomiques didactiques et reproductibles. En effet, l'utilisation de scanners de dernière génération permet l'exportation d'images de plus haute résolution que celle des scanners classiques et, donc, d'une plus grande précision. Pour obtenir un degré de finesse important sur le modèle 3D, il est nécessaire d'utiliser des imprimantes professionnelles d'un coût très élevé.

Grâce à l'avancée de la recherche et de la technologie, il est probable que nous assistions à une diminution des coûts avec un accès plus large à ces techniques à la fois pour la pédagogie et le diagnostic. Cette évolution permettra aux praticiens et aux étudiants d'acquérir les gestes nécessaires à leur pratique.

Cet apprentissage fait appel à la kinesthésie. La préparation de chirurgies difficiles avec ce « simulateur chirurgical » permettra au chirurgien et à son aide opératoire de mémoriser le temps par temps des interventions en chirurgie implantaire, maxillo-faciale et ORL.

Beaucoup d'autres applications pourront être imaginées, notamment dans l'aide humanitaire pour des patients atteints de malformations, pathologies tumorales... (un scanner est réalisé sur place en Afrique (Association ONG Bénin), les données sont envoyées en France, et imprimées en 3D sous forme de prothèse et renvoyées en Afrique). Les hôpitaux des pays en développement s'équipent de plus en plus de CT-scan ou CBCT permettant un transfert d'images par Internet à des centres référents. Ainsi, l'acquisition 3D permet de mieux appréhender des cas souvent complexes et de donner des conseils ou de préparer des missions d'aide et de formation.

Ces modèles pédagogiques, qui commencent à être utilisés pour les étudiants et pour la formation post-universitaire, ne pourront se développer à grande échelle que si les coûts diminuent. L'évolution technique est telle que nous pourrons compléter l'examen 3D avec un modèle 3D.

Remerciements

À la société Materialise Dental (Jérôme Julien) ainsi qu'au Dr Philippe Charpentier (radiologue) et à Michaël Nespoulos (manipulateur au centre d'imagerie Saint-Faron).

Glossaire

• 3D. Terme utilisé pour désigner la représentation en images de synthèse (numériques) par rapport à sa définition générale : trois dimensions ou tridimensionnel ou 3D sont des expressions qui caractérisent l'espace qui nous entoure, tel que perçu par notre vision, en termes de largeur, hauteur et profondeur.

Le terme 3D est également et improprement utilisé pour désigner la représentation en images de synthèse (numériques), le relief des images stéréoscopiques ou autres images en relief, et parfois même le simple effet stéréophonique qui ne peut, par construction, rendre que de la 2D (il ne s'agit donc que du calcul des projections perspectives, des ombrages, des rendus de matières).

• DICoM (digital imaging and communication in medicine). Norme standard pour la gestion informatique des données issues de l'imagerie médicale dans le but de faciliter les données transmises entre les différents appareils de radiologie.

• Reconstruction 3D

– Principe général : une série de coupes jointives acquises par un scanner de type hélicoïdal (enregistrées sous la forme d'un fichier DICoM) vont être empilées les unes sur les autres afin de pouvoir reconstituer un volume. Une méthode d'interpolation utilise la valeur du point correspondant de la coupe précédente et suivante pour trouver la valeur d'un voxel.

– Reconstruction 3D surfacique : à l'inverse d'un volume où le seuillage de densité est possible et composé d'images en niveau de gris, une surface est un élément fini qui est constitué de sommets, d'arêtes et de faces organisés en polygones : triangles ou quadrilatères plus communément appelé mesh ou « maillage ».

– Reconstruction 3D volumique : compilation de coupes acquises en échelle de gris projetée sous forme d'un ensemble de voxels formant un volume sur un plan tridimensionnel. Grâce à un seuillage ou multi-seuillage, il est possible de faire varier les coefficients de transparence et de densité (traduite en unités Hounsfield), le but étant de visualiser un volume en distinguant les différents types de tissus (air, graisse, tissus mous, os et dents).

• Moteur de rendus (ou Viewer 3D). Le moteur de rendus est l'algorithme (software) qui, couplé au CPU ou au GPU (hardware), permet, à partir de données volumiques ou surfaciques, de les visualiser et les manipuler. Ces données créées en CFAO ou acquises à partir de scanners sont généralement lisibles sur un logiciel restituant l'objet en 3 dimensions, sous forme d'images en volume avec une perspective sur un écran d'ordinateur.

Les moteurs matériels sont désormais intégrés à des cartes graphiques puissantes. Ils sont nettement plus rapides que les moteurs logiciels, étant donné qu'ici le processeur central (CPU) et la mémoire vive (RAM) laissent tout le processeur graphique (GPU) calculer le rendu.

L'évolution hardware et software a permis, en 2015, d'effectuer la même opération 720 fois plus rapidement qu'en 2004.

• Mesh (ou maillage). C'est un objet surfacique tridimensionnel constitué de sommets, d'arêtes et de faces organisés en polygones sous forme de « fil de fer ». Les faces se composent généralement de triangles, de quadrilatères ou d'autres polygones convexes simples orientés en fonction des normales. Cela simplifie le rendu et le temps de calcul.

Les principaux formats sont : .stl, .obj, .iges, .step, .ply14...

• Voxel. Contraction de volumetric pixel. Un pixel est un élément qui représente une unité de surface. Un voxel est un élément qui représente une unité de volume généralement sous forme de cube. Il consiste à stocker une information colorimétrique (avec ses coordonnées spatiales, voire temporelles), ainsi que, facultativement, une taille relative à l'unité utilisée ou d'autres informations telles que la matière...

Dans le volume de données ainsi obtenu, il est possible d'appliquer divers traitements informatiques permettant les reconstructions sous forme d'images de synthèse suivantes :

– la reconstruction multiplanaire bidirectionnelle (2D MPR) ;

– la reconstruction 3D volumique ;

– la reconstruction 3D surfacique.

• MPR (multiplanar reconstruction), ou reconstruction multiplanaire (RMP). Permet de réaliser, à travers le volume d'acquisition, des coupes 2D en noir et blanc, généralement bidirectionnelles, frontales, sagittales, obliques ou curvilignes.

• Formats passerelle. Ces formats sont dits passerelle car ils permettent de communiquer entre la console de radiologie et une multitude de logiciels de CAO (logiciels de planification, de modélisation ou de rendu d'animation) et FAO (des outils tels que des usineuses ou des imprimantes 3D). Ce sont des formats dont les codes sont ouverts (open file standard). Ils sont devenus, avec le temps, des standards utilisés communément par une multitude de programmes permettant d'exporter et d'importer des informations entre les différents outils (systèmes et logiciels).

• Format ouvert. Format libre, ou spécification ouverte, désignant des formats de données interopérables et dont les spécifications techniques sont publiques, sans restriction d'accès ni de mise en œuvre, par opposition à un format fermé ou propriétaire. Ils sont interprétables par tout système informatique, indépendamment du système ayant généré les données.

• .stl (stereolithography). Format de fichier ouvert, mis au point par la société 3D Systems en 1988. Il décrit la géométrie de surface d'un objet en 3 dimensions. Il correspond à un maillage (ou mesh) des enveloppes de la pièce composé uniquement de triangles dont les points sont jointifs bord à bord. Il est communément utilisé pour réaliser du prototypage rapide et de la fabrication assistée par ordinateur.

• .obj (object files). Format de fichier contenant la description d'une surface géométrique 3D, créé par la société Wavefront Technologies. Les formes géométriques peuvent être définies par des polygones ou des surfaces lisses telles que des surfaces rationnelles et non rationnelles : coordonnées de texture, couleur, transparence, normales aux surfaces peuvent être implémentées dans les informations relatives au fichier. Ce format de fichier est ouvert et a été adopté par la plupart des logiciels 3D.

• .iges (initial graphics exchange specification). Format de fichier décrivant une géométrie surfacique filaire basée sur la définition mathématique de la surface. Ce format est ouvert et universellement adopté dans le domaine de la CAO.

• .step (standard for the exchange of product model data, ou ISO 10303). Format de fichier décrivant la géométrie d'un produit à laquelle on peut ajouter les données de contrôle de configuration, la gestion des données techniques, l'historique des modifications...

• .ply (polygon file format ou Stanford triangle format). Consiste en une description relativement simple d'un objet unique comme une liste de polygones nominalement plats, coordonnées de texture, couleurs, transparences, normales aux surfaces. Ils peuvent être implémentés dans les informations relatives au fichier.

• CAO (conception assistée par ordinateur). Fait de concevoir virtuellement un objet afin d'apprécier la globalité de son comportement avant même sa fabrication. On intègre en CAO l'ensemble des logiciels et des techniques de modélisation géométrique.

• FAO (fabrication assistée par ordinateur). Fait de réaliser une pièce à l'aide d'une machine-outil à commande numérique à partir des informations contenues dans un fichier issu d'un logiciel de CAO, exporté dans un format passerelle. Ce fichier va décrire précisément les mouvements que doit exécuter la machine-outil pour réaliser la pièce demandée.

• Synesthésie. Expérience subjective dans laquelle des perceptions relevant d'une modalité sensorielle sont régulièrement accompagnées de sensations relevant d'une modalité sensorielle différente. Par exemple, transformer des mots en image, du son en image, une image en mots...

• Kinesthésie. Perception consciente de la position et des mouvements des différentes parties du corps sans avoir à les observer visuellement.

• Caractéristiques techniques de l'acquisition. La restitution d'un modèle imprimé en 3 dimensions dépend de son acquisition. Tout comme en photographie, la qualité dépend de l'appareil photo utilisé. En général, un scanner allie un champ d'acquisition à des coupes plus ou moins fines en fonction des réglages et de la machine (entre 0,1 et 400 μm). De manière générale, une acquisition sur un patient est faite entre 60 et 400 μm.

• Prototype. Ébauche fonctionnelle mais dépourvue de toutes les caractéristiques et fonctionnalités de l'objet final à produire, dans le but de valider une idée ou un concept. La réalisation d'un tel objet s'inscrit dans la démarche de conception d'un objet fini.

• Prototypage rapide. Méthode de production permettant de matérialiser rapidement, en petite série et à un prix abordable, un projet de la façon la plus efficiente possible. Ainsi, les temps nécessaires aux procédés de conception et à la mise sur le marché du produit jugé le plus adéquat se trouvent réduits.

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  • Retrouvez sur notre site les références complémentaires à cet article : https://goo.gl/h0LPjV
  • Les termes suivis d'un astérisque sont définis dans le glossaire situé en fin d'article (ndlr).