Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2017

 

Article

Cécile DAGORNE 1 / Jacques MALET 2 / Geoffray BIZOUARD 3 / Francis MORA 4 / Hélène RANGÉ 5 / Philippe BOUCHARD 6  

1- Postgraduate Européen en Parodontologie et Dentisterie Implantaire, EFP, Université Paris-Diderot, France.2- Parodontologie et Implantologie Orale Université Paris 7
Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire
Attaché à l'Hôpital Rothschild AP-HP3- Unité de recherche clinique, Hôpital Henri-Mondor AP-HP, Créteil, France4- MCU-PH Université Paris 7-Denis Diderot, Hôpital Rothschild AP-HP, France.
Co-responsable du Postgraduate europeen en parodontologie et dentisterie implantaire, EFP, Université Paris- Diderot, France5- Ancien Interne
MCU-PH, Université Paris 7-Denis Diderot, Hôpital Rothschild AP-HP, France
Responsable du Master BCPP POA parcours parodontologie6- PU-PH Université Paris 7-Denis Diderot, Hôpital Rothschild AP-HP, France
Responsable du Postgraduate Européen en Parodontologie et Dentisterie Implantaire, EFP, Université Paris- Diderot, France

Résumé

Résumé

But de l'étude : comparer l'effet de deux macrostructures implantaires différentes sur le niveau osseux péri-implantaire.

Matériel et méthode : étude de cohorte rétrospective, menée en pratique privée. Les patients ont reçu soit des implants tests (implants NobelSpeedy Groovy), soit des implants contrôles (implants Mk III), soit les deux. L'analyse de radiographies initiales et de suivi, prises avec une technique long cône, a permis d'évaluer les modifications du niveau osseux moyen péri-implantaire sur une durée moyenne de suivi de 69 ± 19 mois. Les variations de niveau osseux dans le temps entre les deux types d'implants ont été comparées par un test du Khi-deux. La différence entre les deux groupes a été étudiée par une analyse multivariée.

Résultats : 144 implants posés chez 59 patients ont pu être sélectionnés (68 implants dans le groupe test et 76 implants dans le groupe contrôle). Neuf implants (6,25 %) ont été perdus au cours de la période d'observation : cinq dans le groupe test et quatre dans le groupe contrôle. 135 implants placés chez 58 patients ont donc été analysés. Une différence significative de variation du niveau osseux péri-implantaire dans le temps a été retrouvée entre le groupe test et le groupe contrôle (p < 0,01) : léger gain osseux dans le groupe contrôle (0,02 ± 0,80 mm) et perte osseuse dans le groupe test (–0,43 ± 1,11 mm). Les paramètres impliqués dans cette différence étaient : le niveau osseux moyen initial, le type de traitement parodontal et le type de thérapeutique parodontale de soutien (p < 0,001, p = 0,035, p < 0,001, respectivement).

Conclusion : notre étude démontre donc une différence significative de niveau osseux péri-implantaire entre le groupe test et le groupe contrôle. Le niveau osseux moyen initial, le type de traitement parodontal et le type de thérapeutique parodontale de soutien expliqueraient ces variations de niveau osseux péri-implantaire dans le temps.

Summary

Abstract

Aim: to compare the effect of two implant macrostructures on peri-implant bone level.

Methods: This retrospective cohort study was conducted in a private practice. Patients received test (NobelSpeedy Groovy implants) or control implants (Mk III implants) or both. Baseline and corresponding follow-up radiographs, taken with a long-cone technique, were analyzed to evaluate mean bone level changes around implants during a mean follow-up of 69 ± 19 months. A chi-squared test was performed to compare the bone level changes between the two types of implants. A multivariate analysis was used to explain the difference between the two groups.

Results: after controlling for inclusion and exclusion criteria, 144 dental implants corresponding to 68 implants in the test group and 76 implants in the control group were placed in 59 patients. Nine dental implants (6,25 %) were lost during the observation period: five implants in the test group and four implants in the control group. Consequently, a total of 135 implants placed in 58 patients were available for analysis. Our study shows a significant difference of peri-implant bone level overtime between the test and control groups (p < 0,01). At the end of the observation period, a bone growth was observed in the control group (0,02 ± 0,80 mm), whereas a bone loss was found in the test group (–0,43 ± 1,11 mm). The mean bone level at baseline and the type of periodontal therapy and the maintenance care program were involved in this difference (p < 0,001, p = 0,035, p < 0,001, respectively).

Conclusion: our study demonstrates a significant difference in peri-implant bone level between test and control groups. The mean bone level at baseline, the type of periodontal therapy, and the maintenance program may explain peri-implant bone level changes overtime.

Key words

Dental implants, implant macrostructure, peri-implant bone level, retrospective study.

Introduction

Un des sujets majeurs de recherche en implantologie est l'amélioration de la morphologie des implants dans le but d'accélérer l'ostéointégration, de préserver le niveau osseux marginal et de prévenir les péri-implantites. Plusieurs revues de littératures ont été menées sur le sujet, mais il ne se dégage pas de consensus sur la morphologie idéale du col implantaire : lisse ou rugueux, avec ou sans microspires, cylindrique ou conique (Abrahamsson et Berglundh, 2009 ; Bateli et al., 2011). Les implants dentaires sont donc disponibles dans différentes formes et dimensions (Malet et al., 2012). Afin d'évaluer l'influence de la macrostructure implantaire sur le niveau osseux marginal, deux types d'implants, fabriqués par la compagnie Nobel Biocare® (Nobel Biocare®, Zürich-Flughafen, Suisse) ont été comparés : un implant contrôle, le Mk III, et un implant test le NobelSpeedy Groovy. Ces deux implants ont le même état de surface TiUnite®, couche d'oxyde de titane épaissie et légèrement rugueuse, mais de formes et designs différents. Le Mk III est un implant à parois parallèles, avec un col large et usiné et des spires en forme de V au niveau du corps. Le NobelSpeedy Groovy est un implant légèrement conique avec une extrémité apicale conique dans le but d'améliorer la stabilité primaire. La surface TiUnite® et les spires sont plus proches de la plate-forme implantaire, dans le but, selon le fabriquant, de préserver l'os marginal et d'améliorer l'ostéointégration marginale. Enfin, les spires de cet implant ont des bords plus larges, et des rainures ont été ajoutées aux spires afin de promouvoir la croissance osseuse ; l'idée est que ces rainures augmentent la surface de contact entre l'os et l'implant (fig. 1).

Le but de cette étude de cohorte rétrospective est de comparer l'effet de ces deux macrostructures implantaires différentes sur le niveau osseux péri-implantaire.

Matériel et méthode

Design de l'étude

Cette étude de cohorte rétrospective a été réalisée, en pratique privée, dans un cabinet spécialisé en parodontologie et implantologie orale à Paris. Les implants ont été posés entre 2002 et 2008 par un seul et même opérateur, selon le protocole indiqué par le fabriquant. Les patients inclus dans l'étude ont reçu soit des implants tests (implants NobelSpeedy Groovy), soit des implants contrôles (implants Mk III), soit les deux. La prothèse sur implant a été réalisée à la fin du processus d'ostéointégration.

Une déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés a été effectuée avant de commencer l'étude (agrément no 1731429 v 0).

Critères d'inclusion et d'exclusion

Les critères d'inclusion des cas et des données étaient les suivants :

– présence dans le dossier patient d'une radiographie périapicale réalisée le jour de la pose de la prothèse d'usage : radiographie initiale ;

– présence dans le dossier patient d'une radiographie périapicale réalisée après un minimum de 2 ans et demi de mise en fonction : radiographie de suivi ;

– cas d'extraction et implantation immédiate ou cas de pose différée de l'implant (en un ou deux temps) ;

– cas de prothèse supra-implantaire fixée complète, partielle ou unitaire.

Les critères suivants ont permis d'exclure certains cas :

– absence de radiographie initiale ou radiographie de suivi réalisée après moins de 2 ans et demi de mise en fonction de l'implant.

Pour tous les cas inclus dans l'étude, des informations supplémentaires ont été recueillies :

– sexe, âge, état de santé général, consommation de tabac ;

– raisons de la perte des dents, présence ou non d'une parodontite, type de traitement parodontal avant la pose d'implant, type et fréquence de la thérapeutique parodontale de soutien (maintenance parodontale) pendant la période d'observation, présence ou manque de tissu kératinisé ;

– localisation, longueur et diamètre de l'implant ;

– procédure de pose de l'implant (immédiate, retardée, en un ou deux temps) et type de prothèse supra-implantaire (transvissée ou scellée) ;

– date de la pose de l'implant, date des radiographies initiales et de suivi ;

– si un implant était perdu : date du retrait de l'implant.

Procédures et analyses radiographiques

Afin d'évaluer les modifications du niveau osseux moyen péri-implantaire au cours du temps, les radiographies initiales et de suivi, prises avec une technique long cône, ont été analysées avec le logiciel ImageJ pour Macintosh (Rasband, 1997-2007 ; Abramoff et al., 2004). Un seul et même examinateur a évalué les niveaux osseux sur les radiographies.

Analyses statistiques

Nous avons, d'une part, réalisé des analyses statistiques dans le but de tirer des conclusions à partir des données recueillies. Tout d'abord, un test du Khi-deux a permis de comparer les variations de niveau osseux dans le temps entre les deux types d'implants. D'autre part, nous avons également cherché à expliquer la différence entre les deux groupes par une analyse multivariée.

Résultats

Les critères d'exclusion et d'inclusion ont permis de sélectionner 144 implants posés chez 59 patients et répartis comme suit : 68 implants dans le groupe test et 76 implants dans le groupe contrôle. La durée moyenne de suivi était de 69 ± 19 mois. Neuf implants (6,25 %) ont été perdus au cours de la période d'observation : cinq dans le groupe test et quatre dans le groupe contrôle. En conséquence, un total de 135 implants placés chez 58 patients était analysable. Le tableau 1 précise les caractéristiques des patients selon le type d'implant posé. Les données liées à la santé parodontale des patients sont résumées dans le tableau 2. Neuf patients, correspondant à 33 implants, ont reçu à la fois des implants contrôles (n = 17) et des implants tests (n = 16). La moyenne d'âge de l'échantillon était 57, 58 ± 12, 41 ans. Aucune différence n'a été retrouvée entre les groupes sauf pour la consommation de tabac (p = 0,021) et le type et la fréquence de thérapeutique parodontale de soutien (p = 0,019).

Concernant les caractéristiques implantaires, il n'y avait pas de différence entre les groupes, sauf pour la localisation des implants : 63 % des implants tests étaient placés au maxillaire et 67 % des implants contrôles étaient placés à la mandibule (p < 0,001) (tableau 3). Le détail des longueurs et diamètres des implants posés dans chacun des groupes est illustré dans le tableau 4. Pour les deux groupes, dans la majorité des cas, des implants de diamètre standard ont été posés (3,75 ou 4 mm). La longueur la plus fréquente des implants était de 10 mm.

La répartition des procédures chirurgicales était homogène entre les deux groupes et se faisait comme suit :

– 106 implants posés en un temps chirurgical ;

– 24 en deux temps ;

– 14 cas d'extraction implantation immédiate.

La prothèse supra-implantaire était scellée pour plus des deux tiers des cas sans différence entre les groupes (tableau 5).

Aucune différence non plus n'a été observée dans le délai entre la pose de l'implant et la pose de la prothèse sur implant. Cependant, une différence significative existait dans la durée du suivi, ceci est expliqué par le fait que les implants tests ont été commercialisés en 2005, alors que les implants contrôles sont sur le marché depuis plus de 15 ans.

Enfin, concernant la variation du niveau osseux péri-implantaire dans le temps, une différence significative a été observée entre le groupe test et le groupe contrôle (p < 0,01). À la fin de la période d'observation, un gain osseux a été observé dans le groupe contrôle (0,02 ± 0,80 mm) alors qu'une perte osseuse a été retrouvée dans le groupe test (–0,43 ± 1,11 mm) (tableau 6). L'analyse multivariée a permis de montrer que le niveau osseux moyen initial, le type de traitement parodontal et le type de thérapeutique parodontale de soutien étaient impliqués dans cette différence (p < 0,001, p = 0,035, p < 0,001, respectivement) (tableau 7).

Discussion

Cette étude démontre donc une différence significative de niveau osseux péri-implantaire entre le groupe test et le groupe contrôle (p = 0,009). La macrostructure de l'implant test a initialement été conçue dans le but de préserver le niveau osseux marginal et de promouvoir le gain osseux péri-implantaire. Cependant, après au moins 5 ans de suivi, une perte osseuse a été retrouvée autour des implants tests et un gain osseux autour des implants contrôles. Le niveau osseux moyen initial, le type de traitement parodontal et le type de thérapeutique parodontale de soutien expliqueraient ces variations de niveau osseux péri-implantaire dans le temps.

L'implant test possède une extrémité apicale conique et un diamètre cervical plus large que l'implant contrôle, qui est un implant parallèle. Ces modifications ont été apportées à l'implant test dans le but d'améliorer la stabilité primaire. Cette stabilité primaire est habituellement estimée grâce au torque d'insertion de l'implant. Pour des implants de même design, il a été montré que des torques d'insertion élevés n'influencent pas le niveau osseux crestal : pas de potentialisation de l'ostéointégration ni d'augmentation de la résorption osseuse (Grandi et al., 2013). Ces données signifient que la différence de niveau osseux moyen initial entre les deux implants ne peut être expliquée par la compression de l'os à l'insertion de l'implant.

Cependant, la localisation cervicale de cette compression pourrait être plus traumatisante pour l'os, dans les premières semaines de cicatrisation, induisant alors une plus grande perte osseuse initiale. Ceci est confirmé dans notre étude : le niveau osseux initial est différent entre les deux groupes. Bashutski et al., 2009 ont démontré que les zones d'os dense sont plus à risque de nécrose suite à une forte compression lors de la pose de l'implant. Donc l'os cortical, qui est un os dense, pourrait être plus à risque de résorption suite à des torques d'insertion élevés.

Un autre élément pouvant influencer la différence entre les groupes est le design des spires implantaires. Les spires de l'implant test ont des bords plus larges que l'implant contrôle ; l'indication de ces spires plus larges est l'os de faible densité. Ces bords de spires sont définis par Hansson et Werke, 2003 comme la profondeur des spires. Dans une étude sur les éléments finis, ces auteurs ont montré que des spires de faible profondeur sont tout à fait efficaces et permettent une bonne préservation de l'os marginal. En outre, l'augmentation de la profondeur des spires peut entraîner une concentration de contraintes néfastes pour l'os péri-implantaire (Hansson et Werke, 2003). La seconde différence de design des spires est l'ajout de rainures aux spires de l'implant test. À notre connaissance, il n'existe pas d'étude analysant l'effet de ces rainures et nous pouvons supposer que ce profil plus agressif aurait un effet sur le niveau osseux marginal initial.

L'implant test a été conçu dans le but d'améliorer la stabilité initiale. Cependant, ce profil plus agressif de l'implant en relation avec ses caractéristiques (compression cervicale, design des spires et rainures ajoutées aux spires) pourrait expliquer la différence de niveau osseux initial. Par ailleurs, les caractéristiques de la surface TiUnite® pourraient expliquer la différence de niveau osseux après 6 ans de suivi. Les études menées par Albouy et al., 2008, 2009, 2011, sur des modèles animaux, ont montré que la prévalence des péri-implantites n'était pas plus élevée avec la surface TiUnite®, mais, qu'une fois la péri-implantite présente, sa progression est accélérée sur les surfaces en TiUnite® comparativement à d'autres surfaces.

Notre hypothèse initiale, selon laquelle la macrostructure des implants influence les modifications du niveau osseux péri-implantaire, n'a donc pas été confirmée par cette étude. Nous n'avons pas mis en évidence d'impact significatif du type d'implant sur les variations de niveau osseux après 6 ans de suivi.

Aujourd'hui, la littérature sur le sujet est controversée et il n'existe pas de consensus (Abrahamsson et Berglundh, 2009). L'influence du design du col implantaire sur le niveau osseux marginal n'est pas précisément connue (Bateli et al., 2011). Selon Abuhussein et al., 2010, il n'est pas encore prouvé que l'ajout de spires jusqu'au niveau crestal de l'implant ait un effet positif sur la préservation de l'os marginal.

Enfin, nos résultats montrent que les antécédents parodontaux et le type de thérapeutique parodontale de soutien expliqueraient la différence de niveau osseux entre les groupes. La littérature actuelle confirme que les patients avec des antécédents de parodontite ont des taux de survie implantaires plus faibles et sont plus à risque de présenter une perte osseuse péri-implantaire. Ces mêmes auteurs ont mis en évidence que le manque d'adhésion du patient à une thérapeutique parodontale de soutien régulière était corrélé à une plus forte incidence de perte osseuse et de perte implantaire (Roccuzzo et al., 2010, 2012). Il a été clairement établi qu'une thérapeutique parodontale de soutien bien menée prévient le développement des maladies péri-implantaires (Donos et al., 2012). Dans notre étude, les patients reçus régulièrement par un spécialiste en parodontologie, pour leur thérapeutique parodontale de soutien, présentaient moins de perte osseuse que ceux vus une fois dans l'année par leur dentiste omnipraticien.

Conclusion

Notre étude montre une différence significative de niveau osseux péri-implantaire entre deux implants ayant des macrostructures différentes. Le niveau osseux moyen initial expliquerait ces modifications de niveau osseux péri-implantaire dans le temps. Nous avons également montré une influence négative des antécédents parodontaux sur le niveau osseux dans le temps. Un effet positif d'un programme régulier de thérapeutique parodontale de soutien réalisée par des parodontistes a été mis en évidence. Cependant, notre étude n'a pu montrer l'influence de la macrostructure implantaire sur les modifications de l'os marginal dans le temps. Des études prospectives traitant des effets de la macrostructure du col implantaire et de la compression cervicale, lors de la pose de l'implant sur le niveau osseux marginal, seraient à réaliser. Par ailleurs, les conséquences liées à la présence de spires sur toute la longueur de l'implant et jusqu'à la plate-forme implantaire sont mal connues.

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