Article
Aleksandar DAKIC 1 / Fabrice CHEREL 2
1- Postgraduate Européen en Parodontologie et Dentisterie Implantaire - EFP, Université Paris-Diderot
AHU en Parondotologie
Ancien interne
Université Paris Diderot, Hôpital Rothschild (AP-HP)
Exercice libéral limité à la parondotologie et à l'implantologie2- DU Approfondi de parondotologie et d'implantologie clinique, Université Paris-Diderot
AHU en parodontologie
Hôpital Rothschild (AP-HP)
Exercice libéral limité à la parondotologie et à l'implantologieCorrespondance
Aleksandar DAKIC
docteur.dakic@gmail.com
Résumé
Les chirurgies d'élévation de la membrane sinusienne par voie latérale ou crestale rendent possible la réhabilitation prothétique supra-implantaire lorsque la hauteur osseuse résiduelle est insuffisante. Ces techniques sont prévisibles : les taux de survie des implants qui y sont associés sont supérieurs à 90 %. De ce fait, le taux de survie des implants placés à l'aide d'une chirurgie d'augmentation sous-sinusienne est similaire à celui des implants placés de façon conventionnelle dans l'os natif. Le choix de la technique chirurgicale dépend de la hauteur osseuse résiduelle mais aussi d'autres critères comme l'anatomie sinusienne, le nombre d'implants à placer ou encore l'expérience du praticien. Un des objectifs majeurs de tout acte chirurgical reste la prévention et la limitation de la morbidité. Une analyse pré-chirurgicale standardisée associée à une réflexion sur l'indication est essentielle à la prise de décision. Le but de cet article est d'illustrer par un cas clinique les mécanismes décisionnels s'appuyant sur les données de la littérature.
Sinus floor elevation techniques including the lateral and the crestal approaches allows safe and durable prosthetic implant positioning, when the residual bone height is insufficient. Both techniques are predictable: the success rates of implants associated with these interventions are greater than 90%. Therefore, the implant survival rate placed using sinus floor elevation is similar to those conventionally placed in native bone. The choice of surgical technique depends on the residual bone height but also others criterias such as sinus anatomy, the number of implants or the experience of the practitioner. One of the major goal of any surgery is prevention and disease control. A pre-surgical analysis associated with an in-depth reasoning is essential to make a decision. The aim of this case report is to give insight on the decision making process based on the evidence of the literature.
Les chirurgies d'élévation de la membrane sinusienne par voie latérale ou crestale permettent la réhabilitation prothétique supra-implantaire lorsque la hauteur osseuse résiduelle est insuffisante. Le succès de ces procédures est généralement mesuré par des critères d'évaluation secondaires comme les taux de survie des implants ou le pourcentage d'os vital néo-formé plutôt que par le succès de la procédure chirurgicale elle-même. Dans cet article, nous nous intéresserons particulièrement à l'indication de ces deux types de chirurgies après avoir réalisé une revue de littérature. Cette thématique sera illustrée par le cas d'un patient atteint d'une parodontite chronique sévère généralisée dont les secteurs postérieurs maxillaires ont été réhabilités.
L'élévation de la membrane sinusienne par voie latérale a pour but d'augmenter la hauteur osseuse verticale disponible et ainsi de rendre possible la pose d'implants. Le sinus lift classique consiste en la préparation d'une fenêtre osseuse, au niveau de la paroi latérale du sinus maxillaire. Le volet osseux peut être conservé et luxé vers l'intérieur et vers le haut en même temps que la membrane de Schneider jusqu'à une position horizontale formant le nouveau plancher du sinus. Ce volet osseux peut également être éliminé. L'espace sous-jacent est comblé avec du matériau de substitution osseuse et/ou de l'os autogène (Nkenke et Stelzle, 2009) et la fenêtre d'ostéotomie est recouverte par une membrane résorbable. Les gains moyens en hauteur sont de 12 mm (Anduze-Acher et al., 2012).
La voie crestale est une technique moins invasive qui consiste à accéder au plancher sous-sinusien, sans effectuer de fenêtre latérale, en passant, lors de la préparation du puits implantaire, au travers de la crête alvéolaire avec des instruments spécifiques. L'utilisation d'ostéotomes, instruments à extrémité concave et tranchante, de diamètre croissant (Summers, 1994) permet à la fois de condenser l'os latéralement et de déplacer verticalement le plancher osseux sous-sinusien. Il est possible d'associer ou non à cette technique un greffon osseux (matériaux de substitution osseuse). Ce dernier se comporterait comme un coussin hydraulique qui protégerait la membrane sinusienne du risque de perforation. Les gains moyens en hauteur sont compris entre 3 et 4 mm (Antonaya-Mira et al., 2012).
Le sinus maxillaire est localisé dans le corps de l'os maxillaire. De forme pyramidale, la base est constituée de la paroi nasale médiale. L'apex s'oriente vers le processus zygomatique de l'os maxillaire. Sur sa face interne, le sinus maxillaire est recouvert d'un épithélium respiratoire en continuité avec l'épithélium nasal. Cette muqueuse antrale mesure entre 1 et 2 mm d'épaisseur à l'état normal (Anduze-Acher et al., 2012 ; Pommer et al., 2012a). Il existe une grande diversité de formes et de tailles inter et intra-individuelle des sinus maxillaires. Avec la perte dentaire, la taille du sinus maxillaire va augmenter, envahissant souvent une grande partie du processus alvéolaire du maxillaire et laissant parfois seulement une fine paroi osseuse latérale et occlusale.
La région concernée par la chirurgie d'élévation sinusienne comprend de nombreux éléments anatomiques dont les variabilités peuvent compliquer l'intervention comme, par exemple, la paroi osseuse vestibulaire d'accès, la membrane sinusienne, les septa et l'artère alvéolo-antrale (anastomose entre l'artère infra-orbitaire et l'artère alvéolaire postéro-supérieure). Leur détection et leur analyse sur le scanner préopératoire participent à la préparation du chirurgien et donc à l'anticipation ou à la prévention de certaines complications.
• La paroi vestibulaire du sinus maxillaire est plus mince dans la zone entre la deuxième prémolaire et la première molaire. Les épaisseurs moyennes varient entre 1,2 mm au minimum et 1,9 mm au maximum. L'épaisseur de cette paroi ne diffère pas significativement en fonction de l'âge ou du côté (Yang et al., 2009). Il a été constaté que, après élévation du lambeau muco-périosté, une finesse importante de la paroi osseuse latérale (aspect sombre, bleuté) est observée dans 78 % des cas (Zijderveld et al., 2008). Dans ces cas, il est préférable d'utiliser directement une fraise boule diamantée ou un insert diamanté si l'on dispose d'une unité de piézo-chirurgie pour réaliser la fenêtre d'ostéotomie. Ainsi, le risque de perforation de la membrane est réduit (Wallace et al., 2007 ; Zijderveld et al., 2008).
• Les septa sont présents dans 28,4 % des cas d'après une méta-analyse de Pommer et al. regroupant 8923 sinus. La prévalence est significativement plus élevée dans les sinus maxillaires en rapport avec une arcade édentée (et une crête atrophique) que dans un secteur denté ou partiellement édenté. Ils sont situés dans les régions prémolaires, les régions molaires et rétro-molaires respectivement dans 24,4 %, 54,6 % et 21,0 % des cas. Leurs orientations sont transversales (sens vestibulo-palatin), sagittales et horizontales, respectivement, dans 87,6 %, 11,1 % et 1,3 % des cas (Pommer et al., 2012b).
• La plupart des études sur l'artère alvéolo-antrale s'appuient sur des examens tomodensitométriques et/ou sur des dissections anatomiques pour évaluer la prévalence, le diamètre, la localisation et la relation de l'artère alvéolo-antrale par rapport à la crête alvéolaire et la paroi osseuse vestibulaire. Ces études permettent de distinguer la sensibilité de la dissection par rapport à celle de l'examen tomodensitométrique. Anatomiquement, l'artère alvéolo-antrale est toujours retrouvée mais elle est visible seulement sur 50 % des scanners. C'est son diamètre qui va constituer le facteur de risque principal (hémorragique) associé à une situation basse au niveau de la paroi osseuse latérale. Son diamètre dépasse dans moins de 10 % des cas les 2 mm (Guncu et al., 2011 ; Mardinger et al., 2007) et son trajet au sein de la paroi osseuse vestibulaire se situe le plus souvent entre 12 et 18 mm de la crête alvéolaire (Mardinger et al., 2007 ; Elian et al., 2005 ; Guncu et al., 2011 ; Rosano et al., 2011, Jung et al., 2011). Elle a un trajet intra-osseux 2 fois sur 3 (Guncu et al., 2011).
L'analyse attentive du scanner peut aboutir à une planification de la fenêtre d'ostéotomie latérale (taille, forme et position) en essayant d'éviter le parcours de l'artère alvéolo-antrale.
L'angle α (alpha) correspond à l'angle formé entre la paroi osseuse vestibulaire et la paroi osseuse palatine du procès alvéolaire du maxillaire. Il est souvent plus fermé en antérieur et plus ouvert en postérieur. Cho et al. remarquent que les perforations sont moins fréquentes lorsque l'angle α est ouvert (Cho et al., 2001). De façon similaire, van den Bergh et al. classent les sinus étroits comme difficiles et favorables aux complications peropératoires (van den Bergh et al., 2000).
L'angle β (bêta) correspond à l'angle formé entre la paroi osseuse palatine du procès alvéolaire du maxillaire et la paroi médiale du sinus. Lorsque cet angle est fermé, le décollement de la membrane au niveau de la face interne est plus difficile (Zijderveld et al., 2008).
D'autres éléments anatomiques vont être repérés et évalués à partir des examens radiographiques comme la présence de pathologies sinusiennes ou apicales d'origine endodontique.
La présence d'une muqueuse antrale épaissie irrégulière, circonférentielle ou obturant complètement le sinus maxillaire, est associée à un risque augmenté d'obstruction du méat moyen. Dans ce cas, une consultation chez l'ORL est recommandée (Carmeli et al., 2011).
La survie implantaire est définie par le maintien de l'implant dans l'os greffé pendant toute la période d'observation. Le taux de survie implantaire, avec au moins 12 mois de suivi après la mise en fonction, dépasse 90 % pour la majorité des études (Aghaloo et Moy, 2007 ; Pjetursson et al., 2008 ; Nkenke et Stelzle, 2009 ; Chiapasco et al., 2008 ; Chiapasco et al., 2006 ; Tuna et al., 2012). La probabilité d'un échec implantaire est significativement plus importante quand la procédure ne comprend pas de membrane résorbable pour recouvrir la fenêtre osseuse (Pjetursson et al., 2008 ; Duttenhoefer et al., 2013).
Il n'existe pas de différence statistiquement significative en matière de survie implantaire entre une approche simultanée ou différée (Chiapasco et Zaniboni, 2009 ; Del Fabbro et al., 2008). Ainsi, les implants placés pendant la procédure du sinus lift ou de façon différée ont des taux de survie similaires en supposant qu'une stabilité primaire satisfaisante soit obtenue au moment de la pose et maintenue pendant la période de maturation précoce du greffon (Pjetursson et al., 2008 ; Chiapasco et Zaniboni, 2009 ; Nkenke et Stelzle, 2009 ; Cabezas-Mojon et al., 2012).
Plusieurs auteurs affirment que la nature de la greffe ne semble pas influencer significativement le taux de survie implantaire (Chiapasco et al., 2006 ; Cabezas-Mojon et al., 2012 ; Rickert et al., 2012). Cependant, le taux de survie implantaire est plus important lors de l'utilisation des matériaux de substitution osseuse comparativement à l'utilisation d'os autogène seul (Del Fabbro et al., 2008 ; Al-Nawas et Schiegnitz, 2014). De plus, les matériaux de substitution osseuse de type xénogreffe offrent les taux de survie implantaire les plus élevés (Aghaloo et Moy, 2007).
Les revues systématiques avec méta-analyses récentes donnent des taux de survie implantaire moyens supérieurs à 90 % pour l'approche crestale (Emmerich et al., 2005 ; Tan et al., 2008 ; Calin et al., 2014). La méta-analyse la plus récente montre un taux de survie implantaire de 96,15 % (Calin et al., 2014).
Le taux de survie est significativement plus important quand la hauteur osseuse résiduelle (HOR) est supérieure à 5 mm (96,9 % versus 92,7 % ; p = 0,0003) (Del Fabbro et al., 2012). Plus récemment, il a été montré que les taux d'échec implantaire sont significativement plus élevés pour des hauteurs osseuses initiales inférieures à 4 mm lors d'une voie crestale (Calin et al., 2014 ; French et al., 2015).
Du fait de l'implantation immédiate quasi systématique lors d'une voie crestale, la hauteur osseuse résiduelle initiale a une importance capitale et influence le succès de la technique plus que lors d'un abord latéral du sinus maxillaire.
Il n'existe pas de différence statistiquement significative entre les taux de survie implantaire avec ou sans matériaux de substitution osseuse lors d'une voie crestale (Jensen et Terheyden, 2009 ; Del Fabbro et al., 2012).
Nous ne pouvons cependant pas conclure que ces matériaux de substitution osseuse sont inutiles puisque, cliniquement, ils semblent favoriser un décollement progressif de la membrane et participer à la stabilité implantaire une fois la maturation osseuse accomplie.
Concernant la voie latérale, la complication peropératoire la plus fréquente est la perforation de la membrane sinusienne dont la prévalence moyenne rapportée est de 19,5 % (avec un maximum de 58,3 %) (Pjetursson et al., 2008 ; Al-Nawas et Schiegnitz, 2014). Il existe toujours une controverse concernant la survenue de cette complication et le taux de survie implantaire. Néanmoins, lorsqu'elle est correctement traitée, la perforation ne semble pas influencer le taux de survie implantaire (Becker et al., 2008). D'autres complications peropératoires ont été rapportées : une hémorragie liée à une lésion de l'artère alvéolo-antrale ou la migration de l'implant dans la cavité sinusienne.
La complication peropératoire la plus fréquemment retrouvée pour la voie crestale est aussi la perforation de la membrane sinusienne. L'incidence varie entre 0 % et 26 %, avec une moyenne de 6,28 % (Calin et al., 2014). Il n'existe pas de différence statiquement significative entre les taux de perforation avec ou sans greffe osseuse (2,5 % versus 1,7 %) (Del Fabbro et al., 2012). La complication postopératoire la plus fréquente est le saignement nasal retrouvé chez 2,97 % des patients (30 parmi 976 patients traités) (Calin et al., 2014).
Une infection au niveau du sinus greffé est une complication rare : l'incidence moyenne varie entre 1,5 et 2,9 %. Ce risque d'infection semble augmenter avec le taux de perforation de la membrane (Pjetursson et al., 2008 ; Calin et al., 2014).
Il est évident que la connaissance de l'état de santé du sinus et de son anatomie tri-dimensionnelle par l'analyse d'un examen radiographique 3D permet au praticien de prévenir ou d'anticiper la survenue de certaines complications per et postopératoires.
Un tableau pré-chirurgical (tableau 1) a été conçu comme un relevé d'informations permettant de caractériser l'anatomie sinusienne et de mettre en évidence d'éventuelles difficultés opératoires.
Un patient de 55 ans consulte en 2013 dans le service de parodontologie de l'Hôpital Rothschild car il éprouve des difficultés à la mastication. Il a été traité auparavant pour une parodontite mais ses molaires sont devenues récemment mobiles. Il gère difficilement son stress. De manière générale, le patient est en bonne santé. Sa demande est principalement fonctionnelle.
L'examen clinique intra-oral révèle la présence de plaque, de tartre, de mobilités dentaires, de saignements gingivaux, de zones inflammatoires ainsi que des migrations secondaires (fig. 2).
L'examen parodontal maxillaire est détaillé dans la figure 3. Nous avons pu relever des mobilités de classe 3 sur 16, 17, 26 et 27 et des mobilités de classe 2 sur 24, ainsi que des lésions inter-radiculaires de classe III sur 16, 17, 26 et 27. Le bilan long cône initial révèle des lésions angulaires au niveau des prémolaires maxillaires et du bloc incisivo-canin mandibulaire ainsi que des lésions endo-parodontales terminales sur 36 et 37 (fig. 4).
Le patient a été pris en charge de façon globale bien que l'article se concentre sur l'approche des secteurs postérieurs maxillaires.
Concernant le pronostic avec traitement des molaires et prémolaires 15 et 24 ont un bon pronostic, 14 et 25 ont un pronostic réservé, 16 et 26 ont un pronostic très réservé et 17 et 27 ont un pronostic mauvais.
Durant la phase initiale en parodontologie, 17 et 27 ont été extraites tandis que 16 et 26 ont été conservées jusqu'à la réévaluation parodontale.
Malgré la bonne réponse clinique (fig. 5) et l'investissement du patient (contrôle de plaque < 20 %), les paramètres cliniques se sont aggravés au niveau de 16 et 26 avec notamment une augmentation de la profondeur de poche.
Du fait de leur anatomie radiculaire défavorable, de la présence de lésions inter-radiculaires de classe III, de profondeurs de poches comprises entre 5 et 9 mm, d'une perte osseuse initiale importante (> 50 %) et d'une mobilité résiduelle, 16 et 26 vont être extraites et le projet prothétique visera à remplacer les 1re et 2e molaires.
Au niveau parodontal, le traitement non chirurgical et la phase chirurgicale ont permis d'éliminer les poches parodontales de plus de 5 mm. Avant de commencer la phase implantaire, 3 à 6 mois d'attente ont été nécessaires pour objectiver la cicatrisation parodontale et la cicatrisation osseuse (fig. 6).
Afin de planifier les chirurgies implantaires, un examen 3D est prescrit (avec guide radiologique en place) (fig. 7). L'analyse du CBCT a conduit à modifier le projet prothétique initial (fig. 8) dans le secteur 3 car le site 37 (fig. 6) n'a pas cicatrisé après plus d'un an d'attente. De ce fait, seule 26 sera remplacée. Du côté droit, 17, 16 et 47 seront remplacées par des implants.
La planification implantaire est réalisée à l'aide du logiciel Romexis® (fig. 9).
Dans le sextant 1, au niveau du site 17, la hauteur osseuse résiduelle (HOR) est comprise entre 3 mm et 5 mm et, au niveau du site 16, la HOR est comprise entre 3 mm et 12 mm.
Du fait de la hauteur osseuse résiduelle moyenne inférieure à 5 mm, du nombre d'implants à poser et de la topographie osseuse en pente au niveau du site 16, une augmentation osseuse sous-sinusienne par voie latérale a été indiquée. L'épaisseur osseuse résiduelle semble favorable à la pose d'implants simultanée (Jensen and Terheyden, 2009). Concernant la planification préopératoire, l'anatomie sinusienne ne présente pas de difficulté remarquable à part une épaisseur modérée de la paroi osseuse vestibulaire. Des implants de 11 mm de long et de 5 mm de diamètre ont été choisis (fig. 10 et 19).
À 2 semaines, la cicatrisation clinique est correcte (fig. 20) ; un léger hématome est encore visible (fig. 21).
Dans le sextant 3, au niveau de 26, l'analyse du CBCT (fig. 22) révèle une hauteur résiduelle comprise entre 6 et 7 mm, ce qui correspond à l'indication classique de la technique par voie crestale (technique Summers) (Calin et al., 2014), une paroi osseuse vestibulaire très épaisse et un plancher osseux concave, favorable d'après French et al. (French et al., 2015). Ces différents paramètres valident le choix d'une technique chirurgicale moins invasive par la pose d'un implant de 9 mm de long pour 5 mm de largeur avec une technique Summers (fig. 23 à 34).
Les suites postopératoires décrites par le patient ont été minimes, voire insignifiantes, par rapport à celles du côté droit.
Les résultats cliniques et radiologique sont stables à 36 mois (fig. 35 et 36).
La description de ces deux situations cliniques différentes associées à des indications différentes souligne que la technique doit s'adapter à la situation clinique plutôt que l'inverse. Même si la maîtrise et l'expérience du praticien comptent dans l'indication, elles doivent toutefois rester secondaires.
Ce cas clinique permet de définir quelques critères décisionnels. La hauteur osseuse résiduelle en fait partie tout comme l'épaisseur de la paroi osseuse latérale, la présence de septa, la position et le diamètre de l'artère alvéolo-antrale, le nombre d'implants et la topographie osseuse du plancher sinusien.
La complexité des chirurgies par voie latérale et crestale peuvent être anticipées à l'aide du tableau préopératoire. Ce dernier peut aussi orienter la décision chirurgicale (tableau 1).
Si tout dogmatisme est écarté, certaines situations pourraient aussi bien être traitées par voie latérale que par voie crestale. Dans ce cas, quels éléments la littérature nous donne-t-elle pour prendre une décision fondée sur la preuve ?
De nombreux auteurs ont souligné la valeur prédictive positive de la hauteur osseuse résiduelle sur le taux de survie des implants lors d'une augmentation sous-sinusienne comme dans cette étude analysant les deux techniques indépendamment (Chao et al., 2010) :
• concernant la voie latérale, le taux de survie implantaire s'améliore lorsque la hauteur osseuse résiduelle augmente, surtout entre 1 et 5 mm. Une stabilité est ensuite observée avec un taux de survie implantaire élevé quand la hauteur osseuse résiduelle est supérieure à 5 mm. De plus, le taux d'échec tend à diminuer avec une augmentation de la hauteur osseuse initiale ;
• concernant la voie crestale, il n'existe pas de corrélation entre le taux de survie implantaire et la hauteur osseuse résiduelle, la hauteur osseuse résiduelle pour cette technique n'étant jamais inférieure à 4 mm dans les études retenues.
En conclusion :
• pour une hauteur osseuse résiduelle entre 1 à 3 mm, il conviendra de privilégier la voie latérale,
• pour une hauteur osseuse résiduelle entre 4 à 6 mm, il sera possible d'effectuer une voie crestale ou une voie latérale,
• pour une hauteur osseuse résiduelle de plus de 6 mm, il est recommandé d'utiliser une voie crestale ou d'utiliser des implants courts.
D'autres paramètres anatomiques (présence de septa, position et diamètre de l'artère alvéolo-antrale, épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire, géométrie du sinus) ou techniques (nombre d'implants à poser) peuvent orienter l'indication chirurgicale et la plupart concernent la difficulté opératoire. Lorsque les deux techniques opératoires sont applicables, l'analyse de ces paramètres va orienter le choix vers la technique chirurgicale qui est la moins complexe et la moins sujette aux complications.
Les techniques par voie latérale et par voie crestale sont sûres : le taux de survie des implants placés à l'aide d'une chirurgie d'augmentation sous-sinusienne ne diffère pas de celui des implants placés de façon conventionnelle dans l'os natif (Huynh-Ba et al., 2008).
L'orientation de cette réflexion repose sur une connaissance approfondie de la littérature et une analyse préopératoire standardisée afin d'indiquer la technique chirurgicale ayant le meilleur rapport bénéfice/risque. Le tableau récapitulatif pré-chirurgical corrélé à l'analyse d'un examen radiographique 3D permet d'évaluer la difficulté opératoire et d'orienter la prise de décision. L'évolution des techniques chirurgicales d'élévation de la membrane sinusienne s'oriente vers la réduction des complications per et post-opératoires et donc vers l'amélioration de la prévisibilité de ces procédures.