Article
Chirurgien-dentiste
Exercice privé
Tokyo, Japon
RÉsumÉ
Les récessions gingivales s'observent de plus en plus fréquemment chez de nombreux patients présentant un biotype fin ou un manque de gencive kératinisée et elles doivent être traitées dès leur détection. L'étiologie multifactorielle, les modalités de traitement et les tendances actuelles pour le traitement des récessions gingivales sont présentées dans cet article. Le traitement de récessions gingivales des classes I et II sera abordé dans l'optique de limiter le traumatisme chirurgical et d'obtenir des résultats esthétiques prédictibles. Les techniques chirurgicales utilisées pour le recouvrement radiculaire sont fondées sur le déplacement tissulaire soit par translation (technique du lambeau pédiculé), soit par greffes (greffe gingivale libre ou greffe de tissu conjonctif). Des modifications de ces deux techniques fondamentales ont été faites, proposées et associées à des membranes ou à des matériaux issus du génie tissulaire. Les objectifs de ces techniques sont l'épaississement de la gencive, l'obtention d'une parfaite intégration chromatique et une esthétique optimale. Cet article est essentiellement orienté sur la greffe de tissu conjonctif pour le recouvrement des récessions gingivales des classes I et II.
he recession of the gingiva is increasingly becoming a more prominent condition in the oral health of many patients with thin biotype or lack of keratinized gingiva and should be treated at its earliest detection. The multifactorial etiology, decision modality, and current trends followed in the treatment of gingival recession are discussed in this presentation. The correction of class I and II gingival recessions are presented as a means of minimizing surgical trauma and achieving predictable aesthetic results The surgical techniques used for root coverage are based on tissue displacement, whether by translation (pedicle flap procedure) or by grafting (free gingival or connective tissue graft procedures). Modifications of these two basic techniques have been developed, proposed, and combined with membranes or tissue-engineered material. The goals of these techniques are the thickening of the gingiva, achieving perfect chromatic integration, and optimal aesthetics. This presentation will focus mainly on connective tissue graft for root coverage, presenting class I, II gingival recession in two clinical cases.
Les récessions gingivales sont fréquentes et leur prévalence augmente avec l'âge. Leur observation est également fréquente lors des traitements orthodontiques (Serin et al., 1994).
Les récessions gingivales, qu'elles soient localisées ou généralisées, peuvent concerner une ou plusieurs surfaces radiculaires, conduisant ainsi à une perte d'attache et à une dénudation radiculaire qui peuvent entraîner des problèmes cliniques tels qu'une hypersensibilité radiculaire, des caries radiculaires, des abrasions cervicales, des érosions, un contrôle de plaque difficile, une apparence peu attractive et une préoccupation esthétique. Les récessions de la gencive marginale peuvent par conséquent engendrer d'importants problèmes fonctionnels et esthétiques (Cassable et Con, 2003) et ne doivent pas être perçues comme de simples défauts des tissus mous mais, plutôt, comme la destruction à la fois des tissus durs et mous.
Les options thérapeutiques pour ce type de défaut ont évolué grâce aux connaissances sur la cicatrisation du tissu gingival et du système d'attache.
Les récessions des tissus marginaux du parodonte peuvent avoir de nombreuses origines ; cependant, il existe un consensus actuel sur l'étiologie des récessions gingivales :
– une situation anatomique avec une déhiscence de l'os alvéolaire préexistante ou acquise, associée à une malposition localisée d'une dent proéminente en raison d'une gencive kératinisée inadéquate en termes à la fois de quantité que de qualité, d'une insertion musculaire haute et de la traction d'un frein (Serin et al., 1994) ;
– des perturbations occlusales et des parafonctions. Les abrasions dentaires cervicales, également qualifiées de lésions cervicales non carieuses (LCNC), ont longtemps été considérées comme étant dues à un brossage excessif. Il persiste une controverse sur ce concept et sur l'étiologie occlusale. Une étude a été menée afin de vérifier l'incidence d'un brossage excessif ou de perturbations occlusales sur l'apparition d'abfractions (Miller et al., 2003). Sept LCNC coexistent presque systématiquement avec des facettes d'usure occlusale (94,5 %) et une absence de disclusion canine (77,2 %). L'étude conclut que les signes cliniques d'un brossage excessif sont absents, alors que les signes d'une perturbation occlusale sont liés à la présence d'abfractions ;
– des techniques de brossage traumatiques, effectuées avec trop de zèle (c'est-à-dire avec trop de force, horizontales) sont fréquemment associées à une absence d'os cortical préexistante ou à une déhiscence osseuse acquise ;
– une inflammation marginale incontrôlée avec une accumulation de plaque dentaire due à des techniques de brossage inadaptées (Khocht et al., 1993). Les facteurs iatrogènes liés aux traitements parodontaux ou orthodontiques (Maynard, 1987) et aux techniques parodontales/restauratrices sur un biotype fin, par exemple une gingivectomie, un lambeau positionné apicalement, une préparation excessive des dents violant l'espace biologique, une adaptation incorrecte de la restauration avec des surcontours ou encore la présence d'un hiatus entre la limite marginale de la couronne et la structure dentaire (Brown, 1973) ;
– une absence d'étiologie clinique évidente dans 17 % des récessions gingivales (Valderhaug, 1980).
Si la récession n'est pas évolutive et ne provoque pas de sensibilité dentaire ou de désordre esthétique, les instructions de brossage et le suivi régulier d'un programme de maintenance stricte doivent être considérés comme le traitement optimal.
Une récession gingivale évolutive en présence d'hypersensibilité thermique et/ou d'un aspect inesthétique doit être traitée par un recouvrement radiculaire pour les récessions des classes I et II.
Le contrôle de plaque efficace reste la condition primordiale pour le succès de toute chirurgie parodontale.
Le tabac est une contre-indication à la chirurgie plastique parodontale en raison :
– de la vasoconstriction gingivale associée qui entraîne souvent une nécrose des tissus mous ;
– du manque d'adhésion des fibroblastes (Rodier, 1990) ;
– de l'altération de la réponse immune.
L'objectif chirurgical idéal est le recouvrement radiculaire jusqu'à la jonction émail-cément avec une profondeur de sondage inférieure à 2 mm et sans saignement provoqué au sondage.
Le principal défi à relever réside dans l'obtention d'un excellent apport vasculaire afin d'éviter une éventuelle nécrose et un échec du recouvrement radiculaire (Holbrook et Ochsenbein, 1983). Il est toujours important de sélectionner la technique de chirurgie parodontale qui permet d'obtenir le meilleur résultat esthétique en causant le moins de traumatisme possible.
Miller recommande une information complète dès la première consultation sur le recouvrement radiculaire qui peut être obtenu de façon réaliste avec l'option thérapeutique choisie (Miller, 1985) (fig. 1 à 4).
Bon nombre d'articles publiés sur le traitement des récessions gingivales insistent sur la taille initiale du défaut et sur son influence sur les résultats cliniques ; en d'autres termes, plus le défaut est profond et étroit, meilleur sera le recouvrement radiculaire. Les récessions profondes (c'est-à-dire de 4 mm ou plus) montrent des gains d'attache clinique plus importants que les récessions peu profondes (c'est-à-dire moins de 4 mm). Le pourcentage moyen de recouvrement radiculaire rapporté pour la technique des greffes de tissu conjonctif enfoui varie entre 65 et 98 %, alors que le pourcentage de recouvrement radiculaire total varie de 0 à 90 % selon la classification des récessions (Sullivan et Atkins, 1968).
Le tableau 1 récapitule les indications et contre-indications pour ce type de chirurgie.
De nombreuses méthodes et différentes techniques ont été proposées pour obtenir un recouvrement radiculaire prédictible afin de résoudre ces problèmes.
La chirurgie muco-gingivale conventionnelle comprend les options suivantes :
– la greffe gingivale libre, connue pour corriger les problèmes muco-gingivaux (c'est-à-dire le manque de tissu kératinisé), est utilisée pour le recouvrement radiculaire (Pini Prato et al., 1996 ; Trombelli et al., 1995 ; Sullivan et Atkins, 1968) ;
– le lambeau d'épaisseur totale déplacé latéralement est indiqué si l'on dispose d'une bande de tissu kératinisé large et épaisse sur les dents adjacentes (Björn, 1963 ; Sullivan et Atkins, 1968) ;
– le lambeau d'épaisseur partiel déplacé latéralement est une modification de la technique précédente (Holbrook et Ochsenbein, 1983) ;
– le lambeau déplacé coronairement peut être utilisé lorsque la quantité de gencive kératinisée située apicalement à la récession est supérieure ou égale à 3 mm.
Les différentes modifications suivantes ont été décrites :
– deux incisions verticales qui s'étendent au-delà de la jonction muco-gingivale sont réalisées. Cependant, une extension de l'incision intrasulculaire peut éviter les incisions verticales avec l'interposition d'une membrane (par exemple membranes résorbables et non résorbables, AlloDerm®) dans les techniques de recouvrement radiculaire (Danan, 2005 ; Grupe et Ochsenbein, 1956) ;
– le lambeau semi-lunaire repositionné coronairement oblige le chirurgien à faire une incision semi-lunaire parallèle à la gencive marginale vestibulaire et une dissection en épaisseur partielle, en repositionnant ce tissu coronairement pour recouvrir la racine exposée (Smukler, 1976 ; Tarnow, 1986) ;
– la technique de la greffe de tissu conjonctif (Caffesse et Espinel, 1981 ; Tarnow, 1986 ; Harris, 1998) permet de greffer de multiples façons : sous un lambeau repositionné à sa position initiale, sous un lambeau déplacé coronairement ou latéralement, sous un lambeau en double papille, ou avec une technique tunnélisée recouverte par des papilles dont les sommets n'ont pas été disséqués (Langer et Langer, 1985).
La patiente est une femme de 40 ans, non fumeuse, avec une bonne hygiène buccale. Elle souhaite le recouvrement de ses récessions gingivales multiples à la mandibule. Son examen clinique montre :
– une épaisseur gingivale d'au moins 0,5 mm à un point situé de 2 à 5 mm en dessous de la gencive marginale ;
– un minimum de 3 mm de gencive kératinisée.
Les dents sélectionnées sont vitales, avec des restaurations en composite minimes, une absence de saignement au sondage après la préparation initiale et elles n'ont pas été traitées chirurgicalement depuis au moins 1 an. Après une anesthésie adéquate, les surfaces radiculaires exposées de la patiente sont détartrées et surfacées à l'aide d'instruments ultrasoniques manuels. Les surfaces radiculaires sont ensuite recontourées à l'aide d'une fraise diamantée lisse et polies avec un aéropolisseur. Les restaurations coronaires sont réalisées 11 et 12 mois après cette intervention.
Cette patiente se plaignait principalement de sensibilités radiculaires et d'un aspect inesthétique sur le secteur mandibulaire de canine à canine (fig. 5 à 7).
La technique du tunnel a été choisie pour traiter simultanément les deux côtés qui présentaient des récessions gingivales de classes I et II (tableau 2).
Une incision sulculaire est réalisée des deux côtés, de canine à canine, suivie d'une dissection soignée en épaisseur partielle de façon à créer une poche au-delà de la jonction muco-gingivale, tout en maintenant le sommet des papilles interproximales attaché aux dents en dessous du point de contact (fig. 8).
Un lambeau primaire est réalisé en palatin à gauche et à droite avec une ligne d'incision qui permet le prélèvement d'un greffon de tissu conjonctif épais et de bonne dimension (fig. 9). Le lambeau primaire est immédiatement suturé pour éviter tout saignement (fig. 10 à 12).
La greffe de tissu conjonctif est insérée délicatement à l'intérieur de la poche à l'aide de sutures monocryl 5-0, puis elle est stabilisée avec le lambeau à l'aide de sutures monocryl 5-0. La cicatrisation se déroule sans problème et les récessions gingivales sont recouvertes, aboutissant à un résultat esthétique superbe des deux côtés.
La canine gauche a été traitée avec un lambeau pédiculé positionné latéralement sur une greffe de tissu conjonctif.
La patiente est une femme de 32 ans, non fumeuse, avec une bonne hygiène buccale. Elle souhaite le recouvrement de ses récessions gingivales multiples au niveau mandibulaire, conjointement à un traitement orthodontique. Son examen clinique montre :
– une épaisseur gingivale d'au moins 0,5 mm en un point situé 3 mm en dessous de la gencive marginale libre ;
– un minimum de 3 mm de gencive kératinisée.
Les dents sélectionnées sont vitales, avec une absence de saignement au sondage après la préparation initiale et n'ont pas été traitées chirurgicalement depuis au moins 1 an. Après une anesthésie adéquate, les surfaces radiculaires exposées sont détartrées et surfacées à l'aide d'instruments ultrasoniques manuels. Les surfaces radiculaires sont ensuite recontourées à l'aide d'une fraise diamantée lisse et polies avec un aéropolisseur.
Le traitement orthodontique doit être poursuivi.
Dans ce cas, aucune incision verticale n'a été réalisée, seule une incision horizontale de canine à prémolaire avec la technique de l'enveloppe l'a été. Puis l'adaptation et les sutures en première intention ont été effectuées à l'aide de sutures monocryl 5-0.
Le recouvrement de récessions gingivales multiples pose un véritable défi thérapeutique. Il peut être obtenu grâce à toute une variété de techniques de microchirurgie. Selon Zucchelli et al., la technique du lambeau enveloppe déplacé coronairement garantit un meilleur résultat en termes de couleur gingivale que la technique bilaminaire, améliore les suites postopératoires pour le patient et réduit également la douleur (Zucchelli et al., 2006).
Les techniques par tunnélisation, telle la technique du tunnel modifiée (Zuhr et Hürzeler, 2007), ont permis l'obtention de bons résultats esthétiques. De nombreux essais cliniques le confirment, rendant ainsi la prédictibilité et la stabilité des résultats dépendants des facteurs suivants :
– pas d'incisions verticales de décharge ;
– pas de préparation des papilles chirurgicales ;
– déplacement coronaire du lambeau grâce à la préparation d'un lambeau totalement muqueux et à l'utilisation de sutures suspendues (Cortellini et al., 2001).
Le choix de la technique chirurgicale dépend de plusieurs facteurs, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients. Le clinicien doit sélectionner, parmi des différentes techniques chirurgicales disponibles, celle qui est la moins traumatisante pour le patient. Cet article a pour objectif de présenter une technique de tunnélisation visant à traiter les récessions gingivales.
Dans le premier cas, c'est la technique de tunnélisation multiple qui a été utilisée. La prudence était de mise pour prélever le plus d'épaisseur et de longueur de tissu afin de stabiliser la greffe de tissu conjonctif sous le lambeau avec les sutures. Cette technique a abouti ici à un résultat esthétique et stable ainsi qu'au recouvrement total de la récession gingivale. Si la technique du lambeau enveloppe déplacé coronairement est utilisée, on peut penser que la jonction muco-gingivale devient plus coronaire qu'à l'origine.
La technique utilisée pour le second cas est minimalement invasive pour le patient, limitée à un seul lambeau au niveau du site receveur. C'était à l'origine un cas de traitement orthodontique. La récession gingivale des canines s'est produite durant son déroulement. La patiente a souhaité recouvrir cette récession avec une greffe de tissu conjonctif. Le traitement orthodontique a finalement été réalisé par Invisalign après la chirurgie. Dans ce type de traitement orthodontique, le recouvrement des récessions gingivales avec une greffe de conjonctif est également efficace.
Le défi que doivent relever tous nos traitements consiste à rechercher des résultats plus prévisibles en utilisant des techniques le moins invasives et traumatiques pour le patient.