Article
Georges RACHLIN 1 / Gilles KOUBI 2
1- DSO
Attaché de consultation en parodontologie à l'hôpital de la Timone (Marseille)2- Professeur des Universités
Faculté d'Odontologie d'Aix-Marseille
Résumé
Depuis sa création, la chirurgie muco-gingivale a beaucoup évolué : indications, techniques, préparation radiculaire, étude de sa cicatrisation, limites. Le but de cet article est d'encourager les praticiens à une réflexion sur la chirurgie plastique parodontale.
Since it was created, mucogingival surgery has changed: indications, techniques, root preparation, type of healing, limiting indications. The aim of this article is to encourage people to think about on what is named now periodontal plastic surgery.
À l'origine, les indications de la chirurgie muco-gingivale se limitaient à trois problèmes : vestibule peu profond, freins musculaires et problèmes associés au manque de gencive attachée kératinisée (Friedman, 1957). Cependant, la fiabilité des résultats obtenus a provoqué une augmentation de ces indications : récession des tissus marginaux (fig. 1 et 2), contrôle d'une quantité de gencive excessive (fig. 3 et 4), reconstruction préprothétique des crêtes édentées (fig. 5 et 6), pertes des papilles interdentaires (fig. 7 et 8), exposition de dents incluses avant traitement d'orthodontie (fig. 9) et défauts esthétiques autour d'implants dentaires (fig. 10). Actuellement, toutes les indications subsistent et celle qui a pris le plus d'importance est le traitement de la récession des tissus marginaux : l'intervention sera effectuée en cas de problème esthétique, d'hypersensibilité ou de risque d'aggravation du problème dans le temps (American Academy of Periodontology, 1989 ; Tonetti et Jepsen, 2014).
La technique utilisée devra être prévisible et le recouvrement radiculaire esthétique. Y a-t-il des techniques meilleures que d'autres ? Faut-il suivre la « mode » ? La décision thérapeutique devra uniquement être dictée par les caractéristiques de la lésion et l'anatomie du secteur concerné.
La condition la plus importante dans le recouvrement radiculaire est le niveau osseux interproximal (Miller, 1985) : seules les classes I et II de Miller pourront être recouvertes complètement.
Si le contexte gingival environnant le permet, les techniques de lambeau positionné latéralement donnent de bons résultats (Grupe et Warren, 1956 ; Grupe, 1966) (fig. 11 à 13) et évitent un prélèvement au palais soit de tissu épithélio-conjonctif pour une greffe gingivale de recouvrement (Holbrook et Ochsenbein, 1983), soit de tissu conjonctif pour un lambeau positionné coronairement (Zucchelli et De Sanctis, 2005). Dans les cas où le lambeau positionné latéralement n'est pas indiqué, le choix de la technique se fera en fonction de la localisation des récessions : on préférera, pour des raisons esthétiques, les lambeaux positionnés coronairement au maxillaire et les greffes gingivales à la mandibule.
Bien que la modification de la surface radiculaire soit controversée, de nombreux praticiens utilisent cette bio modification au cours des procédés de recouvrement radiculaire (Miller, 1982).
L'acide citrique et le chlorhydrate de Tétracycline sont les plus employés dans le but d'augmenter le recouvrement radiculaire et obtenir la formation d'un nouvel appareil d'attache entre la gencive transplantée et la surface radiculaire dénudée (Bertrand et Dunlap, 1988, Common et Mc Fall, 1983). Le produit employé sert à détoxifier la partie de la racine qui a été en contact avec la cavité buccale et à permettre une insertion des fibres collagènes sur celle-ci. Les résultats cliniques et histologiques ne montrent pas de bénéfices significatifs de leur utilisation cependant, il faut noter que la détoxification de la racine peut être améliorée grâce à l'action bactériostatique de la Tétracycline et qu'on observe histologiquement une insertion des fibres collagènes dans la partie la plus apicale de la racine exposée (Wilderman et Wentz, 1965 ; Cortellini et al., 1991) (fig. 14 et 15). De plus, il faut préciser que la présence de la Tétracycline va empêcher la formation des collagénases et donc améliorer la cicatrisation. (Register et Burdick, 1975).
La récession gingivale est définie comme un déplacement apical, par rapport à la jonction émail-cément, de la gencive marginale (American Academy of Periodontology, 1992). Ceci implique donc la perte des fibres de tissu conjonctif entre le cément radiculaire et l'os alvéolaire.
Il a été démontré que la cicatrisation des différentes techniques chirurgicales se faisait par un épithélium long de jonction entre la surface radiculaire et le tissu gingival. Seule la partie la plus apicale guérissait par régénération. Toutes ces techniques résultent en une augmentation de la quantité de tissu kératinisé et un recouvrement radiculaire allant de 56 % à 98 %.
Actuellement, l'utilisation de la régénération tissulaire guidée ou des protéines de l'émail n'améliorent pas le pourcentage de recouvrement mais pourrait créer une nouvelle attache conjonctive à la place d'un long épithélium de jonction ainsi que la possibilité d'une reconstruction complète des tissus parodontaux perdus. (Pini Prato et al. 1996). Cependant, ces techniques présentent des désavantages par rapport aux autres chirurgies plastiques parodontales : nécessité d'une technique chirurgicale parfaite, coût additionnel de la membrane ou des dérivés des protéines de l'émail, prévisibilité inférieure par rapport à d'autres techniques dans les cas de présence d'un frein musculaire ou d'un vestibule peu profond. C'est pour ces raisons que l'indication de la régénération tissulaire guidée et des dérivés des protéines de l'émail est peu utilisé dans le traitement des récessions gingivales.
Les classes III et IV de Miller ne permettent pas un recouvrement de la totalité de la racine dénudée. La seule chose qui pourra être obtenue est l'aménagement du complexe muco-gingival à la base de la dent concernée.
Le traitement le plus difficile de la thérapeutique des tissus mous du parodonte est la reconstruction des papilles inter dentaires qui ont été perdues. Quelle que soit la technique chirurgicale employée, le résultat final laissera à désirer et cela d'autant plus que la distance crête osseuse-point de contact sera importante (Tarnow et al. 1992). Les solutions simples n'existent pas et il faudra associer à la chirurgie parodontale la prothèse ou l'orthodontie (fig. 16 à 19).
L'évolution de la chirurgie plastique parodontale n'est pas terminée. Des techniques nouvelles vont voir le jour (micro chirurgie, tissue engineering, etc.) mais nous ne devons pas oublier tout ce qui a déjà été fait auparavant par nos maitres : Goldman, Cohen, Langer, Smuckler, Corn, Miller,... pour ne citer qu'eux.
Une chose est certaine, c'est qu'un complexe mucogingival est pathologique quand les tissus gingivaux ne peuvent plus soutenir leur intégrité morphologique ou maintenir un attachement durable à la dent et à l'os sous-jacent et à ce moment là, l'intervention chirurgicale est indiquée.