Article
Docteur en chirurgie dentaire
Docteur d'université en odontologie
Ex-assistant de l'université Paris 7
Exercice privé
177, rue Saint-Honoré
75001 Paris
Résumé
Les implants de gros diamètre, compris entre 4,8 et 6 mm, permettent de répondre à plusieurs indications : au niveau des secteurs molaires, le profil d'émergence est mieux respecté, autorisant une meilleure adéquation entre la surface en section au collet et la surface occlusale, la résistance à la fracture étant ainsi améliorée. Dans les principes de l'ostéo-intégration, la surface de titane en contact avec l'os est déterminante et plus on réduit la longueur d'un implant, plus on a intérêt à augmenter le diamètre. Ainsi, dans les zones ou la hauteur osseuse est faible, les implants de gros diamètre permettent d'éviter les greffes dont la morbidité n'est pas négligeable. Ils peuvent être indiqués également dans les protocoles d'extraction-implantation immédiate et comme implants de secours dans des situations ou un implant de diamètre standard présenterait une mauvaise stabilité primaire.
Large diameter implants between 4,8 mm and 6 mm allow us to answer several indications : in the molar areas the emergence profile is better respected enabling better adequacy between the surface section of the neck and the occlusal area, the resistance to fracture is improved. In the principles of osseointegration titanium surface in contact with the bone is decisive and more we reduce the lenght of an implant and more we must increase the diameter so in the areas where the bone height is, low large diameter implants are used to prevent bone graft that have a non negligible morbidity. They have also an indication in the extraction-immediate implant protocol and as a rescue implant when a standart diameter implant presents a poor primary stability.
On parle d'implants de gros diamètre lorsqu'ils sont compris entre 4,8 et 6 mm. Les indications pour leur pose sont multiples. Généralement, ils seront plutôt réservés aux secteurs molaires et éventuellement prémolaires en fonction des diamètres radiculaires des dents extraites correspondantes. En effet, les implants de gros diamètre permettent un meilleur profil d'émergence prothétique particulièrement sur les sites molaires. Il faut aussi prendre en compte la table occlusale des molaires et des prémolaires car les forces sont plus importantes sur les secteurs latéraux, notamment dans les mouvements de latéralité travaillante et non travaillante, les gros diamètres assurant ainsi une meilleure résistance à la fracture. Ils permettent éventuellement de remplacer une canine dont la largeur radiculaire est souvent importante (de 5 à 6 mm). On utilisera plus particulièrement ce type d'implants lorsque la hauteur osseuse résiduelle après extraction est réduite, en partant du principe que pour favoriser l'ostéo-intégration et la stabilité des implants à long terme, on compensera une faible longueur par un plus grand diamètre pour avoir la même surface de contact entre l'os et l'implant. Dans le protocole d'extraction-implantation immédiate, les implants de gros diamètre permettent un meilleur ancrage latéral si des conditions anatomiques (nerf alvéolaire, sinus, etc.) contre-indiquent un ancrage au-delà de l'apex. Enfin, ces implants peuvent être une solution de secours dans un os de mauvaise densité/qualité quand, par exemple, un implant de diamètre standard a été posé avec une mauvaise stabilité primaire ou quand ce même type d'implant est fracturé et que l'on souhaite le déposer et réimplanter immédiatement. Le but de cette revue de littérature est donc de mettre en évidence les différentes indications des implants de gros diamètre justifiées par les études scientifiques publiées ces dernières années.
Cette revue de littérature a été réalisée à partir d'une recherche systématique sur Medline.
L'édentement des molaires ne permet que deux solutions : les implants ou la prothèse adjointe. Si cette dernière solution est souvent inconfortable et fonctionnellement peu efficace, une question se pose, en cas d'absence de la deuxième molaire : faut-il la remplacer par un implant ou garder une arcade réduite ? En cas d'arcade réduite, un certain nombre de perturbations peuvent apparaître, notamment une mastication unilatérale avec des troubles de l'occlusion et, surtout si les dents antagonistes ne sont pas contenues, des phénomènes d'égression ou d'éruption passive.
Plusieurs études se sont penchées sur le problème du remplacement de la deuxième molaire (Becker et Becker, 1995 ; Balshi et al., 1996 ; Misch et al., 2008 ; Koo et al., 2010). Les taux de survie cumulés sont de 95 à 98 % au bout de 5 ans selon les études. Dans l'étude de Koo et al., sur 521 implants placés au maxillaire et à la mandibule en position de deuxième molaire, aucune différence significative n'apparaissait entre le maxillaire et la mandibule entre les implants enfouis et non enfouis, entre les implants courts (≤ 8 mm) et longs (≥ 10 mm), entre diamètre standard et gros diamètre (Koo et al., 2010).
Les implants de gros diamètre représentent une des principales indications pour le remplacement des molaires. En effet, un tel diamètre permet un meilleur profil d'émergence (fig. 1 à 12) mais aussi une résistance mécanique accrue aux forces occlusales et latérales dans les mouvements travaillants et non travaillants. Les implants de 5 à 6 mm de diamètre sont de 3 à 6 fois plus résistants à la fracture que des implants standard de 3,75 mm (Misch et al., 2008).
Une molaire à une surface occlusale d'environ 100 mm2 tandis qu'un implant de 3,75 mm de diamètre mesure, en section, 10,9 mm2. Les forces masticatoires créent donc des torques dans le sens mésio-distal et bucco-lingual. Pour remplacer une molaire, si on pose deux implants de 3,75 mm de diamètre, on aura une surface en section de 21,8 mm2 tandis que pour un seul implant de 5 mm, on aura seulement 19,6 mm2 (si on prend en considération des implants dont le col a le même diamètre que le corps, cela n'est plus vrai pour des implants dont le col est évasé à 6,5 mm, par exemple le Wide-Neck® de Straumann ou l'Aesthetica® d'Euroteknika). Si du point de vue de la stabilité le placement de deux implants est une bonne solution, la distance mésio-distale dans un secteur encastré ne le permet que rarement, mais, surtout, le coût pour le patient s'en trouve multiplié par deux, ce qui conduit à réserver cette option pour des cas très spécifiques et particulièrement si l'espace mésio-distal est supérieur à 12,5 mm (Rangert et al., 1995 ; Bahat et Handelsman, 1996).
Les secteurs postérieurs présentent des caractéristiques particulières. En effet, les forces masticatoires y sont trois fois plus importantes que sur le secteur antérieur et la densité osseuse y est souvent de moins bonne qualité. Un taux d'échecs supérieur à celui des secteurs antérieurs avait d'ailleurs été mis en évidence pour ces secteurs (Polizzi et al., 2000a ; Mordenfeld et al., 2004). Mordenfeld et al. ont obtenu, avec 78 implants Nobel Biocare WK Mk II de 5 mm de diamètre – mis au point par Langer et al. (Langer et al., 1993) –, un bon taux de succès (95 % à la mandibule, 78 % au maxillaire) malgré des situations défavorables (mauvaise qualité osseuse, volume réduit, forces occlusales fortes) avec 8 implants perdus sur 78 (Mordenfeld et al., 2004). Dans l'étude de Langer et al., sur 140 implants, le taux d'échecs est d'environ 15 % (Langer et al., 1993). Plusieurs études suggèrent que les échecs sont plus nombreux dans la zone mandibulaire que dans la zone équivalente au maxillaire en raison d'une moins bonne vascularisation de l'os marginal et d'une absence de stabilisation bicorticale (Bahat et Handelsman, 1996 ; Polizzi et al., 2000a ; Aparicio et Orozco, 1998). Les modifications du design, notamment au niveau du col implantaire, et de l'état surface ont considérablement amélioré les résultats. Ainsi, plusieurs études plus récentes montrent un taux d'échecs inférieur à 5 %. Bischof et al., dans une étude sur 5 ans, montrent un taux de survie moyen de 97,89 % avec des implants de gros diamètre (Bischof et al., 2006). D'autres études avec le même type d'implants arrivent à des taux de 99,3 % (Bornstein et al., 2007).
La hauteur osseuse dans ces zones latérales est souvent beaucoup plus réduite du fait de la présence du sinus et du canal dentaire, ce qui impose des longueurs d'implant plus courtes. Une intéressante revue de la littérature est proposée par Misch et al. sur les implants courts dans les zones postérieures (Misch et al., 2006). Six études montrent un taux de survie moyen de 96,8 % et 7 études dans les mêmes conditions concluent à un taux de 80,3 %. La plupart des échecs surviennent après la mise en charge. Les auteurs soulignent que ces échecs ne sont pas chirurgicaux mais liés à la mise en charge de ces implants courts. Pour compenser ce taux d'échecs plus ou moins important, ils proposent de connecter les couronnes sur des implants contigus, d'éviter absolument les cantilevers et, enfin, de respecter une fonction canine ou une fonction de groupe.
On peut remarquer que lorsque les différentes règles (pose dans l'axe prothétique, longueur et diamètre en corrélation, délai d'ostéo-intégration suffisant) sont bien respectées, les implants, notamment ceux de gros diamètre, sont capables de supporter des forces axiales très importantes. C'est grâce à cette propriété que nous avons repris et modifié la technique proposée par Kato et Kato pour l'ingression des molaires et prémolaires en prenant appui sur des implants antagonistes (Kato et Kato, 2010). Il arrive souvent, en cas d'extraction sur les secteurs latéraux, que le remplacement des dents ne soit pas réalisé dans les délais habituels. Il peut s'ensuivre une égression des dents antagonistes avec parfois une impossibilité de réalisation prothétique du fait du manque d'espace. Afin de ne pas mutiler les dents antagonistes avec des meulages intempestifs ou avec la réalisation de couronnes inutiles, il est possible, en prenant appui sur des couronnes provisoires implanto-portées en surocclusion, de réingresser ces dents avec un traitement orthodontique d'accompagnement. De 7 à 15 mois, selon l'importance de l'égression, sont nécessaires (Itic et al., 2012 ; Serfaty et al., 2012) (fig. 13 à 17).
Suivant les marques, on a le choix entre des implants de type enfoui ou non enfoui (fig. 1 à 6). Il est à noter que depuis les études d'Abrahamsson et al. et la conférence de consensus de 2001, la pose d'implants en un temps chirurgical fait partie des données acquises (Abrahamsson et al., 1996, 1998).
Les implants courts sont ceux dont la longueur est égale ou inférieure à 8 mm. Le plus souvent, on compensera une longueur d'implant courte par un diamètre supérieur afin d'avoir la plus grande surface de contact possible entre l'os et l'implant, ce qui est depuis quelques années un des critères essentiels. On accroît ainsi la surface de contact os/implant de 20 à 30 % en augmentant le diamètre d'un implant de 2 mm (Misch, 1999). Il semble, d'après la plupart des études, que le diamètre n'influence pas le taux de succès cumulé au bout de 5 ans (Friberg et al., 2002 ; Krennmair et Waldenberger, 2004 ; Eckert, 2005 ; Degidi, et al., 2007 ; Olate et al., 2010). Krennmair et al. trouvent un taux d'échecs au bout de 5 ans de 3,7 % pour des implants de 3,8 mm de diamètre par rapport à un taux de 1 % pour les implants de 5 ou 6 mm de diamètre (Krennmair et al., 2010). Ces auteurs expliquent cette différence par le fait que les implants de 3,8 mm de diamètre sont souvent placés dans des zones critiques, par exemple de faible volume ou de faible densité. On peut parfois observer plus d'échecs avec des implants courts, d'après certaines études, mais ceux-ci seraient essentiellement liés à l'expérience des praticiens. Une courbe d'apprentissage améliore les résultats avec le temps. Ceux-ci sont également meilleurs avec des changements dans le protocole et des indications plus rigoureuses des implants courts (Olate et al., 2010).
Plusieurs études conventionnelles ou en éléments finis montrent que les contraintes sur l'os sont situées dans la zone marginale, au col de l'implant plutôt qu'à l'apex. Avec différents diamètres d'implants, Anitua et al. montrent, dans une étude en éléments finis, que pour une longueur donnée, les contraintes les plus faibles (150 N à 30o) sont observées sur les implants de type large (Anitua et al., 2010).
D'un point de vue biomécanique, dans des sites où la hauteur est limitée, il vaut mieux poser des implants courts et de gros diamètre (Rieger et al., 1990 ; Brink et al., 2007 ; Anitua et al., 2010). Ormianer et al. montrent, en comparant trois diamètres d'implants (3,7, 4,7 et 6 mm), que seuls les implants de 6 mm de diamètre entraînent une réduction significative de la perte osseuse crestale, au bout de 49 mois, liée à la réduction des contraintes sur l'os (Ormianer et al., 2012).
Malgré tout, les premières études sur les implants courts et de gros diamètre avaient montré des taux d'échecs importants : de 9 à 25 % pendant une période de 5 ans (Attard et Zarb, 2003 ; Eckert et al., 2001 ; Ivanoff et al., 1999 ; Shin et al., 2004 ; Weng et al., 2003). Certaines modifications dans le design et l'état de surface ont considérablement amélioré les résultats. Ainsi, aujourd'hui, les taux d'échecs sont inférieurs à 5 % et parfois meilleurs qu'avec des diamètres standard (Bischof et al., 2006 ; Bornstein et al., 2007 ; Nedir et al., 2004 ; Anner et al., 2005 ; Romeo et al., 2006 ; Wennerberg et Albrektsson, 2009 ; Kim et al., 2013).
L'indication des implants courts et de gros diamètre est souvent posée pour la zone sous-sinusienne et mandibulaire postérieure avec pour avantage principal d'éviter des chirurgies préalables de greffe, techniquement délicates (comblement sous-sinusien, greffe d'apposition ou déplacement du nerf mandibulaire). Les implants courts peuvent donc remplacer avantageusement les greffes osseuses (das Neves et al., 2006 ; Telleman et al., 2011 ; Vandeweghe et al., 2011). Des études assez récentes montrent même, 1 an après mise en charge, des résultats identiques entre des implants courts posés à la mandibule dans des zones atrophiées et des implants plus longs posés dans un os greffé pour augmenter la hauteur disponible (Esposito et al., 2011).
Dans une revue de littérature sur l'influence de la longueur et des diamètres implantaires, Renouard et Nisand rapportent que 12 études sur 53 trouvent un taux d'échecs supérieur avec des implants courts lié à une courbe d'apprentissage, à une mauvaise préparation du site chirurgical, à l'utilisation de surface usinée (non rugueuse) et à la pose dans des sites de faible densité (Renouard et Nisand, 2006). En revanche, dans 22 études avec une préparation correcte du site chirurgical et avec l'utilisation des surfaces rugueuses, les résultats étaient comparables avec des implants de plus grande longueur. De même, les taux de survie sont identiques entre grand diamètre et diamètre standard. Anitua et Orive, dans une étude rétrospective sur les implants courts, trouvent, pour 1 287 implants placés au maxillaire et à la mandibule, un taux de survie de 99,3 % pendant 47 mois en moyenne (Anitua et Orive, 2010). Plusieurs études confirment des taux de succès de 98 % entre 3 et 7 ans avec des implants courts à surface rugueuse (Deporter et al., 2000 ; ten Bruggenkate et al., 1998 ; Corrente et al., 2009). Néanmoins avec des surfaces usinées, les résultats semblent comparables (Renouard et Nisand, 2006 ; Maló et al., 2007).
Une autre raison d'échec avancée (en dehors de la mauvaise qualité osseuse dans les zones postérieures et d'une moindre surface de contact os/implant) est le rapport défavorable, du fait de l'atrophie des crêtes, entre la longueur de l'implant et la hauteur de la couronne (Telleman et al., 2011 ; Rangert et al., 1997 ; Glantz et Nilner, 1998). Blanes et al. trouvent moins d'échecs avec un rapport couronne/implant favorable, avec moins de résorption osseuse crestale (Blanes et al., 2007), tandis que d'autres auteurs ne retrouvent pas cet aspect négatif de ce rapport (Rokni et al., 2005 ; Tawil et al., 2006). Il convient d'être prudent en cas de rapport très défavorable entre la longueur de l'implant et la hauteur de la racine.
Parmi l'ensemble des critères examinés pour évaluer leur influence sur le succès implantaire, la densité osseuse est très importante. La mauvaise stabilité primaire dans un os de faible densité peut ainsi être un facteur d'échec (Jaffin et Berman, 1991 ; Herrmann et al., 2005), et ce immédiatement après chirurgie ou pendant la phase d'ostéo-intégration/cicatrisation (Martinez et al., 2001 ; Becker et al., 2005 ; Ostman et al., 2006). Dans un os de faible densité, il est pertinent d'interdire le moindre micromouvement pendant cette phase sous peine de voir s'interposer du tissu conjonctif entre l'os et l'implant et d'obtenir une fibro-intégration (Szmukler-Moncler et al., 2000), et ce particulièrement dans un os de type 4 (selon la classification de Lekholm et Zarb de 1985) (Engelke et al., 2004 ; Trisi et al., 2009).
L'absence de micromouvement influence donc directement le pourcentage d'os/implant en contact. Il est proposé depuis longtemps, dans ce type d'os, de réaliser le forage final avec un foret de diamètre inférieur à celui de l'implant (Friberg et al., 2001, 2002). Les taux d'échecs importants (de 18 à 20 %) observés il y a quelques années avec les implants de gros diamètre peuvent aussi s'expliquer par le fait qu'à cette époque, ces derniers étaient surtout utilisés comme implants de secours (quand un implant de diamètre standard montrait une mauvaise stabilité primaire). Aujourd'hui, ils sont utilisés en première intention et les taux de succès atteignent plus de 99 % (Anitua et al., 2010 ; Deporter et al., 2000 ; ten Bruggenkate et al., 1998 ; Corrente et al., 2009).
L'état de surface rugueux des implants influence également cette stabilité primaire (Albrektsson et Wennerberg, 2004). Depuis le début des années 1990, plusieurs études ont montré des taux de contact os/implant meilleurs avec des surfaces rugueuses, notamment sablées/mordancées à l'acide. Buser et al. montrent un meilleur taux d'apposition osseuse sur des surfaces sablées/mordancées que sur différentes surfaces texturées ou électropolies (Buser et al., 1991). Le torque de dévissage est également meilleur sur ce type de surface (Cochran et al., 1998 ; Buser et al., 1999). L'amélioration de la cicatrisation osseuse avec ces surfaces a permis de réduire considérablement le temps d'ostéo-intégration qui est passé de 4 à 6 mois à 6 à 8 semaines. Plusieurs études longitudinales ont montré des taux de succès jusqu'à 99 % et plus (Bornstein et al., 2003, 2005, 2007 ; Cochran et al., 2002). Ces résultats très favorables avec les surfaces rugueuses ne doivent néanmoins pas faire oublier les difficultés de traitement en cas de péri-implantite.
Dans un os de faible densité, plusieurs méthodes non invasives ont été proposées pour évaluer la stabilité primaire immédiatement après insertion des implants, parmi lesquelles l'analyse de la fréquence par résonance magnétique (RFA, resonance frequency analysis) mesuré en indice ISQ (implant stability quotient, quotient de stabilité implantaire). Cette méthode simple et facile à mettre en œuvre donne des résultats prédictibles (Ostman et al., 2006). Il convient néanmoins d'être prudent, particulièrement en cas de mise en charge immédiate, car des faux positifs peuvent survenir (Zix et al., 2005) et des échecs implantaires primaires se présenter malgré des indices ISQ élevés (Glauser et al., 2004 ; Schincaglia et al., 2007). Pour assurer une sécurité dans un os de type 4 il est souhaitable de corréler l'indice ISQ avec le torque d'insertion (Friberg et al., 1995).
Il est également souhaitable, dans un os maxillaire de faible densité, de préserver la corticale crestale au maximum. Celle-ci étant un facteur de stabilité primaire, on s'abstiendra, avec les systèmes qui le proposent, d'utiliser le foret évaseur. En dehors du sous-forage, il est possible également d'utiliser les ostéotomes plutôt que les forets afin de compacter l'os, même sans réaliser une effraction de la corticale sous-sinusienne (Tabassum et al., 2009). Dans les zones molaires sous-maxillaires où la hauteur osseuse résiduelle est souvent faible, il est indiqué d'associer des implants de gros diamètre avec une technique d'impaction sous-sinusienne par voie crestale (Summers, 1994a, 1994b ; Fugazzotto, 2002) (fig. 18 à 20). Pour certains auteurs, l'indication est posée si on a moins de 8 mm (Jensen et al., 1998 ; Schwarz-Arad, 2000 ; Toffler, 2004) ; pour d'autres, même avec 6 mm, la pose d'implants courts est possible (Nedir et al., 2004 ; Renouard et Nisand, 2006). Néanmoins, selon la conférence de consensus de 1996 sur l'élévation de sinus (Jensen et al., 1998), il apparaît qu'avec une hauteur de 10 mm, la pose standard est possible sans impaction et, avec une hauteur comprise entre 7 et 9 mm, l'ostéotomie est indiquée. Entre 4 et 6 mm, une approche de comblement sous-sinusien par voie latérale sera préférable avec pose des implants immédiate ou différée (fig. 21 à 26). Si la hauteur osseuse est inférieure à 3 mm, la même approche est recommandée avec une pose différée des implants. En ce qui nous concerne, entre 4 et 6 mm nous avons tendance à privilégier un abord crestal plus rapide et moins coûteux pour le patient et le plus souvent associé avec des implants de grand diamètre et de forme conique. Les implants non enfouis cylindriques et avec un col évasé nous ont donné d'excellents résultats pendant de nombreuses années, car celui-ci assure une excellente stabilisation particulièrement dans un os de faible densité (Deporter et al., 2000 ; ten Bruggenkate et al., 1998 ; Nedir et al., 2006).
Afin d'améliorer la stabilité primaire dans un os de type 4, plusieurs auteurs conseillent d'utiliser des implants de forme conique ou cylindro-conique (Cehreli et al., 2009 ; Abrahamsson et al., 2009). Par ailleurs, dans un abord crestal, nous n'associons jamais de matériau de comblement avec l'ostéotomie car le contrôle de l'intégrité de la membrane sous-sinusienne est trop subjectif et le risque demeure de faire fuser du matériau de comblement dans le sinus avec une possible pathologie consécutive (Nedir et al., 2006). Simplement, en soulevant la membrane sous-sinusienne et en créant un espace entre elle et la corticale sous-sinusienne, on observe dans le temps une régénération osseuse.
Il est souhaitable, dans un os de faible densité, d'utiliser des implants avec de larges spires ce qui a également pour effet d'augmenter la surface de contact os/implant, permettant ainsi de poser des implants plus courts, notamment dans les régions postérieures ou les forces occlusales sont maximales (Misch, 1999 ; Rangert et al., 1997). De même, avec l'utilisation d'un implant de gros diamètre dans des zones de faible densité osseuse, l'appui bicortical (bucco-lingual/palatin) est meilleur.
La pose d'un implant immédiatement après extraction est une technique utilisée et évaluée depuis longtemps (Schulte et Heimke, 1976 ; Schwartz-Arad et Chaushu, 1997). Hämmerle et al., dans une conférence de consensus (Hämmerle et al., 2004), classent l'extraction-implantation immédiate comme un protocole de type 1 (protocole chirurgical unique). L'intérêt essentiel de cette approche est, d'une part, le gain de temps dans le plan de traitement puisqu'il n'est ainsi pas nécessaire d'attendre pendant 4 à 6 mois la reformation osseuse complète et, d'autre part, la réduction du nombre d'interventions. La condition impérative pour cette procédure est la stabilité primaire de l'implant. En effet, tous les micromouvements, à partir de 50 ou 100 μm, perturbent la formation des nouvelles cellules et des néovaisseaux. Ils entraînent également une résorption osseuse et la formation de tissu fibreux entre l'os et l'implant (Szmukler-Moncler et al., 2000).
Sur les secteurs molaires, en cas d'extraction-implantation immédiate, un des points clés (avec l'impératif de la stabilité primaire) est le hiatus entre l'implant et les corticales vestibulaires et linguales. Plus il est important et plus le contact os/implant diminue et, surtout, plus ce contact important se déplace vers l'apex de l'implant (Akimoto et al., 1999). Lorsque le parodonte est sain, en cas d'extraction sur un secteur molaire, les murs osseux mésiaux, distaux et linguaux se résorberont relativement peu, seule la corticale vestibulaire sera concernée (Botticelli et al., 2006, 2008). Botticelli et al. montrent, au bout de 5 ans, un taux de survie de 100 % avec un maintien osseux et souvent un gain autour des implants (Botticelli et al., 2008). D'une façon générale, si le hiatus entre l'os et l'implant est de 1 mm ou moins, les remaniements osseux intra-alvéolaires vont le combler (Botticelli et al., 2004a, 2004b) mais, au-delà de 1 mm, il conviendra de le combler avec de l'os autogène ou un biomatériau. Néanmoins, même avec un comblement, on assiste à une résorption osseuse vestibulaire et palatine/linguale (Araújo et al., 2015 ; Quirynen et al. 2007).
Fugazzotto propose un protocole d'extraction-implantation immédiate pour les secteurs molaires mandibulaires : les racines mésiales et distales sont systématiquement séparées pour l'extraction et, lorsque la paroi osseuse interradiculaire est ≥ 0,3 mm, cet auteur réalise un forage à la longueur souhaitée et une ostéotomie afin de placer l'implant dans la situation prothétique idéale (Fugazzotto, 2008). Les zones marginales des alvéoles déshabitées sont comblées avec un biomatériau et protégées par une membrane. Grâce à des incisions de décharge en vestibulaire et lingual, le site est complètement fermé par les lambeaux. Sur 341 implants placés avec ce protocole, l'étude montre un taux de succès de 99,1 % au bout de 6 ans. Si la paroi osseuse interradiculaire est ≤ 3 mm, un protocole conventionnel est conseillé (fig. 27 à 29). D'autres études montrent des taux de survie et de succès moins bons sans utilisation de membranes et sans fermeture du site par les lambeaux (Becker et Becker, 1995 ; Grunder et al., 1999 ; Becker et al., 1998).
Lorsque deux molaires adjacentes sont à extraire, il est possible de placer un implant dans la racine mésiale de la dent antérieure et l'autre dans la racine distale pour réaliser ensuite un bridge.
Plusieurs études trouvent des résultats similaires entre implants de gros diamètre posés immédiatement après extraction et sites cicatrisés (Polizzi et al., 2000b ; West et Oates, 2007 ; Cafiero et al., 2008 ; Van Kesteren et al., 2010 ; Wagenberg et Froum, 2006 ; Peñarrocha-Diago et al., 2008).
Wagenberg et Froum trouvent, pour 1 925 implants suivis pendant 1 à 16 ans, un taux de survie de 96 % (taux d'échecs de 3,7 % avant restauration prothétique et de 0,3 % après) (Wagenberg et Froum, 2006). Ces auteurs concluent que l'extraction-implantation immédiate est une technique fiable et prédictive. Un taux d'échecs plus important peut être observé dans un os de faible densité ou un os mandibulaire fortement résorbé, mais il convient de mettre ce taux d'échecs en perspective avec des procédures de greffes pré-implantaires qui ont aussi un taux de morbidité relativement important (Renouard et Nisand, 2006 ; Pistilli et al., 2013).
Par rapport au secteur antérieur, il est plus risqué de placer des implants immédiatement après extraction dans les secteurs postérieurs car la stabilité primaire y est plus difficile à obtenir (Atieh et al., 2009). Dans une étude récente, Atieh et al. montrent un taux de succès, dans des secteurs molaires, de 83,3 et 66,7 % avec des implants de gros diamètre placés respectivement de façon différée ou immédiatement après extraction (Atieh et al., 2013). Ils concluent ainsi que le risque est accentué avec un taux d'échecs plus important pour l'extraction-implantation immédiate dans les sites molaires. D'autres auteurs ne retrouvent pas cette différence (Prosper et al., 2010) . Récemment, Peñarrocha et al., sur 123 implants placés au maxillaire en site molaire, ne trouvent aucune différence entre implantation immédiate après extraction ou implantation différée (Peñarrocha et al., 2012).
Ce qu'il faut retenir :
– les implants de gros diamètre seront à privilégier dans les zones molaires et plus exceptionnellement prémolaires pour favoriser le profil d'émergence prothétique et pour améliorer l'ancrage et la stabilité primaire ;
– ils offrent une meilleure résistance mécanique aux forces occlusales permettant ainsi d'éviter des risques de fracture implantaire ;
– ils sont indiqués dans des secteurs où la hauteur osseuse est réduite (zones postérieures maxillaires et mandibulaires), permettant ainsi d'éviter des greffes préalables (coûteuses, techniquement difficiles, rallongeant le plan de traitement et présentant un taux de morbidité non négligeable) ;
– en présence d'une faible hauteur osseuse, l'augmentation du diamètre améliore la surface de contact os/implant ;
– dans un os de faible densité, ils favorisent particulièrement la résistance aux forces masticatoires occlusales et latérales ;
– ils préservent, dans une certaine mesure, la corticale crestale d'une résorption osseuse liée aux contraintes marginales autour du col de l'implant ;
– ils permettent, dans bon nombre de situations, l'extraction et l'implantation immédiate et, en cas de dépose d'un implant standard non ostéo-intégré, la repose immédiate.
L'auteur remercie Geoffrey Szwarc (étudiant en chirurgie dentaire) pour l'aide apportée à la rédaction de cet article.