Article
1- Attaché et ancien interne en médecine bucco-dentaire
Faculté de Nantes2- MCU-PH
Faculté de Nantes3- Attaché et ancien AHU
Faculté de Nantes4- PU-PH
Faculté de Nantes
Résumé
Les piliers en céramique (zircone) ont été conçus pour répondre à une demande esthétique grandissante des patients et des praticiens. La principale complication esthétique que l'on retrouve avec les piliers métalliques est le liseré grisâtre au niveau de la gencive marginale des restaurations implanto-portées. Avec un recul clinique de 20 ans, les piliers en céramique sont fréquemment utilisés en pratique quotidienne. À partir d'une analyse exhaustive de la littérature médicale des dix dernières années (50 articles inclus), les différents résultats de ces études ont été regroupés selon 5 items : les propriétés physiques, biologiques, mécaniques, esthétiques et techniques. Les piliers en zircone présentent une très bonne biocompatibilité et n'émettent pas de produits de dégradation. Les études cliniques ne constatent pas de différence de résistance mécanique entre les piliers en titane et en zircone aussi bien dans le secteur antérieur que postérieur. Les piliers en zircone induiraient moins de colorations des tissus mous péri-implantaires que les piliers métalliques. Ils présentent de bons résultats mais des études supplémentaires à long terme sont nécessaires pour conclure avec plus de certitude sur ce sujet.
Ceramic abutments have been created to meet the patients and dentists esthetical expectations. In fact, when titanium abutments are used, greyish mucosal zone may occur. For 20 years, ceramic abutments have been daily used by clinicians. Nowadays, they are largely available through the computer-aided design/computer-aided manufacturing (CAD/CAM) technology. This review paper describes the scientific published data of the ten last years. The results are presented through 5 items: physical, biological, mechanical, esthetical and technical properties. Zirconia abutments have showed very good biocompatibility. No degradation products have been noticed in the selected articles. Studies point out no differences between mechanical strength of zirconia and titanium abutments. Also, there are less dyscolorations with zirconia abutments. To conclude, zirconia abutments show satisfactory clinical performance, but we need more long term, randomized clinical trials to establish evidence-based recommandations.
Avec un recul de plus de 40 ans, la thérapeutique implantaire est devenue une technique fiable, reproductible et prédictible. Outre qu'il redonne une fonction au patient, le traitement implantaire doit dorénavant satisfaire les exigences esthétiques grandissantes du patient et du praticien.
Le secteur esthétique correspond à toute zone de l'arcade dentaire visible lors d'un sourire large du patient. La restauration dans ce secteur demeure un défi pour le clinicien. C'est l'un des scénarios les plus difficiles à gérer car la moindre dysharmonie sera visible par le patient et ses proches.
Le champ du sourire est très variable entre les patients et peut atteindre la première molaire maxillaire dans 75 % des cas (Van der Geld et al., 2008). Les restaurations esthétiques implantaires ne doivent donc pas se limiter au secteur incisivo-canin maxillaire mais englober l'ensemble des dents visibles lors du sourire.
Trois éléments supra-implantaires – le col implantaire, le pilier et la couronne – participent en partie au résultat esthétique. Le pilier implantaire est une pièce charnière puisqu'il doit également répondre à un cahier des charges strict : biocompatibilité, fiabilité mécanique (tenue, résistance, intimité de contact entre les surfaces connectées), compensation d'axe, profil d'émergence optimal et durabilité. Actuellement, deux types de piliers sont disponibles sur le marché : les piliers en alliage de titane et les piliers en zircone.
Le titane et ses alliages font partie des métaux les plus biocompatibles (avec l'or et le platine) car ils présentent peu de phénomènes de corrosion en présence des fluides physiologiques. En présence d'air, il se produit une oxydation spontanée qui forme une couche de passivation vis-à-vis de l'environnement. Le titane est un matériau léger : il permet d'obtenir des pièces deux fois plus légères que des pièces équivalentes en chrome-cobalt. En revanche, cette faible masse volumique induit des difficultés techniques lors de la coulée de ce métal. L'émergence des techniques d'usinage par CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) a permis de contourner cette difficulté puisqu'il n'est plus nécessaire de couler la pièce en titane. En raison de ses hautes qualités de biocompatibilité et de résistance et grâce au recul clinique dont on dispose, le titane est largement présenté dans la littérature scientifique comme matériau référence.
Les premiers piliers implantaires en céramique étaient en alumine. Malgré une excellente biocompatibilité et une esthétique améliorée, ils présentaient une faible résistance à la fracture. Par rapport à la zircone, l'alumine présente une ténacité et une résistance à la flexion 4 fois moins importantes. C'est en 1996, lors du symposium international de Munich, que la zircone a été considérée comme apte à répondre à l'ensemble du cahier des charges des restaurations en dentisterie (Kappert, 1996). L'oxyde de zirconium (ZrO2) est chimiquement un oxyde et techniquement un matériau en céramique (Lughi et Sergo, 2010). La zircone pure présente le phénomène d'allotropie, ce qui veut dire qu'avec une même composition chimique, son arrangement atomique peut être différent (Lughi et Sergo, 2010). Elle peut ainsi cristalliser sous trois formes principales (Lawson, 1995) en fonction de la température : monoclinique, notée « m » (stable à température ambiante jusqu'à 1 170 oC), quadratique ou tétragonale, notée « t » (de 1 170 à 2 370 oC), et cubique, notée « c » (de 2 370 à 2 680 oC).
Lors du frittage de la zircone, la majorité de son réseau cristallin passe de la phase monoclinique à la phase tétragonale aux alentours de 1 500 oC. Lors du refroidissement, une transformation, cette fois-ci de l'état tétragonal à l'état monoclinique (transformation t → m), intervient vers 970 oC. Cette transformation est associée à une expansion de volume de l'ordre de 3 à 4 % (Piconi et Maccauro, 1999). Plusieurs équipes (Garvie et al., 1975 ; Manicone et al., 2007) ont observé la présence de précipités métastables tétragonaux finement dispersés dans la matrice cubique à température ambiante. Ces précipités sont capables d'être transformés en phase monoclinique en cas de contrainte extérieure. Lors de l'apparition d'une fissure dans le matériau, un ensemble de champs de stress se concentre à son extrémité. Au niveau de cette zone de contraintes, une transformation t → m caractérisée par une augmentation de volume des cristaux (environ 4 %) va alors contrer la progression de la fissure. On parle de « transformation durcissante ». La dureté du matériau est alors améliorée puisque l'énergie associée à la propagation de la fissure est dissipée.
La zircone possède aussi d'autres qualités intéressantes pour l'élaboration de piliers implantaires : solubilité dans l'eau quasi nulle (Kvam et Karlsson, 2013), extrême résistance à la corrosion (Lughi et Sergo, 2010), biocompatibilité (Gomes et Montero, 2011), absence d'électro-galvanisme (Uludag et al., 2008), bénéfice esthétique (Jung et al., 2008) et adhésion bactérienne faible (Scarano et al., 2004). La zircone se différencie du titane notamment par ses propriétés physiques et mécaniques (tableau 1).
La transformation t → m est irréversible. Le seul moyen de retrouver des précipités tétragonaux est de recristalliser la pièce en zircone aux alentours de 9 00-1 000 oC. En l'absence de cette recristallisation, on observe alors un vieillissement localisé du matériau avec la prédominance de cristaux en phase monoclinique.
Malgré la stabilisation par l'ajout d'oxydes tels que l'yttrium, il arrive que cette transformation t → m se fasse en l'absence de contraintes, en atmosphère humide et à température ambiante (Chevalier et al., 2009). Ce phénomène s'appelle la dégradation à basse température, ou low temperature degradation (LTD), et a été évoqué pour la première fois en 1981 (Kobayashi et al., 1981). Lentement, cette transformation spontanée va se propager par un processus de nucléation et de croissance. Ce processus se déclenche en général en surface puis progresse vers l'intérieur de la pièce. La transformation d'un grain t → m s'accompagne d'une augmentation de volume qui provoque un stress sur les grains avoisinants et des microfêlures. L'eau pénètre alors et amplifie ce phénomène qui s'étend de proche en proche (Kelly et Denry, 2008).
L'objectif principal de cette analyse de la littérature est de comparer les avantages et les inconvénients des piliers en titane et en zircone afin d'orienter le choix du praticien lors de restaurations implanto-portées où la notion d'esthétique est primordiale.
Une recherche électronique a été réalisée à partir de trois bases de données électroniques : PubMed, Cochrane Database et Google Scholar. Les mots clés sélectionnés étaient : « Dental » AND « Implant » AND « Abutment » AND « Zirconia » OR « Zirconium ».
Une recherche manuelle complémentaire a été réalisée à partir des références des articles et des revues scientifiques citées dans les références bibliographiques des études.
Les articles sélectionnés sont exclusivement de langue anglaise et ont été publiés au cours des dix dernières années. Ils concernent l'espèce humaine. Les types d'articles sélectionnés sont des « clinical trial », « controlled clinical trial », « meta-analysis », « multicenter study », « randomized controlled trial » (RCT, essai randomisé contrôlé), « review » et les « systematic review ».
Afin de donner le plus d'éléments cliniques et concrets sur les avantages ou inconvénients des piliers implantaires en zircone, un ensemble de critères d'exclusion a été défini : absence d'applications dentaires, études in vitro, études animales, cas cliniques, implants en zircone en une pièce (pas de pilier individualisé) ou deux pièces, absence d'informations sur le type de pilier utilisé, reconstruction prothétique/armature en zircone sans informations sur la nature du pilier et piliers en alumine.
Des 3 522 articles disponibles sur PubMed avec les mots clés définis, seuls 212 articles ont été publiés entre 2004 et 2015. Après examen des résumés ou de l'article complet, seuls 30 articles ont répondu à l'ensemble des critères d'inclusion et d'exclusion. La recherche manuelle à partir des différentes références bibliographiques a permis d'obtenir finalement 50 articles (fig. 1).
À partir des publications retenues, il a été décidé de répartir les informations récoltées selon 5 items afin de répondre à l'objectif principal de cette étude de façon globale : les propriétés physiques, les propriétés biologiques, les propriétés mécaniques, les propriétés esthétiques et les propriétés techniques.
La zircone et le titane sont deux éléments métalliques appartenant au groupe des métaux de transition. Ces métaux vont interagir avec leur environnement et sont soumis à des échanges ioniques, thermodynamiques et acido-basiques.
Aucune étude prospective n'évoque les propriétés physiques des piliers en zircone et titane. Quatre revues de la littérature scientifique (Velázquez-Cayón et al., 2012 ; Guess et al., 2012 ; Lughi et Sergo, 2010 ; Manicone et al., 2007) nous éclairent cependant sur ce sujet. Il est difficile de répondre de la toxicité ou de la dégradation des matériaux in vivo sans réaliser de mesures invasives délétères pour le patient. Dans l'idéal, il faudrait réaliser des biopsies autour des piliers pour quantifier les résidus métalliques présents. Or, cet acte pourrait s'avérer compromettant pour le succès du traitement implantaire.
Il est difficile de pouvoir déterminer la réelle incidence de la dégradation à basse température dans les échecs des piliers en zircone. Ces échecs sont en général multifactoriels et la discrimination d'une cause unique est quasiment impossible. Seules quelques études in vitro sont décrites dans la littérature médicale concernant la relation directe entre cette dégradation et la fiabilité des piliers (Ardlin, 2002 ; Alghazzawi et al., 2012 ; Kohorst et al., 2012). Aucune d'entre elles n'évoque de résultats négatifs de la dégradation à basse température sur la résistance de la zircone.
Depuis quelques années, certains auteurs s'interrogent sur la réelle biocompatibilité du titane. Dans leur étude, Olmedo et al. ont observé, dans les tissus mous péri-implantaires d'implants en situation d'échecs, des macrophages chargés de particules de métal, ce qui indique un processus de corrosion ; l'analyse par dispersion à rayons X a confirmé la présence de titane (Olmedo et al., 2008). Cependant, il est à noter qu'il existe plusieurs types de titane qui résistent plus ou moins à la corrosion.
Utilisé comme dispositif médical dentaire depuis 35 ans, le titane pourrait ainsi être à l'origine de relargage de produits de dégradations allergisants (Sicilia et al., 2008). Autre élément de réponse, aucun article n'évoque à ce jour l'allergie ou l'hypersensibilité à la zircone dans la base de données PubMed. Il faut néanmoins relativiser ces constatations par un plus faible recul clinique de l'utilisation des piliers zircone.
L'établissement et le maintien de la santé des tissus mous péri-implantaires sont primordiaux dans la pérennité du traitement implantaire (Abrahamsson et al., 1998). Le contact intime entre la muqueuse marginale et le pilier implantaire protège l'implant de l'environnement bactérien buccal (Van Brakel et al., 2011a). Cela crée une barrière biologique qui empêchera l'invasion bactérienne du tissu conjonctif sous-jacent et la création de récessions épithéliales. D'après Abrahamsson et al., le matériau du pilier implantaire est de prime importance pour la qualité de cette attache muqueuse (Abrahamsson et al., 1998).
Les conséquences biologiques du choix d'un pilier en zircone ou en titane ont été étudiées dans au moins 29 études depuis 10 ans, dont 8 de preuve scientifique, de niveau 1 selon l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) (Teughels et al., 2006 ; Linkevicius et Apse, 2008 ; Zembic et al., 2009, 2013 ; Sailer et al. 2009a, 2009b ; Nakamura et al., 2010 ; Bidra et Rungruanganunt 2013).
La composition et les caractéristiques de surface des piliers implantaires peuvent directement influencer l'adhésion et le maintien du biofilm (Nascimento et al., 2014). Cela peut compromettre le succès à long terme des traitements. Malgré la présence d'études prospectives de haut niveau, les piliers en zircone ne semblent pas montrer d'adhésion bactérienne moindre sur leur surface. Dans leur revue systématique, Nakamura et al. concluent que l'utilisation de la zircone réduirait l'adhésion bactérienne primaire (moins de 24 heures) par rapport au titane (Nakamura et al., 2010). Cette orientation peut s'expliquer par l'inclusion d'études in vitro et d'études animales. Or, les études in vitro montrent dans leur majorité une adhésion bactérienne moindre sur les échantillons en zircone (Rimondini et al., 2002 ; Scarano et al., 2004). De plus, la revue systématique de Nakamura et al. retenait les articles publiés avant juillet 2009, or les études prospectives sur ce sujet n'ont été publiées qu'à partir de 2009.
De très nombreux paramètres, comme la présence de gencive kératinisée, le niveau osseux et la topographie de surface des éléments implantaires transmuqueux peuvent influencer l'interface des tissus mous et durs et les récessions gingivales (Quirynen et al., 2005). Deux revues systématiques de haut niveau de preuve (niveau de preuve 1) évoquent ce sujet et sont assez contradictoires. Pour Sailer et al., les récessions sont plus fréquentes avec les piliers en céramique (Sailer et al., 2009b). Ils expliquent cela par le fait que les piliers en zircone sont en général positionnés dans les régions antérieures où la susceptibilité aux récessions est supérieure que dans les régions postérieures. Pour d'autres auteurs, les récessions sont majoritairement retrouvées dans les cas de piliers titane préfabriqués (Bidra et Rungruanganunt, 2013). Ces piliers entraînent un moins bon soutien des tissus mous. Les études prospectives inclues ne montrent pas de différence significative entre les piliers en zircone et en titane (Rompen et al., 2007 ; Sailer et al., 2009a ; van Brakel et al., 2011a ; Zembic et al., 2013). Il n'y a pas de preuve que les piliers en zircone soient plus iatrogènes que les piliers en titane pour les tissus mous péri-implantaires. La zircone est donc a priori indiquée pour les suprastructures implantaires en ce qui concerne leurs propriétés biologiques.
Nous avons vu précédemment que le champ du sourire peut atteindre les premières molaires. Les forces masticatrices sont très différentes entre les molaires et les incisives. Les piliers implantaires devront supporter ces différentes charges.
Pour aider le clinicien à répondre à cette problématique, la littérature scientifique propose au moins 22 articles de niveau de preuve assez variable : 7 articles de niveau 1 selon l'ANAES (Sailer et al., 2009a, 2009b ; Nakamura et al., 2010 ; Gracis et al., 2012 ; Zembic et al., 2009, 2013 ; Bidra et Rungruanganunt 2013), 6 de niveau 2 et 9 de niveau 4.
Les articles des dix dernières années examinant cette question sont au nombre de 5. Ils présentent tous de très hauts taux de survie des piliers implantaires, que ceux-ci soient en titane ou en zircone : de 96,3 % (Zembic et al., 2015) à 100 % dans les autres études (Sailer et al. 2009a, 2009b ; Zembic et al., 2009, 2013 ; Lops et al., 2013). Aucune différence significative n'est constatée entre les piliers en zircone et en titane en matière de taux de survie. Les premiers montrent des taux de survie supérieurs à 96,3 %, voire de 100 %, même dans les secteurs molaires.
Ces constatations sont confirmées par Sailer et al. dans leur revue systématique (Sailer et al., 2009b). Durant la mise en charge occlusale de la reconstruction implanto-portée tout céramique, la zone autour de la tête de la vis de pilier est celle qui concentre le plus de torque et de stress. Il a été démontré que cette zone cervicale était la région la plus critique pour la stabilité des piliers en céramique dans les études de laboratoire et in vivo (Yildirim et al., 2003). A contrario, avec les piliers métalliques, il se produit d'abord une déformation puis une fracture de la vis de pilier (Att et al., 2006).
Dans l'ensemble des études prospectives disponibles à ce jour dans la littérature scientifique, aucune fracture de pilier en zircone n'a été recensée, que ce soit dans la zone antérieure ou dans la région postérieure. Cependant, étant donné le faible nombre de piliers postérieurs étudiés, des études complémentaires sont nécessaires.
En 2004, les Suisses Belser, Buser et Higginbottom organisent une conférence de consensus sur l'esthétique en implantologie. Leurs conclusions sont que des restaurations optimales incluent des tissus péri-implantaires sains et des restaurations en harmonie avec les dents avoisinantes. Jung et al. précisent ces propos en ajoutant que le facteur crucial reste la couleur des tissus mous péri-implantaires, influencée par 2 paramètres principaux : l'épaisseur des tissus mous et le matériau du pilier (Jung et al., 2007).
Principal argument de vente des fabricants, le rendu esthétique des piliers en zircone est évoqué dans 23 articles de haut niveau de preuve scientifique, notamment 6 articles de niveau 1 selon l'ANAES (Sailer et al. 2009a, 2009b ; Zembic et al., 2009, 2013 ; Benic et al., 2012 ; Bidra et Rungruanganunt, 2013 ; Cosgarea et al., 2014 ; Linkevicius et Vaitelis, 2015).
Deux types de données sont largement rapportés dans ces articles : les différences de couleur et de luminosité de la gencive marginale et la satisfaction des praticiens ou des patients. Les restaurations prothétiques avec pilier en zircone et couronne tout céramique donnent les meilleurs résultats esthétiques en ce qui concerne l'apparence de la couronne (évaluation subjective des praticiens et des patients). Cependant, cette différence n'est pas statistiquement significative.
Le principal élément reproché aux piliers en titane est l'apparition, dans certains cas, d'un liseré grisâtre au niveau de la muqueuse péri-implantaire marginale. Pour évaluer l'esthétique des tissus mous, la plupart des études utilisent un outil de mesure objectif : le spectrophotomètre (Sailer et al., 2009a, 2009b ; Zembic et al., 2009 ; Bressan et al., 2011 ; Cosgarea et al., 2014). Cela permet de supprimer les variations interindividuelles et intra-individuelles des évaluations subjectives.
Les résultats de ces études sont communs : il n'y a pas de différence significative entre les piliers en titane et en zircone. Cependant, ils révèlent tous une tendance vers une moindre décoloration muqueuse avec les piliers zircone. Ils soulignent également que dans tous les cas, la muqueuse péri-implantaire est différente de la gencive marginale des dents naturelles controlatérales.
L'utilisation des piliers en zircone est indiquée dès que l'épaisseur de la muqueuse péri-implantaire est inférieure à 2 ou 3 mm afin d'amoindrir l'aspect grisâtre des tissus mous marginaux (Van Brakel et al., 2012).
L'essor des piliers en céramique en prothèse fixée supra-implantaire est la conséquence des améliorations des techniques de CFAO. Que les piliers soient préparés avec l'assistance de l'ordinateur ou par le prothésiste, certains impératifs sont à respecter.
Même si les études évoquant ce sujet sont nombreuses (22, dont 4 de niveau 1 selon les critères de l'ANAES) (Sailer et al., 2009b ; Zembic et al., 2009, 2013 ; Gracis et al., 2012), elles n'évoquent que brièvement les complications techniques.
La zircone est un matériau particulièrement dur. Elle est très sensible à la température et donc aux traitements de surface produisant de la chaleur (instruments rotatifs) (Yildirim et al., 2003). Il faut être prudent lors de son usinage et suivre des protocoles rigoureux.
Cette dureté présente un avantage. Dans leur étude in vitro, Seol et al. étudient l'effet de différents inserts ultrasoniques (métallique conventionnel, carbone et alliage de cuivre) sur différentes surfaces de matériaux (titane, or, chrome-cobalt, zircone et céramique cosmétique) (Seol et al., 2012). Ils concluent qu'aucun type d'insert n'a créé d'altérations de surface sur la zircone. Les autres types de matériaux ont été rayés, notamment par les inserts ultrasoniques métalliques.
Cette donnée est particulièrement intéressante d'un point de vue clinique. Lors des séances de maintenance ou lors du traitement de péri-implantites, le praticien pourra utiliser les inserts ultrasoniques sans craindre de rayer la surface du pilier implantaire en zircone. Or, il est préférable que la surface du pilier reste le plus lisse possible afin de limiter l'accumulation de plaque et l'inflammation.
Les piliers entièrement en zircone provoquent plus d'usure des cols implantaires que les piliers en titane. Pour remédier à ce problème, il est recommandé de préférer des piliers en zircone avec embase métallique (Zembic et al., 2013). Cela va dans le sens des réalisations de piliers par CFAO : les infrastructures en zircone sont usinées par la machine-outil puis sont collées sur les embases en titane préfabriquées.
Cette revue de la littérature scientifique a permis de faire le point sur l'intérêt des piliers implantaires en zircone dans le cadre de restaurations fixes implanto-portées où l'esthétique a un rôle prédominant. Elle comprenait de nombreuses études de haut niveau de preuve : 11 de niveau 1 selon l'ANAES et 18 de niveau (tableau 2). Mais il faut néanmoins remarquer que parmi ces études, un certain nombre d'entre elles sont en fait la suite d'une étude princeps (Zembic et al., 2009 ; Sailer et al., 2009a ; Hosseini et al., 2013 ; Nothdurft et al., 2014). Cela restreint le nombre d'études réellement originales concernant les piliers implantaires en zircone. Deux études de niveau 1 et une étude de niveau 2 selon l'ANAES ont une durée de suivi considérée de « long terme » (Zembic et al., 2013, 2015 ; Lops et al., 2013). Elles concluent toutes les trois sur un taux de survie des piliers implantaires en zircone comparable à celui des piliers en titane. En y regardant de plus près, on constate cependant que les échantillons sélectionnés sont relativement faibles : 31 pour l'étude de Zembic et al. de 2015, 37 pour celle Lops et al. et 20 pour celle de Zembic et al. de 2013.
De plus, il n'y a pas de standardisation dans la mesure des différents paramètres étudiés. Cette hétérogénéité est particulièrement flagrante dans l'étude des propriétés esthétiques, ce qui ne permet pas de conclure de façon précise sur ces problématiques. Aucune des études inclues n'évoque le contexte occlusal des restaurations implanto-portées. Cette information est particulièrement importante dans l'analyse de la survie des prothèses implanto-portées. Il est important de connaître deux informations : le type de dent antagoniste (naturelle, implanto-portée ou supportée par une prothèse amovible) et les contacts lors les mouvements d'entrée et de sortie des cycles masticatoires car les forces subies seront alors très différentes et influenceront fortement la pérennité de la prothèse implanto-portée.
Les piliers implantaires en zircone montrent pour l'instant de très bons résultats en termes de biocompatibilité et de comportements biologique, mécanique et esthétique. La plupart des études ne montrent pas de différence significative entre le comportement des piliers en zircone et celui des piliers en titane. Certaines études montrent même de très bons taux de survie des piliers en zircone dans les secteurs prémolaire et molaire. Des études supplémentaires sont cependant nécessaires pour conclure avec plus de certitude sur leur utilisation dans les secteurs antérieurs mais aussi latéraux.