Revue scientifique internationale
Responsable : Yves REINGEWIRTZ
A. Al Subaie, E. Emami, I. Tamimi, M. Laurenti, H. Eimar, M.N. Abdallah, F. Tamini
Journal of Clinical Periodontology 2016;43:193-203.
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont des...
A. Al Subaie, E. Emami, I. Tamimi, M. Laurenti, H. Eimar, M.N. Abdallah, F. Tamini
Journal of Clinical Periodontology 2016;43:193-203.
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont des médicaments régulièrement prescrits afin de limiter l'acidité gastrique qui survient notamment lors de la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens. Or,en réduisant l'absorption de calcium au niveau duodénal, ils participent au retard de la cicatrisation osseuse et augmentent les risques de fracture osseuse. Les auteurs de cette étude ont cherché à mettre en évidence les effets de la prise postopératoire d'oméprazole sur la cicatrisation osseuse et l'intégration osseuse des implants placés dans le tibia de rat.
Un implant en titane a été placé dans les tibias gauches de 24 rats Sprague-Dawley et des défauts osseux ont été créés dans leurs tibias droits. Douze rats ont été traités en postopératoire avec de l'oméprazole (5 mg/kg/j), le groupe témoin recevant une solution saline.
Les évaluations du défaut cortical et du pourcentage de nouvel os formé dans le défaut, pour les groupes test et contrôle, étaient respectivement 2,75 contre 2,11 mm3 et 28,62 contre 45,89 mm3. Le rapport volume osseux/volume des tissus péri-implantaires et le pourcentage de contact os-implant étaient respectivement de 14,4 % contre 30,8 % et de 23,3 % contre 41,8 %.
Une prise systémique d'oméprazole diminue la cicatrisation osseuse et l'ostéo-intégration des implants.
Les auteurs de cette étude rappellent que les IPP sont de prescription courante (plus de 113 millions de prescriptions) et même libres à la vente aux États-Unis. Ils sont utilisés par 1 Néerlandais sur 4 et sont le troisième médicament le plus prescrit en Australie. Autant de raisons réunies pour comprendre pourquoi la prise postopératoire d'oméprazole, qui réduit le pourcentage de contact os-implant (PCOI) chez le rat, peut représenter une épée de Damoclès chez tout patient recevant un implant et suivant un traitement par IPP. Cette étude ouvre un vaste champ de recherche : le traitement par IPP provoquerait-il les mêmes effets sur l'ostéo-intégration chez l'homme ? S'il était commencé en préopératoire, entraînerait-il également une réduction de moitié du PCOI, ou davantage ? Y a-t-il un effet dose dépendant ? En tout état de cause et en l'absence de réponses à ces questions, il convient d'adopter une extrême prudence avant d'associer les IPP à nos prescriptions postopératoires.
L. Rydén, K. Buhlin, E. Ekstrand, U. de Faire, A. Gustafsson, J. Holmer, B. Kjellström, B. Lindahl, A. Norhammar, Å. Nygren, P. Näsman, N. Rathnayake, E. Svenungsson, B. Klinge
Circulation 2016;133:576-583.
Bien que de nombreuses publications et recommandations mettent en avant un lien entre état parodontal et maladies cardio-vasculaires, un certain flou persiste quant à la nature biologique de cette relation, notamment du fait de la présence de nombreux facteurs de risque communs. L'objectif de cette étude est d'évaluer le risque d'infarctus du myocarde chez les patients présentant une atteinte parodontale.
L'état parodontal, évalué sur examen radiographique, d'un groupe de patients ayant eu un premier infarctus (n = 805) a été comparé à celui d'un groupe contrôle (n = 805) en prenant en compte un nombre important de facteurs confondants (100).
Les patients du groupe infarctus ont présenté de manière plus importante une parodontite que ceux du groupe contrôle (43 % contre 33 %). Après ajustement avec différents facteurs de risque confondants tels que le tabac, le diabète, le niveau d'éducation ou encore le statut marital, il apparaît que les patients avec parodontite modérée à sévère présentent un risque plus important d'infarctus du myocarde que les autres (OR = 1,28).
Cette étude met en évidence un lien potentiel entre parodontite et survenue d'un infarctus du myocarde en se fondant sur un échantillon de population important et avec une prise en compte détaillée des facteurs de risque potentiels. Cependant, une des principales critiques repose non seulement sur la conception même de cette étude, à savoir son côté transversal à un temps d'analyse unique, mais également sur les outils, uniquement radiologiques, utilisés pour définir le statut parodontal des patients. Il est évident que, dans cette thématique de l'analyse des liens paro-systémiques, la valeur des résultats obtenus dans des études longitudinales est bien plus importante. Point positif, les auteurs de cette étude ont également en cours le suivi de ces mêmes patients. Concernant les moyens diagnostiques, on peut regretter l'absence de données relatives à l'état inflammatoire du parodonte, l'inflammation étant une des hypothèses pouvant lier les deux pathologies.
N. Agrawal, D. Kundu, K. Agrawal, A. Singhal
American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics 2016;149:325-330.
Les auteurs de l'étude ont voulu connaître les effets parodontaux sur les canines et les premières molaires bordant les sites d'extraction d'un traitement orthodontique en technique multi-attaches.
Une étude prospective incluant 62 patients sains sur le plan dentaire et âgés de 11 à 22 ans a été réalisée. Pour l'ensemble des patients, le plan de traitement indiquait l'extraction des quatre premières prémolaires. L'étude a été décomposée en deux phases entre mai 2010 et mai 2014 : la première partie a consisté à enseigner les techniques d'hygiène bucco-dentaire (2 semaines), la seconde correspondait au traitement orthodontique actif (de 14 à 22 mois). Un dentiste a relevé l'indice de plaque, l'indice gingival, la profondeur des poches et la perte d'attache à T0, T1 (1 mois) puis tous les 3 mois (de T2 à T5) en regard des sites des canines et des premières molaires.
Une aggravation significative de l'ensemble des valeurs mesurées sur le site des molaires a été relevée, ainsi qu'une augmentation significative de la perte d'attache en regard des canines et des molaires.
La perte d'attache ne peut pas être attribuée aux seuls effets délétères d'une hygiène défectueuse lors d'un traitement orthodontique. Il faut prendre en compte également les conditions anatomiques osseuses des dents bordant les sites d'extraction, les mouvements dentaires à l'origine des fermetures de ces espaces ainsi que les possibles traumatismes occlusaux lors du déplacement des dents.
Cet article montre une fois de plus qu'un traitement orthodontique n'est pas anodin en termes d'effets secondaires sur le parodonte. Malgré un enseignement spécifique des techniques d'hygiène, la reproductibilité n'est pas toujours acquise chez certains patients qui ont du mal à se brosser les dents. Il faut simplifier au maximum les appareils, réduire les durées de traitement et éviter le plus possible les extractions génératrices d'importants mouvements dentaires lors des fermetures d'espace. Il faut privilégier l'expansion suturale orthopédique chez le jeune enfant (7-9 ans) afin de créer de la place pour la mise en place des dents permanentes et, ainsi, faciliter le traitement orthodontique chez l'adolescent. On évite de la sorte de nombreuses extractions et, par la même occasion, on réduit le temps de travail en déplaçant moins les dents : les effets secondaires sont limités et le traitement devient plus physiologique. Il faut savoir que ces constatations parodontales ne seront souvent perçues que bien plus tard, à l'âge adulte, sans qu'un lien direct ne soit systématiquement établi avec un traitement orthodontique réalisé à l'adolescence.
T. Ikawa, T. Akizuki, T. Matsuura, S. Hoshi, S.A. Ammar, A. Kinoshita, S. Oda, Y. Izumi
Journal of Periodontology 2016;87:175-183.
La réduction du volume de crête alvéolaire est la conséquence directe de l'extraction dentaire. Des blocs de phosphate tricalcique b (b-TCP) en tunnel ont été préparés à partir de céramiques de b-TCP en forme de tunnel organisées de manière aléatoire. L'efficacité de ces blocs a été comparée à l'extraction seule avec déficience osseuse vestibulaire.
Les premières prémolaires de 6 chiens beagle ont été extraites après avoir éliminé l'os vestibulaire et des défauts de 4 × 4 × 5 mm (distance mésio-distale × distance vestibulo-palatine × profondeur) ont été créés. Les alvéoles d'extraction ont été immédiatement comblées avec le phosphate tricalcique b en tunnel en bloc dans les sites test. Deux mois après l'intervention, les évaluations histologiques et histométriques ont été réalisées à 1 mm (coronaire), 3 mm (médian) et 5 mm (apical) du sommet de la crête osseuse.
Les coupes histologiques réalisées au niveau coronaire et au milieu de la crête alvéolaire montraient une largeur significativement plus importante pour le groupe greffé (3,2 ± 0,5 mm et 3,6 ± 0,4 mm respectivement) que pour le groupe contrôle (1,2 ± 0,3 mm et 2,0 ± 0,6 mm respectivement). À l'inverse, le tissu conjonctif et l'os médullaire étaient significativement plus importants au niveau du groupe contrôle (38,1 ± 6,2 % et 16,0 ± 6,9 % respectivement) qu'à celui du groupe test (10,7 ± 5,7 % et 4,1 ± 2,2 % respectivement). Enfin, il n'y avait pas de différence de comptage pour les cellules multicellulaires (ostéoclastes).
Le phosphate tricalcique b en tunnel est un matériau de greffe efficace pour la préservation de crête au niveau d'extractions fraîches avec perte de la corticale vestibulaire.
Le protocole expérimental suivi, comparant le matériau de greffe proposé à un témoin non greffé sur le chien, pose le problème de sa validité quand il s'agit de transposer ces résultats en clinique courante (modèle expérimental du chien, défaut expérimental, histologie à 2 mois). Reste donc à comparer, dans ce protocole, le matériau à d'autres disponibles avant d'observer son comportement dans nos propres interventions. De plus, il serait intéressant de calculer le défaut en proportion de volume perdu en plus des valeurs histométriques.
A.O. Parashis, C.E. Hawley, P.C. Stark, R. Ganguly, J.B. Hanley, B. Steffensen
Journal of Periodontology 2016;87:416-425.
Les extractions dentaires sont suivies par d'importantes modifications dimensionnelles de la crête alvéolaire avant la pose d'implants. Cette étude randomisée, contrôlée et prospective compare les modifications dimensionnelles des tissus durs et des tissus mous après mise en œuvre de techniques de préservation de crête comprenant la pose d'un greffon allogénique lyophilisé (DFDBA) recouvert par deux types de membranes : soit une matrice collagénique (MC) soit une matrice extracellulaire (MEC).
Les mesures radiographiques standardisées ont été obtenues par cone beam au moyen d'un guide radio-opaque personnalisé avant l'intervention et 4 mois après. La chirurgie a été réalisée avec une incision intrasulculaire, un lambeau minimal et un repositionnement du lambeau dans la situation initiale.
Après cicatrisation, dans le groupe MC, 11/12 patients et, dans le groupe MEC, 12/13 patients ont montré un accroissement de l'épaisseur de la gencive de 0,1 à 0,2 mm avec une réduction de 0,5 mm de la largeur de la gencive kératinisée. La réduction de la largeur de crête était plus prononcée au niveau coronaire (1,8 mm pour le groupe MC et 2,0 mm pour le groupe MEC). La fonte verticale était plus prononcée du côté vestibulaire sans montrer de différence entre les deux groupes. En revanche, une corrélation a été observée entre l'épaisseur de l'os cortical vestibulaire et la perte de d'épaisseur gingivale.
L'utilisation de l'une ou de l'autre membrane obturatrice n'a pas induit de différence notable. En revanche, la présence d'une corticale osseuse vestibulaire épaisse est un facteur important pour le maintien de la bande de gencive kératinisée.
Cette étude met en évidence l'importance de l'épaisseur de la corticale vestibulaire pour le maintien dimensionnel des tissus péri-implantaires. Il est alors permis de penser que cette épaisseur devient essentielle dans la décision d'extraction-implantation immédiate. Il aurait été intéressant d'adjoindre un groupe sans membrane, voire sans greffon, pour établir dans ce contexte particulier l'importance de la greffe et de sa membrane.
F. Suarez-Lopez Del Amo, G.H. Lin, A. Monje, P. Galindo-MorenoP, H.L. Wang
Journal of Periodontology 2016;87:690-699.
Ces dernières années, plusieurs facteurs ont été étudiés et attribués au remodelage osseux précoce péri-implantaire. Cette étude a pour but d'étudier l'influence de l'épaisseur des tissus mous sur ce remodelage ainsi que de la perte osseuse péri-implantaire qui peut en découler.
Les bases de données étudiées ont été MedLine, EMBASE, Cochrane Oral Health Group Trials Register, et ce pour des articles rédigés en anglais et publiés jusqu'en mai 2015. Une recherche manuelle des articles parus dans les principaux journaux de parodontologie de janvier 2014 à mai 2015 est venue compléter la recherche électronique.
Les articles retenus devaient inclure les critères suivants :
• études humaines prospectives ou études contrôlées randomisées (RCT) incluant au moins 10 implants avec un minimum de 12 mois de suivi ;
• implants à surface rugueuse uniquement ;
• évaluation de l'épaisseur des tissus mous au moment de la pose d'implants directement au centre de la crête alvéolaire ;
• évaluation de la perte osseuse radiologiquement à 12 mois postopératoires.
Pour évaluer et limiter les biais, plusieurs analyses statistiques ont été réalisées afin de prendre en compte les facteurs confondants de la perte osseuse péri-implantaire. Les analyses ont suivi le schéma PRISMA et la qualité des études contrôlées randomisées a été évaluée selon les critères modifiés du Cochrane handbook for systematic reviews of interventions.
Après une revue critique, 8 études ont été identifiées par la recherche bibliographique et 5 d'entre elles ont été incluses dans la méta-analyse. Quatre études ont défini la limite entre tissu mou péri-implantaire fin et épais à 2 mm et une l'a définie à 3 mm. La méta-analyse a montré une différence de perte osseuse moins importante de – 0,8 mm (IC 95 % = de – 1,18 à – 0,42 mm ; p < 0,000 1) dans le groupe avec un tissu mou péri-implantaire plus épais. De plus, les facteurs confondants étudiés (design de la connectique, restauration scellée/vissée, technique chirurgicale ouverte/sans lambeau) n'ont pas montré d'influence sur les résultats quel qu'ait été le groupe analysé.
Cette revue systématique et la méta-analyse montrent que les implants posés dans un environnement péri-implantaire sain avec des tissus mous « épais » présentent moins de perte osseuse précoce que les autres. De ce fait, l'évaluation de l'épaisseur des tissus mous est fortement recommandée le jour de la pose implantaire. De plus, en présence d'un biotype fin, l'apport de la chirurgie muco-gingivale permet de minimiser la perte osseuse précoce péri-implantaire.
La préservation du niveau osseux crestal reste un des objectifs majeurs en implantologie. Il est important de mettre tous les moyens en œuvre pour limiter le remodelage osseux qui démarre juste après la pose d'un implant et, ainsi, pour diminuer le risque d'une péri-implantite. Cette revue est très intéressante car elle met en lumière encore une fois l'importance des tissus mous péri-implantaires et, ici plus particulièrement, la nécessité d'une épaisseur d'au moins 2 mm de tissu mou. L'évaluation des tissus mous en préchirurgical et per-chirurgie implantaire est indispensable afin de programmer si nécessaire une chirurgie muco-gingivale dans le même temps opératoire, lors du second temps chirurgical implantaire ou après la mise en charge, le gold standard étant la greffe gingivale autogène sous forme de greffe conjonctive enfouie ou de greffe épithélio-conjonctive, le choix dépendant de la situation clinique.