Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/04/2016

 

Article

Romain PIRES 1 / Sarah DUBOURG 2 / Sophie BAHI-GROSS 3  

1- AHU et ancien interne
Faculté de chirurgie dentaire de Clermont-Ferrand2- AHU
Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg3- MCU-PH
Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg

Résumé

Résumé

L'arrivée des NACO (nouveaux anticoagulants oraux), composés du dabigatran étexilate, du rivaroxaban et de l'apixaban, suscite des réserves quant aux risques hémorragiques susceptibles de survenir au décours d'une chirurgie orale. En 2012, les NACO représentaient 57 % des prescriptions en première intention pour les pathologies rentrant dans leur autorisation de mise sur le marché. Ces molécules à pharmacocinétique rapide sont difficiles à surveiller par les tests biologiques classiques et il n'existe à ce jour aucun antagoniste spécifique. Les tests préliminaires ne montrent pas de risque hémorragique spontané supérieur à celui des autres molécules existantes. Cependant, le risque peropératoire et postchirurgical n'a pas été étudié. Différents groupes européens ont alors établi des protocoles de prise en charge en fonction de la nature de l'acte à réaliser. Avec et sans arrêt du NACO, ces protocoles prennent en compte le risque thrombotique.

Summary

Abstract

The arrival of NOACs (new oral anticoagulants) on the market, (including dabigatran etexilate, rivaroxaban and apixaban), leads to questions regarding risk of bleeding on oral surgery. In 2012, the NOACs represented 57 % of first prescriptions for the pathologies listed as having full market approval. These molecules with fast pharmacokinetic effects are difficult to monitor using conventional biological tests and do not have a specific antagonist. Preliminary tests prior to full market approval did not show an increased risk of spontaneous bleeding compared to other existing molecules. However, the per- and post-operative risks were not studied. Different European groups have established management protocols depending on the type of act to be performed. These protocols take into account the thrombotic risk, whether or not they recommend stopping the treatment.

Key words

Clinical protocol, hemorrhage, anticoagulants.

Introduction

La gestion des patients à risque hémorragique fait partie de la pratique quotidienne du clinicien dès lors qu'un acte chirurgical est commencé. Au cours de l'année 2012, la prescription des nouveaux anticoagulants oraux (NACO) représentait 57 % des prescriptions en première intention pour les pathologies entrant dans son autorisation de mise sur le marché (Syndicat des jeunes biologistes médicaux, 2013). La plupart du temps, ces molécules sont proposées en remplacement des antivitamines K (ANSM, 2013). L'arrivée rapide de ces molécules dans l'arsenal thérapeutique de cardiologie et de chirurgie thoracique, associée à leur risque potentiel d'augmentation du risque hémorragique, amène à faire le point sur les connaissances concernant les NACO et la pratique dentaire.

Spécificités des NACO

Différentes molécules

Le dabigatran étexilate est une prodrogue commercialisée sous l'appellation Pradaxa®. C'est un inhibiteur direct de la thrombine (facteur II) liée et libre. Il agit donc sur toutes les voies de la coagulation (Adcock et al., 2013). Ses données pharmacologiques sont résumées dans le tableau 1 (Sié, 2007). Son action est rapide ainsi que son élimination qui est principalement rénale, impliquant des précautions d'emploi spécifiques en cas d'insuffisance rénale (Stangier et al., 2007 ; Bio 67, 2013). Il est indiqué dans la prévention primaire des événements thromboemboliques veineux chez l'adulte ayant bénéficié d'une chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou du genou ; la seconde indication se justifie dans la prévention de l'accident vasculaire cérébral et de l'embolie systémique chez le patient adulte présentant une fibrillation atriale non valvulaire associée à un ou plusieurs facteurs de risque.

Le rivaroxaban est lui un anti-facteur Xa direct et sélectif, commercialisé sous le nom Xarelto®. Son action sur le facteur Xa permet d'agir sur toute la cascade de la coagulation via les mécanismes de rétrocontrôle de la coagulation. Il diminue proportionnellement la quantité de thrombine (Drouet, 2008). Ses données pharmacologiques sont exposées dans le tableau 1. Son mécanisme d'action et son élimination sont rapides (Bellamy, 2010 ; DeWald et Becker, 2014). Il est indiqué dans la prévention de l'accident vasculaire cérébral et des embolies systémiques chez l'adulte atteint de fibrillation atriale non valvulaire et présentant un ou plusieurs facteurs de risque (insuffisance cardiaque congestive, hypertension artérielle, âge supérieur ou égal à 75 ans, diabète, antécédent d'accident vasculaire cérébral ou d'accident ischémique transitoire), dans le traitement des thromboses veineuses profondes et des embolies pulmonaires et pour la prévention des récidives sous forme de thrombose veineuse profonde et d'embolie pulmonaire chez l'adulte.

Enfin, l'apixaban est un inhibiteur direct du facteur Xa de la coagulation. Son nom commercial est Eliquis®. Il inhibe l'activité du facteur Xa lié et libre ainsi que la prothrombinase. Ses données pharmacologiques sont résumées dans le tableau 1 (DeWald et Becker, 2014 ; Gong et Kim, 2013). Il est indiqué dans la prévention des événements thromboemboliques veineux chez l'adulte ayant bénéficié d'une chirurgie programmée pour une prothèse totale de hanche ou une prothèse du genou, pour la prévention de l'accident vasculaire cérébral et de l'embolie systémique chez l'adulte atteint de fibrillation atriale non valvulaire et présentant un ou plusieurs facteurs de risque.

Il est à noter que les recommandations préconisent de prescrire les NACO en seconde intention après échec d'un traitement par antivitamines K (ANSM, 2013).

Tests biologiques

De manière générale, les tests biologiques de routine ne permettent pas de doser ces trois molécules. Étant donné que pour leur prescription il n'est pas nécessaire de passer par une période d'équilibration, leur autorisation de mise sur le marché a été accordée malgré ce bémol. Avec l'INR (international normalized ratio), le seuil de 1 à 1,5 qui, pour les antivitamines K, indique une zone de sécurité hémorragique, correspond à une concentration en surdosage en dabigatran étexilate (Sié et al., 2012). Il n'est donc pas approprié. Certains tests sont trop peu sensibles ou encore seulement qualitatifs. Les références de ces tests sont présentées dans le tableau 2.

Il existe cependant des tests spécifiques de dosage pour chacune des trois molécules. Pour le dabigatran étexilate, le temps de thrombine modifié, exprimé en fonction de la concentration de dabigatran étexilate, permet de connaître la concentration du produit. Pour le rivaroxaban et l'apixaban, le test chromogénique anti-Xa, calibré en fonction de l'expression de la molécule dosée, permet le dosage d'une large gamme de concentrations avec une haute sensibilité (Salmela et al., 2012 ; Alquwaizani et al., 2013 ; Kawabata et al., 2013 ; Kazmi et Lwaleed, 2011 ; Sié et al., 2012).

Il est primordial de connaître l'heure de la dernière prise de la molécule ainsi que sa pharmacocinétique afin d'apprécier les tests biologiques, notamment en fonction du pic plasmatique.

Agents de réversion

Il n'existe, actuellement, aucun agent spécifique de réversion pour chacune de ces trois molécules. Le concentré en complexe prothrombinique et le facteur VII recombinant sont des pistes de recherche sur un éventuel antidote. L'épuration rénale ou extracorporelle semble être actuellement la seule solution pour diminuer un surdosage (Sié et al., 2012).

Contraintes de la prise en charge des patients sous NACO en chirurgie orale

Risque hémorragique

Le tableau 3 répertorie les données épidémiologiques des événements hémorragiques survenues avec les NACO (Connolly et al., 2009, 2013 ; Schulman et al., 2013 ; Cohen et al., 2013 ; Mega et al., 2012 ; Granger et al., 2011 ; Patel et al., 2011 ; The EINSTEIN-PE Investigators, 2012 ; Landman et Gan, 2011 ; Eriksson et al., 2008). Les risques relatifs indiquent que ces molécules n'entraînent pas un risque hémorragique plus important que la warfarine ou l'énoxaparine. Cependant, ces études sont faites, d'une part, sur des patients sélectionnés qui ne reflètent pas la population générale et, d'autre part, elles relèvent les événements hémorragiques spontanés et non pas les hémorragies post-chirurgicales. En réalité, à risque hémorragique équivalent, une hémorragie qui survient sous NACO est plus difficile à endiguer qu'une qui survient sous un autre anticoagulant du fait de l'absence actuelle d'antidote.

Surveillance biologique

Certes, la nécessité d'une surveillance biologique n'est pas justifiée pour la mise en place de ces traitements anticoagulants, mais qu'en est-il en préopératoire ?

Le dabigatran est sensible à la fonction rénale, étant donné que son élimination est effectuée à 80 % par cette voie. Ainsi, une insuffisance rénale avérée ou un contexte physiologique de réduction de la fonction rénale (âge, poids) peut entraîner un surdosage de la molécule. De plus, le suivi du traitement par le patient n'est objectivable que par un test biologique.

À l'instar de la surveillance préopératoire des patients sous antivitamines K par l'INR, les NACO nécessitent donc une surveillance préopératoire pour apprécier le risque hémorragique peropératoire et postopératoire. Les nombreux rapports de cas sur des hémorragies spontanées doivent mettre le praticien en garde sur le risque durant une chirurgie qui sera a priori plus important qu'avec un autre anticoagulant.

Nous avons vu précédemment que les tests appropriés et les plus précis pour évaluer ces NACO sont le temps de thrombine modifié pour le dabigatran et la recherche du facteur anti-Xa exprimé en fonction de la molécule dosée pour le rivaroxaban et l'apixaban. La difficulté rencontrée avec ces tests est leur diffusion très limitée dans les laboratoires. La recherche des laboratoires qui en sont équipés afin de transmettre cette information aux patients pour leur éviter une recherche compliquée devrait être dès lors envisagée.

Thérapeutique d'urgence

Les NACO ne présentent pas d'agent de réversion spécifique actuellement. Certaines pistes sont explorées mais restent expérimentales. Cependant, des suggestions d'utilisation d'agents non spécifiques ont été émises et, plus précisément, le concentré de complexe prothrombinique (CCP) activé et non activé ainsi que le facteur VII humain recombinant (Godier et al., 2012 ; Van Ryn et al., 2010).

Des études in vitro ont été menées sur ces agents non spécifiques et leur efficacité sur des lapins sous NACO. Les résultats ont montré un effet réel mais insuffisant pour que ces molécules seules soient efficaces en cas d'hémorragie (Sié et al., 2012) ; actuellement, il n'existe donc aucun arsenal thérapeutique d'urgence spécifique ou suffisamment efficace pour faire face aux cas hémorragiques sévères. Le délai pour que les pistes sur lesquelles la recherche se penche débouchent sur une solution viable est incertain et reste malgré tout trop long, les molécules étant déjà mises sur le marché et activement utilisées.

Risque thrombotique lors de l'arrêt

L'arrêt provisoire d'un traitement avec des NACO diminue l'hypocoagulation du sujet et provoque un risque thrombotique. Ce risque doit être estimé pour évaluer la nécessité d'un relais héparinique pour limiter le risque thrombotique par rapport au risque hémorragique (Sié et al., 2012).

Un âge supérieur à 75 ans est un facteur de risque thrombotique qui peut nécessiter un passage par un relais héparinique sur un arrêt prolongé des NACO quand il est associé à d'autres facteurs de risque. Cela s'explique par un ensemble de facteurs tels les risques cardio-vasculaires, la sédentarité, la baisse d'activité physique et le diabète non insulinodépendant qui s'aggravent à cet âge. L'immobilisation du sujet est aussi un facteur de risque thrombotique qui nécessite un relais héparinique (Montalescot et al., 2000).

Dans un cadre de population moins restreinte, d'autres facteurs de risque justifient le relais héparinique. Il s'agit d'un antécédent récent (inférieur à 3 mois) de thrombose veineuse proximale avec ou sans embolie pulmonaire, d'une maladie thromboembolique veineuse récidivante idiopathique, d'une fibrillation auriculaire à haut risque du fait d'un antécédent cardio-embolique.

Il est préconisé d'utiliser une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou, si celle-ci est contre-indiquée, une héparine non fractionnée (Heidbuchel et al., 2013). Dans tous les cas, une collaboration étroite avec le cardiologue prescripteur est primordiale afin que ce dernier estime le besoin de ce relais héparinique et renseigne le clinicien sur le suivi et les antécédents du patient.

Protocole de prise en charge des patients sous NACO

Classification des risques hémorragiques

Le protocole de prise en charge est établi sur les critères de la classification des actes hémorragiques mise au point lors des recommandations pour les antivitamines K (Société francophone de médecine buccale et chirurgie buccale, 2006).

Les actes sont ainsi classés en actes non hémorragiques, en actes à risque hémorragique modéré et en actes à haut risque hémorragique. Les actes sont référencés dans le tableau 4.

Prises en charge planifiées

Dans le cadre d'actes chirurgicaux programmés, trois types de protocoles peuvent être envisagés : sans arrêt du traitement, avec un arrêt dit court et avec un arrêt dit prolongé (fig. 1).

Protocole sans arrêt du traitement

Ce protocole inclut les actes sans risque hémorragique et à risque hémorragique modéré. L'European Heart Rhythm Association (EHRA) considère que ces actes présentent un risque hémorragique beaucoup plus faible que le risque thrombotique. Ce protocole consiste essentiellement à gérer le moment de l'opération suivant la demi-vie de la molécule, à s'assurer d'une absence de surdosage, à prendre en considération la fonction rénale du sujet et à mettre en place une technique d'hémostase assurée du site chirurgical.

Pour limiter le risque lors des interventions chirurgicales même sans arrêt des NACO, il est nécessaire d'attendre une demi-vie d'élimination, soit environ 12 heures Concrètement, il faut programmer les actes en fin de journée. L'anesthésie locale doit être réalisée avec un vasoconstricteur (1/200 000) pour diminuer le saignement sur le site opératoire et potentialiser la durée de l'anesthésie. Si le site le permet, il faut effectuer une hémostase locale efficace. Pour cela, une éponge hémostatique doit être insérée dans l'alvéole ou l'os soigneusement curetés ; des points de suture simple avec rapprochement des berges de la plaie bord à bord doivent être effectués et complétés par une compression hémostatique de 10 minutes avec une compresse imbibée d'acide tranexamique. L'utilisation de colle biologique est conseillée après les sutures. Une prescription postopératoire de bains de bouche passifs avec de l'acide tranexamique est possible 4 fois par jour pendant 5 jours. Le patient peut être libéré dès que le saignement est maîtrisé. Dans le cas d'un surdosage, il convient de reporter l'intervention jusqu'à la régularisation de l'état du patient, sauf s'il s'agit d'une situation d'urgence (décrite ci-dessous) (Sié et al., 2012 ; Heidbuchel et al., 2013).

Protocole avec arrêt court

Les actes à haut risque hémorragique sont concernés par le protocole avec arrêt court. Il prévoit un arrêt 24 heures avant l'intervention et la reprise du traitement 24 heures après (soit pas de prise de NACO la veille au soir et une reprise le lendemain matin ou soir). Cette option est envisagée pour une fonction rénale normale (clairance > 80 ml/min). Cette fenêtre de 48 heures est possible grâce à la demi-vie courte de ces molécules. Le reste du protocole d'hémostase locale est identique au précédent. Le dosage par des tests biologiques adaptés est indispensable à cause de la variabilité interindividuelle des NACO. Il faut s'assurer que le patient est sous les 50 ng/ml, qui correspondent à environ 2 demi-vies d'élimination. Il est primordial de connaître l'heure de la dernière prise médicamenteuse pour pouvoir interpréter le résultat suivant le temps nécessaire pour atteindre concentration maximale (Cmax) et la demi-vie de chaque molécule.

Une modulation suivant la fonction rénale est à effectuer pour ce protocole (fig. 2). Pour le rivaroxaban et l'apixaban, pour une clairance comprise entre 15 et 30 ml/min, il convient d'arrêter la prise médicamenteuse 36 heures avant l'intervention (soit de ne pas prendre la dose la veille au matin). Pour le dabigatran, pour une clairance entre 50 et 80 ml/min, l'arrêt doit se faire 36 heures avant l'acte et, pour une clairance entre 30 et 50 ml/min, il doit se faire 48 heures avant (soit ne pas prendre la dose le soir de l'avant-veille). Des clairances inférieures à 30 ml/min lors d'une prise de dabigatran et sous les 15 ml/min pour le rivaroxaban et l'apixaban sont une contre-indication à une intervention chirurgicale (Sié et al., 2012 ; Heidbuchel et al., 2013).

Protocole avec arrêt prolongé

Sont concernées toutes les interventions chirurgicales ne pouvant permettre une hémostase locale satisfaisante ou par nature très hémorragiques chez un patient sain. Ces situations seront plus souvent rencontrées lors de chirurgie maxillo-faciale que bucco-dentaire. En raison de la variabilité interindividuelle de la pharmacocinétique des NACO, un arrêt 5 jours avant l'intervention est préconisé afin d'éliminer toute la molécule. La reprise postopératoire doit se faire lorsque tout risque de saignement est écarté et lorsque la voie d'administration orale est disponible. Un délai de 48 à 72 heures est indiqué, compte tenu du délai d'action rapide de 2 à 4 heures des NACO. Si les patients présentent un risque thrombotique, un relais héparinique par HBPM ou par héparine non fractionnée est nécessaire. Ce relais est commencé 24 heures après l'arrêt de l'anticoagulant oral ou 48 heures après en cas de retard d'élimination (insuffisance rénale ou hépatique, faible poids, prise d'un inhibiteur puissant du métabolisme du NACO). Le relais est arrêté 24 heures avant l'intervention (dernière prise le matin de J – 1 pour les HBPM et le soir pour les héparines non fractionnées). La reprise a lieu dès que le risque hémorragique est contrôlé. Le NACO est repris 12 heures après la dernière injection d'héparine et quand la voie orale est disponible. Les deux traitements ne doivent pas se chevaucher (Sié et al., 2012 ; Heidbuchel et al., 2013).

Prise en charge de l'urgence

La confrontation aux situations d'urgence est quotidienne en milieu hospitalier et impose des décisions rapides. Pour cela, une conduite claire et prédéfinie doit être connue pour permettre une prise en charge adaptée et efficace en limitant tous les risques. Les chirurgies effectuées en urgence concernent 7,8 % de l'ensemble des chirurgies. Lors des études RELY et ROCKET-AF, les interventions chirurgicales ont été effectuées à environ 4 demi-vies d'arrêt des molécules pour atteindre une concentration de 30 ng/ml. Sur cette base, les auteurs en ont déduit que le taux plasmatique de 30 ng/ml était compatible avec une intervention chirurgicale sans augmentation du risque hémorragique. Dans toute prise en charge d'urgence, il faut connaître le poids du patient, son âge, la molécule prise, son dosage journalier, l'heure de la dernière prise et la clairance du patient afin d'évaluer la pharmacocinétique du NACO.

Les patients sous dabigatran dont le dosage est < 30 ng/ml peuvent être opérés directement, mais cette situation est peu probable si le traitement est correctement suivi. Pour une concentration comprise entre 30 et 200 ng/ml sans insuffisance rénale, il convient d'attendre 12 heures si l'état du patient le permet et de refaire un dosage à l'issue de ce délai avant de pouvoir envisager l'intervention. Entre 200 et 400 ng/ml sans insuffisance rénale, un délai de 24 heures avant le dosage est nécessaire. Si l'association d'un dosage supérieur à 200 ng/ml et d'une clairance inférieure à 50 ml/min est présente, l'hémodialyse peut être discutée. Cependant, la dialyse ne peut éliminer que 40 à 60 % du dabigatran en 4 heures, ce qui impose une phase d'attente pour atteindre la concentration de sécurité. Les doses supérieures à 400 ng/ml indiquent un surdosage et engendrent une prise en charge adéquate (hémodialyse, plateau de réanimation).

Le protocole pour les patients sous rivaroxaban est identique à celui pour le dabigatran à la nuance près que la dialyse n'est pas indiquée car l'excrétion rénale est dans ce cas faible (fig. 3).

Si un délai d'attente n'est pas envisageable, l'intervention doit être réalisée sans prémédication procoagulante. L'administration de CCP ou de facteur VII recombinant est alors indiquée si un saignement anormal peropératoire ou postopératoire est constaté. Il est conseillé de commencer par la dose la plus faible puis d'augmenter si nécessaire. Pour le CCP non activé, les doses sont de 25 à 50 U/kg et pour le CCP activé (FEIBA®) de 30 à 50 U/kg (Pernod et al., 2013).

Prise en charge des hémorragies

En cas d'hémorragie, une concentration plasmatique de dabigatran ou de rivaroxaban inférieure ou égale à 30 ng/ml prouve qu'elle n'est pas due au NACO, il faut donc en trouver la cause. Pour les hémorragies imputables aux NACO, le geste hémostatique local ou la reprise chirurgicale est à préconiser. Si celui-là n'est pas suffisant, l'administration de CCP ou de facteur VIIr dans un second temps est possible, voire une hémodialyse pour le dabigatran.

Ces protocoles d'urgence sont relativement peu spécifiques, mais l'absence de molécules antagonisantes spécifiques aux NACO empêche une prise en charge optimale (Pernod et al., 2013).

Conclusion

La connaissance de la pharmacocinétique de ces molécules que sont les NACO est la clé pour une prise en charge adaptée. Tout protocole doit peser, d'une part, le risque thrombotique et, d'autre part et surtout, le risque hémorragique. La plupart des actes chirurgicaux en chirurgie dentaire permettent une hémostase locale satisfaisante et, donc, une maîtrise du saignement. Avant chaque prise de décision, il est primordial de se concerter avec le prescripteur afin d'établir la prise en charge la plus adaptée pour le patient. 

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