Article
Paul MATTOUT 1 / Cristina VAIDA 1 / Brice HOUVENAEGHEL 1 / Hessam NOWZARI 2
1- GEPI (Groupe d'étude en parodontologie et implantologie)
224, avenue du Prado
13008 Marseille2- 120, South spalding drive suite 201
Beverly Hills California 90212
Parondotologie et implantologie exclusives
Résumé
Le but de ce travail était d'évaluer la résorption osseuse péri-implantaire à long terme autour d'implants lisses. Les paramètres suivants ont été étudiés : le recul, le sexe des patients, leur âge, l'arcade et le site.
Le travail a porté sur 700 implants posés sur 136 patients sélectionnés au hasard dans un cabinet de parodontologie et d'implantologie exclusives. Tous les implants MK2 et MK3 du système Brånemark étaient lisses et avaient été posés en deux stades chirurgicaux chez des patients au parodonte sain ou assaini. La résorption osseuse a été mesurée en millimètres sur les clichés radiographiques rétroalvéolaires avec un recul de 5 à 16 ans.
Les implants sans résorption (moins de 1 mm) étaient plus nombreux parmi ceux qui avaient le plus de recul (de 10 à 16 ans). Les implants sans résorption osseuse (moins de 1 mm) étaient plus nombreux à la mandibule et en postérieur ; en revanche, la résorption osseuse de plus de 2 mm ne dépendait ni de l'arcade ni du site. La résorption osseuse péri-implantaire de plus de 2 mm était plus importante chez les femmes que chez les hommes et chez les patients de moins de 50 ans. Les échecs ne sont pas significativement liés à la résorption péri-implantaire. La résorption osseuse péri-implantaire est influencée par la technique de greffe utilisée. Une reconstruction osseuse par membrane associée à une greffe osseuse autogène permet d'obtenir les mêmes résultats que pour les cas ne nécessitant pas de reconstruction.
La faible résorption osseuse et le taux de survie implantaire élevé avec un recul important (16 années) peuvent être attribués à l'utilisation d'implants lisses et du protocole en deux stades chirurgicaux décrit par Brånemark.
The aim of the present long-term study was to measure bone loss around machined surface dental implants. The following parameters were examined: time, sex, age, and the surgical site.
A total of 700 MK2 and MK3 Brånemark system machined surface dental implants, placed in 136 patients in a private practice, were randomly selected. Implants were placed in two surgical stages in periodontally healthy patients. At 5 to 16-year post insertion, bone loss was measured using intraoral radiographs.
At 10 to 16-year follow-up, a high number of implants had less than a mm bone loss. Implants with less than 1 mm bone loss were also more numerous in the mandible and posterior sextants. However, bone loss over 2 mm depended neither on the sextant nor the site. Bone resorption of more than 2 mm was more prevalent in women than in men regardless of age and in patients under 50 years. Failures were not significantly related to bone resorption around implants. Bone resorption around the implant was affected by the grafting technique used. Membrane-associated bone reconstruction technique when combined with autogenous bone grafting provided the same results as for cases not requiring reconstruction.
The low bone resorption and high implant survival rate was observed with machined surface dental implants and a 2 stage surgical protocol as described by Brånemark.
Depuis que le concept de l'ostéo-intégration a été proposé par Brånemark (Brånemark et al., 1977), le traitement implantaire est devenu une option thérapeutique incontournable.
Adell et al. ont publié des études à long terme validant le principe de l'ostéo-intégration (Adell et al., 1981, 1990). Depuis ces études, de nombreuses publications ont évoqué le suivi de l'ostéo-intégration, mais peu d'entre elles couvrent des périodes de plus 10 ans (Brånemark et al., 1995 ; Lindquist et al., 1996, 1997 ; Schnitman et al., 1997 ; Lekholm et al., 1999).
Parmi les complications, la résorption osseuse péri-implantaire constitue l'observation radiographique la plus fréquemment rapportée dans ces études à long terme. Jusque dans les années 1990, cette résorption semblait mineure et a peu préoccupé les auteurs. Les chercheurs ont voulu corréler ce paramètre à la notion de succès implantaire tel que l'ont suggéré différentes études (Albrektsson et al., 1986 ; Albrektsson et Isidor, 1993). En effet, en 1993, lors de l'European Workshop on Periodontology, Albrektsson et Isidor ont redéfini le succès implantaire. Pour eux, la résorption osseuse ne doit pas dépasser 1,5 mm la première année de mise en fonction et 0,2 mm par an les années suivantes.
En 1999, Wennström et Palmer ont évalué les critères radiographiques de succès (Wennström et Palmer, 1999). Selon ces auteurs, une perte osseuse maximale de 2 mm reste acceptable pour une période de 5 années après mise en charge prothétique. La résorption se produirait essentiellement durant la première année ; en revanche, ce critère ne peut pas s'appliquer à la mise en charge immédiate.
À partir des années 2000, les auteurs divergent sur le taux de résorption osseuse « acceptable » pour un succès implantaire. Roos-Jansäker et al. font état d'une résorption plus fréquente que celle décrite auparavant et, surtout, qui progresse dans le temps (Roos-Jansäker et al., 2006). Ils rapportent une perte osseuse de 3 mm sur 20,4 % des implants après 9 à 14 ans de fonction. Fransson et al. observent une résorption osseuse péri-implantaire chez 28 % des patients (Fransson et al., 2005).
Pikner et al. ont réalisé une étude rétrospective de cas avec différents types de reconstructions prothétiques sur implants lisses (Pikner et al., 2009). Ils ont étudié le niveau de l'os marginal avec un long recul en tenant compte de différents paramètres tels que le sexe et l'âge des patients, le site et le type des reconstructions prothétiques. Globalement, ils observent les implants avec une perte osseuse ≥ 3 mm. Leur nombre augmente avec le temps (2,8 % au moment de la pose de la prothèse, 5,6 % au bout de 1 an, 10,8 % au bout de 5 ans, 15,2 % au bout de 10 ans, 17,2 % au bout de 15 ans et 23,5 % au bout de 20 ans).
Le but de l'étude présentée ici est d'évaluer le taux de résorption osseuse péri-implantaire avec un recul allant jusqu'à 16 années ainsi que l'influence éventuelle de cette résorption sur les taux de survie et d'échecs. Les résultats tiennent compte de différents paramètres tels que le recul, l'utilisation ou non d'une reconstruction osseuse, l'âge, le sexe des patients, l'arcade et le site.
Cette étude rétrospective sur le taux de résorption osseuse a été réalisée durant une période allant de 6 mois à 16 ans sur 136 patients répertoriés par ordre alphabétique dans le fichier d'un cabinet de parodontologie et d'implantologie exclusives. Chez ces patients, 700 implants lisses ont été posés par un même praticien selon le protocole de Brånemark (Brånemark et al., 1977 ; Adell et al., 1981).
L'examen clinique et radiographique a eu lieu au cours de la même année sur des patients qui avaient été implantés avec un temps T de recul. Après mise en charge de l'implant, les cas ont été classés en 4 groupes selon ce temps T de recul (T < 1 an ; 1 ≤ T < 5 ans ; 5 ≤ T < 10 ans ; 10 ≤ T ≤ 16 ans). Les patients ont répondu à un questionnaire de santé rigoureux et ne présentaient aucune contre-indication d'ordre systémique ou locale à l'implantation. Tous les patients, à une exception près, étaient en bonne santé aussi bien au moment de la pose des implants que lors des séances de maintenance et d'évaluation. Leur parodonte était sain ou préalablement assaini.
Un patient (que nous avons appelé J.D. et dont le questionnaire n'avait révélé aucune pathologie) a subi de nombreux échecs répétitifs qui nous ont incités à des investigations médicales. Celles-ci ont permis de déceler une pathologie parathyroïdienne non connue du patient jusqu'alors. Ce patient a été finalement exclu de l'analyse statistique.
Des examens radiographiques rétroalvéolaires ont été réalisés sur tous les patients au moment du second stade chirurgical, de la mise en charge prothétique, 1 an après mise en charge puis tous les 2 ans.
Tous les patients opérés avaient reçu un enseignement à l'hygiène bucco-dentaire. S'ils étaient atteints d'une parodontite, celle-ci avait été préalablement traitée. Dans ce cas, la chirurgie implantaire n'était prévue qu'après un minimum de 6 mois en postopératoire et un contrôle assurant la stabilité des résultats parodontaux.
Les implants étaient à surface lisse (MK2 et MK3, Brånemark System®, Nobel Biocare), posés selon le protocole de Brånemark (Brånemark, 1977) décrit par Adell et al. en deux stades chirurgicaux espacés d'environ 6 mois (Adell et al.,1981). Lors du premier stade chirurgical, le forage était réalisé pour que les implants soient vissés dans l'os jusqu'à ce que le plateau implantaire arrive au niveau de la surface de la crête osseuse.
Des implants unitaires ou multiples ont été inclus dans l'étude.
La mise en charge prothétique a été effectuée de manière différée et en respectant une morphologie prothétique permettant le passage des instruments d'hygiène.
Les reconstructions osseuses et la pose des implants ont été réalisées extemporanément.
Trois techniques ont été utilisées : greffe osseuse autogène, pose d'une membrane non résorbable seule ou association de ces deux techniques. Le greffon osseux était prélevé soit à l'aide d'un filtre à os lors du forage implantaire, soit au niveau de la symphyse mentonnière si le défaut osseux était plus volumineux. Les membranes utilisées étaient toujours non résorbables en Téflon (GORE-TEX®, membrane en polytétrafluoroéthylène expansé).
Le choix de la technique était décidé au moment de l'évaluation du défaut osseux et en fonction de l'importance de la surface implantaire dénudée. Plus le volume à reconstruire était important et plus la membrane soutenue par un greffon osseux était indiquée. Le greffon osseux était utilisé seul dans les cas de petits défauts osseux étroits et peu profonds (de 1 à 3 spires implantaires). La membrane seule était utilisée dans les défauts plus larges et plus profonds (au-dessus de 4 spires). Dans les cas où la membrane risquait de s'affaisser, un greffon osseux était associé.
La maintenance prévoyait des visites tous les 4 à 6 mois selon la méthodologie habituelle des cabinets de parodontologie avec appréciation de l'indice de plaque, de l'indice gingival et de la profondeur des poches parodontales et péri-implantaires.
Un contrôle radiographique rétroalvéolaire a été réalisé à 1 an postopératoire puis tous les 2 ans. La résorption osseuse a été mesurée en millimètres sur les clichés radiographiques rétroalvéolaires. Une mesure mésiale et une mesure distale ont été réalisées et la moyenne des deux a été retenue.
Le temps de recul n'a tenu compte que du dernier contrôle effectué avec examen clinique et radiographique.
Cet examen clinique et radiographique a été réalisé avec un recul de 6 mois à 16 ans après mise en charge prothétique, ce qui a permis d'observer rétrospectivement les taux de survie et d'échecs ainsi que le niveau de l'os péri-implantaire.
Les radiographies péri-apicales rétroalvéolaires ont été prises à l'aide d'angulateurs de Rinn selon la technique parallèle du long cône.
Les mesures ont été réalisées sur les radiographies au moment du second stade chirurgical et les contrôles postopératoires entre 6 mois et 16 ans après la mise en charge prothétique. Le niveau osseux a été observé en prenant comme référence le niveau de la plateforme de l'implant.
La perte osseuse a été déterminée en mesurant la distance (d) de la plateforme implantaire (P) à la crête osseuse au contact (C) de l'implant (fig. 1).
Tous les patients de l'étude ont été examinés au cours de la même année. Il s'agissait de patients venant régulièrement dans notre cabinet à leur séance de contrôle de maintenance. L'examen clinique, constitué essentiellement d'un sondage péri-implantaire, a été similaire à un examen parodontal tel qu'il se réalise habituellement dans un cabinet de parodontie.
Les radiographies rétroalvéolaires argentiques étaient d'excellente qualité et ont été examinées par un praticien sous binoculaire. Si un doute de lecture se présentait, un second praticien examinait la radiographie ; aucun écart n'a permis de rejeter une lecture.
La résorption osseuse (R) a été relevée sans tenir compte du recul. Quatre catégories ont été distinguées, permettant de répartir de manière compréhensible les degrés de résorption :
– de 0 à 1 mm (0 ≤ R ≤ 1), résorption absente ;
– de 1 à 2 mm (1 < R ≤ 2), résorption « physiologique » ;
– de 2 à 5 mm (2 < R ≤ 5), résorption « pathologique modérée » ;
– plus de 5 mm (R > 5), résorption « pathologique avancée ».
Vu le faible effectif dans certaines de ces quatre catégories, pour faciliter la lecture de l'analyse statistique, la résorption osseuse a également été répartie en deux groupes :
– groupe A, de 0 à 2 mm (0 ≤ R ≤ 2) ;
– groupe B, plus de 2 mm (R > 2).
La valeur de la résorption, le recul, le site, l'âge et le sexe du patient ainsi que l'arcade ont été relevés.
L'analyse statistique a été réalisée sur le nombre d'implants et sur le nombre de patients. Quand deux ou plusieurs implants ont été posés sur un même patient, ceux-ci ont été considérés comme indépendants dans l'analyse statistique.
L'âge au moment de la pose du premier implant a été retenu pour chaque patient.
Pour chaque site implantaire, le numéro de la dent remplacée par l'implant a été noté.
Les facteurs prédictifs de survie ou d'échec ont été analysés pour chaque paramètre ou pour des paramètres associés en utilisant le test du chi carré avec une significativité en dessous de 0,05.
Les variables quantitatives ont été exprimées par la moyenne, la médiane et les extrêmes.
Les calculs ont été réalisés en utilisant le programme SPSS version 16.0.2.
En tout, 700 implants ont été posés sur 136 patients (482 sur 97 femmes et 218 sur 39 hommes) (tableau 1). Le nombre d'implants en survie était de 658 (94 %) et, donc, il y en avait 42 en échec (6 %). En excluant le patient J.D., 95,9 % des implants étaient en survie. Les patients ont été répertoriés en fonction de trois tranches d'âge (moins de 50 ans, de 50 à 65 ans et plus de 65 ans). La majorité d'entre eux avaient plus de 50 ans. La moyenne d'âge des patients est de 63,1 ans (extrême : 22-92 ans). Sur les 700 implants, 375 ont été posés sur 90 maxillaires et 325 sur 80 mandibules. Le nombre d'implants posés dans les sites postérieurs (69,6 %) était plus important que dans les sites antérieurs.
Il est remarquable de noter que les implants qui ont le moins de résorption sont ceux qui ont le plus de recul.
Dans le groupe 2 < R ≤ 5 (9,2 %), les implants avec un recul de plus de 10 ans sont moins nombreux que ceux dont le recul est plus faible (< 5 ans et 5-10 ans : respectivement 14,8 et 13,9 %), mais les résultats ne sont pas significatifs.
De plus, le taux d'implants avec une résorption « absente » 0 ≤ R ≤ 1 (71,2 %) est plus élevé pour les implants avec plus de 10 ans de recul (p = 0,05) (tableau 2).
À la mandibule, le taux d'implants avec une résorption de moins de 2 mm est plus important pour les implants avec plus de 10 ans de recul (p = 0,02).
De même en antérieur, le taux d'implants avec une résorption de moins de 2 mm est plus important pour les implants avec plus de 10 ans de recul (p = 0,02) (tableau 3).
Sur l'ensemble de l'effectif, un seul implant avait plus de 5 mm de résorption (R > 5). Cet implant appartient au groupe ayant 5-10 ans de recul.
Les implants en survie et en échec ont été répertoriés dans un précédent travail (Mattout et al., 2015). Il est à noter que la résorption osseuse péri-implantaire n'est pas en relation avec les échecs.
Sur les 42 implants en échec (tableaux 4 et 5) :
– 37 (88,1 %) n'avaient pas de résorption (0 ≤ R ≤ 1) ;
– 2 (4,8 %) avaient une résorption « physiologique » (1 < R ≤ 2) ;
– 2 (4,8 %) avaient une résorption « pathologique modérée » (2 < R ≤ 5) ;
– 1 (2,4 %) avait une résorption « pathologique avancée » (R > 5).
Sur les 658 implants en survie :
– 408 (62 %) n'avaient pas de résorption (0 ≤ R ≤ 1) ;
– 160 (24,3 %) avaient une résorption « physiologique » (1 < R ≤ 2) ;
– 90 (13,7 %) avaient une résorption « pathologique modérée » (2 < R ≤ 5) ;
– aucun n'avait de résorption « pathologique avancée » (R > 5).
Pour les patients âgés de 50 à 65 ans, les implants sans résorption (0 ≤ R ≤ 1) étaient plus nombreux chez les hommes que chez les femmes (p = 0,01). En revanche, il n'y avait pas de différence pour les implants avec une résorption de plus de 2 mm (tableau 6).
Le taux d'implants avec une résorption pathologique (R > 2) était plus important pour les patients de moins de 50 ans (p = 0,01) (tableau 7).
Pour les patients de plus de 65 ans, le nombre d'implants avec une résorption pathologique (R > 2) était plus important chez les femmes que chez les hommes (p = 0,01).
Le taux d'implants avec une résorption pathologique (R > 2) était plus important pour les femmes que pour les hommes (p = 0,001).
La résorption osseuse pathologique n'a pas été influencée par le site et l'arcade (tableaux 8 et 9).
Il n'y avait pas de différence entre les taux d'implants qui avaient une résorption osseuse pathologique (2 < R ≤ 5) au maxillaire (13,6 %) et à la mandibule (12,6 %) (p = 0,05). En revanche, les implants sans résorption osseuse (0 ≤ R ≤ 1) étaient plus nombreux à la mandibule (70,5 %) qu'au maxillaire (57,6 %) (p = 0,001).
On n'a pas observé de différence significative entre les sites antérieurs et postérieurs pour la résorption osseuse pathologique modérée (2 < R ≤ 5) : 12,2 % en antérieur et 13,6 % en postérieur. En revanche, les implants sans résorption osseuse (0 ≤ R ≤ 1) étaient plus nombreux en postérieur (66,5 %) qu'en antérieur (56,8 %) (p = 0,02).
À la mandibule, le taux d'implants sans résorption osseuse (0 ≤ R ≤ 1) était plus important dans les sites postérieurs (73,6 %) que dans les sites antérieurs (60,8 %) (p = 0,05).
Dans les cas d'implant avec reconstruction osseuse, la résorption osseuse péri-implantaire est influencée par la technique de greffe utilisée.
La pose d'implants pouvait être associée ou non à une technique de reconstruction osseuse : greffe osseuse autogène seule, membrane non résorbable seule et membrane non résorbable associée à un greffon d'os autogène (tableaux 10 et 11).
Le taux d'implants avec une résorption osseuse absente (0 ≤ R ≤ 1) était différent en fonction du type de reconstruction osseuse (p = 0,001).
Le nombre d'implants avec une résorption osseuse pathologique était moins important dans les cas de reconstruction osseuse par membrane associée à une greffe d'os autogène (11,6 %) que dans ceux de reconstruction par membrane seule ou greffe osseuse autogène seule. (19,9 %) (p = 0,02) (tableau 12).
Il est également apparu que le faible nombre d'implants avec une résorption osseuse pathologique (R > 2) était similaire dans les cas qui n'avaient pas nécessité de reconstruction osseuse que dans ceux avec reconstruction par membrane associée à une greffe osseuse autogène (p > 0,9) (tableau 13).
Cette étude rétrospective a montré que les résultats à long terme des traitements implantaires avec des surfaces lisses sont favorables. Le taux moyen de résorption osseuse péri-implantaire est globalement faible puisqu'il atteint une moyenne de 0,8 mm. La perte osseuse a été répertoriée et classée selon le recul, l'âge, le sexe, le site, l'arcade et la technique de reconstruction osseuse.
Pour faciliter les observations,la résorption osseuse a été répartie en quatre catégories :
– l'absence de résorption si elle était inférieure à 1 mm (0 ≤ R ≤ 1) ;
– la résorption physiologique entre 1 et 2 mm inclus (1 < R ≤ 2) ;
– la résorption « pathologique modérée », entre 2 et 5 mm (2 < R ≤ 5) ;
– la résorption « pathologique avancée » (R > 5).
L'observation la plus remarquable est que les implants avec un recul de plus de 10 ans sans résorption sont les plus nombreux (71,2 %). Par extrapolation, on peut suggérer qu'il n'y aurait pas d'évolution dans la résorption, en tout cas pour les implants pour lesquels on a le plus de recul et donc qui ont été posés avec le protocole chirurgical initial de Brånemark (Adell et al., 1981).
Dans l'étude présentée ici, 13,2 % des implants avaient plus de 2 mm d'une résorption qui a été qualifiée de « pathologique ». Un seul implant avait plus de 5 mm de résorption. La majorité des implants avaient une résorption comprise entre 0 et 5 mm, comme dans l'étude de Carlsson et al. qui rapportent des résorptions de 0 à 5,3 mm (Carlsson et al., 2000).
Roos-Jansäker et al. ont trouvé sur 20,4 % des implants une perte osseuse de 3 mm après 9 à 14 ans de fonction (Roos-Jansäker et al., 2006).
Rasperini et al. ont rapporté une perte osseuse péri-implantaire d'une moyenne de 2,28 þ 0,72 mm à 10 ans postopératoires sur 120 patients (Rasperini et al., 2014). Ils ont également observé que la perte osseuse autour des dents adjacentes n'était que de 0,44 þ 0,23 mm. Les dents semblaient présenter un meilleur taux de survie et moins de résorption osseuse que les implants dentaires.
Dans la définition du succès implantaire (Albrektsson et Isidor, 1993), la résorption osseuse péri-implantaire est considérée comme normale pour des valeurs de 1,5 mm la première année, puis de 0,2 mm par an. Carlsson et al. ont ultérieurement rapporté une moyenne de résorption de 0,5 mm la première année puis de 0,05 mm chaque année suivante (Carlsson et al., 2000). Les résultats présentés ici montrent que la résorption qualifiée de « physiologique » n'est pas systématique. Dans les études actuelles, les auteurs s'intéressent à la résorption osseuse de plus de 1,5 mm au bout de 5 ans (Roos et al., 1997), de plus de 2 mm au bout de 5 ans (Pikner et Gröndahl, 2009) ou de plus de 3 mm jusqu'à 20 ans postopératoires (Pikner et al., 2009). Les auteurs rapportent rarement une résorption absente (0 ≤ R ≤ 1), qui semble pourtant être la plus fréquente dans notre étude comme dans celle de Fransson et al. qui rapportent une majorité de patients (72 %) avec une résorption osseuse qui n'évolue pas (Fransson et al., 2005).
Il apparaît nettement dans notre travail que les implants avec le plus de recul étaient ceux avec le moins de résorption. On note en effet une absence de résorption sur 71,2 % des implants pour lesquels le recul est de plus de 10 ans, sur 64,3 % pour ceux dont le recul est de 5 à 10 ans et sur 58 % pour ceux avec moins de 5 ans de recul. Ce résultat peut être expliqué par le respect des protocoles initialement proposés par Brånemark : tous les implants utilisés étaient lisses et posés en deux stades chirurgicaux ; après extraction, un délai d'au minimum 2 mois a toujours été respecté avant l'implantation. Les modifications qui ont pu être effectuées depuis les années 2000 concernent l'absence d'irrigation externe et de taraudage puisque les implants autotaraudants ont été proposés à cette période.
D'autres auteurs (Roos-Jansäker et al., 2006 ; Fransson et al., 2005 ; Baelum et Ellegaard, 2004 ; Ellegaard et al., 2006 ; Pikner et al., 2009), qui rapportent des implants posés jusqu'à la fin des années 1990, font également état du protocole chirurgical initial tel qu'il a été décrit par Adell et al. (Adell et al., 1985). Ces publications montrent, comme dans notre étude, que le traitement implantaire présentait à cette époque peu de complications avec un taux de résorption osseuse très faible.
Dès le début des années 2000, des modifications sont apparues dans les protocoles chirurgicaux ainsi que dans la fabrication des implants (état de surface implantaire, géométrie des implants, grade et origine du titane...). La majorité des études récentes ont été réalisées avec des reculs beaucoup moins importants, ne dépassant que rarement 5 ans et, donc, avec des implants et des protocoles modifiés. La résorption osseuse observée a été plus fréquente et plus importante que celle décrite jusqu'à la fin des années 1990, ce qui nous amène à penser que toutes ces modifications influencent négativement les résultats des traitements implantaires comme cela a été précédemment montré pour les taux d'échecs et de survie implantaires (Mattout et al., 2015).
Dans les cas d'implant avec reconstruction osseuse, la résorption osseuse péri-implantaire est influencée par la technique de greffe utilisée.
Dans les cas de reconstruction osseuse avec membrane non résorbable seule ou greffe osseuse autogène seule, la résorption est plus importante que dans les cas avec membrane associée à une greffe osseuse. Une reconstruction osseuse par membrane associée à une greffe osseuse permet d'obtenir les mêmes résultats que pour les cas ne nécessitant pas de reconstruction, comme le soulignent également plusieurs auteurs (Gielkens et al., 2007 ; Donos et al., 2005 ; Urban et al., 2009).
Par ailleurs, la résorption osseuse ne semble pas en relation avec les échecs. Le taux d'implants en échec avec absence de résorption osseuse est plus élevé que celui des implants en survie. En effet, sur 42 implants en échec, 37 sont sans résorption osseuse (0 ≤ R ≤ 1), 2 témoignent d'une résorption osseuse physiologique (1 < R < 2), 2 d'une résorption osseuse pathologique modérée (2 < R < 5) et 1 d'une résorption osseuse pathologique avancée (R > 5). Cet échec est le seul implant ayant une résorption osseuse supérieure ou égale à 5 mm.
Dans notre étude, la résorption est globalement semblable quel que soit le site.
Les sites sans résorption (0 ≤ R ≤ 1) sont plus nombreux en postérieur qu'en antérieur et à la mandibule qu'au maxillaire, ce qui confirme le résultat de Carlsson et al. (Carlsson et al., 2000).
On observe plus de résorption chez les patients de moins de 50 ans (23,9 % avec 2 < R < 5), que chez ceux de 50 à 65 ans (13,7 %) ou de plus de 65 ans (10,3 %).
Chez les femmes, la résorption est plus importante (16,4 %) avec 2 < R ≤ 5 que chez les hommes (6 %), ce qui confirme les résultats de l'étude de Mir-Mari et al. (2012).
Pour les patients de plus de 65 ans, les femmes présentent plus de résorption (13,9 %) que les hommes (2,8 %). Pour les patients de moins de 50 ans, il semble que les hommes aient moins de résorption (12,5 %) que les femmes (27,3 %).
Cette étude rétrospective à long terme a montré que les implants pour lesquels on avait le plus de recul avaient le taux de résorption le plus faible. Ce faible taux peut être attribué au respect du protocole initial de Brånemark (Adell et al., 1981) utilisant des implants lisses en deux stades chirurgicaux. Il a été montré ici que le taux de résorption n'est pas en relation avec l'échec implantaire. Dans les cas de reconstruction osseuse, seules les membranes non résorbables associées à de l'os autogène ont montré un taux de résorption aussi faible qu'avec l'os natif.